Article de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, dans "Le Parisien" du 9 mars 2009, sur le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer et sur la situation à la Martinique.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : Quand retournerez-vous aux Antilles ?
Yves Jégo : Sans doute dans la dernière quinzaine de mars, dès que l'examen du projet de loi pour le développement économique de l'Outre-Mer, qui démarre demain au Sénat, sera terminé. J'irai à Saint-Martin et à Saint Barthélemy, puis en Guadeloupe pour parler avec les responsables locaux de la mise en place du plan de soutien à l'économie. Je dois, en effet, vérifier comment s'appliquent les dispositions prises par le Gouvernement sur le terrain. Dans la foulée, je me rendrai aussi dans les Iles du sud : la Désirade, les Saintes et Marie-Galante. Le seul point d'interrogation concerne la Martinique. Je ne m'y rendrai évidemment que lorsque le blocage sera levé et que la situation sera redevenue normale.
Le Parisien : Le calme est revenu à Fort-de-France. Mais vendredi une manifestation a dégénéré, trois policiers ont été blessés. Craignez-vous d'autres violences ?
Yves Jégo : Il y a eu des incidents lourds, avec, d'un côté des manifestants pro-collectif et de l'autre une contre-manifestation des partisans de la reprise de l'activité. Cela a failli déraper très gravement. Ces incidents doivent inciter les négociateurs à boucler un accord très très rapidement. Faute de quoi nous risquons effectivement d'entrer dans un cycle extrêmement dangereux. Je rappelle qu'en Martinique, il y a eu un accord sur les salaires et un sur la baisse des prix dans les grandes surfaces. De plus, toutes les mesures sociales du Gouvernement ont été acceptées. La sortie de crise dépend donc uniquement de la bonne volonté des membres du collectif. En tout cas, ces tensions démontrent ce que j'ai dit depuis le début : aux Antilles, il ne s'agit pas seulement d'une crise sociale, mais bien d'une crise de société. Il y a, dans ces territoires, des déchirures douloureuses nées du passé. C'est d'ailleurs pour cela que ces conflits sont si difficiles à dénouer.
Le Parisien : A la Guadeloupe, le parquet de Pointe-à-Pitre a ouvert une enquête judiciaire contre Elie Domota pour incitation à la haine raciale après ses déclarations contre les békés...
Yves Jégo : Il y a eu un dérapage verbal inadmissible. Quelle que ce soit l'intensité d'un conflit social, dire à une catégorie de la population « faites ça ou partez » n'est évidemment pas acceptable. Pas plus d'ailleurs que les propos entendus d'un autre coté dans un récent reportage sur Canal Plus. Il est indispensable, pour reconstruire demain, que chacun en revienne à l'esprit républicain.
Le Parisien : En petit comité Nicolas Sarkozy aurait laissé entendre que votre sort était scellé. Que vous ne resteriez pas au gouvernement lors du prochain remaniement. En avez-vous parlé avec lui ?
Yves Jégo : Face à l'ampleur de la crise et aux risques qui existent encore, en particulier en Martinique, je vais vous décevoir mais je n'ai pas du tout l'intention de commenter les rumeurs. Je consacre toute mon énergie et toutes mes journées à trouver les solutions pour répondre aux angoisses de nos compatriotes. Tout autre attitude de ma part serait bien indigne de la mission qui m'a été confiée par le Président de la République et le Premier Ministre. Certains amis antillais m'ont appris un proverbe créole qui m'a permis de rester serein durant toute cette période : "Yo paka voyé woch an pyé bwa ki paka poté !" qu'on pourrait traduire par "Les arbres qui ne produisent pas de fruits ne reçoivent pas de pierre."
En Seine-et-Marne, on dirait "il n'y a que celui qui ne fait rien qui ne risque rien !"
source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 9 mars 2009