Texte intégral
N. Demorand.- Si on fait l'addition des annonces faites par différentes entreprises hier en Europe et aux Etats-Unis, on arrive au chiffre de 70.000 emplois supprimés pour la seule journée d'hier. 70.000 emplois ! Ca vous évoque quoi ce chiffre ?
C'est terriblement inquiétant, c'est terrible pour les gens, ça provoque beaucoup de crainte, on est au coeur de la crise en fait. La crise c'est d'abord et avant tout, malheureusement, du chômage, des risques de chômage ; partout les entreprises sont menacées, c'est normal, l'économie va moins vite, il y a moins de consommation, il y a moins d'investissement. Donc, bien sûr, les premiers qui payent ce sont évidemment les entreprises et le chômage. Mais c'est partout dans le monde ; c'est vrai aux Etats-Unis, vous le disiez, c'est vrai dans des entreprises extrêmement fragiles comme les petites entreprises.
Et on aura les chiffres du chômage jeudi pour la France, ils vont être très mauvais ?
Je laisserai C. Lagarde et L. Wauquiez les évoquer. Je n'ai pas d'information particulière là-dessus, j'imagine qu'ils ne peuvent pas être vraiment bons.
Est-ce que vous êtes toujours sceptiques sur l'opportunité de la grève de jeudi, considérant cette inquiétude que vous reconnaissez chez les salariés ?
Que ce soit clair : moi je suis très... enfin il faut écouter, bien évidemment, il faut écouter, il faut écouter toutes les inquiétudes, il faut essayer surtout d'y répondre. L'idée n'est pas d'en faire l'analyse tous les jours, les observer et décrire. L'idée, pour nous, c'est d'essayer d'agir pour trouver la solution de sortie, on est des acteurs de cette crise comme tous les gouvernements, et il faut faire un maximum jour et nuit pour en essayer d'en sortir le plus vite et de relancer l'économie, le pouvoir d'achat, etc., qui sont les mots d'ordre, qui sont les mots d'ordre de cette grève.
Mais sur l'opportunité de cette grève, vous avez eu des mots critiques ?
Moi je trouve qu'il y a d'autres moyens aujourd'hui pour se faire entendre. L'idée n'est pas de se... Il faut se faire entendre, bien sûr. Quand on a quelque chose à dire, il faut le dire. Mais je trouve qu'il y a d'autres moyens de le dire que de descendre dans la rue, un peu traditionnellement, comme on le fait depuis 30 ou 40 ans en France, avec les mêmes banderoles, avec des slogans d'ordre général, de faire d'abord descendre dans la rue les fonctionnaires, parce que eux sont les moins exposés au problème de l'emploi. Et puis...
Le privé est mobilisé là aussi dans le cadre de cette grève précise de jeudi.
Oui, mais enfin, je trouve qu'il y a d'autres moyens, que ce n'est pas adapté à un pays qui nécessairement est plus faible parce qu'il est dans la crise ; je vois que dans d'autres pays ça ne se passe pas comme ça, il faut du dialogue. Mais bloquer un pays, faire en sorte que les transports ne fonctionnent pas, ennuyer les gens quand ils sont encore extraordinairement craintifs et qu'ils ont peur de l'avenir, c'est de rajouter de la peur à la peur, de la crainte à crainte, et je trouve qu'il y a d'autres moyens que cela, plus adaptés à ce temps-là. Regardez ce qui se passe dans le Sud-Ouest avec cette tempête terrible ! Est-ce que, finalement, dans tout ce contexte, c'est une bonne réponse ? Je ne crois pas et je regrette vivement en fait ce mode d'expression absolument traditionnel en face d'une situation qui est absolument exceptionnelle.
Et alors vous voudriez quoi ?
Non mais ce n'est pas à moi de le dire, je ne vais pas...
Bah si, vous critiquez les autres. Donc, vous devez bien avoir une idée... Vous voudriez quoi ?
Je le dis parce que c'est mon droit. Je respecte évidemment le droit de grève et donc la question n'est pas là. Je dis simplement, je pense que ce n'est pas la bonne réponse aujourd'hui à une crise qui dépasse tout cela. On ferait mieux de se serrer un peu les coudes. Ce n'est pas totalement naïf de dire ça, je pense qu'il y a quand même quelque chose qui nous rassemble d'abord : c'est la France, c'est l'avenir de nos enfants, enfin c'est tout cela. On peut avoir des réponses différentes à cela quand on est dans la majorité, l'opposition, et heureusement. Mais en même temps, bloquer un pays...
Mais je pense que certaines personnes qui manifesteront jeudi peuvent dire la même chose : je suis inquiet pour mon pays, inquiet pour mes enfants !
Dès lors, qu'ils se démènent quoi ! Qu'ils bougent, qu'ils ne le fassent pas nécessairement, uniquement, en défilant ou en râlant !
Gréviste égale feignant ?
Non, mais qu'ils se bougent, qu'ils deviennent un acteur de la sortie de crise. Et devenir un acteur de la sortie de crise, c'est quand même, me semble-t-il, se remonter un tout petit peu les manches et se mettre à travailler plutôt à l'unité du pays. L'unité du pays, c'est très important dans ce domaine-là.
Pour le dire prosaïquement, quand on se fait virer de son emploi ou qu'on est en chômage technique voire en chômage technique de longue durée, comment devenir un acteur de la crise et se relever les manches ?
Mais il y a 36.000 manières de devenir acteur de la crise.
Enfin, de la sortie de crise.
La sortie de crise, oui. La France, c'est 64 millions qui en assument son destin, plus un Gouvernement, plus des chefs d'entreprises, plus un Parlement, plus des médias, c'est tout ça. Et quand on est dans une crise aussi profonde, je pense vraiment qu'il faut privilégier tous les scénarios où on se serre un peu les coudes plutôt que de se chamailler sans arrêt. Il faut écouter, il faut écouter la souffrance des gens, il faut répondre à cette souffrance par des mesures extrêmement concrètes. Mais je trouve ça un peu décalé de bloquer un pays le jour où il est particulièrement affaibli.
Même constat sur la motion de censure du Parti socialiste aujourd'hui à l'Assemblée ?
Ça, c'est de la procédure parlementaire. Je pense que le Parti socialiste essaye de se requinquer sur le dos de la crise. Je trouve aussi que ce n'est pas une attitude très responsable. Quand on les voit nuitamment chanter la Marseillaise, d'une façon un peu grotesque, en bas de la tribune de l'Assemblée, parce qu'ils considèrent que les libertés sont menacées, je trouve qu'en d'autres temps, les libertés étaient vraiment menacées ; les gens prenaient de vrais risques. Là, ce n'est pas le cas, quand on est député socialiste, on prend un risque assez minime. Donc, je pense que le Parti socialiste essaye de profiter de l'affaiblissement du pays par la crise, et cela ce n'est pas une bonne attitude. Je le dis très calmement, mais je pense qu'il y a d'autres moyens aussi de faire entendre sa différence. Quand il y a un débat, sur un autre plan de relance du Parti socialiste - certes qui vient bien tard, mais en même temps - ça c'est un débat, un débat intéressant. Mais quand on est le Parti socialiste, un grand parti d'opposition, divisé, terriblement divisé, peut-être peut-on aussi retrouver un peu de vigueur, non pas uniquement en proposant un contre-plan de relance, mais aussi en votant le plan de relance, parce que cela ce serait de la véritable unité. Rien ne peut les choquer dans le plan de relance. Ils peuvent dire : ce n'est pas suffisant, etc. Mais ils n'ont jamais dit que c'était insuffisant ou que ce n'était pas nécessaire. Donc, ils peuvent voter quelque chose qu'ils considèrent comme insuffisant et proposer à côté des compléments. Cela aurait été une attitude me semble-t-il responsable face à une crise comme jamais on en a vécue. Je veux vraiment le dire : si on veut sortir du chômage, retrouver la voie de la croissance, lancer les réformes nécessaires, il faut un peu d'unité nationale quand même !
J.-M. Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, dans le journal de 7 heures tout à l'heure, disait que le Plan de relance tel que vous l'avez fait, vous, le Gouvernement, profite aux banquiers pas aux salariés. Il disait d'une formule : "rien pour les salariés !"
Voyez encore, il agite, là, toutes les caricatures et toutes les démagogies. Nul n'a jamais dit qu'il fallait aider les banquiers, ce n'est pas notre problème, au contraire, le président de la République passe beaucoup de temps à vraiment dire aux banquiers, d'une façon extraordinairement puissante comme on ne leur a jamais dit : changez, restructurez-vous, mettez fin à vos bonus, limitez vos salaires. Enfin, le problème ce n'est pas les banquiers, le problème c'est le financement de l'économie. Le financement de l'économie !
Ils font leur boulot les banquiers, là, d'ailleurs ou pas ?
Mais je pense qu'ils pourraient le faire encore mieux. Il faut que les crédits repartent et on voit bien en France, comme dans le monde d'ailleurs, que les crédits ne repartent pas comme ils devraient repartir. On est en pleine crise, il faut ouvrir les yeux quoi ! On est en pleine crise ! Crise économique, et on commence à voir beaucoup, beaucoup de... Enfin, tous ces plans de relance vont payer, ils vont donner un sens, ils vont faire en sorte qu'on sorte de cette crise, avec un plan de relance américain, les Allemands, les Français, tous ceux qui vraiment se battent tous les jours pour essayer de sortir de la crise, il y aura bien un effet. Mais pour que cet effet soit majeur, à mon avis il faut préparer aussi l'après-crise quand on est dans la crise, c'est-à-dire faire les réformes nécessaires. Et la clé de ces réformes et la clé de la sortie de crise, c'est que le financement de l'économie reparte, il n'y a pas d'économie sans financement.
Est-ce que vous êtes favorable à ce que des traders touchent leurs bonus cette année dans les banques ?
Je pense qu'il faut partout limiter les rémunérations. Dès qu'une entreprise a obtenu une aide d'Etat, et c'est notamment vrai pour les banques, il faut évidemment limiter les rémunérations, parce qu'une rémunération importante ça affaiblit en ce moment l'entreprise, c'est du cash qui sort de l'entreprise, donc je pense que chaque chef d'entreprise est en face de ses responsabilités.
Cela, vous l'avez demandé aux banquiers ou pas, pour les traders ?
On ne va pas rentrer dans le détail des salaires eux-mêmes, parce qu'il y a des contrats de travail. Vous pourriez me dire aussi : faut-il respecter ou pas les contrats de travail ? Évidemment qu'il faut respecter les contrats de travail, il y a quand même un certain nombre de choses à faire. Mais je pense que de part et d'autre, il faut beaucoup de raison là-dedans. Car la sortie de crise, la lutte contre la crise, c'est aussi de bien faire comprendre aux opinions publiques, ce qui est compliqué, une situation extrêmement compliquée, avec beaucoup d'annonces, annonces internationales, avec beaucoup de coordination qu'il faut mettre, avec des mesures techniques, parfois très techniques, c'est très difficile d'expliquer. D'expliquer à la fois qu'on aide le financement, qu'en même temps on va aider les filières d'activité, que par ailleurs on apporte des garanties, que par ailleurs avec d'autres pays nous avons des mesures différentes, parce que notre économie n'est pas la même que celle d'autres pays, donc la médication n'est pas nécessairement la même, mais qu'en même temps ça doit être coordonné. Tout ça doit faire l'objet de plus en plus de beaucoup d'explication, de la part du Gouvernement, de la part du Premier ministre, de moi-même, de la ministre de l'Economie, du président de la République, évidemment, du ministre chargé de la Relance, enfin bref, de tous les hommes et les femmes au Gouvernement dans la majorité, mais aussi des français. Et je pense que les chefs d'entreprise, notamment les chefs d'entreprises de PME, ont beaucoup de... enfin, ils sont très nombreux, et dans les départements, on doit beaucoup parler de tout cela.
Deux questions rapides. Sur la question des dividendes, les entreprises qui ont touché de l'argent public doivent-elles ou non verser des dividendes à leurs actionnaires ?
Encore une fois, il faut que les choses soient faites d'une manière raisonnable. Un dividende c'est quoi ? C'est la rémunération du capital, donc si on veut que du capital vienne dans les entreprises, il faut du capital, et dans les banques il faut beaucoup de capital si on veut que les banques prêtent.
Ça ne vous choque pas si on verse des dividendes ?
Non, ça ne me choque pas qu'il y ait des dividendes, mais encore une fois, d'une façon raisonnable. La rémunération du travail doit passer avant la rémunération du capital, surtout dans des entreprises qui ont obtenu des aides d'Etat, et c'est cette contrepartie que le président de la République a demandée, pour l'automobile comme pour d'autres, avec des contreparties encore plus fortes. Par exemple, assumer la production de voitures en France, quand c'est pour les Français, à partir du moment où le secteur automobile a obtenu une aide du contribuable.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 janvier 2009
C'est terriblement inquiétant, c'est terrible pour les gens, ça provoque beaucoup de crainte, on est au coeur de la crise en fait. La crise c'est d'abord et avant tout, malheureusement, du chômage, des risques de chômage ; partout les entreprises sont menacées, c'est normal, l'économie va moins vite, il y a moins de consommation, il y a moins d'investissement. Donc, bien sûr, les premiers qui payent ce sont évidemment les entreprises et le chômage. Mais c'est partout dans le monde ; c'est vrai aux Etats-Unis, vous le disiez, c'est vrai dans des entreprises extrêmement fragiles comme les petites entreprises.
Et on aura les chiffres du chômage jeudi pour la France, ils vont être très mauvais ?
Je laisserai C. Lagarde et L. Wauquiez les évoquer. Je n'ai pas d'information particulière là-dessus, j'imagine qu'ils ne peuvent pas être vraiment bons.
Est-ce que vous êtes toujours sceptiques sur l'opportunité de la grève de jeudi, considérant cette inquiétude que vous reconnaissez chez les salariés ?
Que ce soit clair : moi je suis très... enfin il faut écouter, bien évidemment, il faut écouter, il faut écouter toutes les inquiétudes, il faut essayer surtout d'y répondre. L'idée n'est pas d'en faire l'analyse tous les jours, les observer et décrire. L'idée, pour nous, c'est d'essayer d'agir pour trouver la solution de sortie, on est des acteurs de cette crise comme tous les gouvernements, et il faut faire un maximum jour et nuit pour en essayer d'en sortir le plus vite et de relancer l'économie, le pouvoir d'achat, etc., qui sont les mots d'ordre, qui sont les mots d'ordre de cette grève.
Mais sur l'opportunité de cette grève, vous avez eu des mots critiques ?
Moi je trouve qu'il y a d'autres moyens aujourd'hui pour se faire entendre. L'idée n'est pas de se... Il faut se faire entendre, bien sûr. Quand on a quelque chose à dire, il faut le dire. Mais je trouve qu'il y a d'autres moyens de le dire que de descendre dans la rue, un peu traditionnellement, comme on le fait depuis 30 ou 40 ans en France, avec les mêmes banderoles, avec des slogans d'ordre général, de faire d'abord descendre dans la rue les fonctionnaires, parce que eux sont les moins exposés au problème de l'emploi. Et puis...
Le privé est mobilisé là aussi dans le cadre de cette grève précise de jeudi.
Oui, mais enfin, je trouve qu'il y a d'autres moyens, que ce n'est pas adapté à un pays qui nécessairement est plus faible parce qu'il est dans la crise ; je vois que dans d'autres pays ça ne se passe pas comme ça, il faut du dialogue. Mais bloquer un pays, faire en sorte que les transports ne fonctionnent pas, ennuyer les gens quand ils sont encore extraordinairement craintifs et qu'ils ont peur de l'avenir, c'est de rajouter de la peur à la peur, de la crainte à crainte, et je trouve qu'il y a d'autres moyens que cela, plus adaptés à ce temps-là. Regardez ce qui se passe dans le Sud-Ouest avec cette tempête terrible ! Est-ce que, finalement, dans tout ce contexte, c'est une bonne réponse ? Je ne crois pas et je regrette vivement en fait ce mode d'expression absolument traditionnel en face d'une situation qui est absolument exceptionnelle.
Et alors vous voudriez quoi ?
Non mais ce n'est pas à moi de le dire, je ne vais pas...
Bah si, vous critiquez les autres. Donc, vous devez bien avoir une idée... Vous voudriez quoi ?
Je le dis parce que c'est mon droit. Je respecte évidemment le droit de grève et donc la question n'est pas là. Je dis simplement, je pense que ce n'est pas la bonne réponse aujourd'hui à une crise qui dépasse tout cela. On ferait mieux de se serrer un peu les coudes. Ce n'est pas totalement naïf de dire ça, je pense qu'il y a quand même quelque chose qui nous rassemble d'abord : c'est la France, c'est l'avenir de nos enfants, enfin c'est tout cela. On peut avoir des réponses différentes à cela quand on est dans la majorité, l'opposition, et heureusement. Mais en même temps, bloquer un pays...
Mais je pense que certaines personnes qui manifesteront jeudi peuvent dire la même chose : je suis inquiet pour mon pays, inquiet pour mes enfants !
Dès lors, qu'ils se démènent quoi ! Qu'ils bougent, qu'ils ne le fassent pas nécessairement, uniquement, en défilant ou en râlant !
Gréviste égale feignant ?
Non, mais qu'ils se bougent, qu'ils deviennent un acteur de la sortie de crise. Et devenir un acteur de la sortie de crise, c'est quand même, me semble-t-il, se remonter un tout petit peu les manches et se mettre à travailler plutôt à l'unité du pays. L'unité du pays, c'est très important dans ce domaine-là.
Pour le dire prosaïquement, quand on se fait virer de son emploi ou qu'on est en chômage technique voire en chômage technique de longue durée, comment devenir un acteur de la crise et se relever les manches ?
Mais il y a 36.000 manières de devenir acteur de la crise.
Enfin, de la sortie de crise.
La sortie de crise, oui. La France, c'est 64 millions qui en assument son destin, plus un Gouvernement, plus des chefs d'entreprises, plus un Parlement, plus des médias, c'est tout ça. Et quand on est dans une crise aussi profonde, je pense vraiment qu'il faut privilégier tous les scénarios où on se serre un peu les coudes plutôt que de se chamailler sans arrêt. Il faut écouter, il faut écouter la souffrance des gens, il faut répondre à cette souffrance par des mesures extrêmement concrètes. Mais je trouve ça un peu décalé de bloquer un pays le jour où il est particulièrement affaibli.
Même constat sur la motion de censure du Parti socialiste aujourd'hui à l'Assemblée ?
Ça, c'est de la procédure parlementaire. Je pense que le Parti socialiste essaye de se requinquer sur le dos de la crise. Je trouve aussi que ce n'est pas une attitude très responsable. Quand on les voit nuitamment chanter la Marseillaise, d'une façon un peu grotesque, en bas de la tribune de l'Assemblée, parce qu'ils considèrent que les libertés sont menacées, je trouve qu'en d'autres temps, les libertés étaient vraiment menacées ; les gens prenaient de vrais risques. Là, ce n'est pas le cas, quand on est député socialiste, on prend un risque assez minime. Donc, je pense que le Parti socialiste essaye de profiter de l'affaiblissement du pays par la crise, et cela ce n'est pas une bonne attitude. Je le dis très calmement, mais je pense qu'il y a d'autres moyens aussi de faire entendre sa différence. Quand il y a un débat, sur un autre plan de relance du Parti socialiste - certes qui vient bien tard, mais en même temps - ça c'est un débat, un débat intéressant. Mais quand on est le Parti socialiste, un grand parti d'opposition, divisé, terriblement divisé, peut-être peut-on aussi retrouver un peu de vigueur, non pas uniquement en proposant un contre-plan de relance, mais aussi en votant le plan de relance, parce que cela ce serait de la véritable unité. Rien ne peut les choquer dans le plan de relance. Ils peuvent dire : ce n'est pas suffisant, etc. Mais ils n'ont jamais dit que c'était insuffisant ou que ce n'était pas nécessaire. Donc, ils peuvent voter quelque chose qu'ils considèrent comme insuffisant et proposer à côté des compléments. Cela aurait été une attitude me semble-t-il responsable face à une crise comme jamais on en a vécue. Je veux vraiment le dire : si on veut sortir du chômage, retrouver la voie de la croissance, lancer les réformes nécessaires, il faut un peu d'unité nationale quand même !
J.-M. Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, dans le journal de 7 heures tout à l'heure, disait que le Plan de relance tel que vous l'avez fait, vous, le Gouvernement, profite aux banquiers pas aux salariés. Il disait d'une formule : "rien pour les salariés !"
Voyez encore, il agite, là, toutes les caricatures et toutes les démagogies. Nul n'a jamais dit qu'il fallait aider les banquiers, ce n'est pas notre problème, au contraire, le président de la République passe beaucoup de temps à vraiment dire aux banquiers, d'une façon extraordinairement puissante comme on ne leur a jamais dit : changez, restructurez-vous, mettez fin à vos bonus, limitez vos salaires. Enfin, le problème ce n'est pas les banquiers, le problème c'est le financement de l'économie. Le financement de l'économie !
Ils font leur boulot les banquiers, là, d'ailleurs ou pas ?
Mais je pense qu'ils pourraient le faire encore mieux. Il faut que les crédits repartent et on voit bien en France, comme dans le monde d'ailleurs, que les crédits ne repartent pas comme ils devraient repartir. On est en pleine crise, il faut ouvrir les yeux quoi ! On est en pleine crise ! Crise économique, et on commence à voir beaucoup, beaucoup de... Enfin, tous ces plans de relance vont payer, ils vont donner un sens, ils vont faire en sorte qu'on sorte de cette crise, avec un plan de relance américain, les Allemands, les Français, tous ceux qui vraiment se battent tous les jours pour essayer de sortir de la crise, il y aura bien un effet. Mais pour que cet effet soit majeur, à mon avis il faut préparer aussi l'après-crise quand on est dans la crise, c'est-à-dire faire les réformes nécessaires. Et la clé de ces réformes et la clé de la sortie de crise, c'est que le financement de l'économie reparte, il n'y a pas d'économie sans financement.
Est-ce que vous êtes favorable à ce que des traders touchent leurs bonus cette année dans les banques ?
Je pense qu'il faut partout limiter les rémunérations. Dès qu'une entreprise a obtenu une aide d'Etat, et c'est notamment vrai pour les banques, il faut évidemment limiter les rémunérations, parce qu'une rémunération importante ça affaiblit en ce moment l'entreprise, c'est du cash qui sort de l'entreprise, donc je pense que chaque chef d'entreprise est en face de ses responsabilités.
Cela, vous l'avez demandé aux banquiers ou pas, pour les traders ?
On ne va pas rentrer dans le détail des salaires eux-mêmes, parce qu'il y a des contrats de travail. Vous pourriez me dire aussi : faut-il respecter ou pas les contrats de travail ? Évidemment qu'il faut respecter les contrats de travail, il y a quand même un certain nombre de choses à faire. Mais je pense que de part et d'autre, il faut beaucoup de raison là-dedans. Car la sortie de crise, la lutte contre la crise, c'est aussi de bien faire comprendre aux opinions publiques, ce qui est compliqué, une situation extrêmement compliquée, avec beaucoup d'annonces, annonces internationales, avec beaucoup de coordination qu'il faut mettre, avec des mesures techniques, parfois très techniques, c'est très difficile d'expliquer. D'expliquer à la fois qu'on aide le financement, qu'en même temps on va aider les filières d'activité, que par ailleurs on apporte des garanties, que par ailleurs avec d'autres pays nous avons des mesures différentes, parce que notre économie n'est pas la même que celle d'autres pays, donc la médication n'est pas nécessairement la même, mais qu'en même temps ça doit être coordonné. Tout ça doit faire l'objet de plus en plus de beaucoup d'explication, de la part du Gouvernement, de la part du Premier ministre, de moi-même, de la ministre de l'Economie, du président de la République, évidemment, du ministre chargé de la Relance, enfin bref, de tous les hommes et les femmes au Gouvernement dans la majorité, mais aussi des français. Et je pense que les chefs d'entreprise, notamment les chefs d'entreprises de PME, ont beaucoup de... enfin, ils sont très nombreux, et dans les départements, on doit beaucoup parler de tout cela.
Deux questions rapides. Sur la question des dividendes, les entreprises qui ont touché de l'argent public doivent-elles ou non verser des dividendes à leurs actionnaires ?
Encore une fois, il faut que les choses soient faites d'une manière raisonnable. Un dividende c'est quoi ? C'est la rémunération du capital, donc si on veut que du capital vienne dans les entreprises, il faut du capital, et dans les banques il faut beaucoup de capital si on veut que les banques prêtent.
Ça ne vous choque pas si on verse des dividendes ?
Non, ça ne me choque pas qu'il y ait des dividendes, mais encore une fois, d'une façon raisonnable. La rémunération du travail doit passer avant la rémunération du capital, surtout dans des entreprises qui ont obtenu des aides d'Etat, et c'est cette contrepartie que le président de la République a demandée, pour l'automobile comme pour d'autres, avec des contreparties encore plus fortes. Par exemple, assumer la production de voitures en France, quand c'est pour les Français, à partir du moment où le secteur automobile a obtenu une aide du contribuable.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 janvier 2009