Texte intégral
F. Rivière.- La France et l'Allemagne, qui tenaient hier un Conseil des ministres communs, ont confirmé leur volonté d'être à la pointe de la lutte contre les paradis fiscaux. La chancelière allemande et le Président français ont réclamé un mécanisme de sanctions internationales, une offensive d'ailleurs qui semble porter ses fruits puisque la Belgique, le Liechtenstein et Andorre ont annoncé publiquement hier un prochain assouplissement de leurs secrets bancaires. Est-ce que vous considérez que c'est une première victoire ?
Oui, je crois que c'est une première victoire et la preuve que lorsque la France et l'Allemagne sont d'accord en Europe, les choses avancent, les choses progressent. La suppression des paradis fiscaux, c'est un des objectifs du G20, nous avons déjà des progrès avec la levée du secret bancaire dans certains pays. Nous avons également fixé, hier, au sommet de Berlin, des objectifs en matière de régulations financières, en matière de supervision sur la base du rapport Larosière en matière de contrôle des hedge funds ; je crois vraiment que la France et l'Allemagne auront une position commune, forte pour le sommet du G20 de Londres. Ce qui est une bonne chose pour les deux pays et pour l'Europe toute entière.
Pour rester un instant sur les paradis fiscaux, il reste la Suisse et deux pays membres de l'Union européenne, l'Autriche et le Luxembourg qui, pour l'instant ne veulent pas assouplir leurs règles en matière de secret bancaire.
Oui, mais la chancelière comme le président de la République ont été très clairs hier : nous n'accepterons pas qu'il y ait certains lieux en Europe, ou ailleurs, dans lesquels la fraude fiscale soit encore possible, voire légale, où le détournement d'argent ou le blanchiment d'argent soit encore possible. Nous voulons fixer la liste des lieux et des systèmes bancaires dans lesquels c'est le cas, et pouvoir prendre les sanctions qui s'imposent. Je crois que si nous voulons que le filet soit efficace, il faut qu'il n'y ait aucun trou dans le filet.
De quelles sanctions pourrait-il s'agir ?
Je crois qu'on peut avoir des sanctions sur les institutions financières elles-mêmes, sur la capacité de refinancement de ces institutions. On a tout un panel de sanctions qui sont à la disposition des grandes institutions financières, notamment l'OCDE. Je crois qu'il faut savoir utiliser ces mécanismes-là pour faire en sorte qu'on ait une régulation financière qui soit plus stricte au lendemain du sommet du G20 de Londres.
Et est-ce que vous croyez que justement à Londres, au sommet du 2 avril, cette question des paradis fiscaux sera prioritaire ?
Je crois que c'est une question parmi d'autres. Elle est très importante parce que d'une part, elle est symbolique et qu'après la crise financière violente que nous venons de connaître, personne ne comprendrait, en Europe et ailleurs, que nous ne supprimions pas les paradis fiscaux. Mais c'est une question parmi d'autres. Je crois que la question de la supervision bancaire, par exemple, est aussi une question très importante. Il faut faire en sorte qu'on ait une supervision qui ne soit pas uniquement nationale mais européenne, pour qu'on puisse contrôler les flux de capitaux d'un pays à l'autre. Il faut que nous ayons un contrôle également des hedge funds, puisque ce sont ces fonds qui ont été en grande partie à l'origine de la crise...
Des fonds spéculatifs...
Des fonds spéculatifs. C'est tout cela qu'il faut regarder pour avoir à la sortie un système financier mieux organisé, mieux contrôlé et avec de véritables règles.
Alors en effet, la France et l'Allemagne ont hier affirmé leur détermination à aboutir à un renforcement de la réglementation du système financier au sommet du G20, et ont rejeté les appels américains à une intensification des plans de relance pour faire face à la crise. Est-ce que c'est la position aujourd'hui de tous les membres de l'Union européenne ?
Je crois que l'Union européenne a fait un effort considérable en matière de relance. La relance européenne, si l'on prend à la fois les dépenses budgétaires qui ont été engagées et également ce qu'on appelle les stabilisateurs automatiques, c'est-à-dire les dépenses sociales automatiques qu'il y a en cas de crise dans l'Union européenne et qu'il n'y a pas par exemple aux Etats-Unis, nous arrivons à un montant total de 3,3 % du PIB européen et de plus de 440 milliards d'euros. C'est un effort de relance absolument considérable. Je crois que la priorité aujourd'hui, c'est quoi ? C'est de mettre en oeuvre ces plans de relance, de faire en sorte qu'ils aient une action la plus rapide possible sur l'économie européenne, de façon à ce que l'économie soit relancée et à ce que nous retrouvions des emplois dès l'année prochaine, ce n'est pas réinjecter de l'argent dès le sommet de Londres. Le sommet de Londres, il a été prévu pour réorganiser le système financier international, tenons-nous à cet agenda-là, réorganisons le système financier international.
Alors pour reformuler ma question, quand je dis "est-ce que c'est la position de toute l'Union européenne", est-ce que les Anglais sont aussi sur cette ligne-là ? Cela semble moins clair dans leur esprit...
Moi, je m'en tiens aux réunions qui ont été organisées depuis des semaines. Le G20 de Londres n'arrive pas comme ça, tombant du ciel, il y a eu des préparations, il y a eu notamment une réunion à Berlin le 1er mars. Et nous étions d'accord pour que le sommet du G20 de Londres soit un sommet de la régulation internationale dans le domaine de la finance. Nous avons eu aussi toutes sortes de réunions techniques depuis des semaines, depuis des mois, un travail très intense qui a été fait. Je crois que ce que ce travail très intense, il doit aboutir en avril à Londres, il doit aboutir à cette nouvelle organisation financière internationale, c'est ça l'objectif prioritaire. Nous voulons que ce sommet de Londres soit un grand succès, mais il sera un grand succès si nous nous concentrons sur cet objectif de la régulation financière internationale.
La Chancelière allemande A. Merkel s'est engagée hier à parler avec la direction du groupe Continental de la fermeture annoncée de son usine de Clairoix dans l'Oise, à l'issue d'une rencontre avec N. Sarkozy. Est-ce qu'il y a, selon les informations dont vous disposez, encore un espoir que la fermeture de ce site puisse être évitée ?
Je crois qu'en tout cas, il faut examiner toutes les solutions possibles. Nous le devons aux salariés de continental, aux salariés en Allemagne comme en France, à l'égard de qui des engagements avaient été pris et en échange de quoi, les salariés avaient accepté de travailler davantage et de faire un effort supplémentaire. Donc le minimum que nous puissions faire, en France et en Allemagne, autorités françaises, autorités allemandes ensemble, c'est de vérifier que les engagements pris peuvent être tenus, de vérifier que les procédures ont été respectées et de regarder toutes les solutions qui s'offrent à nous.
Apparemment il n'y a pas eu d'aide publique pour cette entreprise sur son implantation à Clairoix. Est-ce qu'une entreprise peut être sanctionnée uniquement parce qu'elle ne tient pas sa parole ?
Je ne parle pas de sanction. Je dis simplement qu'il faut regarder toutes les solutions que l'on peut trouver, Français et Allemands ensemble, pour aider les salariés de Continental.
Est-ce que cette affaire pourrait être un facteur de tension, de dégradation de la relation franco-allemande ?
Non, certainement pas. Je crois qu'au contraire, ce qui s'est passé au Conseil des ministres franco-allemand hier à Berlin, montre que la France et l'Allemagne sont main dans la main face à la crise. Elles ont des positions communes sur tous les sujets face à la crise économique et financière, elles ont décidé de coordonner leurs politiques économiques, pour la première fois de leur histoire, elles ont pris cet engagement-là. Elles ont décidé de faire front commun face à la crise financière en adoptant une position commune, elles ont décidé de réinvestir dans l'innovation et dans la recherche. Je crois qu'on a une France et une Allemagne unies face à la crise.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 mars 2009