Interview de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à I-Télévision le 25 février 2009, sur les propositions de la Commission Balladur, le dialogue social et la grève en Guadeloupe.

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Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazin - Merci d'être avec nous. Ministre du Travail, l'homme qui veut que les efforts soient partagés entre les patrons et les salariés. Et puis, c'est aussi un homme qui sera sans doute candidat aux régionales en Auvergne. La commission Balladur propose de réduire à quinze le nombre de régions, elle propose de faire disparaître la Picardie, de faire un Grand Paris, et une fusion Auvergne Rhône-Alpes. Est-ce que vous êtes prêt à l'autodissolution ?
D'abord, c'est bien que dans notre pays il y ait des commissions qui réfléchissent, qui imaginent, qui proposent. Et la commission Balladur - commission dans laquelle y a une grande diversité, puisqu'il y a P. Mauroy, l'ancien Premier ministre de F. Mitterrand ; il y a A. Vallini, député socialiste de l'Isère -, et cette commission va aujourd'hui se prononcer sur des propositions. Ensuite, ces propositions seront remises au président de la République, c'est le 5 mars, et à l'issue de cela, il y aura la décision d'une initiative législative ou pas. Parmi les mesures, il y en a effectivement beaucoup, mais parmi les mesures qui, semble-t-il, devraient être proposées, il y a une refonte de la carte des régions. Vous savez, il y a une très grande diversité en Europe des régions. Si vous prenez l'Europe à quinze, c'est-à-dire avant l'élargissement aux pays de l'Est et à Chypre et à Malte, vous aviez 211 régions. Ces 211 régions, vous aviez des grandes régions, vous aviez l'Ile-de-France, vous avez la Lombardie, vous aviez la Bavière, vous avez donc de très grandes régions qui ont entre 10 et 16 millions d'habitants. Mais vous avez aussi des toutes petites régions, vous avez le Val d'Aoste en Italie, et vous avez La Rioja en Espagne, ce sont des régions qui vont entre 75.000 et 275.000 habitants. Donc, la proposition Balladur, semble-t-il, c'est d'augmenter la taille des régions françaises. L'élément important, c'est que c'est sur la base, ça serait sur la base du volontariat, c'est ce qu'il faut dire.
Est-ce que ça vous plairait ?
Concernant l'Auvergne, l'Auvergne fait partie des régions qui sont clairement identifiées. Vous avez trois régions qui sont identifiées...
Donc, on garde l'Auvergne, c'est ça ? Vous êtes contre la confusion de l'Auvergne et de Rhône-Alpes, mais dites-le !
Vous avez trois régions identifiées : la Bretagne, l'Alsace et l'Auvergne. Ce sont trois régions qui sont identifiées par les Français. En revanche, si vous dites PACA, les gens ne savent pas ce que c'est. Si vous dites Midi-Pyrénées, bien malin celui qui arrive à donner la totalité des départements de Midi-Pyrénées. Pour l'Auvergne, c'est plus clair. Donc, j'observe, moi, la proposition Balladur, et son idée, semble-t-il, c'est de rattacher l'Auvergne à Rhône-Alpes. Je pense, en tout cas, qu'il ne faut pas se précipiter, il faut certainement faire de la pédagogie, il faut consulter la population.
Il est urgent d'attendre...
Et donc, engager une réflexion de manière sereine, et en tout cas certainement pas brutale. Et connaissons bien E. Balladur, je suis sûr que c'est son idée parce que la brutalité n'est pas dans ses gènes.
Vous avez sur la table comme ministre du Travail un certain nombre de dossiers, c'est le moins qu'on puisse dire, et un certain nombre de soucis. Qui vous agace le plus en ce moment ? L. Parisot, qui est un peu devenue la madame "non" du Medef, les syndicats qui font faire grève alors que vous leur avez mis sur la table agenda musclé, ou ce "mai 68 guadeloupéen", comme dit O. Besancenot ?
Moi, personne ne m'agace, ce n'est pas dans mon tempérament. Le président de la République m'a confié une mission, cette mission repose sur une méthode, c'est celle de l'écoute, de la concertation et du dialogue, mais tout ceci n'empêche pas d'ailleurs la détermination. Ce n'est absolument pas incompatible.
"Vous écoutez, il décide", pour reprendre une phrase ancienne ?
Non, non, j'écoute ce que disent les organisations syndicales. D'ailleurs, vous l'avez observé, dans le cadre de la grande réunion organisée autour du président de la République, il y a un certain nombre de pistes qui ont été retenues et qui provenaient précisément du dialogue. Ce n'était pas un faux dialogue, ce n'était pas un dialogue bidon, c'était un dialogue concret, un dialogue utile. Et là, donc, nous poursuivons ce dialogue dans le cadre, notamment, de ce qu'on appelle l'agenda social. J'ai écrit à l'ensemble des partenaires, syndicaux, patronaux, pour proposer un certain nombre de réflexions, un certain nombre de pistes. On va donc avancer.
Mais ça avance, on vous écoute de l'autre côté ? On a vraiment le sentiment que L. Parisot, notamment, est sur des positions très tranchées, notamment quand vous parlez "d'efforts partagés", c'est-à-dire le un tiers, un tiers, un tiers, du président de la République qui veut que les bénéfices et les profits soient partagés.
Ecoutez, j'aime autant que les positions des uns et des autres soient clairement affichées. Et il y a donc un langage de vérité, je préfère que l'on se dise tout à l'intérieur et que le langage soit le même à l'extérieur. C'est à l'évidence le cas avec l'ensemble des partenaires syndicaux et patronaux. Donc, ça c'était plutôt une bonne nouvelle. Maintenant, nous sommes dans une situation très particulière, nous vivons la crise la plus grave certainement depuis 1929, il y a donc des initiatives à prendre. Et dans ces initiatives à prendre, il faut que les efforts soient effectivement partagés et ne doivent pas reposer simplement sur telle ou telle catégorie.
Vous ne désespérez pas de faire bouger et L. Parisot et les syndicats de l'autre côté ?
Bien sûr ! Mais surtout, ce que l'on espère, c'est donner les moyens à notre pays de résister au mieux à la crise. Et là, aujourd'hui, on est totalement engagés, totalement mobilisés. Vous savez, des décisions importantes ont été prises, 6 millions de Français vont bénéficier d'une exonération fiscale. Dans le domaine qui est le mien, je suis aussi ministre de la Famille, 450 millions d'euros sont mobilisés en faveur des familles. Il faut que ça arrive vite...
D'où vient ce sentiment alors, B. Hortefeux, qu'il n'y a pas assez sur la table, et notamment pour le pouvoir d'achat ? Pas assez pour les plus pauvres et pour les précaires. D'où vient ce sentiment, qui est diffus ?
Eh bien, si c'est un sentiment, en tout cas ça ne correspond pas à la réalité. On marche sur les deux jambes : un, il y a un plan de relance massif...
Ah, c'était une expression socialiste il n'y a pas très longtemps...
A vrai dire, "marcher sur ses deux jambes", si vous voulez vraiment faire l'exégèse, c'était une expression chinoise, donc c'était à l'époque de feu Mao Tsé Toung.
Très bien !
Enfin, on ne peut pas reprendre toute sa philosophie. Mais en tout cas, l'image elle est bien là, c'est-à-dire qu'il y a ce plan de relance par l'investissement qui est un plan de relance massif, important, qui est en train de se déployer, qui, j'en suis convaincu, donnera des résultats. Et puis, il y a en même temps cette préoccupation constante qui est celle de préserver l'emploi parce que protéger le pouvoir d'achat, ça passe d'abord par la préservation de l'emploi. Et puis, pour répondre à votre interrogation, c'est aider les classes moyennes qui sont les plus fragiles, c'est le geste fiscal important qui a été engagé...
Mais pas la moitié de Français qui ne paient pas d'impôt.
Vous savez, les Français paient tous l'impôt puisqu'ils paient la CSG.
Un Français sur deux ne paie pas l'impôt sur le revenu, on parle bien des tiers d'impôt sur le revenu.
Oui, mais ce que vous dites était juste mais - ça vous rajeunit beaucoup - jusqu'en 1989, à la création de la CSG. Depuis la CSG, en réalité, tout le monde est assujetti à l'impôt. La CSG c'est une contribution, c'est donc un produit qui revient à l'Etat, 80 milliards.
Cela m'amène à la Guadeloupe...
Donc, geste pour les classes moyennes, geste pour les plus défavorisés, ce qui a été initié il y a quelques mois, je ne reviens pas là-dessus, la prime à la casse, la prime à la cuve, le tarif social du gaz, la décision de versement anticipé du RSA. Tout ça, ce sont des gestes pour ceux qui sont là aussi les plus fragiles. Cela signifie que notre politique, elle repose sur un simple mot, c'est celui de la justice.
D'un mot, la Guadeloupe. Est-ce que quand O. Besancenot parle de "Mai 68 guadeloupéen" ça participe à vous inquiéter ?
O. Besancenot peut dire ce qu'il veut, il est le porteur d'une idéologie la plus ringarde, la plus dépassée, qui a été la plus totalitaire...
...Je vous parle de la Guadeloupe.
Mais, vous me citez, vous me parlez de la Guadeloupe à partir d'O. Besancenot, je vous réponds.
Certes !
C'est l'homme sans solution. Lui, rien, zéro solution. Alors maintenant, sur la Guadeloupe, c'est une situation particulière qui appelle des réponses spécifiques. On en est à la cinquième semaine de conflit, on ne peut pas en sortir comme ça en quelques heures. Simplement, il faut que la raison revienne, et nous sommes théoriquement dans le haut de la saison touristique de la Guadeloupe. Il y a 10.000 touristes, en réalité, aujourd'hui, il y en a 2 à 3.000, donc il faut que la raison revienne. Moi, je fais toute confiance, naturellement, aux négociateurs. Vous savez, Y. Jégo avait négocié, il y avait 132 demandes, 131 ont été satisfaites. Il faut aller naturellement un petit peu plus loin, et encore une fois, que la raison revienne.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2009