Interview de M. Luc Chatel, Secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "Radio Classique" le 11 février 2009, sur la tension en Guadeloupe, sur la cote de popularité en baisse de Nicolas Sarkozy après son intervention télévisée.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

J.-L. Hees.- Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie et de la Consommation et vous êtes aussi porte-parole du Gouvernement. On sent bien que la crise économique que l'on vit tend un peu les choses, même beaucoup parfois, socialement. Donc c'est le cas pour la Guadeloupe. Alors on dit que N. Sarkozy n'a pas trop apprécié l'idée qu'Y. Jégo rentre comme ça à Paris. Est-ce qu'il y repart- il vient d'arriver à la Guadeloupe, est-ce qu'il y repart - enfin les mains vides ?

D'abord, je voudrais m'inscrire en faux contre ce qui circule depuis hier. Le président de la République et le Premier ministre ont demandé au secrétaire d'Etat à l'Outremer, Y. Jégo, de revenir à Paris pour une réunion interministérielle qui s'est tenue hier à Matignon, et qui avait pour objet d'examiner l'ensemble des mesures, des propositions qui avaient été faites face à la situation qui se passe en Guadeloupe.

Réunion à laquelle vous participiez d'ailleurs.

A laquelle je participais. Il n'est pas revenu les mains vides, comme vous le dites, puisque sur les 132 mesures, propositions qui avaient été faites, il repart avec 131 propositions. Donc on fait mieux comme mains vides ! Il reste un sujet de débat, de discussion, qui est la question des salaires, la fameuse augmentation de 200euros. Le Gouvernement a tenu à réaffirmer hier - et c'est le message qu'Y. Jégo porte aujourd'hui en Guadeloupe - c'est l'affaire des partenaires sociaux. Ce n'est pas au Gouvernement de décider unilatéralement de l'augmentation des salaires. Et c'est encore moins au Gouvernement d'aller compenser une éventuelle augmentation de salaires qui serait le fruit de négociations entre les partenaires sociaux. Donc c'est ça le message aujourd'hui du Gouvernement vis-à-vis de la Guadeloupe. Donc un message d'accompagnement : nous prenons en compte la situation spécifique de la Guadeloupe - c'est les 131 mesures qui répondent à cette problématique - et nous laissons les partenaires sociaux discuter. Pour cela, il y aura deux médiateurs qui faciliteront les choses.

Bon alors, je retire l'expression « les mains vides », mais est-ce que c'est de nature à débloquer une situation que l'on sent extrêmement tendue et prête à s'exporter ailleurs, notamment aux Antilles ?

Ecoutez, d'abord il y a eu beaucoup d'écoute et beaucoup de discussions. Y. Jégo était depuis une semaine en Guadeloupe, il a eu l'occasion de rencontrer l'ensemble des acteurs, de discuter, de négocier, d'échanger. Et c'est ce qui a permis les avancées qui ont été validées hier par la réunion interministérielle à Matignon. Maintenant, il reste ce point de la négociation, l'affaire des salaires, c'est le sujet des partenaires sociaux, laissons-les discuter. Si les relations sont un peu tendues, il n'était pas anormal que le Gouvernement propose les services d'un médiateur sur le sujet.

On sent bien que c'est difficile dans ces périodes, enfin c'est difficile de dialoguer même de temps en temps. Et on voit aussi que les sondages montrent que les Français ne comprennent pas totalement la démarche du Gouvernement en ce qui concerne la crise. C'est rare de voir la cote de popularité du Président descendre après une intervention à la télévision. Donc, comment se fait-il que cela ne passe pas bien ce courant ?

Vous savez, c'est normal qu'il y ait une inquiétude. Nous avons une crise absolument sans précédent. Sans précédent par sa violence, par sa rapidité, par son intensité. Donc les Français, ils n'y sont pour rien, cette crise, elle leur tombe dessus et ils craignent d'être les victimes à travers, peut-être une perte d'emploi, une baisse d'activité ou des difficultés sur leur pouvoir d'achat. Donc, c'est tout à fait légitime qu'il y ait des interrogations, qu'il y ait des inquiétudes qui se manifestent. Donc je crois que dans ce moment là, il faut faire deux choses : il faut d'abord bien expliquer aux Français quelle est la nature de la crise, mais surtout la nature de la réponse que nous y apportons. C'est ce qu'a fait le président de la République, la semaine dernière ; et puis deuxième chose, il faut être très vigilant à ne pas laisser au bord du chemin les plus démunis, les plus fragiles. Et c'est également ce que nous faisons. Nous l'avons fait à travers des mesures fortes qui ont été adoptées. Je pense par exemple à la mise en place du revenu de solidarité active. Je rappelle que nous allons augmenter le minimum vieillesse de 7 %. Je rappelle que nous allons verser une prime exceptionnelle sur... d'avancer la mise en oeuvre du RSA, le 1er avril. Et puis nous sommes ouverts à la discussion avec les partenaires sociaux à la suite de la journée du 29 janvier dernier. Nous sommes ouverts à la discussion comme l'a dit le président de la République dans le cadre des rencontres qui auront lieu la semaine prochaine à l'Elysée.

Mais là aussi, on sent bien qu'il y a un problème, j'allais dire de confiance, parce que déjà, les organisations syndicales toutes unies disent : oui, mais on a déjà prévu une journée d'action postérieure à ce rendez-vous. Alors je veux bien que cela soit traditionnel dans une négociation, mais tout de même on sent qu'il y a vraiment une difficulté.

Vous savez, ça c'est un peu la méthode de négociations à la française. C'est-à-dire qu'on engage des discussions, mais on prévoit déjà la manif suivante. Bon ce qui est important, c'est que la discussion soit ouverte. Elle l'est, puisque depuis hier, B. Hortefeux, C. Lagarde, E. Woerth, accompagnés de M. Hirsch et L. Wauquiez, reçoivent les organisations syndicales. Et ils débattent avec eux, non seulement des mesures du Gouvernement, du plan d'action pour les prochains mois en matière économique et sociale, mais aussi ils sont ouverts à leurs propositions. Je vous prends un exemple : dans le domaine de l'automobile, nous avons annoncé lundi un plan massif pour la filière automobile. Nous l'avons fait en étroite concertation avec les partenaires sociaux. Je les ai reçus à plusieurs reprises, je les ai intégrés dans mon Comité stratégique pour l'avenir de l'automobile et nous avons d'ailleurs repris un certain nombre de leurs propositions. Je pense, par exemple, l'idée que les salariés qui seraient victimes de suppressions de postes dans l'industrie de production automobile puissent se recycler dans la distribution où il y a des besoins en main d'oeuvre et où les métiers sont de plus en plus proches. En fait, beaucoup plus que cela ne l'était auparavant, eh bien c'est une idée qui avait été suggérée par les syndicats.

Et les équipementiers par exemple, parce que, on a bien compris le plan en ce qui concerne l'industrie automobile, la production automobile. Mais on entendait dans le journal de 8 heures sur Radio Classique, il y a des équipementiers qui sont déjà en train de dégraisser, je déteste l'expression, mais leurs effectifs.

Alors cela n'a peut-être pas été assez dit depuis lundi. Le plan que nous avons présenté, que le président de la République a annoncé lundi, est un plan global. Ce n'est pas un plan pour les constructeurs automobiles. Alors bien sûr pour avoir une filière automobile, il faut des constructeurs, donc nous avons des mesures très fortes de soutien, notamment financier avec des contreparties, jamais vues en la matière de la part des constructeurs. Mais c'est un plan qui concerne aussi toute la filière de sous-traitance. Parce que, finalement, la majorité des emplois, ils sont dans ces PME, de la forge, de la fonderie, de la plasturgie, qui sont les fournisseurs de l'automobile. Alors nous avons des mesures très fortes à destination de toute cette filière. Je pense à des mesures de garantie, elles ont des difficultés à se financer sur le marché. Je pense à l'engagement que nous avons fait prendre par les constructeurs, de participer au fonds d'accompagnement pour permettre d'avoir des fonds propres pour consolider la filière de sous-traitance automobile. Je pense au code de bonnes pratiques qui a été signé entre les constructeurs et leurs sous-traitants, lundi, à l'Elysée. Donc, il y a de vraies avancées pour une filière qui souffre. On a vu d'ailleurs ce matin l'annonce de résultats du groupe PSA, c'est le premier signal d'alerte de l'impact de la crise économique sur l'automobile.

Comment vous allez expliquer tout ça à Bruxelles ?

Alors d'abord nous avons, nous travaillons avec Bruxelles depuis longtemps. C. Lagarde est allée à plusieurs reprises participer à des réunions de ministres. J'ai moi-même, lors des états généraux de l'automobile, le 20 janvier dernier, j'avais invité le commissaire européen à l'industrie, Verheugen. J'avais réuni les ministres européens de l'Industrie sur le sujet de l'automobile, ce jour même, les états généraux et j'étais la semaine dernière avec N. Kroes, la commissaire à la concurrence. Plusieurs choses sur ce point. D'abord, toutes les mesures que nous avons annoncées lundi, elles sont la déclinaison des orientations qui ont été proposées par la Commission le 18 décembre dernier. Donc dans ces mesures, il n'y a rien de scandaleux et il n'y a rien qui soit incohérent avec les mesures de la Commission. Deuxième élément, parce que je comprends qu'il s'agit de discuter des contreparties en fait que nous avons obtenues des constructeurs et de l'idée qu'on ne peut pas demander au contribuable français de participer au soutien de la filière, sans obtenir des contreparties. Nous pensons que c'est légitime et d'ailleurs ce n'est pas une nouveauté, J.-L. Hees. Moi, j'observe lorsque Toyota s'est implanté à Valenciennes, lorsque Smart s'est implanté en Lorraine, eh bien il y a eu un accompagnement public très important de l'Etat et des régions. Eh bien à l'époque, il y avait eu l'exigence de contreparties. Contreparties en terme d'emplois, contreparties en terme d'investissements dans ces régions. Donc ce n'est pas une nouveauté et il est normal qu'au moment où le contribuable français fait des efforts, eh bien en contrepartie, on obtienne des constructeurs qu'ils ne ferment pas d'usine.

Alors j'ai une petite question pour vous, Y. Chatel, qui est peut-être un petit peu compliquée, mais vous allez vite comprendre de quoi il s'agit. La SNCF, est-ce que c'est une société hors la loi ? Parce que le 3635 est surtaxé, me dit-on, à 0,34 centimes d'euros par minute. Or, c'est en contradiction avec la loi du 3 janvier 2008, qui porte votre nom d'ailleurs, si je ne m'abuse, qui interdit les numéros surtaxés pour les ventes à distance. Expliquez-moi ce grand mystère ?

Eh bien c'est exact et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé au président de la SNCF, G. Pépy, d'y surseoir et il s'y est engagé, c'était au moment où nous avons publié il y a quelques semaines - je l'ai accompagné pour diffuser les nouveaux systèmes d'information de la SNCF à destination du grand public - eh bien il s'est engagé à ce que ce service ne soit plus surfacturé. Alors maintenant que vous me le dites, c'est très bien, vous me faites un petit rappel, je vais voir avec lui quand est-ce que cela sera mis en oeuvre. Mais il s'y est engagé.

Mais il n'était pas au courant de la loi Chatel ?

Si, il était au courant et il s'est engagé à y mettre fin.

Bon, eh bien je vous remercie, enfin je vous remercie au nom des usagers, merci et bonne journée !


Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 février 2009