Texte intégral
N. Pierron et H. Gibier.- N. Pierron : Un mauvais bulletin scolaire, C. Lagarde, pour la France. Est-ce qu'on va payer plus cher après l'éventuelle sortie de crise ?
Non, moi je ne peux pas vous laisser dire qu'on a un mauvais bulletin scolaire, parce que, comme l'a très justement indiqué madame (ndlr : Laurence Boone, du Cercle des économistes), on est la meilleure signature avec l'Allemagne. Un tout petit peu derrière l'Allemagne. Donc, ce n'est pas un mauvais bulletin scolaire. Il y a une chose qui est certaine, c'est que, historiquement, on a toujours été un peu plus lent dans les périodes fastes à réduire les déficits, et donc à réduire l'endettement du pays. Mais le Premier ministre et le président de la République sont très, très fermes sur le sujet. On l'a dit avec E. Woerth, lorsqu'on a présenté le projet de loi de finances rectificative, avant-hier, devant les commissions, la trajectoire elle s'inscrit sur : réduction des déficits, réduction de la dette. On a un déficit aujourd'hui qui est très important, et c'est préoccupant. Mais il se divise en deux parties. On a une partie "déficit structurel", une partie "déficit crise", si j'ose dire.
N. Pierron : Conjoncturel.
Le "déficit crise", conjoncturel, puisque notre plan de relance il est temporaire, ciblé et il doit produire ses effets, vite, une fois qu'il a cessé de produire ses effets, il n'a plus besoin d'être financé, et donc toute cette partie-là elle disparaît. Et cela ne nous empêche pas de toute façon de poursuivre le train de réformes qui visent à simplement être moins dépensiers.
[Pause]
N. Pierron : On est toujours avec C. Lagarde, sur Radio Classique. On parlait de la dette. Le gouvernement prévoit de revenir à un déficit public inférieur à 3 % du PIB, dès 2012. Ca paraît : 1, très irréaliste et ça veut dire une diète extrêmement sévère pour les finances publiques. C. Lagarde par quel moyen on va revenir à 3 % dès 2012 ?
Ça veut dire, vous avez raison, une gestion très rigoureuse, très ferme, de la dépense publique. Mais ça veut surtout dire, des prévisions de croissance qui peuvent être jugées comme optimistes, en tout cas, elles sont positives pour le moment...
N. Pierron : Moins 1,5 % aujourd'hui, pour la France. Ça peut être revu à la baisse ?
Alors la prévision, donc, c'est moins 1,5 % pour 2009, c'est plus 1 % pour 2010 et ensuite, sur 2011 et sur 2012, on a un scénario à plus 2,5. Alors vous allez me dire, « c'est irréaliste. ». Un certain nombre de prévisionnistes sont d'accords avec nous, pour considérer qu'après une période de décroissance, et une période molle, il est assez traditionnel dans des cycles économiques d'avoir une reprise assez forte. Bon ! Vous savez, aujourd'hui, en matière de prévisions, moi, je suis extrêmement attentive et en même temps, un tout petit peu sceptique. Parce que aujourd'hui, qui peut prédire exactement ce que sera la croissance en 2011 et en 2012 ? Donc on fait des scénarios, des scénarii, tout simplement pour indiquer notre détermination à tenir la dette et tenir les déficits.
N. Pierron : Mais vous n'excluez pas, une nouvelle révision à la baisse de la croissance, du recul de la croissance française en 2009 et 2010 ?
On essaie...
N. Pierron : La Banque Centrale est à moins 2,5 % pour la zone euro.
Pour la zone euro, voilà, elle était à moins 2 %, elle a révisé à la baisse, dans ses prévisions d'hier. Moi, j'ai une approche, extrêmement réaliste et la plus transparente possible. On a révisé, régulièrement, au cours des 8 derniers mois, notre prévision de croissance. Et ça me paraît, tout simplement, honnête vis-à-vis de mes équipes, honnête vis-à-vis des Français, en général, et puis vis-à-vis de nos partenaires européens. C'est ce qu'on est tous en train de faire. On s'adapte au fur et à mesure des évolutions économiques qui ne sont pas particulièrement favorables et sur lesquelles on veut peser par, à la fois, la relance, et la réforme.
N. Pierron : H. Gibier, directeur de la rédaction Des Echos est à mes côtés, pour vous interroger, madame Lagarde. Une question sur les paradis fiscaux. H. Gibier : Oui, madame Lagarde, la France et l'Allemagne ont averti qu'elles voulaient agir contre les paradis fiscaux. Mais que pouvez-vous faire concrètement dans ce domaine ?
Ah ! On peut faire beaucoup de choses. D'abord, premier point, on le fait ensemble. On l'annonce ensemble, et j'espère bien que nous allons rallier l'ensemble de nos partenaires sur certains objectifs. Lesquels ? Il ne doit plus y avoir de trou noir, c'est-à-dire de zones qui sont, non pas de non droit, mais de non information, dans lesquels transitent, entrée, sortie, des capitaux, souvent en franchise d'impôts, mais surtout en franchise d'informations. Ça, ça ne doit plus exister. Alors on dit quoi ? On dit : premièrement, il faut établir la liste. On a demandé à l'OCDE, au Forum de Stabilité Financière et au GAFI de nous produire des listes, à jour, en fonction de critères très précis, de ce qu'on appelle des « centres non coopératifs. » On peut les appeler « paradis fiscaux » c'est un peu plus compliqué que ça, parce que, ce sont à la fois, des questions d'ordre fiscal, d'ordre prudentiel et qui concernent aussi le blanchiment des capitaux.
N. Pierron : Est-ce que c'est la Suisse, le Luxembourg et Monaco, par exemple, en feront partie de cette liste ?
Je ne peux pas préjuger de ce qu'on aura comme liste, produite par ces trois organismes, relativement indépendants et bien représentatifs.
N. Pierron : Est-ce qu'ils mériteraient d'en faire partie ?
Mais si ces trois pays ne fournissent pas des informations, sur le plan du droit et sur le plan des faits. Parce que vous savez, qu'il y a certains pays qui signent des conventions, qui s'engagent sur le papier, très bien, et qui ensuite dans la réalité ne fournissent pas des informations ou les soumettent et les subordonnent à tellement de conditions préalables, locales, par exemple l'accord du titulaire du compte. Ca, ça ne vaut pas. Donc il va falloir que ce travail-là, soit finalisé rapidement, l'OCDE est presque au bout de son travail, les deux autres avancent également bien. Une fois qu'on aura une liste, ça permettra ensuite deux choses, très précises : de demander aux établissements financiers, soit de cesser d'avoir des rapports avec ces centres, soit de nous fournir toutes informations sur les comptes et les activités au travers de ces pays. Et si ça n'était pas le cas, nous, il faudra qu'on en tire les conséquences, sur le plan de la supervision. C'est-à-dire qu'on remonte notamment les exigences de fonds propres.
N. Pierron : Si la Suisse, le Luxembourg et Monaco ne le font pas, ils sont donc sur cette liste ?
Attendez, je veux juste revenir, sur une deuxième conséquence. Ces pays, avec lesquels on a des conventions bilatérales, par exemple visant à éviter la double imposition, à ce moment-là, on pourrait tout à fait envisager de mettre fin à ces conventions.
H. Gibier : Le système de rémunération des traders a été dénoncé, comme un des facteurs de la crise. Est-ce que vous attendez des mesures sur ce domaine du G20 ? Ou au moins des recommandations ?
Ecoutez, je l'espère vivement. Nous, nous avons pris l'initiative, parce que de toute façon, on ne peut pas simplement attendre, que des accords internationaux se réalisent et se concluent. On a pris des mesures, j'ai demandé à la Fédération Bancaire Française de formuler des propositions. Je les ai reçus, il y a maintenant une quinzaine de jours, et ce sont des...
H. Gibier : Ils n'ont pas encore fait grand-chose jusqu'à présent ? Pardon ! H. Gibier : Les banquiers n'ont pas encore fait grand-chose dans ce domaine ?
La Fédération vient de sortir les prescriptions. Et moi, j'ai demandé aux banques de mettre ces systèmes-là, en place, le plus vite possible. Ca consiste en quoi ? Trois exemples. Premièrement, que les bonus ne soient pas payés en une année N, c'est-à-dire, vous réalisez l'opération, constatation d'un gain potentiel, réalisation du bonus. Ca, ce n'est pas possible. Il faut prévoir une partie différée du bonus qui soit subordonnée, à la réalisation effective du gain - ou de la perte, dans ce cas-là, évidemment, il n'y a pas de bonus. Deuxièmement, approbation de tous ces plans de rémunérations par le conseil d'administration. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit juridiquement responsable. Et qui puisse dire : bah ! Oui, on a approuvé ou n'a pas approuvé. Et puis troisième mesure qui a été proposée et qui me paraît une bonne mesure, c'est que, qu'on soit sur le devant de la scène, c'est-à-dire en « front office » ou qu'on soit à l'arrière, en train de traiter les ordres en « back office, » il faut qu'il y ait une harmonisation. Il ne faut pas qu'il y ait des seigneurs devant et des laborieux derrière.
N. Pierron : C. Lagarde on s'inquiète, tout de même, pour les banques. Est-ce que aujourd'hui, les comptes sont vraiment transparents ? Est-ce qu'il ne faut pas s'attendre à de nouvelles mauvaises surprises en 2009 ?
Vous savez, les comptes dépendent, d'une certaine manière, de la valorisation des actifs. Et, quand on a des méthodes de valorisation qui sont fondées sur les appréciations de marché et que les marchés évoluent, comme ils évoluent actuellement, nécessairement, il peut y avoir des révisions de la valorisation amenant à de nécessaires recapitalisations. Ça fait partie des scénarii possibles. Ce que je pense aujourd'hui...
N. Pierron : Mais est-ce qu'on a fait le ménage, aujourd'hui ?
...c'est que les banques ont fait un bon et solide ménage. Que l'ensemble des banques françaises, à deux exceptions près, a sorti des résultats positifs et que ça dénote très clairement une bonne capacité du secteur bancaire français. Je rappelle que ces comptes sont quand même établis sous l'autorité, notamment des commissaires aux comptes, qui attestent de la qualité de l'examen, de l'ensemble des lignes des bilans des banques.
H. Gibier : Mais il y a un nouveau souci d'inquiétude, aujourd'hui, ce sont les assurances. On voit qu'AXA souffre beaucoup en Bourse. Est-ce que l'Etat envisage d'intervenir dans ce domaine, un peu comme vous êtes intervenue dans le système bancaire ?
Vous savez, le principe est le même, dès lors que des établissements se trouveraient en situation de risque systémique, le président de la République l'a indiqué très fermement dans son discours de Toulon, si je me souviens bien, nous l'avons pratiqué, quand c'était nécessaire. Le même principe s'applique, j'espère que les compagnies d'assurances qui ont jusqu'à présent très bien résisté à la crise et bien géré leurs opérations, continueront de le faire.
N. Pierron : Vous seriez prête à intervenir auprès des assureurs, pour les soutenir éventuellement ?
Je vous ai répondu sur le risque systématique.
N. Pierron : C. Lagarde, une dernière question, un des dernières questions. H. Guaino, je le cite : « les conseillers... » J.-F. Copé, pardon, de l'UMP : « Les conseillers sont infiniment plus importants, que les ministres aujourd'hui. » Comment vous vivez une telle déclaration ? Psychologiquement, on a vu F. Pérol qui a pris une importance extraordinaire dans les médias, suite à sa nomination ?
Ecoutez, psychologiquement, je me porte très bien, je vous remercie. Je vous remercie, au passage, d'inviter des femmes aujourd'hui, je trouve que c'est une bonne idée. Et par ailleurs, vous savez, tout ce travail qu'on fait, c'est un travail d'équipe. Et je ne suis pas en train de...
N. Pierron : C'est un petit peu de la langue de bois ça ?
Non, pas du tout ! Pas du tout ! Il faut que vous sachiez, ce n'est pas du tout, ce n'est pas du tout de la langue de bois. On travaille avec nos équipes, au sein des cabinets. On travaille avec les équipes qui entourent et le Premier ministre et le président de la République, et c'est tout à fait légitime. Parce qu'on est collectivement responsable, sous l'autorité du président de la République en premier lieu, et avec un chef d'orchestre, qui est le Premier ministre.
H. Gibier : Dans la fusion Caisse D'Épargne/Banques Populaires, on a quand même eu, clairement l'impression que c'était l'Elysée qui était à la manoeuvre plus que Bercy ? Non ?
Mais c'est extraordinaire que vous ayez ces appréciations ! Les conseillers autour du Président étaient évidemment impliqués dans le traitement du dossier, en qualité de conseils et ont eu des tonnes de rendez-vous. Les conseillers du Premier ministre, même chose. Travaillant d'ailleurs très souvent, la main dans la main. Mes conseillers, même chose, travaillant, là aussi, la main dans la main, avec les conseillers de l'Elysée et de Matignon. Et puis ensuite, il y a un moment où il faut décider. Et chaque fois, qu'il y a eu à décider, finalement, moi, je l'ai toujours fait, évidemment, en étroite collaboration avec le Premier ministre et toujours en assentiment avec lui. Et chaque fois, qu'il y a eu des conventions à signer, en particulier, ou des protocoles d'accord, c'est moi qui en ai pris la responsabilité.
N. Pierron : C. Lagarde, ministre de l'Economie, merci d'avoir été ce matin l'invitée de Radio Classique.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mars 2009
Non, moi je ne peux pas vous laisser dire qu'on a un mauvais bulletin scolaire, parce que, comme l'a très justement indiqué madame (ndlr : Laurence Boone, du Cercle des économistes), on est la meilleure signature avec l'Allemagne. Un tout petit peu derrière l'Allemagne. Donc, ce n'est pas un mauvais bulletin scolaire. Il y a une chose qui est certaine, c'est que, historiquement, on a toujours été un peu plus lent dans les périodes fastes à réduire les déficits, et donc à réduire l'endettement du pays. Mais le Premier ministre et le président de la République sont très, très fermes sur le sujet. On l'a dit avec E. Woerth, lorsqu'on a présenté le projet de loi de finances rectificative, avant-hier, devant les commissions, la trajectoire elle s'inscrit sur : réduction des déficits, réduction de la dette. On a un déficit aujourd'hui qui est très important, et c'est préoccupant. Mais il se divise en deux parties. On a une partie "déficit structurel", une partie "déficit crise", si j'ose dire.
N. Pierron : Conjoncturel.
Le "déficit crise", conjoncturel, puisque notre plan de relance il est temporaire, ciblé et il doit produire ses effets, vite, une fois qu'il a cessé de produire ses effets, il n'a plus besoin d'être financé, et donc toute cette partie-là elle disparaît. Et cela ne nous empêche pas de toute façon de poursuivre le train de réformes qui visent à simplement être moins dépensiers.
[Pause]
N. Pierron : On est toujours avec C. Lagarde, sur Radio Classique. On parlait de la dette. Le gouvernement prévoit de revenir à un déficit public inférieur à 3 % du PIB, dès 2012. Ca paraît : 1, très irréaliste et ça veut dire une diète extrêmement sévère pour les finances publiques. C. Lagarde par quel moyen on va revenir à 3 % dès 2012 ?
Ça veut dire, vous avez raison, une gestion très rigoureuse, très ferme, de la dépense publique. Mais ça veut surtout dire, des prévisions de croissance qui peuvent être jugées comme optimistes, en tout cas, elles sont positives pour le moment...
N. Pierron : Moins 1,5 % aujourd'hui, pour la France. Ça peut être revu à la baisse ?
Alors la prévision, donc, c'est moins 1,5 % pour 2009, c'est plus 1 % pour 2010 et ensuite, sur 2011 et sur 2012, on a un scénario à plus 2,5. Alors vous allez me dire, « c'est irréaliste. ». Un certain nombre de prévisionnistes sont d'accords avec nous, pour considérer qu'après une période de décroissance, et une période molle, il est assez traditionnel dans des cycles économiques d'avoir une reprise assez forte. Bon ! Vous savez, aujourd'hui, en matière de prévisions, moi, je suis extrêmement attentive et en même temps, un tout petit peu sceptique. Parce que aujourd'hui, qui peut prédire exactement ce que sera la croissance en 2011 et en 2012 ? Donc on fait des scénarios, des scénarii, tout simplement pour indiquer notre détermination à tenir la dette et tenir les déficits.
N. Pierron : Mais vous n'excluez pas, une nouvelle révision à la baisse de la croissance, du recul de la croissance française en 2009 et 2010 ?
On essaie...
N. Pierron : La Banque Centrale est à moins 2,5 % pour la zone euro.
Pour la zone euro, voilà, elle était à moins 2 %, elle a révisé à la baisse, dans ses prévisions d'hier. Moi, j'ai une approche, extrêmement réaliste et la plus transparente possible. On a révisé, régulièrement, au cours des 8 derniers mois, notre prévision de croissance. Et ça me paraît, tout simplement, honnête vis-à-vis de mes équipes, honnête vis-à-vis des Français, en général, et puis vis-à-vis de nos partenaires européens. C'est ce qu'on est tous en train de faire. On s'adapte au fur et à mesure des évolutions économiques qui ne sont pas particulièrement favorables et sur lesquelles on veut peser par, à la fois, la relance, et la réforme.
N. Pierron : H. Gibier, directeur de la rédaction Des Echos est à mes côtés, pour vous interroger, madame Lagarde. Une question sur les paradis fiscaux. H. Gibier : Oui, madame Lagarde, la France et l'Allemagne ont averti qu'elles voulaient agir contre les paradis fiscaux. Mais que pouvez-vous faire concrètement dans ce domaine ?
Ah ! On peut faire beaucoup de choses. D'abord, premier point, on le fait ensemble. On l'annonce ensemble, et j'espère bien que nous allons rallier l'ensemble de nos partenaires sur certains objectifs. Lesquels ? Il ne doit plus y avoir de trou noir, c'est-à-dire de zones qui sont, non pas de non droit, mais de non information, dans lesquels transitent, entrée, sortie, des capitaux, souvent en franchise d'impôts, mais surtout en franchise d'informations. Ça, ça ne doit plus exister. Alors on dit quoi ? On dit : premièrement, il faut établir la liste. On a demandé à l'OCDE, au Forum de Stabilité Financière et au GAFI de nous produire des listes, à jour, en fonction de critères très précis, de ce qu'on appelle des « centres non coopératifs. » On peut les appeler « paradis fiscaux » c'est un peu plus compliqué que ça, parce que, ce sont à la fois, des questions d'ordre fiscal, d'ordre prudentiel et qui concernent aussi le blanchiment des capitaux.
N. Pierron : Est-ce que c'est la Suisse, le Luxembourg et Monaco, par exemple, en feront partie de cette liste ?
Je ne peux pas préjuger de ce qu'on aura comme liste, produite par ces trois organismes, relativement indépendants et bien représentatifs.
N. Pierron : Est-ce qu'ils mériteraient d'en faire partie ?
Mais si ces trois pays ne fournissent pas des informations, sur le plan du droit et sur le plan des faits. Parce que vous savez, qu'il y a certains pays qui signent des conventions, qui s'engagent sur le papier, très bien, et qui ensuite dans la réalité ne fournissent pas des informations ou les soumettent et les subordonnent à tellement de conditions préalables, locales, par exemple l'accord du titulaire du compte. Ca, ça ne vaut pas. Donc il va falloir que ce travail-là, soit finalisé rapidement, l'OCDE est presque au bout de son travail, les deux autres avancent également bien. Une fois qu'on aura une liste, ça permettra ensuite deux choses, très précises : de demander aux établissements financiers, soit de cesser d'avoir des rapports avec ces centres, soit de nous fournir toutes informations sur les comptes et les activités au travers de ces pays. Et si ça n'était pas le cas, nous, il faudra qu'on en tire les conséquences, sur le plan de la supervision. C'est-à-dire qu'on remonte notamment les exigences de fonds propres.
N. Pierron : Si la Suisse, le Luxembourg et Monaco ne le font pas, ils sont donc sur cette liste ?
Attendez, je veux juste revenir, sur une deuxième conséquence. Ces pays, avec lesquels on a des conventions bilatérales, par exemple visant à éviter la double imposition, à ce moment-là, on pourrait tout à fait envisager de mettre fin à ces conventions.
H. Gibier : Le système de rémunération des traders a été dénoncé, comme un des facteurs de la crise. Est-ce que vous attendez des mesures sur ce domaine du G20 ? Ou au moins des recommandations ?
Ecoutez, je l'espère vivement. Nous, nous avons pris l'initiative, parce que de toute façon, on ne peut pas simplement attendre, que des accords internationaux se réalisent et se concluent. On a pris des mesures, j'ai demandé à la Fédération Bancaire Française de formuler des propositions. Je les ai reçus, il y a maintenant une quinzaine de jours, et ce sont des...
H. Gibier : Ils n'ont pas encore fait grand-chose jusqu'à présent ? Pardon ! H. Gibier : Les banquiers n'ont pas encore fait grand-chose dans ce domaine ?
La Fédération vient de sortir les prescriptions. Et moi, j'ai demandé aux banques de mettre ces systèmes-là, en place, le plus vite possible. Ca consiste en quoi ? Trois exemples. Premièrement, que les bonus ne soient pas payés en une année N, c'est-à-dire, vous réalisez l'opération, constatation d'un gain potentiel, réalisation du bonus. Ca, ce n'est pas possible. Il faut prévoir une partie différée du bonus qui soit subordonnée, à la réalisation effective du gain - ou de la perte, dans ce cas-là, évidemment, il n'y a pas de bonus. Deuxièmement, approbation de tous ces plans de rémunérations par le conseil d'administration. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit juridiquement responsable. Et qui puisse dire : bah ! Oui, on a approuvé ou n'a pas approuvé. Et puis troisième mesure qui a été proposée et qui me paraît une bonne mesure, c'est que, qu'on soit sur le devant de la scène, c'est-à-dire en « front office » ou qu'on soit à l'arrière, en train de traiter les ordres en « back office, » il faut qu'il y ait une harmonisation. Il ne faut pas qu'il y ait des seigneurs devant et des laborieux derrière.
N. Pierron : C. Lagarde on s'inquiète, tout de même, pour les banques. Est-ce que aujourd'hui, les comptes sont vraiment transparents ? Est-ce qu'il ne faut pas s'attendre à de nouvelles mauvaises surprises en 2009 ?
Vous savez, les comptes dépendent, d'une certaine manière, de la valorisation des actifs. Et, quand on a des méthodes de valorisation qui sont fondées sur les appréciations de marché et que les marchés évoluent, comme ils évoluent actuellement, nécessairement, il peut y avoir des révisions de la valorisation amenant à de nécessaires recapitalisations. Ça fait partie des scénarii possibles. Ce que je pense aujourd'hui...
N. Pierron : Mais est-ce qu'on a fait le ménage, aujourd'hui ?
...c'est que les banques ont fait un bon et solide ménage. Que l'ensemble des banques françaises, à deux exceptions près, a sorti des résultats positifs et que ça dénote très clairement une bonne capacité du secteur bancaire français. Je rappelle que ces comptes sont quand même établis sous l'autorité, notamment des commissaires aux comptes, qui attestent de la qualité de l'examen, de l'ensemble des lignes des bilans des banques.
H. Gibier : Mais il y a un nouveau souci d'inquiétude, aujourd'hui, ce sont les assurances. On voit qu'AXA souffre beaucoup en Bourse. Est-ce que l'Etat envisage d'intervenir dans ce domaine, un peu comme vous êtes intervenue dans le système bancaire ?
Vous savez, le principe est le même, dès lors que des établissements se trouveraient en situation de risque systémique, le président de la République l'a indiqué très fermement dans son discours de Toulon, si je me souviens bien, nous l'avons pratiqué, quand c'était nécessaire. Le même principe s'applique, j'espère que les compagnies d'assurances qui ont jusqu'à présent très bien résisté à la crise et bien géré leurs opérations, continueront de le faire.
N. Pierron : Vous seriez prête à intervenir auprès des assureurs, pour les soutenir éventuellement ?
Je vous ai répondu sur le risque systématique.
N. Pierron : C. Lagarde, une dernière question, un des dernières questions. H. Guaino, je le cite : « les conseillers... » J.-F. Copé, pardon, de l'UMP : « Les conseillers sont infiniment plus importants, que les ministres aujourd'hui. » Comment vous vivez une telle déclaration ? Psychologiquement, on a vu F. Pérol qui a pris une importance extraordinaire dans les médias, suite à sa nomination ?
Ecoutez, psychologiquement, je me porte très bien, je vous remercie. Je vous remercie, au passage, d'inviter des femmes aujourd'hui, je trouve que c'est une bonne idée. Et par ailleurs, vous savez, tout ce travail qu'on fait, c'est un travail d'équipe. Et je ne suis pas en train de...
N. Pierron : C'est un petit peu de la langue de bois ça ?
Non, pas du tout ! Pas du tout ! Il faut que vous sachiez, ce n'est pas du tout, ce n'est pas du tout de la langue de bois. On travaille avec nos équipes, au sein des cabinets. On travaille avec les équipes qui entourent et le Premier ministre et le président de la République, et c'est tout à fait légitime. Parce qu'on est collectivement responsable, sous l'autorité du président de la République en premier lieu, et avec un chef d'orchestre, qui est le Premier ministre.
H. Gibier : Dans la fusion Caisse D'Épargne/Banques Populaires, on a quand même eu, clairement l'impression que c'était l'Elysée qui était à la manoeuvre plus que Bercy ? Non ?
Mais c'est extraordinaire que vous ayez ces appréciations ! Les conseillers autour du Président étaient évidemment impliqués dans le traitement du dossier, en qualité de conseils et ont eu des tonnes de rendez-vous. Les conseillers du Premier ministre, même chose. Travaillant d'ailleurs très souvent, la main dans la main. Mes conseillers, même chose, travaillant, là aussi, la main dans la main, avec les conseillers de l'Elysée et de Matignon. Et puis ensuite, il y a un moment où il faut décider. Et chaque fois, qu'il y a eu à décider, finalement, moi, je l'ai toujours fait, évidemment, en étroite collaboration avec le Premier ministre et toujours en assentiment avec lui. Et chaque fois, qu'il y a eu des conventions à signer, en particulier, ou des protocoles d'accord, c'est moi qui en ai pris la responsabilité.
N. Pierron : C. Lagarde, ministre de l'Economie, merci d'avoir été ce matin l'invitée de Radio Classique.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mars 2009