Texte intégral
C. Barbier.- A. Joyandet, bonjour. N. Sarkozy s'adressera donc ce soir aux Français depuis Saint-Quentin, dans l'Aisne. S'agit-il de répondre à la manifestation de jeudi dernier ?
Il y a une inquiétude, je crois, chez nos concitoyens, il faut faire de la pédagogie, il faut expliquer, et c'est, je crois, le rôle du Président que d'expliquer et encore d'expliquer.
Il devrait insister, nous dit-on, sur l'espoir d'une reprise en 2010. Est-ce la réalité ? Partagez-vous cet optimiste ? Est-ce que depuis votre ville de Vesoul, vous voyez le bout du tunnel ?
Ecoutez, il y a des choses qui vont mal, mais il y a aussi beaucoup de choses qu vont bien. Le bout du tunnel, ce serait dangereux de l'entrevoir ou de penser l'entrevoir tout de suite, mais il y a quand même un certain nombre de signes qui peuvent nous faire espérer que ça sera peut-être un peu moins long et un peu moins difficile qu'on nous le dit.
F. Fillon est à Washington, N. Sarkozy dialoguera demain avec B. Obama pour préparer le G20. Le G20 c'est le début de la fin de la crise ?
C'est capital le G20. Le G20 doit absolument aboutir, il doit absolument y avoir des résultats concrets, notamment pour une vraie régulation de la finance mondiale.
C'est une affaire de riches le G20 ou vous en attendez des choses pour votre zone de prédilection, vous, donc l'Afrique ?
Quand je dis "régulation", je dis forcément aussi pour les pauvres, c'està- dire aussi pour le Sud et c'est capital qu'il y ait un certain nombre de mesures pour réguler et pour rééquilibrer entre le Nord et le Sud. C'est aussi une question d'avenir et d'équilibre planétaire.
Il y a eu ce week-end le scandale des stock-options à la Société Générale. Et là, on apprend, d'après Libération, que le patron sortant de Valeo, T. Morin, va toucher 3,2 millions d'euros de parachute doré alors que l'Etat a mis 19 millions d'aide publique et que 207 millions ont été perdus par cette entreprise. Scandale ?
Ecoutez, l'entreprise a reçu des fonds publics, les fonds des contribuables, l'entreprise a fait des déficits, j'espère que le PDG aura la décence de ne pas encaisser cet argent.
Vous lui demandez de rendre l'argent.
Je crois que c'est quand même en ce moment des circonstances pendant lesquelles il y a des mesures exceptionnelles à prendre, et je pense que beaucoup, vous avez vu, beaucoup de chefs d'entreprise, beaucoup de patrons de banque, ont accepté un certain nombre de reculs par rapport à leurs avantages dans cette période absolument historique, je dirais. Donc, il faut que chacun prenne ses responsabilités et qu'on ne donne aucun signe en ce moment d'injustice.
Alors, demain, N. Sarkozy entame une nouvelle tournée en Afrique, il passera par les deux Congo et par le Niger. S'agit-il encore et toujours de réparer les effets toujours sensibles du fameux discours de Dakar en 2007 sur « l'homme africain immobile » ?
Non, vous savez, le président Sarkozy est celui qui sera allé le plus en Afrique en aussi peu de temps : cinq voyages - c'est le cinquième voyage - en moins de deux ans. Il y a fort longtemps qu'un chef d'Etat n'est pas allé aussi souvent en Afrique. Il souhaite changer complètement la relation avec l'Afrique, c'est un réservoir de croissance formidable, il faut continuer à s'intéresser à l'Afrique et ne pas la stigmatiser.
Le malentendu de Dakar est effacé ? On vous en parle quand vous allez voir, vous, les gouvernants là-bas ?
Pas du tout ! Moi, quand on me parle de la France, on me dit, on me parle de la France comme d'une Nation qu'on attend, on veut qu'elle soit partenaire, on veut une nouvelle relation, on ne veut plus du paternalisme ; on veut simplement des partenariats dans le développement économique. C'est ce que nous essayons de faire. Et avec N. Sarkozy, nous sommes en train de réorienter complètement notre partenariat avec l'Afrique au travers de toutes les initiatives de croissance. Nous sommes partenaires avec les entreprises, nous n'avons jamais mis autant d'argent sur la table, si je puis dire, pour les jeunes Africains qui veulent entreprendre en Afrique. C'est aussi une façon de lutter contre les flux migratoires.
Il y a l'économie, il y a les droits de l'Homme. Est-ce que le président de la République parlera des droits de l'Homme, notamment au Congo où il va passer ?
Oui, bien sûr, parce que c'est le message universel de la France. Malgré le fait que nous ne voulons pas nous retirer de l'Afrique, nous voulons rester sur nos grandes valeurs, les grandes valeurs de la France éternelle, j'allais dire. Evidemment les droits de l'Homme, la gouvernance, la transparence, le respect de la planète, c'est tout ça la France.
Qui écrit les discours cette fois-ci ? C'est H. Guaino, c'est vous-même, c'est C. Guéant, le secrétaire général ?
Vous savez, c'est toujours le Président qui met la dernière main à ses discours.
Alors, au Gabon, où ne se rend pas le Président, la France est-elle en train préparer l'après O. Bongo ?
Non, il n'y a pas d'après O. Bongo. Pour l'instant, la France elle prépare surtout l'après... comment dire, après cette période postcoloniale, nous sommes en train de préparer le développement économique, ses partenariats, c'est ça que nous voulons préparer et c'est ce que nous faisons, notamment avec l'Agence française du développement pour être présent dans le développement économique, parce qu'après 50 ans où la France a beaucoup apporté après la décolonisation, il ne faudrait pas qu'au moment où l'Afrique frémit, où l'Afrique se développe, que ce soit d'autres, que ce soit des pays émergents qui, au fond, se retrouvent dans l'économie africaine et que la France disparaisse.
On vous présente pourtant comme le conservateur plutôt de ce qu'on appelle la Françafrique, les vieilles amitiés, plutôt que l'inventeur d'une nouvelle époque.
Mais on est pourtant en train d'inventer une nouvelle époque avec 2,5 milliards d'euros qui sont proposés à l'économie africaine pour créer de nouvelles entreprises, pour prendre des participations dans ces entreprises, apporter des garanties, réorienter complètement notre politique vers de nouveaux partenariats, c'est ce que nous sommes en train de faire. On n'est pas obligé de déclamer en permanence un certain nombre d'anathèmes sur le passé. Il faut que nous restions présents en Afrique. Construire une nouvelle relation, ça ne veut pas dire renier le passé entre la France et l'Afrique. Il y a des zones d'ombre, certes, mais il y a beaucoup aussi de zones de lumière.
Pour ces investissements, on fait le poids par rapport aux Américains et surtout aux Chinois ?
Ecoutez, pour l'instant, les Chinois sont en train de mettre un peu la pédale douce mais je peux vous...
... bravo la crise ! Merci la crise !
Je ne sais pas si on peut le dire comme ça, mais en tout cas ils mettent un peu la pédale douce et pour nous, nous avons des enjeux entre l'Europe et l'Afrique qui sont absolument majeurs, et si nous ne sommes pas présents dans le cadre de ces partenariats, on se réveillera mal dans une vingtaine d'années avec une absence de la France. Et les droits de l'Homme, ils seront aussi portés par les entreprises françaises, et il faut que les entreprises françaises soient en Afrique.
Alors, un exemple, au Niger, Areva est présente. Areva a préservé ses intérêts dans les exploitations de minerais, notamment d'uranium. Combien a-t-il fallu payer et quel est l'engagement de la France ?
L'engagement de la France c'est surtout d'être un prestataire au travers de ses entreprises, qu'il soit un prestataire de très très grande qualité. Areva est une très grande entreprise, et le fait qu'elle ait pu signer au Niger, c'est quand même quarante ans devant nous, quarante ans d'uranium devant nous pour notre indépendance énergétique. Vous voyez bien que ce qui se passe en Afrique est important. La Françafrique, certes, on peut en parler longtemps, l'important c'est quand même de faire en sorte que ce soit nous qui soyons là au bon moment dans le développement économique.
Et sur le régime au Niger, du coup on passe l'éponge sur beaucoup de choses. Ce n'est pas la démocratie la plus exemplaire du monde.
On ne passe pas l'éponge, mais je pense qu'il faut savoir raison garder, savoir où on met le curseur. Je pense qu'il y a évidemment l'affirmation permanente des grandes valeurs et en même temps l'intérêt de la France, l'intérêt de nos entreprises et des nouvelles générations, je crois qu'il faut trouver un juste équilibre. Je pense qu'on ne peut pas en permanence, en permanence, stigmatiser l'Afrique, dire un certain nombre de choses sur les droits de l'Homme et laisser à d'autres les parts de marché.
En Mauritanie où il y a eu il y a quelques mois un coup d'Etat, notre intérêt c'est de faire avec le pouvoir en place ?
Pas faire avec le pouvoir en place puisque nous avons dit que nous voulions une solution constitutionnelle, qui se raccroche aux institutions de la Mauritanie. C'est avant tout aux Mauritaniens de trouver la solution, mais je pense que là encore, on est bien obligé à un moment donné de trouver un juste milieu entre nos exigences démocratiques, les enjeux stratégiques. La région, cette région où se trouve la Mauritanie, Nord Mali, Nord Niger, toute cette région du Sahel est actuellement une région stratégique en termes...
... face à l'islamisme ?
Mais bien sûr ! En termes de sécurité, donc nous devons être exigeants sur les règles, mais en même temps, nous devons faire particulièrement attention aux grands enjeux stratégiques de l'Afrique qui, je vous le rappelle, est à 12 km ou 14 km de l'Europe.
Les présidents gabonais et congolais ont protesté et protestent contre le gel de certains de leurs avoirs français, contre la polémique sur ce qu'on appelle les biens mal acquis. Garantissez-vous que la justice française travaillera en toute indépendance loin de la raison d'Etat ?
Bien sûr que la justice française, c'est ce que nous avons indiqué, j'ai d'ailleurs réagi officiellement pour dire que la justice française travaillerait dans une totale indépendance. J'ai indiqué également que, fort heureusement, en France, la presse est tout à fait indépendante et la presse fait son travail, la justice fait son travail.
A Madagascar, changement de pouvoir donc avec l'arrivée d'A. Rajoelina. Reconnaissez-vous que la France l'a aidé dans sa prise de pouvoir ?
On ne peut pas dire que la France l'a aidé, ce n'est pas vrai, parce que nous avons été très attentifs aux institutions malgaches.
Avec les yeux de Chimène quand même pour lui !
Oui ! Je me suis rendu sur place, d'ailleurs avec la Commission de l'Océan Indien, dans le multilatéral. Nous avons vu le président Ravalomanana, nous avons aussi vu Monsieur Rajoelina, mais en tout cas état de cause la France n'a pas privilégié telle ou telle solution, c'est l'affaire des Malgaches. Simplement, nous voulons surtout être garants de la paix et nous voulons aussi protéger les 20 000 ressortissants français à Madagascar.
Les Etats-Unis ont suspendu leur aide économique non humanitaire. La France va-t-elle en faire autant ?
La France, à chaque fois qu'il y a eu un problème de droit de l'Homme en Afrique, d'une manière générale, et ailleurs aussi, on a toujours suspendu nos aides, sauf l'aide humanitaire, parce que nous ne voulons pas rajouter à la misère des peuples.
En Afrique, le président de la République française parlera-t-il du préservatif ? Contrera-t-il les propos du Pape sur ce sujet ?
Ecoutez, les propos du Pape, je pense que c'est sans doute une maladresse et je pense que le Pape voulait dire sans doute autre chose. Il voulait dire que ça n'est pas uniquement, uniquement, avec la promotion du préservatif que l'on fera éteindre cette maladie. Je pense que c'est beaucoup plus une maladresse... Vous êtes indulgent ! Ecoutez, je n'imagine pas que ce seul propos résume la pensée du Pape.
L'Afrique du Sud vient de refuser un visa au Dalaï Lama. La France proteste-t-elle ?
Ecoutez, pour un pays qui a su si bien, avec un peu de temps, certes, combattre l'apartheid, le fait de refuser cela au Dalaï Lama, ça m'étonne et ça me déçoit un peu.
Vous êtes ministre ou candidat à 100 % pour les régionales l'an prochain ? Vous venez d'être investi.
J'ai été investi par l'UMP de la Franche-Comté. Nous verrons pour ce qui concerne les véritables élections, l'élection régionale en Franche- Comté. Pour l'instant, je suis au moins à 70 % dans mon ministère.
Et ça sera une seule région, Bourgogne - Franche Comté, d'ici dix ans ?
Je ne crois pas. Je crois que les deux régions souhaitent garder leur autonomie pour l'instant, et comme ça sera sur la base du volontariat, alors on verra bien.
Vous ne serez pas volontaire, on l'a compris. A. Joyandet, merci et bonne journée.
Merci, merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 mars 2009
Il y a une inquiétude, je crois, chez nos concitoyens, il faut faire de la pédagogie, il faut expliquer, et c'est, je crois, le rôle du Président que d'expliquer et encore d'expliquer.
Il devrait insister, nous dit-on, sur l'espoir d'une reprise en 2010. Est-ce la réalité ? Partagez-vous cet optimiste ? Est-ce que depuis votre ville de Vesoul, vous voyez le bout du tunnel ?
Ecoutez, il y a des choses qui vont mal, mais il y a aussi beaucoup de choses qu vont bien. Le bout du tunnel, ce serait dangereux de l'entrevoir ou de penser l'entrevoir tout de suite, mais il y a quand même un certain nombre de signes qui peuvent nous faire espérer que ça sera peut-être un peu moins long et un peu moins difficile qu'on nous le dit.
F. Fillon est à Washington, N. Sarkozy dialoguera demain avec B. Obama pour préparer le G20. Le G20 c'est le début de la fin de la crise ?
C'est capital le G20. Le G20 doit absolument aboutir, il doit absolument y avoir des résultats concrets, notamment pour une vraie régulation de la finance mondiale.
C'est une affaire de riches le G20 ou vous en attendez des choses pour votre zone de prédilection, vous, donc l'Afrique ?
Quand je dis "régulation", je dis forcément aussi pour les pauvres, c'està- dire aussi pour le Sud et c'est capital qu'il y ait un certain nombre de mesures pour réguler et pour rééquilibrer entre le Nord et le Sud. C'est aussi une question d'avenir et d'équilibre planétaire.
Il y a eu ce week-end le scandale des stock-options à la Société Générale. Et là, on apprend, d'après Libération, que le patron sortant de Valeo, T. Morin, va toucher 3,2 millions d'euros de parachute doré alors que l'Etat a mis 19 millions d'aide publique et que 207 millions ont été perdus par cette entreprise. Scandale ?
Ecoutez, l'entreprise a reçu des fonds publics, les fonds des contribuables, l'entreprise a fait des déficits, j'espère que le PDG aura la décence de ne pas encaisser cet argent.
Vous lui demandez de rendre l'argent.
Je crois que c'est quand même en ce moment des circonstances pendant lesquelles il y a des mesures exceptionnelles à prendre, et je pense que beaucoup, vous avez vu, beaucoup de chefs d'entreprise, beaucoup de patrons de banque, ont accepté un certain nombre de reculs par rapport à leurs avantages dans cette période absolument historique, je dirais. Donc, il faut que chacun prenne ses responsabilités et qu'on ne donne aucun signe en ce moment d'injustice.
Alors, demain, N. Sarkozy entame une nouvelle tournée en Afrique, il passera par les deux Congo et par le Niger. S'agit-il encore et toujours de réparer les effets toujours sensibles du fameux discours de Dakar en 2007 sur « l'homme africain immobile » ?
Non, vous savez, le président Sarkozy est celui qui sera allé le plus en Afrique en aussi peu de temps : cinq voyages - c'est le cinquième voyage - en moins de deux ans. Il y a fort longtemps qu'un chef d'Etat n'est pas allé aussi souvent en Afrique. Il souhaite changer complètement la relation avec l'Afrique, c'est un réservoir de croissance formidable, il faut continuer à s'intéresser à l'Afrique et ne pas la stigmatiser.
Le malentendu de Dakar est effacé ? On vous en parle quand vous allez voir, vous, les gouvernants là-bas ?
Pas du tout ! Moi, quand on me parle de la France, on me dit, on me parle de la France comme d'une Nation qu'on attend, on veut qu'elle soit partenaire, on veut une nouvelle relation, on ne veut plus du paternalisme ; on veut simplement des partenariats dans le développement économique. C'est ce que nous essayons de faire. Et avec N. Sarkozy, nous sommes en train de réorienter complètement notre partenariat avec l'Afrique au travers de toutes les initiatives de croissance. Nous sommes partenaires avec les entreprises, nous n'avons jamais mis autant d'argent sur la table, si je puis dire, pour les jeunes Africains qui veulent entreprendre en Afrique. C'est aussi une façon de lutter contre les flux migratoires.
Il y a l'économie, il y a les droits de l'Homme. Est-ce que le président de la République parlera des droits de l'Homme, notamment au Congo où il va passer ?
Oui, bien sûr, parce que c'est le message universel de la France. Malgré le fait que nous ne voulons pas nous retirer de l'Afrique, nous voulons rester sur nos grandes valeurs, les grandes valeurs de la France éternelle, j'allais dire. Evidemment les droits de l'Homme, la gouvernance, la transparence, le respect de la planète, c'est tout ça la France.
Qui écrit les discours cette fois-ci ? C'est H. Guaino, c'est vous-même, c'est C. Guéant, le secrétaire général ?
Vous savez, c'est toujours le Président qui met la dernière main à ses discours.
Alors, au Gabon, où ne se rend pas le Président, la France est-elle en train préparer l'après O. Bongo ?
Non, il n'y a pas d'après O. Bongo. Pour l'instant, la France elle prépare surtout l'après... comment dire, après cette période postcoloniale, nous sommes en train de préparer le développement économique, ses partenariats, c'est ça que nous voulons préparer et c'est ce que nous faisons, notamment avec l'Agence française du développement pour être présent dans le développement économique, parce qu'après 50 ans où la France a beaucoup apporté après la décolonisation, il ne faudrait pas qu'au moment où l'Afrique frémit, où l'Afrique se développe, que ce soit d'autres, que ce soit des pays émergents qui, au fond, se retrouvent dans l'économie africaine et que la France disparaisse.
On vous présente pourtant comme le conservateur plutôt de ce qu'on appelle la Françafrique, les vieilles amitiés, plutôt que l'inventeur d'une nouvelle époque.
Mais on est pourtant en train d'inventer une nouvelle époque avec 2,5 milliards d'euros qui sont proposés à l'économie africaine pour créer de nouvelles entreprises, pour prendre des participations dans ces entreprises, apporter des garanties, réorienter complètement notre politique vers de nouveaux partenariats, c'est ce que nous sommes en train de faire. On n'est pas obligé de déclamer en permanence un certain nombre d'anathèmes sur le passé. Il faut que nous restions présents en Afrique. Construire une nouvelle relation, ça ne veut pas dire renier le passé entre la France et l'Afrique. Il y a des zones d'ombre, certes, mais il y a beaucoup aussi de zones de lumière.
Pour ces investissements, on fait le poids par rapport aux Américains et surtout aux Chinois ?
Ecoutez, pour l'instant, les Chinois sont en train de mettre un peu la pédale douce mais je peux vous...
... bravo la crise ! Merci la crise !
Je ne sais pas si on peut le dire comme ça, mais en tout cas ils mettent un peu la pédale douce et pour nous, nous avons des enjeux entre l'Europe et l'Afrique qui sont absolument majeurs, et si nous ne sommes pas présents dans le cadre de ces partenariats, on se réveillera mal dans une vingtaine d'années avec une absence de la France. Et les droits de l'Homme, ils seront aussi portés par les entreprises françaises, et il faut que les entreprises françaises soient en Afrique.
Alors, un exemple, au Niger, Areva est présente. Areva a préservé ses intérêts dans les exploitations de minerais, notamment d'uranium. Combien a-t-il fallu payer et quel est l'engagement de la France ?
L'engagement de la France c'est surtout d'être un prestataire au travers de ses entreprises, qu'il soit un prestataire de très très grande qualité. Areva est une très grande entreprise, et le fait qu'elle ait pu signer au Niger, c'est quand même quarante ans devant nous, quarante ans d'uranium devant nous pour notre indépendance énergétique. Vous voyez bien que ce qui se passe en Afrique est important. La Françafrique, certes, on peut en parler longtemps, l'important c'est quand même de faire en sorte que ce soit nous qui soyons là au bon moment dans le développement économique.
Et sur le régime au Niger, du coup on passe l'éponge sur beaucoup de choses. Ce n'est pas la démocratie la plus exemplaire du monde.
On ne passe pas l'éponge, mais je pense qu'il faut savoir raison garder, savoir où on met le curseur. Je pense qu'il y a évidemment l'affirmation permanente des grandes valeurs et en même temps l'intérêt de la France, l'intérêt de nos entreprises et des nouvelles générations, je crois qu'il faut trouver un juste équilibre. Je pense qu'on ne peut pas en permanence, en permanence, stigmatiser l'Afrique, dire un certain nombre de choses sur les droits de l'Homme et laisser à d'autres les parts de marché.
En Mauritanie où il y a eu il y a quelques mois un coup d'Etat, notre intérêt c'est de faire avec le pouvoir en place ?
Pas faire avec le pouvoir en place puisque nous avons dit que nous voulions une solution constitutionnelle, qui se raccroche aux institutions de la Mauritanie. C'est avant tout aux Mauritaniens de trouver la solution, mais je pense que là encore, on est bien obligé à un moment donné de trouver un juste milieu entre nos exigences démocratiques, les enjeux stratégiques. La région, cette région où se trouve la Mauritanie, Nord Mali, Nord Niger, toute cette région du Sahel est actuellement une région stratégique en termes...
... face à l'islamisme ?
Mais bien sûr ! En termes de sécurité, donc nous devons être exigeants sur les règles, mais en même temps, nous devons faire particulièrement attention aux grands enjeux stratégiques de l'Afrique qui, je vous le rappelle, est à 12 km ou 14 km de l'Europe.
Les présidents gabonais et congolais ont protesté et protestent contre le gel de certains de leurs avoirs français, contre la polémique sur ce qu'on appelle les biens mal acquis. Garantissez-vous que la justice française travaillera en toute indépendance loin de la raison d'Etat ?
Bien sûr que la justice française, c'est ce que nous avons indiqué, j'ai d'ailleurs réagi officiellement pour dire que la justice française travaillerait dans une totale indépendance. J'ai indiqué également que, fort heureusement, en France, la presse est tout à fait indépendante et la presse fait son travail, la justice fait son travail.
A Madagascar, changement de pouvoir donc avec l'arrivée d'A. Rajoelina. Reconnaissez-vous que la France l'a aidé dans sa prise de pouvoir ?
On ne peut pas dire que la France l'a aidé, ce n'est pas vrai, parce que nous avons été très attentifs aux institutions malgaches.
Avec les yeux de Chimène quand même pour lui !
Oui ! Je me suis rendu sur place, d'ailleurs avec la Commission de l'Océan Indien, dans le multilatéral. Nous avons vu le président Ravalomanana, nous avons aussi vu Monsieur Rajoelina, mais en tout cas état de cause la France n'a pas privilégié telle ou telle solution, c'est l'affaire des Malgaches. Simplement, nous voulons surtout être garants de la paix et nous voulons aussi protéger les 20 000 ressortissants français à Madagascar.
Les Etats-Unis ont suspendu leur aide économique non humanitaire. La France va-t-elle en faire autant ?
La France, à chaque fois qu'il y a eu un problème de droit de l'Homme en Afrique, d'une manière générale, et ailleurs aussi, on a toujours suspendu nos aides, sauf l'aide humanitaire, parce que nous ne voulons pas rajouter à la misère des peuples.
En Afrique, le président de la République française parlera-t-il du préservatif ? Contrera-t-il les propos du Pape sur ce sujet ?
Ecoutez, les propos du Pape, je pense que c'est sans doute une maladresse et je pense que le Pape voulait dire sans doute autre chose. Il voulait dire que ça n'est pas uniquement, uniquement, avec la promotion du préservatif que l'on fera éteindre cette maladie. Je pense que c'est beaucoup plus une maladresse... Vous êtes indulgent ! Ecoutez, je n'imagine pas que ce seul propos résume la pensée du Pape.
L'Afrique du Sud vient de refuser un visa au Dalaï Lama. La France proteste-t-elle ?
Ecoutez, pour un pays qui a su si bien, avec un peu de temps, certes, combattre l'apartheid, le fait de refuser cela au Dalaï Lama, ça m'étonne et ça me déçoit un peu.
Vous êtes ministre ou candidat à 100 % pour les régionales l'an prochain ? Vous venez d'être investi.
J'ai été investi par l'UMP de la Franche-Comté. Nous verrons pour ce qui concerne les véritables élections, l'élection régionale en Franche- Comté. Pour l'instant, je suis au moins à 70 % dans mon ministère.
Et ça sera une seule région, Bourgogne - Franche Comté, d'ici dix ans ?
Je ne crois pas. Je crois que les deux régions souhaitent garder leur autonomie pour l'instant, et comme ça sera sur la base du volontariat, alors on verra bien.
Vous ne serez pas volontaire, on l'a compris. A. Joyandet, merci et bonne journée.
Merci, merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 mars 2009