Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur les avancées de la démocratie et la représentativité syndicale, Paris le 5 mars 2009.

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Circonstance : Installation du Haut conseil du dialogue social à Paris le 5 mars 2009

Texte intégral

J'ai tenu à être présent parmi vous, ce matin, pour installer, dans cette salle des Accords si chargée d'histoire, le Haut Conseil du dialogue social.
Ce Haut Conseil est le fruit de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Cette loi est, en elle-même, la preuve de la vitalité du dialogue social puisqu'en suivant les orientations de la Position commune du 9 avril 2008, elle a posé les bases d'une profonde réforme, sans précédent depuis l'après-guerre, des règles qui régissent notre démocratie sociale.
Vivre dans une démocratie sociale apaisée : voici un véritable défi que le Président de la République a souhaité relever dès son élection.
I. Je voudrais, en effet, tout d'abord insister sur le fait que le dialogue est essentiel dans une démocratie sociale et sur les avancées concrètes qu'il a permises depuis plusieurs années.
La démocratie sociale est une notion qui occupe désormais une place essentielle dans le monde du travail, et dont le Président de la République a souhaité faire l'une de ses priorités. Si la valeur « travail » doit être placée au centre de la société française, elle doit, dans une démocratie moderne, s'exercer dans le cadre de règles qui prennent en compte les intérêts de tous, des salariés comme des entreprises. Ces règles ne peuvent être que le fruit d'un dialogue. C'est la raison pour laquelle depuis environ cinq ans, et encore davantage depuis l'élection du Président de la République, nous sommes parvenus à sortir de l'idée que réformer la société passe inévitablement par des lois et des décrets. « On ne change pas la société par décret », a écrit le sociologue Michel CROZIER. Désormais, chacun le reconnait, le dialogue est devenu la seule méthode d'action.
Cette volonté de dialogue s'est exprimée au plus haut niveau de l'Etat puisque Nicolas SARKOZY a, dès son élection comme Président de la République, souhaité créer un contact direct avec chacune de vos organisations représentatives et vous a reçus sans compter pour échanger et dialoguer. Cette volonté s'est, aussi, illustrée par la politique menée depuis plusieurs années :
- je pense, tout d'abord, à la loi du 4 mai 2004 qui a marqué une étape significative dans la modernisation de notre démocratie sociale, en introduisant le principe de l'accord majoritaire et en élargissant le champ de l'espace contractuel ;
- je pense, aussi, à la loi du 31 janvier 2007 qui renvoie systématiquement tout projet de réforme dans le champ social aux partenaires sociaux ;
- je pense, enfin, aux avancées concrètes qui ont été permises par la négociation collective, comme :
* l'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail qui a permis par exemple la mise en place de la rupture conventionnelle ;
* la Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité ;
* l'accord du 14 novembre 2008 sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;
* la fixation en commun, chaque année, d'un « agenda social » qui définit un programme de travail partagé pour l'année qui vient. Nous vivons, ainsi, actuellement une véritable nouvelle donne sociale qui privilégie le consensus, la concertation et la conciliation.
II. Cette nouvelle donne est plus que jamais utile. En effet, face au contexte inédit de crise économique auquel nous sommes confrontés, nous avons besoin de dialogue social.
Ce contexte, quel est-il ? Chacun en a pleinement conscience : la crise que nous traversons actuellement n'est pas une crise française, ni même une crise européenne, c'est une crise mondiale d'ampleur inégalée depuis, sans doute, 1929.
Il s'agit d'une crise structurelle, parce qu'elle touche à l'économie et à la société.
Il s'agit d'une crise globale, parce qu'aucun pays n'y échappe. Aux Etats-Unis, par exemple, dans la semaine du 16 au 22 février, 667 000 nouvelles personnes ont dû s'inscrire au chômage. Plus près de chez nous, en Espagne, le taux de chômage a augmenté de près de 3 points en 3 mois, atteignant un taux de 14% !
Les prévisions économiques pour 2009 sont pessimistes, même si chacun doit les observer avec prudence. Selon, par exemple, les chiffres de la Commission européenne, l'Union européenne devrait perdre 2 points de croissance en 2009. En France, selon les prévisions du ministère de l'économie, la croissance française devrait reculer de 1,5% en 2009.
Il s'agit, enfin, d'une crise décisive, parce que notre capacité à y faire face conditionnera pour longtemps notre avenir.
Que cela signifie-t-il ? Cela veut simplement dire que plus que jamais, les acteurs sociaux ont besoin de dialoguer. Plus que jamais, nous devons nous concerter, échanger et trouver des solutions ensemble pour contribuer à résoudre cette crise comme pour parfaire notre démocratie sociale.
C'est la raison pour laquelle dès ma prise de fonctions, j'ai tenu à prendre contact, recevoir les partenaires sociaux et à faire, ainsi, du dialogue l'axe principal de ma politique.
Afin de préparer au mieux la réunion du 18 février à l'Elysée, j'ai reçu, dans cette même salle, avec plusieurs de mes collègues du Gouvernement, vos organisations afin de recueillir vos pistes privilégiées.
Plusieurs d'entre elles ont été retenues, comme la création d'un fonds d'investissement social et la demande faite aux banques de moduler les échéances de remboursements de prêts immobiliers pour les plus fragiles.
Ce respect éprouvé pour vos organisations, nous l'avons surtout démontré en réformant les règles régissant la représentativité des syndicats de salariés.
III. En effet, nous le savons, une démocratie sociale active passe surtout par un renforcement de la représentativité des organisations syndicales.
Quelle est la situation ? Le paysage français de la démocratie sociale est marqué par un paradoxe :
* 97% des salariés du secteur privé sont couverts par une convention collective, démontrant ainsi le très fort impact du dialogue social sur les entreprises privées ;
* de plus, 63% des salariés du secteur privé participent aux élections professionnelles, ce qui signifie que dès qu'on leur demande leur avis, sur le terrain et au plus près de leurs préoccupations, ils y répondent ;
* pourtant, le taux de syndicalisation en France est de seulement 8%, et même seulement de 5% au sein du secteur privé.
Que cela signifie-t-il ? Dans notre pays, nous avons besoin de syndicats forts et, pour cela, il est nécessaire que leur légitimité soit confortée.
Sur cette question, nous sommes parvenus à faire mûrir efficacement la réflexion pour trouver finalement des réponses partagées. Après des travaux du Conseil économique et social, après des réflexions issues notamment du rapport Hadas Lebel, puis sous l'impulsion du Président de la République dès son élection, une Position commune a été signée le 9 avril 2008, qui, après une large concertation et un travail mené par nos parlementaires, a abouti à la loi du 20 août 2008.
Concrètement, grâce à cette loi, la représentativité des organisations syndicales, négociatrices et signataires des accords collectifs, reposera largement sur l'élection, c'est-à-dire sur leur audience aux élections professionnelles.
Ce sont les salariés et eux seuls qui décideront in fine qui a, ou non, le pouvoir de négocier puis de signer des accords s'appliquant à eux.
Ces mêmes accords reposeront sur une large assise et ne pourront être rejetés que par une majorité d'entre eux.
IV. Alors, cette réforme historique de la représentativité, comment sera-t-elle mise en oeuvre ? Quel sera votre rôle et quelles seront vos missions ?
La mise en oeuvre de cette réforme est l'affaire de tous les acteurs, chacun dans son rôle, avec ses responsabilités propres, et toujours soucieux de les assumer pleinement. En effet, plus de légitimité, c'est aussi plus de responsabilité et l'entrée en vigueur de la réforme se fera avec la contribution active de tous.
Ces acteurs, quels sont-ils ?
1) L'Etat, tout d'abord. Soyez-en certains, l'Etat assumera toute sa responsabilité pour que la démocratie sociale sorte renforcée et que les dispositifs que vous avez imaginés conduisent à une reconnaissance plus grande qu'aujourd'hui des représentants des salariés dans notre pays. Je salue, à ce titre, les représentants du ministère du Travail et des Relations sociales qui siègeront dans ce Haut Conseil : M. Jean-Denis COMBREXELLE, directeur général du travail ; M. Antoine MAGNIER, directeur de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques ; M. Serge LOPEZ, directeur régional du travail, qui a été l'un des deux médiateurs en Guadeloupe et qui s'est acquitté efficacement de cette mission difficile.
La direction générale du travail assurera le secrétariat de cette instance, et je sais qu'elle le fera avec la plus grande efficacité et la plus grande disponibilité.
2) Chacune des grandes organisations syndicales et patronales représentatives aura son rôle à jouer. Votre Haut Conseil comprend, ainsi, un représentant des principales organisations que sont la CGT, la CFDT, FO, la CFTC, CFE-CGC, le MEDEF, la CGPME, l'UPA, l'UNAPL et la FNSEA. Leur rôle sera significatif pour s'impliquer pleinement dans la recherche de solutions aux difficultés éventuelles, pour faire en sorte que les procès verbaux d'élections remontent bien, par exemple.
Je rappelle également que les organisations interprofessionnelles se sont vues confier par le législateur la responsabilité de définir, d'ici au 30 juin 2009, les modalités de mesure de l'audience syndicale dans les branches comportant majoritairement des salariés de petites entreprises non assujetties à l'organisation d'élections professionnelles. Le dispositif de mesure de la représentativité n'aura pas de sens, et serait même d'une extrême fragilité juridique, si aucune disposition ne permettait de prendre en compte plusieurs millions de salariés qui, comme beaucoup d'autres, sont couverts par des accords et conventions collectives signés par des organisations représentatives et donc légitimes pour négocier.
3) Enfin, j'ajoute que trois personnalités qualifiées ont accepté de prêter leur concours à vos travaux. La diversité et la richesse de leurs profils [Mme Yannick MOREAU, président de section au Conseil d'Etat ; M. Gilles BELIER, avocat ; Mme Muriel PENICAUD, DRH] seront précieuses pour vos réflexions. Je remercie, tout particulièrement, Madame Yannick MOREAU d'avoir accepté de présider les débats de ce Haut Conseil et d'y apporter tout à la fois son expertise juridique, son expérience administrative et sa parfaite connaissance des questions sociales.
Tous ensemble, vous aurez à traiter de questions très précises et pratiques et ce, dans trois domaines.
Tout d'abord et en vertu de la loi, vous devrez donner, en 2013, un avis au ministre du travail sur la liste des organisations syndicales reconnues représentatives au plan national. Vous lui soumettrez également les enseignements à tirer concernant les nouvelles règles de représentativité des syndicats et de validité des accords collectifs.
Dans cette perspective qui s'inscrit dans le moyen terme, vous aurez, dès aujourd'hui, à vous prononcer sur deux questions : la première concerne le processus de collecte des résultats électoraux dans les entreprises ; la seconde concerne les principes à retenir dans ce cadre pour que cette collecte serve utilement à mesurer la représentativité. S'agissant du processus de collecte, vous le savez, vos organisations ont souhaité confier au ministère du travail l'organisation et le traitement des données des élections professionnelles. Nous avons, dès lors, assigné au dispositif de collecte les objectifs suivants :
- garantir la confidentialité des données recueillies et traitées ;
- s'assurer de la fiabilité des données recueillies ;
- permettre une consultation par toute personne des données ;
- permettre une consolidation des résultats en 2013.
Ainsi, la méthode de collecte et de traitement des résultats des élections professionnelles doit être mise en place de façon concertée, et le Haut Conseil sera pleinement associé à la conception du dispositif de recensement des résultats que la direction générale du travail sera conduite à piloter.
Votre instance devra également évoquer très vite les principes qui devront être pris en compte afin que le processus de collecte serve utilement à mesurer la représentativité.
Des questions vont, en effet, se poser par exemple sur le rattachement de tel résultat d'élection d'entreprises à telle branche, sur l'application des critères interprofessionnels de représentativité renvoyant à une représentativité dans des branches du commerce, de l'industrie etc. Je souhaite que ressorte de vos réflexions les positions de principe les mieux partagées par les acteurs.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, « La force va avec la responsabilité, la faiblesse avec le sectarisme » vous avait déclaré le Président de la République lors de ses voeux aux partenaires sociaux, le 19 janvier dernier. Les nouvelles règles que vous avez contribué à concevoir et à adopter sont sans précédent depuis la Libération. Elles sont l'illustration de notre responsabilité collective et l'expression de notre force démocratique. Nous avons, ainsi, désormais, à notre portée, la possibilité de faire vivre le dialogue social de manière efficace et fidèle à la représentativité de chacun.
Par la diversité de ses membres, par la qualité de ses réflexions et par notre détermination partagée, le Haut Conseil du Dialogue social deviendra vite l'un des acteurs clés de ce progrès.
Je souhaite à votre instance tout le succès qu'elle mérite et vous souhaite des travaux fructueux et utiles à la rénovation de notre démocratie sociale.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 6 mars 2009