Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chacun s'accorde à reconnaître en São Paulo le cur économique du Brésil. Un grand nombre d'entreprises françaises y ont leur siège, ou pour le moins une implantation. C'est donc tout naturellement que j'ai souhaité vous rencontrer et m'adresser à vous, réunis au sein de la prestigieuse Fédération des Industries de l'Etat de São Paulo. Votre dynamisme contribue à faire du Brésil la dixième puissance économique d'un monde de plus en plus ouvert, où les échanges matériels et intellectuels se développent et où les ensembles régionaux sont appelés à jouer un rôle croissant.
Dans ce contexte, le Brésil et la France entretiennent des liens économiques puissants.
La France est le sixième fournisseur du Brésil. Elle est surtout un de ses tout premiers investisseurs étrangers. Au cours des cinq dernières années, elle a toujours figuré parmi les quatre premières places. Les investissements français représentent au Brésil près de 180.000 emplois directs.
Les décideurs économiques français ont en effet constamment témoigné leur confiance à l'économie brésilienne, comme l'illustre la présence de quelque 500 entreprises françaises au Brésil, d'implantation récente ou plus ancienne -certaines d'entre elles sont ici depuis près d'un siècle. Cette confiance est renforcée par les succès -que je veux saluer- de l'économie brésilienne depuis une décennie. Elle a également été confortée grâce au respect, par les autorités de votre pays, de leurs engagements financiers internationaux. Cette attitude courageuse et résolue a largement contribué à attirer les investisseurs étrangers, en particulier français.
Le renforcement des liens économiques et commerciaux entre la France et le Brésil est un mouvement profond. Il n'est pas conjoncturel. Il n'est pas lié à telle ou telle importante opération de privatisation, ni limité à un domaine d'activité ; il concerne tous les secteurs, à commencer par nos domaines d'excellence.
Ainsi, les deux constructeurs automobiles français, Renault et PSA Peugeot-Citroën, ont fait le pari brésilien, en installant récemment des usines dans votre pays, une partie de la production étant d'ores et déjà exportée dans les pays du Mercosul et au Mexique. Dans le secteur du tourisme et de l'hôtellerie, le premier opérateur et employeur est le groupe français Accor, dont la stratégie contribue à mettre en valeur l'extraordinaire potentiel touristique brésilien et participe à l'aménagement de votre immense territoire. Dans la grande distribution, où les entreprises de mon pays sont des références mondiales, le groupe Carrefour est le premier employeur privé brésilien, hors secteur bancaire. Dans celui des transports urbains, le groupe français Alstom produit au Brésil des rames de métro pour les villes de São Paulo, Rio de Janeiro et Fortaleza, mais également pour des projets en Argentine et aux Etats-Unis. Dans le domaine de l'environnement, je veux aussi mentionner la présence active de Suez-Lyonnaise des Eaux et de Vivendi-Environnement, mais aussi d'une PME dynamique, Environnement SA, qui établit des réseaux de surveillance de la pollution dans les grandes villes.
Je pourrais multiplier les exemples, tant les implantations françaises sont diverses, aussi bien dans le domaine des biens d'équipement et de consommation que dans celui des services.
Ce partenariat économique et commercial entre nos deux pays contribue à l'essor de domaines d'excellence de plus en plus nombreux dans l'économie brésilienne. Ainsi, en 1999, la prise de participation de quatre entreprises françaises -dont trois des présidents m'accompagnent- dans le capital d'Embraer, quatrième constructeur aéronautique mondial et le premier sur le segment des avions régionaux, a ouvert une voie prometteuse à des coopérations et à des complémentarités technologiques et commerciales, dans les domaines civil et militaire.
Mon déplacement au Brésil vise aussi à conforter cet élan. Nous avons défini à Brasilia, le Président CARDOSO et moi-même, les éléments d'un approfondissement continu de notre partenariat politique, économique et culturel. Nous avons adopté une approche commune en faveur de la nécessaire régulation de la mondialisation, sur la coopération scientifique, culturelle et technique, ainsi qu'en matière de santé publique. Nous aurons l'occasion de poursuivre nos échanges samedi à Rio. Vous pouvez compter sur la détermination de nos deux gouvernements pour assurer un cadre propice à l'investissement et au développement des relations économiques et commerciales entre le Brésil et la France.
Dans cette dynamique, le partenariat stratégique décidé en 1999 à Rio par le Mercosul et l'Union européenne constitue un élément décisif.
L'Union européenne et le Mercosul se sont engagés dans une négociation globale, portant sur un dialogue politique renforcé, la coopération et l'intensification des échanges. S'agissant du volet économique et commercial, nous avons lancé, lors du sommet de Rio de Janeiro en 1999, une négociation qui porte dans un premier temps sur les questions non-tarifaires. Ces questions sont les plus complexes. De leur traitement sérieux et approfondi dépendra la qualité du processus d'ouverture. A partir du 1er juillet prochain, les négociations porteront également sur la réduction des droits de douane et sur la libéralisation des échanges de services.
La France a uvré, depuis le sommet de Madrid en 1995, pour que ces négociations ambitieuses réussissent et contribuent à l'intensification des échanges entre nos deux blocs économiques. Elles se poursuivront, en cohérence avec les négociations commerciales multilatérales et de façon complémentaire avec la Zone de Libre Echange des Amériques qui est en cours de discussion.
D'ores et déjà, les pays de l'Union européenne sont les premiers partenaires commerciaux du Brésil et du Mercosul. Ainsi, les Quinze ont accueilli en 2000 27 % des exportations brésiliennes, en hausse de 10 % par rapport à 1999. Parmi ces échanges, je voudrais évoquer le secteur agricole et agroalimentaire, qui provoque souvent des incompréhensions. Nous sommes, vous le savez, très attachés à l'agriculture européenne dans ses fonctions productives, sociales et environnementales. L'agriculture française et européenne fournit des produits sains et de qualité. Nous entendons préserver cette richesse, surtout au moment où nos agriculteurs traversent des crises importantes. Mais cela n'empêche pas l'Union européenne d'être un espace très ouvert aux échanges internationaux. Ainsi, en 2000, cette dernière a absorbé près de 40 % des exportations agricoles et agroalimentaires brésiliennes, contre 17 % vers les États-Unis. Dans les faits, le marché européen est de loin le plus ouvert aux produits agricoles et agroalimentaires brésiliens, contrairement aux perceptions qui subsistent souvent.
La France entend encourager la poursuite de cette ouverture aux échanges. Les efforts constants des présidences française de l'Union européenne et brésilienne du Mercosul ont permis, en novembre dernier à Brasilia, de donner une impulsion décisive au processus de négociation entre nos deux ensembles. La qualité du dialogue établi s'est confirmée lors de la dernière séance de négociations qui s'est tenue à Bruxelles le mois dernier.
Nous sommes convaincus que l'intensification des échanges entre l'Union européenne et le Mercosul servira les intérêts à long terme des deux ensembles régionaux.
L'Union européenne et le Mercosul poursuivent leur effort d'intégration.
Je tiens à saluer les efforts déployés par le gouvernement brésilien pour progresser dans l'approfondissement du Mercosul. En dépit des difficultés de toutes sortes, des avancées importantes ont été accomplies au sommet de Florianopolis.
Quant à elle, l'Union européenne poursuit son intégration, selon un schéma que nous souhaitons respectueux des Etats-Nations qui la composent. Le Sommet de Nice, sous Présidence française, a ouvert la voie à l'élargissement. Celui-ci renforcera la puissance de l'Union. Il devra s'accomplir sans que soient remises en cause les politiques communes qui font de l'Europe un espace de solidarité.
Au début 2002, la monnaie unique de l'Union européenne, l'euro, remplacera les devises nationales pour tous les citoyens européens des 12 pays de l'eurogroupe. Ce moment important renforcera la crédibilité internationale de l'euro. J'ai pleine confiance dans la monnaie européenne, en raison des bons fondamentaux économiques qui la sous-tendent.
Depuis trois ans, en effet, l'Union européenne est redevenue un espace de croissance forte. La création de l'euro et la coordination des politiques économiques ont permis à notre potentiel de croissance de s'exprimer pleinement, sans retour de l'inflation. L'Europe est aujourd'hui la zone la plus dynamique de l'OCDE. Au moment où les Etats-Unis et le Japon sont confrontés à un ralentissement, l'Europe contribue à la croissance mondiale. Ce contexte favorable a facilité le lancement de réformes structurelles destinées à améliorer la compétitivité des économies européennes. Il a également permis une réduction sensible du chômage de masse.
La France, en particulier, connaît de bons résultats. Pour la troisième année consécutive, la croissance française est supérieure à 3 %. L'investissement est très dynamique, notamment dans les nouvelles technologies. Depuis le mois de juin 1997, la France a créé un million et demi d'emplois, à un rythme sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale. La baisse de près de quatre points du taux de chômage (de 12,6% à 8,8%) souligne que notre politique pour l'emploi, notamment la réduction négociée du temps de travail, porte ses fruits. L'objectif du plein emploi est redevenu crédible. Tout continuera d'être fait pour consolider la croissance et faire reculer plus encore le chômage.
La France, au sein de l'Union européenne, entend jouer pleinement son rôle pour organiser l'ouverture croissante des marchés. Elle le fait avec ses convictions, qui sont que la mondialisation ne doit pas creuser les inégalités, ni menacer les ressources naturelles ou conduire à l'uniformisation des cultures. Pleinement intégrés dans les échanges internationaux, le Brésil et la France entendent tous deux que la mondialisation soit régulée, afin qu'elle contribue à une croissance équitablement répartie, à la lutte contre la pauvreté et à la préservation de l'environnement. Cette régulation doit être le fait de l'action coordonnée des Etats, au sein des institutions multilatérales mais aussi régionales.
Avec le Président CARDOSO, je pense que la France et le Brésil, l'Europe et le Mercosul, doivent être particulièrement actifs dans l'élaboration de cette régulation. Nous souhaitons construire ainsi un cadre stable et sûr, favorable à l'activité économique et prévenant mieux les risques de crise financière.
Mesdames, Messieurs,
C'est surtout un témoignage de confiance que je voulais vous apporter aujourd'hui : confiance dans l'économie brésilienne, ses potentialités et sa compétitivité grandissante sur les marchés mondiaux ; confiance dans le développement de nos partenariats commerciaux ; et enfin confiance dans la capacité de nos deux pays à jouer un rôle moteur tant au niveau régional, en particulier dans le rapprochement de l'Union européenne et du Mercosul, qu'au niveau multilatéral, pour proposer des réponses appropriées aux enjeux du monde de demain.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 avril 2001)