Texte intégral
C. Barbier.-. Jégo, bonjour !
Bonjour !
Pas de bonus ni de stock-options pour les dirigeants des entreprises qui reçoivent des aides publiques. L'Elysée a tranché, ce sera un décret. Est-ce que ce n'est pas un pétard mouillé qui va concerner quelques grands patrons et pas du tout le management, tous ceux qui peuvent se servir de quelques avantages ?
En tout cas c'est l'ouverture d'un grand chantier, celui de la rémunération, de la juste rémunération, celui de la récompense de celui qui réussit, mais pas de la récompense de celui qui échoue. Je crois qu'il y a derrière cette volonté... D'ailleurs vous vous souvenez, à la campagne présidentielle, le président de la République avait parlé de ces sujets-là, on était hors de l'actualité de la crise...
Ça devait se faire dès l'été 2007, on est en 2009.
En tout cas on était hors de l'actualité de la crise. Les choses sont possibles aujourd'hui parce que l'opinion est demandeur, parce qu'il a une nécessité de morale face à cette crise terrible. Eh bien moi je pense que c'est une bonne nouvelle parce que ça permet d'ouvrir ce chantier pour mettre plus de justice dans les rémunérations.
Vous dites ouvrir un chantier, mais est-ce que ce décret ne doit pas être rétroactif pour englober toutes les entreprises qui ont été aidées depuis le début de la crise, depuis un an et demi ?
La loi, en général, n'est pas rétroactive...
On pourrait faire une exception.
On peut peut-être regarder, faire une exception. Moi, je suis assez favorable qu'on aille assez loin dans le champ de la moralisation, qu'on pose vraiment les débats, qu'on pose les vraies questions, parce que ceux qui nous regardent, ceux qui travaillent dans les entreprises, ils ne comprennent pas d'un côté qu'on puisse licencier alors que d'un autre il y a des bonus, dont vous avouerez, quand on voit les montants, c'est même complètement inimaginable, c'est hors de l'imagination.
Justement vous dites "licencier", là c'est lié aux aides publiques, pas forcément à la préservation de l'emploi ; est-ce qu'il faut un aspect du décret qui dise clairement : si votre entreprise a supprimé des emplois, elle ne peut pas distribuer de bonus ?
Je crois qu'il ne faut s'interdire aucune question. Ce décret, il va permettre de répondre à une question qui est celle de l'actualité, qui est celle d'une entreprise qui reçoit de l'argent public, sur cette question qui ne peut pas donner de bonus ou de prime exorbitante. Mais je pense qu'il faut ouvrir ce chantier, qu'il faut avoir ce débat dans notre pays ; c'est un débat de société pour savoir quelle est la juste rémunération à l'intérieur d'une entreprise, jusqu'où ne pas aller trop loin pour qu'on vive dans un monde où chacun ait le sentiment que la justice et l'équité règnent. Et que surtout celui qui réussit soit récompensé, je crois que ça ne choque personne, mais que celui qui échoue le soit aussi, ça c'est beaucoup plus choquant.
Décret d'abord et donc peut-être une grande loi ensuite, une grande loi sur les rémunérations.
En tout cas un débat de société. Avant de dire... quelquefois les lois précèdent les débats de société, je pense qu'il faut mettre les choses dans l'ordre, que ce décret permette d'ouvrir un débat de société sur la juste rémunération, sur le juste partage des richesses d'une entreprise. Moi, je suis très en phase, ça ne vous étonnera pas d'ailleurs, avec le président de la République sur le partage des bénéfices d'une entreprise. Un tiers, un tiers, un tiers. Vous savez, un tiers pour l'investissement, un tiers pour les actionnaires et un tiers pour les salariés. C'est la belle idée, la participation du général de Gaulle, tout ça ce sont des débats modernes, ils se tiennent chez nous, ils se tiennent à droite, eh bien je crois que c'est une bonne chose et qu'on s'honorera de les faire prospérer.
Natixis, qui a perdu 2,8 milliards en 2008, distribue 90 millions d'euros de bonus aux meilleurs de ses traders. Ils sont 800. Qu'estce qu'il faut faire ? Il faut les mettre dans le décret, interdire de distribuer cela, alors que Natixis va toucher, la maison mère, 5 milliards d'euros d'aide ?
Je ne sais pas s'il faut interdire brutalement, je pense qu'il faut moraliser, qu'il faut réguler, que rien ne justifie, y compris un trader qui travaille beaucoup, mais qui ne prend pas forcément plus de risques qu'un autre salarié de l'entreprise, touche des bonus dont les montants sont époustouflants. Je crois qu'il y a là une moralisation non seulement des rémunérations, mais de la partie financière du capitalisme qui doit ramener la société vers un capitalisme de production, vers un capitalisme familial et sortir de la logique qui nous a entraîné dans la crise où on en est. Il faut avancer, il ne faut pas le faire brutalement, il ne faut pas le faire avec un dogme, comme veulent le faire la gauche ou l'extrême gauche, mais il faut que ces débats de société soient tenus et c'est bien qu'ils soient ouverts.
En Guadeloupe, où vous étiez il y a quelques jours, l'accord salarial signé début mars après quarante-quatre jours de grève n'est toujours pas étendu à toutes les entreprises ; est-ce que le Medef veut saboter l'extension de l'accord ?
Il y a le Code du travail, il y a une procédure, tout le monde respecte cette procédure. Le Medef s'oppose à une partie de cet accord. D'ici quelques jours, je crois le 4 avril, le Gouvernement prendra les décisions d'extension de cet accord. Il faut être très soucieux que le Code du travail soit respecté, parce qu'en l'occurrence l'extension d'un accord c'est donner aussi la possibilité aux organisations syndicales de s'exprimer. Donc il ne faut pas brutaliser le calendrier, on saura tout ça d'ici quelques jours.
Est-il vrai qu'au bout des trois ans d'aide salariale de l'Etat, les patrons ne seront pas obligés finalement de prendre intégralement à leur compte, intégralement, les fameux 200 euros. Il paraît que B. Hortefeux va dans ce sens.
D'abord on va voir exactement ce que le ministre du Travail, c'est sa responsabilité, va étendre dans l'accord.
Que lui demandez-vous ?
Il y a une clause, qui est la clause dite de convertibilité, qui voudrait qu'effectivement, automatiquement dans trois ans, quand le RSTA, qui est cette fameuse prime de 100 euros donnée à tous les bas salaires, se retransformera en RSA, eh bien que ces 100 euros soient retransformés en salaires.
Vous êtes favorable à cette clause ?
Moi, je pense qu'il est très difficile d'anticiper sur ce que sera la situation économique dans trois ans. Moi, j'ai été très favorable - mais ce n'est pas moi qui négocie les accords salariaux entre les syndicats patronaux et les syndicats ouvriers - à l'idée d'une clause de revoyure où on remette le sujet sur la table. Mais l'automaticité - trois ans avant - d'une mesure économique, ça me semble très compliqué à mettre en oeuvre. Ce qui était important c'est qu'il y ait des mesures salariales qui soient prises dès cette année, c'est fait. Ce qui était important c'est qu'il y ait un soutien qui ne soit pas exorbitant de ce qui se passe en métropole, c'est ce fameux RSTA qui est la transformation du RSA, ça c'est fait. Ce qui est important, à mon avis, c'est qu'il y ait des rendezvous sociaux où les discussions puissent avoir lieu, mais l'automaticité des clauses alors qu'on ne sait même pas quelle sera la situation économique dans six mois, rendre une clause automatique dans trois ans ça me semble une mesure très difficile à mettre en oeuvre, sans en tout cas décevoir au bout du compte les gens parce que la situation économique ne le permettrait pas dans trois ans.
Est-ce que vous favorable à la suppression dans le préambule de la fameuse expression « économies de plantation » ? Les patrons sont traités d'esclavagistes ?
Moi, je crois que... De toute façon, le préambule n'est pas un objet de droit, donc le préambule c'est un bavardage.
Mardi, à Saint-Quentin, le Président a mis en garde ceux qui usent de l'intimidation aux Antilles. Le LKP est-il visé, dénoncez-vous vous aussi les méthodes du LKP post-grève ?
Vous savez, il y a eu des propos que j'ai dénoncés le premier...
Ça continue ?
Qui ont donné lieu à une ouverture d'une information judiciaire, qui sont des propos pas acceptables. On ne peut pas dire à quelqu'un : « vous signez ce papier ou vous quittez la Guadeloupe. » Ca, ce n'est pas acceptable. Il y a peut-être, ici ou là, quelques tentatives. Moi, je n'ai pas noté dans mon déplacement un mouvement - j'ai rencontré tous les chefs d'entreprises - un mouvement de pression. Mais nous sommes dans une république et dans une république, on a le droit de manifester. Une fois que le conflit social est terminé et que les accords sociaux sont passés, eh bien c'est les règles républicaines qui doivent prévaloir et le président de la République a raison de le rappeler, d'autant plus raison que c'est ce que demandent les Antillais ; ils demandent un Etat qui les protège, qui les protège des abus des entreprises, mais qui les protège aussi des abus de ceux qui veulent faire pression dans la rue.
Avez-vous une date précise pour l'ouverture en Guadeloupe par le Président des états généraux de l'outre-mer ?
A la fin du mois d'avril...
Ce n'est pas une date précise ça, mais fin avril ?
A quelques jours près dans la dernière semaine du mois d'avril, le calendrier est en train de s'affiner. Le Président ira en Guadeloupe et en Martinique.
Alors date précise : dimanche, Mayotte vote pour choisir par référendum de devenir ou non le 101ème département français ; pas beaucoup de suspense, le « oui » va gagner.
C'est les électeurs qui décideront. Moi, je suis neutre par nature. L'Etat a donné les éléments pour savoir ce qui se passerait si le « oui » gagnait, c'est-à-dire la marche vers la départementalisation, et ce qui se passerait si c'était le « non » qui gagnait, c'est-à-dire que Mayotte resterait une collectivité au titre de l'article 74 de notre Constitution ; une collectivité française évidemment puisque Mayotte à plusieurs reprise a confirmé sa volonté de ne pas aller vers l'indépendance.
Si c'est un département, ça va être une porte d'entrée pour l'immigration.
Je crois que c'est tout le contraire, parce qu'on a déjà une pression migratoire très forte. Vous savez, le statut juridique aujourd'hui, c'est un département presque à 80 %, puisque hormis sur quelques sujets ; l'urbanisme, le social, l'économie, les règles de la République et des départements métropolitains s'appliquent. Donc c'est une marche en avant vers une confirmation de ce statut. Je crois qu'au contraire, à partir du moment où Mayotte sera sur une logique statutaire stable, ça nous permettra avec les élus mahorais de mieux discuter avec l'Union des Comores, parce que la pression migratoire elle vient de l'Union des Comores, et puis peut-être de créer une union entre les Comores et Mayotte pour que ces questions de circulation des personnes soient régulées et qu'on ne vive pas cette pression migratoire qui est difficile à réguler et qui est humainement insupportable.
Vous auriez pu choisir d'établir le droit du sang, ça avait été propose par un de vos prédécesseurs, F. Baroin, ça permet de vérifier qui devient français.
Si on avait le sentiment qu'il y ait une solution qui règle les choses, est-ce que le fait de dire aux 5 000 femmes qui viennent accoucher chaque année à la maternité de Mayotte, simplement parce que dans l'île à côté il n'y a pas de maternité, c'est aussi simple que ça ? Est-ce que le fait de leur dire que leurs enfants ne deviendraient pas français au bout de seize ans si elles restaient sur le territoire, ça changerait leur besoin de venir accoucher dans un lieu sécurisé ? Eh bien, la réponse à cette question c'est non. Donc on ne va pas changer, moi je suis très attaché à la législation de notre pays sur le droit du sol, je crois qu'il ne faut pas ouvrir une brèche qui ne réglerait rien. Le règlement de la situation migratoire, c'est l'application de nos lois avec fermeté, la condamnation des employeurs clandestins, et ça nous serons sans pitié. Et puis troisièmement, l'accord avec les pays voisins, le pays voisin, pour peut-être que la circulation soit libre entre les quatre îles des anciennes Comores et que nous puissions appliquer nos lois comme partout.
La rumeur a couru, avant d'être démentie : C. Kelly, notre consoeur, membre du CSA, pour prendre votre suite au Gouvernement. Vous avez eu peur ?
Ah non, non ! D'abord j'aime beaucoup C. Kelly, c'est la preuve que les journalistes de LCI peuvent avoir de belles carrières !
Mais elle a un bel avenir ! Plus globalement, vous dites : "il faut changer la gouvernance de l'outre-mer", qu'entendez-vous par là, il faut supprimer ce ministère, il faut que tout le monde s'en occupe ?
Oh ! Je ne suis pas sûr que ce soit la suppression du ministère, je pense qu'il faut que chaque ministère s'occupe de l'outre-mer, c'est l'idée du conseil interministériel de l'outre-mer. Je crois aussi qu'à l'échelon local, le modèle de la départementalisation, modèle d'il y a soixante ans, a vécu. Il faut donner plus de responsabilités locales, une forme d'autonomie renforcée pour le département, mais aussi plus d'Etat, un Etat qui protège plus, c'est un nouvel équilibre qu'il faut trouver.
Y. Jégo, merci, bonne journée !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 mars 2009
Bonjour !
Pas de bonus ni de stock-options pour les dirigeants des entreprises qui reçoivent des aides publiques. L'Elysée a tranché, ce sera un décret. Est-ce que ce n'est pas un pétard mouillé qui va concerner quelques grands patrons et pas du tout le management, tous ceux qui peuvent se servir de quelques avantages ?
En tout cas c'est l'ouverture d'un grand chantier, celui de la rémunération, de la juste rémunération, celui de la récompense de celui qui réussit, mais pas de la récompense de celui qui échoue. Je crois qu'il y a derrière cette volonté... D'ailleurs vous vous souvenez, à la campagne présidentielle, le président de la République avait parlé de ces sujets-là, on était hors de l'actualité de la crise...
Ça devait se faire dès l'été 2007, on est en 2009.
En tout cas on était hors de l'actualité de la crise. Les choses sont possibles aujourd'hui parce que l'opinion est demandeur, parce qu'il a une nécessité de morale face à cette crise terrible. Eh bien moi je pense que c'est une bonne nouvelle parce que ça permet d'ouvrir ce chantier pour mettre plus de justice dans les rémunérations.
Vous dites ouvrir un chantier, mais est-ce que ce décret ne doit pas être rétroactif pour englober toutes les entreprises qui ont été aidées depuis le début de la crise, depuis un an et demi ?
La loi, en général, n'est pas rétroactive...
On pourrait faire une exception.
On peut peut-être regarder, faire une exception. Moi, je suis assez favorable qu'on aille assez loin dans le champ de la moralisation, qu'on pose vraiment les débats, qu'on pose les vraies questions, parce que ceux qui nous regardent, ceux qui travaillent dans les entreprises, ils ne comprennent pas d'un côté qu'on puisse licencier alors que d'un autre il y a des bonus, dont vous avouerez, quand on voit les montants, c'est même complètement inimaginable, c'est hors de l'imagination.
Justement vous dites "licencier", là c'est lié aux aides publiques, pas forcément à la préservation de l'emploi ; est-ce qu'il faut un aspect du décret qui dise clairement : si votre entreprise a supprimé des emplois, elle ne peut pas distribuer de bonus ?
Je crois qu'il ne faut s'interdire aucune question. Ce décret, il va permettre de répondre à une question qui est celle de l'actualité, qui est celle d'une entreprise qui reçoit de l'argent public, sur cette question qui ne peut pas donner de bonus ou de prime exorbitante. Mais je pense qu'il faut ouvrir ce chantier, qu'il faut avoir ce débat dans notre pays ; c'est un débat de société pour savoir quelle est la juste rémunération à l'intérieur d'une entreprise, jusqu'où ne pas aller trop loin pour qu'on vive dans un monde où chacun ait le sentiment que la justice et l'équité règnent. Et que surtout celui qui réussit soit récompensé, je crois que ça ne choque personne, mais que celui qui échoue le soit aussi, ça c'est beaucoup plus choquant.
Décret d'abord et donc peut-être une grande loi ensuite, une grande loi sur les rémunérations.
En tout cas un débat de société. Avant de dire... quelquefois les lois précèdent les débats de société, je pense qu'il faut mettre les choses dans l'ordre, que ce décret permette d'ouvrir un débat de société sur la juste rémunération, sur le juste partage des richesses d'une entreprise. Moi, je suis très en phase, ça ne vous étonnera pas d'ailleurs, avec le président de la République sur le partage des bénéfices d'une entreprise. Un tiers, un tiers, un tiers. Vous savez, un tiers pour l'investissement, un tiers pour les actionnaires et un tiers pour les salariés. C'est la belle idée, la participation du général de Gaulle, tout ça ce sont des débats modernes, ils se tiennent chez nous, ils se tiennent à droite, eh bien je crois que c'est une bonne chose et qu'on s'honorera de les faire prospérer.
Natixis, qui a perdu 2,8 milliards en 2008, distribue 90 millions d'euros de bonus aux meilleurs de ses traders. Ils sont 800. Qu'estce qu'il faut faire ? Il faut les mettre dans le décret, interdire de distribuer cela, alors que Natixis va toucher, la maison mère, 5 milliards d'euros d'aide ?
Je ne sais pas s'il faut interdire brutalement, je pense qu'il faut moraliser, qu'il faut réguler, que rien ne justifie, y compris un trader qui travaille beaucoup, mais qui ne prend pas forcément plus de risques qu'un autre salarié de l'entreprise, touche des bonus dont les montants sont époustouflants. Je crois qu'il y a là une moralisation non seulement des rémunérations, mais de la partie financière du capitalisme qui doit ramener la société vers un capitalisme de production, vers un capitalisme familial et sortir de la logique qui nous a entraîné dans la crise où on en est. Il faut avancer, il ne faut pas le faire brutalement, il ne faut pas le faire avec un dogme, comme veulent le faire la gauche ou l'extrême gauche, mais il faut que ces débats de société soient tenus et c'est bien qu'ils soient ouverts.
En Guadeloupe, où vous étiez il y a quelques jours, l'accord salarial signé début mars après quarante-quatre jours de grève n'est toujours pas étendu à toutes les entreprises ; est-ce que le Medef veut saboter l'extension de l'accord ?
Il y a le Code du travail, il y a une procédure, tout le monde respecte cette procédure. Le Medef s'oppose à une partie de cet accord. D'ici quelques jours, je crois le 4 avril, le Gouvernement prendra les décisions d'extension de cet accord. Il faut être très soucieux que le Code du travail soit respecté, parce qu'en l'occurrence l'extension d'un accord c'est donner aussi la possibilité aux organisations syndicales de s'exprimer. Donc il ne faut pas brutaliser le calendrier, on saura tout ça d'ici quelques jours.
Est-il vrai qu'au bout des trois ans d'aide salariale de l'Etat, les patrons ne seront pas obligés finalement de prendre intégralement à leur compte, intégralement, les fameux 200 euros. Il paraît que B. Hortefeux va dans ce sens.
D'abord on va voir exactement ce que le ministre du Travail, c'est sa responsabilité, va étendre dans l'accord.
Que lui demandez-vous ?
Il y a une clause, qui est la clause dite de convertibilité, qui voudrait qu'effectivement, automatiquement dans trois ans, quand le RSTA, qui est cette fameuse prime de 100 euros donnée à tous les bas salaires, se retransformera en RSA, eh bien que ces 100 euros soient retransformés en salaires.
Vous êtes favorable à cette clause ?
Moi, je pense qu'il est très difficile d'anticiper sur ce que sera la situation économique dans trois ans. Moi, j'ai été très favorable - mais ce n'est pas moi qui négocie les accords salariaux entre les syndicats patronaux et les syndicats ouvriers - à l'idée d'une clause de revoyure où on remette le sujet sur la table. Mais l'automaticité - trois ans avant - d'une mesure économique, ça me semble très compliqué à mettre en oeuvre. Ce qui était important c'est qu'il y ait des mesures salariales qui soient prises dès cette année, c'est fait. Ce qui était important c'est qu'il y ait un soutien qui ne soit pas exorbitant de ce qui se passe en métropole, c'est ce fameux RSTA qui est la transformation du RSA, ça c'est fait. Ce qui est important, à mon avis, c'est qu'il y ait des rendezvous sociaux où les discussions puissent avoir lieu, mais l'automaticité des clauses alors qu'on ne sait même pas quelle sera la situation économique dans six mois, rendre une clause automatique dans trois ans ça me semble une mesure très difficile à mettre en oeuvre, sans en tout cas décevoir au bout du compte les gens parce que la situation économique ne le permettrait pas dans trois ans.
Est-ce que vous favorable à la suppression dans le préambule de la fameuse expression « économies de plantation » ? Les patrons sont traités d'esclavagistes ?
Moi, je crois que... De toute façon, le préambule n'est pas un objet de droit, donc le préambule c'est un bavardage.
Mardi, à Saint-Quentin, le Président a mis en garde ceux qui usent de l'intimidation aux Antilles. Le LKP est-il visé, dénoncez-vous vous aussi les méthodes du LKP post-grève ?
Vous savez, il y a eu des propos que j'ai dénoncés le premier...
Ça continue ?
Qui ont donné lieu à une ouverture d'une information judiciaire, qui sont des propos pas acceptables. On ne peut pas dire à quelqu'un : « vous signez ce papier ou vous quittez la Guadeloupe. » Ca, ce n'est pas acceptable. Il y a peut-être, ici ou là, quelques tentatives. Moi, je n'ai pas noté dans mon déplacement un mouvement - j'ai rencontré tous les chefs d'entreprises - un mouvement de pression. Mais nous sommes dans une république et dans une république, on a le droit de manifester. Une fois que le conflit social est terminé et que les accords sociaux sont passés, eh bien c'est les règles républicaines qui doivent prévaloir et le président de la République a raison de le rappeler, d'autant plus raison que c'est ce que demandent les Antillais ; ils demandent un Etat qui les protège, qui les protège des abus des entreprises, mais qui les protège aussi des abus de ceux qui veulent faire pression dans la rue.
Avez-vous une date précise pour l'ouverture en Guadeloupe par le Président des états généraux de l'outre-mer ?
A la fin du mois d'avril...
Ce n'est pas une date précise ça, mais fin avril ?
A quelques jours près dans la dernière semaine du mois d'avril, le calendrier est en train de s'affiner. Le Président ira en Guadeloupe et en Martinique.
Alors date précise : dimanche, Mayotte vote pour choisir par référendum de devenir ou non le 101ème département français ; pas beaucoup de suspense, le « oui » va gagner.
C'est les électeurs qui décideront. Moi, je suis neutre par nature. L'Etat a donné les éléments pour savoir ce qui se passerait si le « oui » gagnait, c'est-à-dire la marche vers la départementalisation, et ce qui se passerait si c'était le « non » qui gagnait, c'est-à-dire que Mayotte resterait une collectivité au titre de l'article 74 de notre Constitution ; une collectivité française évidemment puisque Mayotte à plusieurs reprise a confirmé sa volonté de ne pas aller vers l'indépendance.
Si c'est un département, ça va être une porte d'entrée pour l'immigration.
Je crois que c'est tout le contraire, parce qu'on a déjà une pression migratoire très forte. Vous savez, le statut juridique aujourd'hui, c'est un département presque à 80 %, puisque hormis sur quelques sujets ; l'urbanisme, le social, l'économie, les règles de la République et des départements métropolitains s'appliquent. Donc c'est une marche en avant vers une confirmation de ce statut. Je crois qu'au contraire, à partir du moment où Mayotte sera sur une logique statutaire stable, ça nous permettra avec les élus mahorais de mieux discuter avec l'Union des Comores, parce que la pression migratoire elle vient de l'Union des Comores, et puis peut-être de créer une union entre les Comores et Mayotte pour que ces questions de circulation des personnes soient régulées et qu'on ne vive pas cette pression migratoire qui est difficile à réguler et qui est humainement insupportable.
Vous auriez pu choisir d'établir le droit du sang, ça avait été propose par un de vos prédécesseurs, F. Baroin, ça permet de vérifier qui devient français.
Si on avait le sentiment qu'il y ait une solution qui règle les choses, est-ce que le fait de dire aux 5 000 femmes qui viennent accoucher chaque année à la maternité de Mayotte, simplement parce que dans l'île à côté il n'y a pas de maternité, c'est aussi simple que ça ? Est-ce que le fait de leur dire que leurs enfants ne deviendraient pas français au bout de seize ans si elles restaient sur le territoire, ça changerait leur besoin de venir accoucher dans un lieu sécurisé ? Eh bien, la réponse à cette question c'est non. Donc on ne va pas changer, moi je suis très attaché à la législation de notre pays sur le droit du sol, je crois qu'il ne faut pas ouvrir une brèche qui ne réglerait rien. Le règlement de la situation migratoire, c'est l'application de nos lois avec fermeté, la condamnation des employeurs clandestins, et ça nous serons sans pitié. Et puis troisièmement, l'accord avec les pays voisins, le pays voisin, pour peut-être que la circulation soit libre entre les quatre îles des anciennes Comores et que nous puissions appliquer nos lois comme partout.
La rumeur a couru, avant d'être démentie : C. Kelly, notre consoeur, membre du CSA, pour prendre votre suite au Gouvernement. Vous avez eu peur ?
Ah non, non ! D'abord j'aime beaucoup C. Kelly, c'est la preuve que les journalistes de LCI peuvent avoir de belles carrières !
Mais elle a un bel avenir ! Plus globalement, vous dites : "il faut changer la gouvernance de l'outre-mer", qu'entendez-vous par là, il faut supprimer ce ministère, il faut que tout le monde s'en occupe ?
Oh ! Je ne suis pas sûr que ce soit la suppression du ministère, je pense qu'il faut que chaque ministère s'occupe de l'outre-mer, c'est l'idée du conseil interministériel de l'outre-mer. Je crois aussi qu'à l'échelon local, le modèle de la départementalisation, modèle d'il y a soixante ans, a vécu. Il faut donner plus de responsabilités locales, une forme d'autonomie renforcée pour le département, mais aussi plus d'Etat, un Etat qui protège plus, c'est un nouvel équilibre qu'il faut trouver.
Y. Jégo, merci, bonne journée !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 mars 2009