Texte intégral
Mme Michèle André demande au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville de lui préciser les grandes orientations retenues par le Gouvernement dans la conduite de sa politique de lutte contre les violences faites aux femmes, déclarée grande cause nationale pour 2009. Elle lui demande également dans quel délai le Gouvernement transmettra au Parlement, comme le lui en fait l'obligation l'article 13 de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le rapport portant sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple.
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Dans le cadre des travaux de sa première semaine de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, je tiens à saluer le choix de votre Assemblée d'inscrire à son ordre du jour la question des violences faites aux femmes : cela montre combien le Sénat est attentif à toutes les questions de société.
La lutte contre ces formes de violence est un phénomène inacceptable dans nos démocraties modernes. Et nous ne devons tolérer aucune atteinte à l'intégrité physique et psychologique des femmes. Car cette violence est une réalité dévastatrice qui s'exerce au quotidien.
Elle touche toutes les catégories sociales, tous les âges. Elle reste pour les femmes la plus grande violation de leurs droits fondamentaux et un obstacle récurrent à la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans les faits, et contrairement à ce que l'on pourrait communément penser, cela signifie que les femmes sont davantage en danger chez elles que dans la rue ou sur leur lieu de travail.
Pour cela il est essentiel de mener une politique nationale active de lutte contre ces violences que, pour l'heure, il faut bien avouer, le progrès social n'a pas réglé.
Vous avez été plusieurs à rappeler que les chiffres restent terribles :
- 1 femme sur 10 est victime de violence physique, sexuelle, verbale ou psychologique de la part de son conjoint ;
- 166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2007 ;
- 47 500 faits de violences volontaires sur femmes majeures par leur conjoint ou ex-conjoint ont été enregistrés en 2007 ;
- Selon le dernier rapport de la délégation aux victimes : les morts violentes au sein du couple ont augmenté de 14 % par rapport à 2006.
Madame Kammermann, vous vous êtes inquiétée également de notre capacité à bien mesurer ce fléau. Nos chiffres reflètent-ils l'entière réalité des violences commises au sein du couple compte tenu de la réticence de certaines victimes à porter plainte ?
Pour approcher au plus près de la réalité des chiffres, l'INSEE, en partenariat avec l'Observatoire national de la délinquance conduit en France métropolitaine une enquête annuelle de victimation pour compléter les données issues de l'état 4001 (données de la police et de la gendarmerie). Il résulte des enquêtes menées en 2007 et 2008 que près de 2% des femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subies des violences au sein de leur couple.
Je tiens également à vous signaler qu'une Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) est en cours en Martinique. Ses résultats seront connus à la fin du premier semestre 2009. Cette enquête a déjà été réalisée à la Réunion et il est prévu de la réaliser en Guadeloupe.
On voit combien, au seul vu de ce constat, il est nécessaire de rester mobilisé sur ce sujet. Permettez-moi donc, Madame la Présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, de vous remercier d'avoir été à l'origine de ce débat. Je sais que ce combat vous tient tout particulièrement à coeur et ce depuis de nombreuses années, lorsque vous occupiez les mêmes fonctions que moi dans le gouvernement de M. Michel Rocard.
Et déjà en 1989, vous aviez pris l'initiative de mettre en place dans chaque département des commissions d'action contre les violences afin que tous les partenaires institutionnels et associatifs soient impliqués et travaillent ensemble. Depuis, les gouvernements successifs ont progressé. Malheureusement le phénomène ne s'est pas épuisé.
Vous avez été nombreux, Madame la Présidente, Monsieur Courteau, Madame Laborde, à vous inquiéter de la remise du rapport prévu à l'article 13 de la loi du 4 avril 2006. Comme vous le savez ce rapport a été déposé sur le bureau des assemblées lundi 16 mars. Ce rapport est le premier du genre et constitue une étape d'évaluation décisive dans un domaine où il est difficile de mesurer l'efficacité de l'action publique. Pour cela, il nous a paru essentiel - au risque il est vrai d'un dépôt retardé - d'y intégrer des mesures mises en oeuvre récemment, de disposer de données précises. Nous avons pu, pour cela, nous appuyer sur le rapport d'évaluation du premier plan triennal global 2005-2007 réalisé à ma demande par les inspections des affaires sociales, des services judiciaires, de l'administration avec le concours de celle de la police nationale. Ce rapport a été rendu public le 8 juillet 2008 et les recommandations qu'il comporte ont été présentées par leurs auteures le 1er octobre devant les membres de la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes.
En outre, un groupe interministériel co-piloté par la justice et les droits des femmes a été constitué le 2 juillet dernier. Avec la Garde des Sceaux, nous avons effectivement tenu que soit engagée une réflexion sur l'évolution du cadre juridique afin d'examiner et de rechercher des pistes d'améliorations, portant notamment sur la reconnaissance des violences psychologiques et sur l'articulation entre les procédures pénales et civiles. Ce groupe rendra ses conclusions prochainement.
Le document qui vous a été remis en début de semaine dresse le bilan des actions menées pour les années 2006 et 2007, mais aussi celui de la première année de mise en oeuvre du plan 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes. Avec le DPT (document de politique transversale) en matière de droits des femmes dont le Parlement a voté le principe dans la dernière loi de finances et qui paraîtra pour la première fois dans le cadre des documents annexés au projet de loi de finances pour 2010, nous disposerons ainsi d'un état des lieux précis de toutes les actions engagées et nous pourrons, à l'avenir, en évaluer précisément l'efficacité.
Car, et vous avez été également nombreux à le souligner, la politique de lutte contre les violences conjugales et plus largement celle de lutte contre les violences faites aux femmes, présente un caractère complètement transversal et interministériel, qui mobilise le gouvernement tout entier, chaque ministère dans son domaine de compétences, mais en adoptant une approche globale.
Mais au-delà du niveau institutionnel, vous avez rappelé, Madame la Présidente, Monsieur Courteau, Madame Laborde, combien la mobilisation des associations sur le terrain est remarquable et leur action nécessaire. Les intervenants de proximité jouent en effet un rôle irremplaçable et nous ne pouvons que saluer l'investissement sans faille au quotidien des associations spécialisées dans la lutte contre les violences.
A ce propos, vous m'avez interrogé, Madame Laborde, sur le financement des Centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Vous savez combien nous nous appuyons sur ce réseau associatif. L'Etat lui a confié la mission d'assurer l'accès des femmes à l'information sur leurs droits dans les domaines juridique, professionnel, économique, social et familial. Parmi les activités des CIDFF la lutte contre les violences sexistes est essentielle.
Leurs ressources globales représentent plus de 30 millions d'euros, dont 34% du financement est assuré par l'Etat - le SDFE y contribue pour plus de 5 Millions euros en 2009. Je vous confirme mon engagement de maintenir le niveau de financement. Certains CIDFF n'ont pas encore reçu les premiers acomptes, car certaines conventions triennales d'objectifs et de moyens sont en cours de signature. Nous envisageons d'ailleurs de généraliser en 2010 cette contractualisation.
Soyez assurée, Madame la Sénatrice, que je donne instruction aux DDASS de verser les crédits prévus au plus tôt. La complémentarité des partenariats institutionnels, publics et privés, associatifs et élus locaux, est elle aussi essentielle. S'il y a un sujet sur lequel la solidarité doit être au rendez-vous c'est bien celui là.
Les parquets nouent de nombreuses relations avec les associations. Les travailleurs sociaux sont également plus en plus sollicités par les professionnels du monde judiciaire, de la police, des unités de gendarmerie. Les services déconcentrés et les collectivités territoriales travaillent aussi en partenariat. De nombreuses actions de sensibilisation et de formation sont organisées à l'échelon local en direction des élus et du grand public avec le concours des intervenants associatifs.
Ces multi partenariats permettent à l'Etat de continuer à mener de façon pragmatique une politique volontariste de lutte contre les violences de mieux en mieux adaptée aux besoins et de plus en plus capable de répondre aux attentes. Oui, la prise en charge globale des personnes concernées s'améliore. Vous avez souligné, Madame Dini, Madame Kammermann, les avancées, même si Monsieur Courteau, vous regrettez qu'elles se fassent à petit pas. Le rôle des acteurs de proximité, l'élaboration d'outils pertinents et les dispositions réglementaires et législatives y contribuent. Permettez-moi d'en citer quelques exemples en insistant sur certains dispositifs plus novateurs. En effet, de nouvelles mesures ont été adoptées et mises en oeuvre depuis 2006 et le plan triennal 2008-2010 permet de les conforter.
Je vous remercie, Madame Dini, d'avoir souligné le nombre d'appels (7000) reçu par le numéro d'appel unique, le 39 19, mis en place le 14 mars 2007. Il est facile à retenir, gratuit et n'apparait pas sur les relevés téléphoniques, pour éviter de mettre en danger les femmes. Géré par la fédération nationale solidarité femmes (FNSF), il dispense une écoute de qualité, professionnelle, anonyme et personnalisée et, le cas échéant, une orientation adaptée. J'ai tenu à renforcer les moyens financiers de cette plate-forme d'écoute par un redéploiement des crédits d'intervention. Ce numéro national unique a d'ores et déjà permis une avancée significative dans l'appui aux femmes victimes.
Vous avez été plusieurs à m'interroger sur la question des référents. Je souhaite insister sur l'importance de la mise en place progressive d'un réseau de référents locaux sur tout le territoire. Ces référents sont les interlocuteurs uniques de proximité pour garantir l'accompagnement des femmes victimes de violences au sein du couple. Ils pourront ainsi apporter dans la durée une réponse globale aux femmes, ils pourront les orienter vers les structures adaptées à leurs besoins.
Douze référents ont été recrutés et sont financés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Une vingtaine de départements projettent de les mettre en place prochainement s'appuyant sur cahier des charges précis diffusé avec une circulaire du 14 mai 2008 transmise aux Préfets. Leur rôle sera déterminant, j'en suis convaincue, pour simplifier les démarches auxquelles sont confrontées les femmes victimes de violence et assurer le suivi individualisé de leur parcours.
Notre objectif est un maillage du territoire. Le Premier Ministre a clairement réclamé le 25 novembre dernier que leur déploiement soit accéléré et que d'ici la fin du premier semestre 2009, chaque département soit doté d'un tel référent local. Le dispositif n'a pas pour objectif de se substituer aux acteurs existants mais de les coordonner et de faciliter les démarches de la victime.
Vous avez été unanimes à souligner que la réponse à la recherche d'autonomie des femmes victimes de violence passe obligatoirement par une solution adaptée en matière d'hébergement et de logement. De nombreuses mesures ont été prises en ce domaine. Mais il nous faut encore progresser. En ce qui me concerne j'ai souhaité diversifier les réponses offertes. C'est pour cette raison que j'ai voulu lancé une expérimentation sur les familles d'accueil. Vous m'avez demandé, Madame Kammermann, où nous en sommes. Voilà ce que je peux dire aujourd'hui : suite à une circulaire interministérielle de juillet 2008 nous avons saisi les Présidents de Conseils généraux. Ces derniers se sont fortement mobilisés. Aujourd'hui, plus de 70 familles ont été repérées pour accueillir les femmes victimes de violence avec ou sans enfants. Elles sont réparties sur une vingtaine de départements. 15 d'entre eux veillent à l'opérationnalité des familles (par exemple dans la Manche, la Sarthe, l'Oise, la Creuse, la Drôme, l'Ardèche...). Notre objectif est d'arriver à 100 familles d'accueil d'ici 2010. Lorsque celles-ci auront fonctionné suffisamment, nous en évaluerons le bénéfice.
S'agissant de l'hébergement d'urgence, sur lequel vous m'avez interrogée, Madame Laborde.
La proportion de femmes accueillies en CHRS est désormais importante. Les CHRS accueillent en effet environ 33% de femmes. 115 CHRS privilégient l'accueil de femmes victimes de violences. 169 CHRS accueillent des femmes en grande difficulté sociale. Par ailleurs, pour les femmes, 40 % des places en CHRS sont en structure "éclatée" (en appartement et non en structure collective) . Pour la première fois, une enquête a été réalisée en 2008 pour mieux identifier les femmes victimes de violences parmi les publics en difficulté accueillis dans les structures d'hébergement. Plus globalement, nous veillons aussi à ce que les femmes victimes de violence conjugale soient prioritaires dans l'accès au logement. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion adoptée le 19 février dernier comporte à cet égard deux dispositions importantes insérées par voie d'amendements votés à l'unanimité, afin de rendre les femmes victimes de violences conjugales prioritaires dans l'accès au logement social.
Dans le domaine de la santé, je soulignerai les efforts réalisés pour améliorer la connaissance du phénomène de violences envers les femmes, faire de la prévention, développer la formation des professionnels de santé (médecins, gynécologues, sages-femmes, infirmières, puéricultrices...) et faciliter le repérage des situations de violence.
Ces actions ciblées en fonction des situations et de la nature des violences révèlent une fois de plus que le Gouvernement s'attache à prendre en compte toutes les formes de violences dont sont victimes les fillettes, les jeunes filles et les femmes.
A cet égard, vous avez, Madame Morin-Desailly, insisté sur l'importance de la prévention très en amont, dès le plus jeune âge. C'est un souci constant du gouvernement. Nous menons un travail partenarial avec l'Education nationale, notamment dans le cadre de la convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes dans le système éducatif qui engage 9 ministères. Prévenir les comportements violents et combattre les stéréotypes font partie des priorités de Madame Marie-Jeanne PHILIPPE, Rectrice de Besançon qui préside le comité de pilotage. Le respect de l'autre ne se décrète pas, il s'apprend sur le terrain. Pour cela, des actions de sensibilisations sont inscrites dans le Plan Espoir Banlieues.
L'éducation au respect, à la mixité et à l'égalité ne se limite pas aux établissements scolaires. Elle doit investir la sphère familiale et toucher les jeunes dans les dispositifs existants tels que le programme Ville, Vie, Vacances, qui propose des loisirs aux jeunes des quartiers pendant les vacances scolaires. On sait que seulement 25% des jeunes filles des quartiers y participent aujourd'hui, par crainte des comportements violents de la part des garçons. Nous soutenons ce programme, qui s'est fixé pour objectif d'augmenter de 40% la fréquentation des jeunes filles en 2008. Il faut encourager les filles à pratiquer les mêmes activités de loisirs, à s'orienter dans les mêmes filières et à occuper les mêmes métiers que les garçons. Par ailleurs, il convient de renforcer l'accès à l'information des filles et des femmes sur leurs droits, de développer des actions spécifiques sur les mariages forcés et les mutilations sexuelles en s'appuyant sur les associations et les adultes relais et en utilisant les antennes des Centres d'information sur les droits des femmes et des familles, en mettant en place des espaces de dialogue.
Parallèlement, l'arsenal législatif et juridique depuis 2006 est plus répressif et protecteur. Les victimes sont encouragées à porter plainte et le taux de réponse pénale à l'encontre des auteurs de violences conjugales a augmenté passant de 68,9% en 2003 à 83,8%.
De très nombreux parquets se sont engagés dans des conventions ou protocoles visant la prévention de la récidive des auteurs grâce à une prise en charge sociale, médicale et psychologique. De même, l'éviction du conjoint violent qui constitue une mesure phare de la loi de 2006 se révèle pertinente.
Elle permet d'inverser le rapport de force qui se créée lors du processus de violence et de limiter les violences indirectes dont sont victimes les enfants.
Les efforts doivent être poursuivis.
Si de réelles avancées ont été faites, elles méritent d'être consolidées La coordination des acteurs reste un enjeu fort dans la lutte contre les violences au sein du couple.
Les acteurs prennent de plus en plus conscience de l'importance de développer des relations entre leurs réseaux, d'adopter une démarche interdisciplinaire et de se coordonner au travers de différentes instances.
Le rôle des « référents » est essentiel. D'autres interlocuteurs référents ont été mis en place dans les domaines de la santé (les référents violences intrafamiliales complètent l'activité des correspondants départementaux d'aide aux victimes), de la justice (juges délégués aux victimes dans les tribunaux) et du logement (référents « violences-hébergement »).
Il faut sans nul doute mieux les identifier et clarifier leurs missions et leur profil en fonction de leurs compétences.
Au-delà des diverses solutions d'hébergement et de logement adapté, citées dans ce rapport, la tension dans les zones très urbanisées freine l'accès au logement social et retarde le retour à l'autonomie des victimes.
La prise en charge dans les unités médico judiciaires (UMJ) constitue un moment important du processus. Les UMJ accueillent, examinent et informent. Au nombre de 50, elles méritent d'être déployées. De nouveaux schémas ont été élaborés en janvier dernier avec des établissements pivots pour activer le réseau et assurer un meilleur maillage.
Du côté des auteurs, le manque de places dans les différentes structures de prise en charge thérapeutique réduit l'efficacité de l'éviction du conjoint violent, mesure prononcée dans 9,6% des affaires de violences conjugales.
Pour conforter les résultats, la concertation des acteurs locaux et la formation des professionnels (personnels de santé, police, gendarmerie, acteurs judiciaires...) doivent être renforcés. Il faut également mutualiser les moyens et outils existants pour une mise en oeuvre homogène sur tout le territoire. Ce sont les clés d'une politique efficace en faveur de la lutte contre les violences au sein du couple.
A ce propos, vous avez raison, Madame Terrade, de citer le parquet de Bobigny. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques que le rapport de l'IGAS et de l'IJS ont utilement recensées.
C'est le cas de la politique pénale conduite par le Procureur près le Tribunal de grande instance de Bobigny qui a désigné depuis 2005 de référents spécialisés au sein du Parquet, avec des résultats visibles : le taux de classement sans suite est passé de 24 % à 15 % et le recours à la médiation pénale a été interdit.
Un mémento à l'attention des membres du parquet a été élaboré afin d'harmoniser les réponses pénales du parquet et des instructions précises sont données aux services de police afin de systématiser les rapports téléphoniques, même en l'absence de plainte. On le voit, des marges de progression existent en s'inspirant de ce qui fonctionne bien.
Par ailleurs, éradiquer le phénomène des violences ne peut se concevoir sans travailler sur l'image des femmes. Vous y avez fait référence, Madame Kammermann, Madame Morindesailly. Le poids des clichés et des stéréotypes continue à peser et à compromettre les progrès en faveur des femmes. C'était l'objectif que j'avais assignée à la Commission Reiser.
Elle a rendu ses conclusions mais je ne souhaite pas que celles-ci restent lettre-morte. La mission de la commission "Image des femmes dans les médias", présidée par Mme Michèle Reiser va être prolongée, afin d'assurer le monitoring de nos médias en matière d'image de la femme.
Sur le sujet du respect qui lui est connexe, j'ai souhaité m'adresser plus particulièrement aux jeunes filles. Elles vont recevoir lors des Journées d'appel de préparation à la défense un ouvrage intitulé "18 ans, Respect les filles" pour les aider à faire respecter leurs droits.
Nous envisageons de décliner cet outil aux garçons du même âge pour leur parler de respect vis à vis des autres mais également vis à vis d'eux-mêmes.
Prévenir c'est aussi sensibiliser et se doter de nouveaux outils.
Je rappellerai la campagne de communication grand public lancée le 2 octobre. Cette campagne de presse et d'affichage visait trois cibles (la victime, le témoin et l'auteur) et était dédiée aux violences au sein du couple. Elle vit au quotidien grâce au site Internet gouvernemental sur l'ensemble des violences faites aux femmes avec des témoignages directs pour que le silence se brise.
Toutes les formes de violences sont prises en compte. Tandis qu'un spot TV sur les violences conjugales sera diffusé avant l'été, des brochures en cours d'élaboration seront destinées en avril/mai aux femmes et jeunes filles victimes ou susceptibles de l'être de mutilations sexuelles ou de mariages forcés. 2010 portera principalement sur les violences verbales et l'image de la femme.
J'ajouterai enfin une pierre à l'édifice que nous construisons pour protéger les femmes. Le label de campagne d'intérêt général attribué à la lutte contre les violences faites aux femmes en 2009 en vue de la préparation de la grande cause nationale 2010.
Plusieurs d'entre vous, Madame La Présidente, Monsieur Courteau, Madame Terrade, estiment qu'une loi cadre, à l'instar de celle mise en oeuvre en Espagne depuis 2004, est indispensable. La présentation d'un projet de cette nature est une revendication récurrente de plusieurs mouvements associatifs.
Le rapport d'évaluation du premier plan triennal 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes devait notamment réfléchir sur l'opportunité de l'adoption d'une loi-cadre.
Il ressort de l'analyse des dispositifs législatifs européens et internationaux et des avis des acteurs ministériels, associatifs et décideurs locaux, qu'une loi-cadre n'ajoute pas un bénéfice particulier pour régler les dernières difficultés persistantes.
Nous avons un arsenal juridique complet particulièrement répressif à l'encontre des auteurs de violences faites aux femmes.
Depuis 2004, nous consolidons régulièrement ce dispositif législatif pour mieux protéger les femmes victimes de violences.
Aujourd'hui, notre objectif premier est l'application pleine et entière sur le terrain de ce dispositif. C'est de l'avis général, et cela ressort aujourd'hui de vos interventions, plus dans l'application que dans de nouvelles dispositions législatives que se situe la marge de progrès.
C'est tout l'objet des plans triennaux dont le second (2008-2010), en cours de mise en oeuvre va au-delà d'une loi cadre en abordant les auteurs et les enfants exposés aux violences intrafamiliales.
En revanche, il me semble primordial de rassembler toutes les dispositions législatives et réglementaires, dans un seul et même CODE commenté sur les Droits des femmes. Ce CODE unique, donnera une réelle lisibilité aux multiples mesures actuellement éparpillées dans plusieurs autres codes.
Il permettra aux femmes de connaître leurs droits et simplifiera leurs démarches tout en répondant à leurs interrogations. Ma réponse a été très longue et je vous prie de m'en excuser.
Mais vous aurez tous compris que cette cause, qui est la notre, je la défends avec autant de conviction et de souci d'efficacité que vous le faites vous-même dans vos responsabilités respectives. Et je tiens à vous remercier pour le soutien que vous apporterez à la promotion de toutes les actions qui contribueront à la faire progresser encore.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 24 mars 2009
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Dans le cadre des travaux de sa première semaine de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, je tiens à saluer le choix de votre Assemblée d'inscrire à son ordre du jour la question des violences faites aux femmes : cela montre combien le Sénat est attentif à toutes les questions de société.
La lutte contre ces formes de violence est un phénomène inacceptable dans nos démocraties modernes. Et nous ne devons tolérer aucune atteinte à l'intégrité physique et psychologique des femmes. Car cette violence est une réalité dévastatrice qui s'exerce au quotidien.
Elle touche toutes les catégories sociales, tous les âges. Elle reste pour les femmes la plus grande violation de leurs droits fondamentaux et un obstacle récurrent à la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans les faits, et contrairement à ce que l'on pourrait communément penser, cela signifie que les femmes sont davantage en danger chez elles que dans la rue ou sur leur lieu de travail.
Pour cela il est essentiel de mener une politique nationale active de lutte contre ces violences que, pour l'heure, il faut bien avouer, le progrès social n'a pas réglé.
Vous avez été plusieurs à rappeler que les chiffres restent terribles :
- 1 femme sur 10 est victime de violence physique, sexuelle, verbale ou psychologique de la part de son conjoint ;
- 166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2007 ;
- 47 500 faits de violences volontaires sur femmes majeures par leur conjoint ou ex-conjoint ont été enregistrés en 2007 ;
- Selon le dernier rapport de la délégation aux victimes : les morts violentes au sein du couple ont augmenté de 14 % par rapport à 2006.
Madame Kammermann, vous vous êtes inquiétée également de notre capacité à bien mesurer ce fléau. Nos chiffres reflètent-ils l'entière réalité des violences commises au sein du couple compte tenu de la réticence de certaines victimes à porter plainte ?
Pour approcher au plus près de la réalité des chiffres, l'INSEE, en partenariat avec l'Observatoire national de la délinquance conduit en France métropolitaine une enquête annuelle de victimation pour compléter les données issues de l'état 4001 (données de la police et de la gendarmerie). Il résulte des enquêtes menées en 2007 et 2008 que près de 2% des femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subies des violences au sein de leur couple.
Je tiens également à vous signaler qu'une Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) est en cours en Martinique. Ses résultats seront connus à la fin du premier semestre 2009. Cette enquête a déjà été réalisée à la Réunion et il est prévu de la réaliser en Guadeloupe.
On voit combien, au seul vu de ce constat, il est nécessaire de rester mobilisé sur ce sujet. Permettez-moi donc, Madame la Présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, de vous remercier d'avoir été à l'origine de ce débat. Je sais que ce combat vous tient tout particulièrement à coeur et ce depuis de nombreuses années, lorsque vous occupiez les mêmes fonctions que moi dans le gouvernement de M. Michel Rocard.
Et déjà en 1989, vous aviez pris l'initiative de mettre en place dans chaque département des commissions d'action contre les violences afin que tous les partenaires institutionnels et associatifs soient impliqués et travaillent ensemble. Depuis, les gouvernements successifs ont progressé. Malheureusement le phénomène ne s'est pas épuisé.
Vous avez été nombreux, Madame la Présidente, Monsieur Courteau, Madame Laborde, à vous inquiéter de la remise du rapport prévu à l'article 13 de la loi du 4 avril 2006. Comme vous le savez ce rapport a été déposé sur le bureau des assemblées lundi 16 mars. Ce rapport est le premier du genre et constitue une étape d'évaluation décisive dans un domaine où il est difficile de mesurer l'efficacité de l'action publique. Pour cela, il nous a paru essentiel - au risque il est vrai d'un dépôt retardé - d'y intégrer des mesures mises en oeuvre récemment, de disposer de données précises. Nous avons pu, pour cela, nous appuyer sur le rapport d'évaluation du premier plan triennal global 2005-2007 réalisé à ma demande par les inspections des affaires sociales, des services judiciaires, de l'administration avec le concours de celle de la police nationale. Ce rapport a été rendu public le 8 juillet 2008 et les recommandations qu'il comporte ont été présentées par leurs auteures le 1er octobre devant les membres de la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes.
En outre, un groupe interministériel co-piloté par la justice et les droits des femmes a été constitué le 2 juillet dernier. Avec la Garde des Sceaux, nous avons effectivement tenu que soit engagée une réflexion sur l'évolution du cadre juridique afin d'examiner et de rechercher des pistes d'améliorations, portant notamment sur la reconnaissance des violences psychologiques et sur l'articulation entre les procédures pénales et civiles. Ce groupe rendra ses conclusions prochainement.
Le document qui vous a été remis en début de semaine dresse le bilan des actions menées pour les années 2006 et 2007, mais aussi celui de la première année de mise en oeuvre du plan 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes. Avec le DPT (document de politique transversale) en matière de droits des femmes dont le Parlement a voté le principe dans la dernière loi de finances et qui paraîtra pour la première fois dans le cadre des documents annexés au projet de loi de finances pour 2010, nous disposerons ainsi d'un état des lieux précis de toutes les actions engagées et nous pourrons, à l'avenir, en évaluer précisément l'efficacité.
Car, et vous avez été également nombreux à le souligner, la politique de lutte contre les violences conjugales et plus largement celle de lutte contre les violences faites aux femmes, présente un caractère complètement transversal et interministériel, qui mobilise le gouvernement tout entier, chaque ministère dans son domaine de compétences, mais en adoptant une approche globale.
Mais au-delà du niveau institutionnel, vous avez rappelé, Madame la Présidente, Monsieur Courteau, Madame Laborde, combien la mobilisation des associations sur le terrain est remarquable et leur action nécessaire. Les intervenants de proximité jouent en effet un rôle irremplaçable et nous ne pouvons que saluer l'investissement sans faille au quotidien des associations spécialisées dans la lutte contre les violences.
A ce propos, vous m'avez interrogé, Madame Laborde, sur le financement des Centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Vous savez combien nous nous appuyons sur ce réseau associatif. L'Etat lui a confié la mission d'assurer l'accès des femmes à l'information sur leurs droits dans les domaines juridique, professionnel, économique, social et familial. Parmi les activités des CIDFF la lutte contre les violences sexistes est essentielle.
Leurs ressources globales représentent plus de 30 millions d'euros, dont 34% du financement est assuré par l'Etat - le SDFE y contribue pour plus de 5 Millions euros en 2009. Je vous confirme mon engagement de maintenir le niveau de financement. Certains CIDFF n'ont pas encore reçu les premiers acomptes, car certaines conventions triennales d'objectifs et de moyens sont en cours de signature. Nous envisageons d'ailleurs de généraliser en 2010 cette contractualisation.
Soyez assurée, Madame la Sénatrice, que je donne instruction aux DDASS de verser les crédits prévus au plus tôt. La complémentarité des partenariats institutionnels, publics et privés, associatifs et élus locaux, est elle aussi essentielle. S'il y a un sujet sur lequel la solidarité doit être au rendez-vous c'est bien celui là.
Les parquets nouent de nombreuses relations avec les associations. Les travailleurs sociaux sont également plus en plus sollicités par les professionnels du monde judiciaire, de la police, des unités de gendarmerie. Les services déconcentrés et les collectivités territoriales travaillent aussi en partenariat. De nombreuses actions de sensibilisation et de formation sont organisées à l'échelon local en direction des élus et du grand public avec le concours des intervenants associatifs.
Ces multi partenariats permettent à l'Etat de continuer à mener de façon pragmatique une politique volontariste de lutte contre les violences de mieux en mieux adaptée aux besoins et de plus en plus capable de répondre aux attentes. Oui, la prise en charge globale des personnes concernées s'améliore. Vous avez souligné, Madame Dini, Madame Kammermann, les avancées, même si Monsieur Courteau, vous regrettez qu'elles se fassent à petit pas. Le rôle des acteurs de proximité, l'élaboration d'outils pertinents et les dispositions réglementaires et législatives y contribuent. Permettez-moi d'en citer quelques exemples en insistant sur certains dispositifs plus novateurs. En effet, de nouvelles mesures ont été adoptées et mises en oeuvre depuis 2006 et le plan triennal 2008-2010 permet de les conforter.
Je vous remercie, Madame Dini, d'avoir souligné le nombre d'appels (7000) reçu par le numéro d'appel unique, le 39 19, mis en place le 14 mars 2007. Il est facile à retenir, gratuit et n'apparait pas sur les relevés téléphoniques, pour éviter de mettre en danger les femmes. Géré par la fédération nationale solidarité femmes (FNSF), il dispense une écoute de qualité, professionnelle, anonyme et personnalisée et, le cas échéant, une orientation adaptée. J'ai tenu à renforcer les moyens financiers de cette plate-forme d'écoute par un redéploiement des crédits d'intervention. Ce numéro national unique a d'ores et déjà permis une avancée significative dans l'appui aux femmes victimes.
Vous avez été plusieurs à m'interroger sur la question des référents. Je souhaite insister sur l'importance de la mise en place progressive d'un réseau de référents locaux sur tout le territoire. Ces référents sont les interlocuteurs uniques de proximité pour garantir l'accompagnement des femmes victimes de violences au sein du couple. Ils pourront ainsi apporter dans la durée une réponse globale aux femmes, ils pourront les orienter vers les structures adaptées à leurs besoins.
Douze référents ont été recrutés et sont financés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Une vingtaine de départements projettent de les mettre en place prochainement s'appuyant sur cahier des charges précis diffusé avec une circulaire du 14 mai 2008 transmise aux Préfets. Leur rôle sera déterminant, j'en suis convaincue, pour simplifier les démarches auxquelles sont confrontées les femmes victimes de violence et assurer le suivi individualisé de leur parcours.
Notre objectif est un maillage du territoire. Le Premier Ministre a clairement réclamé le 25 novembre dernier que leur déploiement soit accéléré et que d'ici la fin du premier semestre 2009, chaque département soit doté d'un tel référent local. Le dispositif n'a pas pour objectif de se substituer aux acteurs existants mais de les coordonner et de faciliter les démarches de la victime.
Vous avez été unanimes à souligner que la réponse à la recherche d'autonomie des femmes victimes de violence passe obligatoirement par une solution adaptée en matière d'hébergement et de logement. De nombreuses mesures ont été prises en ce domaine. Mais il nous faut encore progresser. En ce qui me concerne j'ai souhaité diversifier les réponses offertes. C'est pour cette raison que j'ai voulu lancé une expérimentation sur les familles d'accueil. Vous m'avez demandé, Madame Kammermann, où nous en sommes. Voilà ce que je peux dire aujourd'hui : suite à une circulaire interministérielle de juillet 2008 nous avons saisi les Présidents de Conseils généraux. Ces derniers se sont fortement mobilisés. Aujourd'hui, plus de 70 familles ont été repérées pour accueillir les femmes victimes de violence avec ou sans enfants. Elles sont réparties sur une vingtaine de départements. 15 d'entre eux veillent à l'opérationnalité des familles (par exemple dans la Manche, la Sarthe, l'Oise, la Creuse, la Drôme, l'Ardèche...). Notre objectif est d'arriver à 100 familles d'accueil d'ici 2010. Lorsque celles-ci auront fonctionné suffisamment, nous en évaluerons le bénéfice.
S'agissant de l'hébergement d'urgence, sur lequel vous m'avez interrogée, Madame Laborde.
La proportion de femmes accueillies en CHRS est désormais importante. Les CHRS accueillent en effet environ 33% de femmes. 115 CHRS privilégient l'accueil de femmes victimes de violences. 169 CHRS accueillent des femmes en grande difficulté sociale. Par ailleurs, pour les femmes, 40 % des places en CHRS sont en structure "éclatée" (en appartement et non en structure collective) . Pour la première fois, une enquête a été réalisée en 2008 pour mieux identifier les femmes victimes de violences parmi les publics en difficulté accueillis dans les structures d'hébergement. Plus globalement, nous veillons aussi à ce que les femmes victimes de violence conjugale soient prioritaires dans l'accès au logement. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion adoptée le 19 février dernier comporte à cet égard deux dispositions importantes insérées par voie d'amendements votés à l'unanimité, afin de rendre les femmes victimes de violences conjugales prioritaires dans l'accès au logement social.
Dans le domaine de la santé, je soulignerai les efforts réalisés pour améliorer la connaissance du phénomène de violences envers les femmes, faire de la prévention, développer la formation des professionnels de santé (médecins, gynécologues, sages-femmes, infirmières, puéricultrices...) et faciliter le repérage des situations de violence.
Ces actions ciblées en fonction des situations et de la nature des violences révèlent une fois de plus que le Gouvernement s'attache à prendre en compte toutes les formes de violences dont sont victimes les fillettes, les jeunes filles et les femmes.
A cet égard, vous avez, Madame Morin-Desailly, insisté sur l'importance de la prévention très en amont, dès le plus jeune âge. C'est un souci constant du gouvernement. Nous menons un travail partenarial avec l'Education nationale, notamment dans le cadre de la convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes dans le système éducatif qui engage 9 ministères. Prévenir les comportements violents et combattre les stéréotypes font partie des priorités de Madame Marie-Jeanne PHILIPPE, Rectrice de Besançon qui préside le comité de pilotage. Le respect de l'autre ne se décrète pas, il s'apprend sur le terrain. Pour cela, des actions de sensibilisations sont inscrites dans le Plan Espoir Banlieues.
L'éducation au respect, à la mixité et à l'égalité ne se limite pas aux établissements scolaires. Elle doit investir la sphère familiale et toucher les jeunes dans les dispositifs existants tels que le programme Ville, Vie, Vacances, qui propose des loisirs aux jeunes des quartiers pendant les vacances scolaires. On sait que seulement 25% des jeunes filles des quartiers y participent aujourd'hui, par crainte des comportements violents de la part des garçons. Nous soutenons ce programme, qui s'est fixé pour objectif d'augmenter de 40% la fréquentation des jeunes filles en 2008. Il faut encourager les filles à pratiquer les mêmes activités de loisirs, à s'orienter dans les mêmes filières et à occuper les mêmes métiers que les garçons. Par ailleurs, il convient de renforcer l'accès à l'information des filles et des femmes sur leurs droits, de développer des actions spécifiques sur les mariages forcés et les mutilations sexuelles en s'appuyant sur les associations et les adultes relais et en utilisant les antennes des Centres d'information sur les droits des femmes et des familles, en mettant en place des espaces de dialogue.
Parallèlement, l'arsenal législatif et juridique depuis 2006 est plus répressif et protecteur. Les victimes sont encouragées à porter plainte et le taux de réponse pénale à l'encontre des auteurs de violences conjugales a augmenté passant de 68,9% en 2003 à 83,8%.
De très nombreux parquets se sont engagés dans des conventions ou protocoles visant la prévention de la récidive des auteurs grâce à une prise en charge sociale, médicale et psychologique. De même, l'éviction du conjoint violent qui constitue une mesure phare de la loi de 2006 se révèle pertinente.
Elle permet d'inverser le rapport de force qui se créée lors du processus de violence et de limiter les violences indirectes dont sont victimes les enfants.
Les efforts doivent être poursuivis.
Si de réelles avancées ont été faites, elles méritent d'être consolidées La coordination des acteurs reste un enjeu fort dans la lutte contre les violences au sein du couple.
Les acteurs prennent de plus en plus conscience de l'importance de développer des relations entre leurs réseaux, d'adopter une démarche interdisciplinaire et de se coordonner au travers de différentes instances.
Le rôle des « référents » est essentiel. D'autres interlocuteurs référents ont été mis en place dans les domaines de la santé (les référents violences intrafamiliales complètent l'activité des correspondants départementaux d'aide aux victimes), de la justice (juges délégués aux victimes dans les tribunaux) et du logement (référents « violences-hébergement »).
Il faut sans nul doute mieux les identifier et clarifier leurs missions et leur profil en fonction de leurs compétences.
Au-delà des diverses solutions d'hébergement et de logement adapté, citées dans ce rapport, la tension dans les zones très urbanisées freine l'accès au logement social et retarde le retour à l'autonomie des victimes.
La prise en charge dans les unités médico judiciaires (UMJ) constitue un moment important du processus. Les UMJ accueillent, examinent et informent. Au nombre de 50, elles méritent d'être déployées. De nouveaux schémas ont été élaborés en janvier dernier avec des établissements pivots pour activer le réseau et assurer un meilleur maillage.
Du côté des auteurs, le manque de places dans les différentes structures de prise en charge thérapeutique réduit l'efficacité de l'éviction du conjoint violent, mesure prononcée dans 9,6% des affaires de violences conjugales.
Pour conforter les résultats, la concertation des acteurs locaux et la formation des professionnels (personnels de santé, police, gendarmerie, acteurs judiciaires...) doivent être renforcés. Il faut également mutualiser les moyens et outils existants pour une mise en oeuvre homogène sur tout le territoire. Ce sont les clés d'une politique efficace en faveur de la lutte contre les violences au sein du couple.
A ce propos, vous avez raison, Madame Terrade, de citer le parquet de Bobigny. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques que le rapport de l'IGAS et de l'IJS ont utilement recensées.
C'est le cas de la politique pénale conduite par le Procureur près le Tribunal de grande instance de Bobigny qui a désigné depuis 2005 de référents spécialisés au sein du Parquet, avec des résultats visibles : le taux de classement sans suite est passé de 24 % à 15 % et le recours à la médiation pénale a été interdit.
Un mémento à l'attention des membres du parquet a été élaboré afin d'harmoniser les réponses pénales du parquet et des instructions précises sont données aux services de police afin de systématiser les rapports téléphoniques, même en l'absence de plainte. On le voit, des marges de progression existent en s'inspirant de ce qui fonctionne bien.
Par ailleurs, éradiquer le phénomène des violences ne peut se concevoir sans travailler sur l'image des femmes. Vous y avez fait référence, Madame Kammermann, Madame Morindesailly. Le poids des clichés et des stéréotypes continue à peser et à compromettre les progrès en faveur des femmes. C'était l'objectif que j'avais assignée à la Commission Reiser.
Elle a rendu ses conclusions mais je ne souhaite pas que celles-ci restent lettre-morte. La mission de la commission "Image des femmes dans les médias", présidée par Mme Michèle Reiser va être prolongée, afin d'assurer le monitoring de nos médias en matière d'image de la femme.
Sur le sujet du respect qui lui est connexe, j'ai souhaité m'adresser plus particulièrement aux jeunes filles. Elles vont recevoir lors des Journées d'appel de préparation à la défense un ouvrage intitulé "18 ans, Respect les filles" pour les aider à faire respecter leurs droits.
Nous envisageons de décliner cet outil aux garçons du même âge pour leur parler de respect vis à vis des autres mais également vis à vis d'eux-mêmes.
Prévenir c'est aussi sensibiliser et se doter de nouveaux outils.
Je rappellerai la campagne de communication grand public lancée le 2 octobre. Cette campagne de presse et d'affichage visait trois cibles (la victime, le témoin et l'auteur) et était dédiée aux violences au sein du couple. Elle vit au quotidien grâce au site Internet gouvernemental sur l'ensemble des violences faites aux femmes avec des témoignages directs pour que le silence se brise.
Toutes les formes de violences sont prises en compte. Tandis qu'un spot TV sur les violences conjugales sera diffusé avant l'été, des brochures en cours d'élaboration seront destinées en avril/mai aux femmes et jeunes filles victimes ou susceptibles de l'être de mutilations sexuelles ou de mariages forcés. 2010 portera principalement sur les violences verbales et l'image de la femme.
J'ajouterai enfin une pierre à l'édifice que nous construisons pour protéger les femmes. Le label de campagne d'intérêt général attribué à la lutte contre les violences faites aux femmes en 2009 en vue de la préparation de la grande cause nationale 2010.
Plusieurs d'entre vous, Madame La Présidente, Monsieur Courteau, Madame Terrade, estiment qu'une loi cadre, à l'instar de celle mise en oeuvre en Espagne depuis 2004, est indispensable. La présentation d'un projet de cette nature est une revendication récurrente de plusieurs mouvements associatifs.
Le rapport d'évaluation du premier plan triennal 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes devait notamment réfléchir sur l'opportunité de l'adoption d'une loi-cadre.
Il ressort de l'analyse des dispositifs législatifs européens et internationaux et des avis des acteurs ministériels, associatifs et décideurs locaux, qu'une loi-cadre n'ajoute pas un bénéfice particulier pour régler les dernières difficultés persistantes.
Nous avons un arsenal juridique complet particulièrement répressif à l'encontre des auteurs de violences faites aux femmes.
Depuis 2004, nous consolidons régulièrement ce dispositif législatif pour mieux protéger les femmes victimes de violences.
Aujourd'hui, notre objectif premier est l'application pleine et entière sur le terrain de ce dispositif. C'est de l'avis général, et cela ressort aujourd'hui de vos interventions, plus dans l'application que dans de nouvelles dispositions législatives que se situe la marge de progrès.
C'est tout l'objet des plans triennaux dont le second (2008-2010), en cours de mise en oeuvre va au-delà d'une loi cadre en abordant les auteurs et les enfants exposés aux violences intrafamiliales.
En revanche, il me semble primordial de rassembler toutes les dispositions législatives et réglementaires, dans un seul et même CODE commenté sur les Droits des femmes. Ce CODE unique, donnera une réelle lisibilité aux multiples mesures actuellement éparpillées dans plusieurs autres codes.
Il permettra aux femmes de connaître leurs droits et simplifiera leurs démarches tout en répondant à leurs interrogations. Ma réponse a été très longue et je vous prie de m'en excuser.
Mais vous aurez tous compris que cette cause, qui est la notre, je la défends avec autant de conviction et de souci d'efficacité que vous le faites vous-même dans vos responsabilités respectives. Et je tiens à vous remercier pour le soutien que vous apporterez à la promotion de toutes les actions qui contribueront à la faire progresser encore.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 24 mars 2009