Interview de M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale, à Europe 1 le 30 mars 2009, sur ses propositions pour aménager le Grand Paris, en faire une "ville-monde", pôle de développement international, et sur la création d'un réseau de transport rapide.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- Enfin il va parler ! C. Blanc, bonjour.
 
Bonjour, J.-P. Elkabbach.
 
Grand Paris, horizon 2003. Est-ce le Paris actuel dans ses murs ou est-ce un Paris élargi hors du Paris d'aujourd'hui, d'abord, simplement ?
 
Le Grand Paris c'est le Paris dans trente ans, donc il sera beaucoup plus grand que le Paris d'aujourd'hui. Ca sera une ville-monde de plus de dix millions d'habitants, qui sera une des quatre ou cinq capitales mondiales de la création et de l'innovation, mais je l'espère aussi une capitale de l'art de vivre au 21e siècle.
 
Une ville monde, c'est-à-dire comme par exemple ?
 
Comme par exemple New York, Tokyo, Londres. Paris est d'ores et déjà une ville-monde, mais une ville-monde qui décline.
 
Oui ! Où seront les vraies portes de Paris, C. Blanc ?
 
Voilà la bonne question, car les portes de Paris ce ne seront plus celles que nous avons connues ou que nous connaissons, ce sont les grands aéroports parisiens, Roissy Charles de Gaulle, Orly, Le Bourget, mais également les grandes gares TGV. Ce sont ça les gares internationales.
 
C'est-à-dire les gares et les aéroports ?
 
Oui, c'est une ville internationale dont les portes sont les aéroports. Et puis, un jour, je l'espère, le Port du Havre qui est le port naturel de Paris.
 
Ah oui ! C'est-à-dire que les portes actuelles en 2030 ne seront plus que des souvenirs et votre rôle aujourd'hui c'est d'abattre les murailles. Vous dessinez le Grand Paris, C. Blanc, à partir d'une carte dans votre bureau ou vous allez voir sur le terrain ?
 
Non, d'abord, effectivement, il faut se comparer à toutes les autres villes-monde pour savoir où on en est. On doit également déterminer les potentiels qui sont ceux d'une ville-monde du 21e siècle. L'innovation est le facteur essentiel des villes-monde aujourd'hui. Et, bien évidemment, il faut beaucoup discuter, non seulement avec les experts mais avec les gens du terrain, avec les élus, et c'est ce que nous avons fait.
 
Alors, vous avez identifier dans cet ensemble des zones, je crois que vous les appelez des pôles urbains d'activités, qui sont utiles à la fois pour l'économie et qui donneraient des coups de pouce à la recherche et à l'innovation, comme vous le dites. Est-ce qu'on peut prendre des exemples ? Saint-Denis, Saint-Ouen, qui commencent à être le coeur des industries de cinéma et de télé, le projet de L. Besson et Lambert. L'est par exemple, l'est de la région Ile de France, parisien.
 
Oui, J.-P. Elkabbach, en effet il faut que ces villes mondes soient des villes de l'innovation - je parle là au plan économique - et que ces villes soient articulées les unes aux autres, car ce qui fait la croissance mondiale, ce qui fera la croissance mondiale, ce sont ces villes-monde. Alors, dans chacune des villes-monde il faut bien identifier des pôles de développement internationaux. Nous en avons décelés sur la région parisienne une dizaine, ce qui est considérable, les potentiels sont considérables. Vous parliez de Saint-Ouen ; effectivement autour de Plaine Commune, de Saint-Denis, il y a un gisement de créativité qui est extraordinaire en termes, bien sûr, de chant, de danse, mais de numérique, mais de studios de télévision, mais de cinémas, etc.
 
Autre région, l'est ?
 
L'est, nous avons identifié autour de l'université de Descartes un pôle de la création sur la ville, sur la croissance verte, etc., etc., qui peut devenir également un des pôles mondiaux. Voilà, c'est ça la démarche.
 
Encore une exemple, allez, C. Blanc, le sud ?
 
Le sud, bien sûr le Plateau de Saclay que nous avons lancé il y a maintenant quelques mois, qui sera l'un des clusters, c'est-à-dire l'une des plateformes scientifiques et technologiques parmi les quatre ou cinq plus puissantes au monde. Et tous ces pôles vont pouvoir être articulés eux-mêmes sur le monde entier. D'où la nécessité d'avoir ces aéroports, ces TGV, etc. pour les relier au monde.
 
Le Grand Paris est-ce qu'il trouve sa place dans l'Ile de France actuelle ou il la déborde ?
 
L'agglomération elle-même du Grand Paris sera dans l'Ile de France, mais il est certain que l'articulation se fera non seulement avec Le Havre dont je parlais tout à l'heure, mais avec Lyon, mais avec Londres. C'est une toute autre approche du développement de cette ville de Paris.
 
Donc, on voit que c'est un immense projet et qui va être débattu, etc. Mais avec le Grand Paris ainsi imaginé, C. Blanc, que vont devenir les plaies d'aujourd'hui, les banlieues, les quartiers difficiles, les ghettos urbains ?
 
On ne peut pas parle de développement économique si dans le même temps on ne traite pas les problèmes sociaux qui se posent, les problèmes de marginalisation dans l'urbanisation qui existe, je pense par exemple au nord-est, je pense à Clichy, à Montfermeil. Donc, effectivement, tout notre projet est un projet qui intègre la restructuration urbaine des zones déshéritées de cette région.
 
Mais, donc dans ce nouvel espace, vous me répondez concrètement, il y aura encore des banlieues, il y aura encore des ghettos ?
 
Non, si nous faisons bien le travail et si effectivement ce développement, qui sera engendré par tout ce que je viens de vous dire, se vérifie, il n'y aura pas de place pour ce qui existe aujourd'hui.
 
Vous nous faites rêver ou ça peut devenir une réalité ?
 
Ecoutez, J.-P. Elkabbach, je ne suis pas un rêveur. Je rêve pour anticiper, mais ensuite je suis un homme d'action et si je l'affirme c'est que je le crois.
 
Donc, vous allez travailler, et vous travaillez déjà avec des urbanistes, des architectes les plus renommés. On verra tout à l'heure, mais parce que une des questions majeures, C. Blanc, c'est le transport. Alors, vous avez été le patron d'Air France et de la RATP, vous avez été le créateur de Meteor, c'est-à-dire la ligne 14. Demain, en 2030, votre métro il ressemblera à quoi ? D'abord est-ce qu'il a un nom ?
 
Non, nous attendrons pour le nom de baptême, mais il existera avant 2030. Il existera dans une douzaine d'années. C'est la troisième génération des transports. Nous avons eu le métropolitain, le métro de Paris, première génération ; le RER, deuxième génération. Nous aurons le métro, le réseau de métros automatiques qui a un double objectif : d'abord répondre aux besoins actuels des transports banlieue/banlieue, enfin qui sont aujourd'hui très difficiles, mais également d'articuler les pôles de développement économique et urbain et par exemple de mettre Roissy à La Défense en 25 minutes, Roissy au coeur de Paris en 25 minutes,, Saclay à Orly en 10 minutes. C'est ça, c'est ça ce nouveau projet.
 
Mais avec quel cheminement ?
 
Ah, écoutez, ça c'est le Président de la République qui en parlera prochainement, le 29 avril, quand il présentera le projet pour le Grand Paris. Mais disons que c'est grosso modo une double boucle de 130 km qui sera une boucle rapide, avec des trains qui seront à 60, à 80 km/h. Il faut savoir que pour le métro par exemple, aujourd'hui le métro parisien on est à 20 km/h, donc vous voyez, il y a un bond tout à fait considérable, une très forte capacité, 40 000 personnes à l'heure, de la sécurité absolue.
 
Alors que c'est automatique ou ce serait automatique.
 
Bien sûr, bien sûr ! Sur Meteor, par exemple, aujourd'hui, depuis la création de Meteor vous n'avez pas un cas de suicide dans les stations.
 
Donc, tous ces réseaux vont être connectés avec les métros et les RER d'aujourd'hui.
 
Ah, certainement, oui ! C'est ce qui donnera d'ailleurs une puissance à ce nouveau réseau que de pouvoir connecter tous les réseaux existants.
 
Et ce réseau, il sera encore plus profond dans certains cas que le métro d'aujourd'hui ?
 
Tout dépend de quel métro on parle, si vous voulez. La moyenne d'enfouissement des tunnels c'est de 15 m, bon. Pour passer sous Paris, des fois il faut descendre à 40 m. Alors, là, en moyenne, nous serons vraisemblablement autour de 10 à 15 m de profondeur.
 
Alors, je vous pose très très rapidement des questions. Est-ce que vous allez associer les élus, B. Delanoë, J.-P. Huchon, et d'autres, à ce que vous faites ?
 
Eh bien, écoutez, tout d'abord j'ai pas attendu aujourd'hui pour rencontrer de très, très nombreux élus de la région parisienne pour discuter avec eux.
 
Mais par exemple, le schéma préparé pour l'Ile de France par J.-P. Huchon est-ce qu'il vous convient ?
 
Ça, c'est une autre question et c'est la raison pour laquelle je n'ai pas rencontré J.-P. Huchon pendant toute cette période, c'est qu'il a fait voter malgré notre demande un document, enfin qui est le schéma directeur, en septembre dernier, alors que nous avions demandé à avoir quelques mois pour pouvoir faire des propositions au nom de l'Etat, ce qui est prévu, prévu très précisément par la loi.
 
Entre nous, ce que vous faites, vous êtes en train de préparer la victoire de l'UMP contre J.-P. Huchon ?
 
Ça, vous savez, ce sont les électeurs qui décideront. Si votre question c'est de savoir si cela va être une plateforme pour la candidature de Madame Pécresse, vous l'avez bien compris, le projet de Grand Paris dépasse largement les enjeux électoraux immédiats. Et ce que je souhaite c'est que nous puissions avoir un consensus le plus large possible sur un projet pour le Grand Paris dans les prochains mois.
 
En tout cas, on verra qui sera le grand maire du Grand Paris, etc., on en reparlera dans d'autres circonstances. Là, c'est terminé, et ce que je veux dire c'est que le débat est lancé avec vous, avec ce que vous venez de dire aujourd'hui sur ce que deviendra le Grand Paris. Merci C. Blanc.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 mars 2009