Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux d'ouvrir ce prestigieux colloque, qui intervient à un moment particulièrement opportun : quelques mois après la fin de la PFUE qui a fait de la Défense une de ses quatre priorités, et alors que nous préparons le sommet Strasbourg-Kehl des 3 et 4 avril prochain.
Colloque prestigieux, disais-je, à double titre : d'abord parce que le Président de la République viendra conclure nos travaux. Ensuite, parce que cette journée sera l'occasion d'entendre des contributions essentielles à la réflexion stratégique mondiale : je salue notamment la présence de M. Javier Solana, M. Bernard Kouchner, mon collègue au gouvernement, et M. Jaap de Hoop Scheffer. Je tiens à remercier également les participants aux différentes tables rondes.
Vous le savez, la mondialisation, le développement de l'Asie mais aussi celui des relations Sud-Sud, l'arrivée de nouveaux prétendants, les attentes toujours vives à l'égard de l'élargissement du Conseil de sécurité, ont bouleversé le monde bipolaire qui avait présidé à la naissance de l'OTAN et aux prémices de l'Union européenne.
Notre époque est bien celle des « puissances relatives ». Ceci nous invite à prendre conscience que, derrière la confusion, nous avons des intérêts de sécurité communs.
À cet égard, la crise financière que nous vivons actuellement est un nouveau révélateur des interdépendances et des fragilités de chacun : aucun pays dans le monde n'est à l'abri des conséquences économiques et sociales - et donc politiques -, de cette crise durable.
Nul ne peut désormais penser que le monde de demain sera identique à celui d'hier, ni même à celui d'aujourd'hui.
Depuis un demi-siècle, alors que nous célébrons cette année le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, les Européens, forts d'une histoire tragique, savent désormais la nécessité d'une coopération entre les États. Voilà le modèle que l'Europe peut aujourd'hui proposer : le partenariat plutôt que la rivalité stérile, l'interdépendance assumée plutôt que les aventures isolées, le respect de l'autre plutôt que l'unilatéralisme aveugle, la coopération entre les hommes plutôt que la compétition entre les États. Et c'est cela que les Européens ont su construire après 1945 : une école de la paix et de la stabilité, où l'État de droit prime le rapport de forces.
L'immense espoir qu'a suscité l'élection de Barak Obama voit se dresser pour l'Amérique et pour l'Europe l'occasion de reconstruire l'ordre mondial, en coopération avec le reste du monde, dans un esprit de responsabilité partagée.
Car dans ce contexte troublé, l'Europe et l'Amérique ont un rôle essentiel à jouer, mais elles ne pourront le jouer qu'à la condition d'être unies et fortes, respectueuses des valeurs qui fondent notre système. Nous avons besoin d'un partenariat transatlantique rénové entre une Amérique ouverte aux autres et une Europe qui se renforce.
I] Une Europe qui se renforce, d'abord.
La construction européenne et l'Alliance atlantique ont été au cours de ce dernier demi-siècle les deux piliers d'une ambition forte pour les Européens : établir un cadre de sécurité collective susceptible d'assurer la prospérité et la stabilité du continent.
L'Union européenne, comme l'OTAN, sont des pôles de stabilité et de sécurité uniques au monde. Les demandes pressantes de ceux qui veulent y adhérer en sont les meilleures preuves.
Mais à coté de ces succès remarquables, il y a eu des échecs, ne nous voilons pas la face. J'en veux pour preuve les conflits des Balkans, qui, au coeur du continent, ont agi en révélateur des insuffisances des Européens, en révélateur - ô combien tardif - de l'assoupissement de la plupart des Nations européennes qui oubliaient leur obligation de prendre en charge leur défense pour se reposer sur l'engagement fort de l'allié américain. En 1962, John F. Kennedy avait proposé une alliance reposant sur deux piliers... Disons le tout net : les conditions d'une telle situation n'ont jamais été réunies jusqu'à présent. Travaillons à ce qu'elles le soient aujourd'hui !
À l'inverse de cette Europe endormie, la crise géorgienne nous a montré l'été dernier que l'Union européenne était capable d'enrayer la spirale de la violence.
Ce qui s'est passé avec la Géorgie, ce qui se passe actuellement avec la piraterie dans le Golfe d'Aden et la mise en place de la première opération navale de l'Union européenne, tout cela témoigne d'une révolution silencieuse mais réelle : la montée en puissance de l'Europe de la Défense.
Il y a 20 ans, l'Europe de la Défense était un tabou.
Il y a dix ans, c'était un concept purement intellectuel, objet de raillerie, et même objet de méfiance pour ceux qui y voyaient une source de nuisance.
Aujourd'hui, c'est une réalité.
En 1998, alors qu'était publiée la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, qui eût pensé que l'Europe, dix ans plus tard, aurait lancé 15 opérations civiles et 6 opérations militaires sur des théâtres aussi différents que la Bosnie, le Golfe d'Aden, le coeur de l'Afrique, l'Indonésie, le Caucase ? Qui eût pensé voir une opération (EUFOR Tchad) au plus profond du désert tchadien regrouper Irlandais, Suédois, Polonais, Danois, dont certains n'étaient pas membres de l'OTAN, afin de garantir la sécurité des réfugiés du Darfour ? Personne ! Certes il est difficile de générer des forces, certes il y a des manques dans nos capacités, mais le fait est aujourd'hui incontestable : l'Europe de la Défense devient une réalité.
Cette Europe de la Défense est pour nous une priorité, une priorité militaire et politique, car les Européens doivent avoir les moyens d'agir par eux-mêmes. Qu'est-ce qu'une puissance économique qui n'aurait pas les moyens militaires de mettre en oeuvre ses choix politiques ? Récemment encore, lors de la conférence sur la sécurité de Munich, le Président de la République a rappelé en ces termes le choix qui s'offre au « vieux continent » : « l'Europe veut-elle la paix ou veut-elle juste qu'on la laisse en paix ? ». À cette question, la France souhaite apporter une réponse claire : oui, nous voulons que l'Europe joue son rôle dans la paix mondiale. Oui nous voulons que la France soit pleinement adulte et qu'elle prenne ses responsabilités.
C'est pourquoi, pendant la Présidence française, nous avons mis en place les axes d'une politique de défense cohérente.
C'est pourquoi, avec nos partenaires, nous nous sommes accordés pour relancer l'Europe de la Défense, en nous appuyant non pas sur d'infinis débats idéologiques, mais sur des chantiers concrets.
Permettez-moi de citer quelques-unes de ces avancées.
1 - Renforcer l'information et le renseignement spatial.
Nous développerons ensemble la nouvelle génération de satellites d'observation : c'est le programme MUSIS. Nous fournirons aussi au centre satellitaire de l'Union européenne des images de nos satellites Helios 2, Cosmo skymed et Sarlupe.
2 - Améliorer la projection des forces en opérations.
Nous avons posé les bases pour une flotte européenne de transport aérien stratégique et pour un groupe aéronaval européen. Nous allons également moderniser nos flottes d'hélicoptères et former leurs équipages européens pour pouvoir déployer davantage d'appareils en opération.
3 - Accroître la protection des forces et des moyens.
Nous allons développer un nouveau programme de déminage maritime et mettre en réseau nos systèmes militaires dans le domaine de la surveillance maritime. Nous travaillons aussi à coordonner nos moyens militaires pour les opérations d'évacuation des ressortissants.
4 - Enfin, agir ensemble, c'est développer l'interopérabilité de nos forces.
C'est tout l'enjeu du projet d'« Erasmus militaire » que nous avons soutenu pour les jeunes élèves officiers : ce « vivre ensemble » des officiers de l'UE permettra de créer une « culture militaire » commune.
De plus, nous avons souhaité élever le niveau de nos ambitions pour nos opérations. Et nous avons décidé de restructurer nos industries de défense pour constituer des groupes mondiaux et des centres d'excellence européens. Pour cela, nous développerons en Europe les capacités clefs, nous favoriserons les échanges, l'investissement dans la recherche et les synergies entre technologies civiles et militaires. Notre action, vous l'avez compris, vise à préparer, dès à présent, au niveau européen, les réponses technologiques aux besoins opérationnels de demain.
Ces engagements sont fidèles à notre démarche : construire l'Europe des projets concrets plutôt que de débattre sans fin, et sans avancer !
II] Cette relance de l'Europe de la Défense, elle n'est pas concurrente mais bien complémentaire de la rénovation de l'OTAN.
En rappelant le 27 août 2007 que l'OTAN comme l'Europe de la Défense constituaient les deux piliers de notre sécurité, le Président de la République a souligné un fait fondamental. Le sommet de Strasbourg/Kehl sera le premier de l'Alliance à se tenir en France. Trop longtemps, la France a été soupçonnée de vouloir affaiblir l'OTAN. C'était injuste. La France a pris depuis plus de dix ans une place croissante dans l'OTAN. Elle est un des premiers contributeurs aux opérations, des Balkans à l'Afghanistan. Mais l'incompréhension demeurait : pourquoi la France reste-t-elle à l'écart de ses structures?
La conviction du Président de la République - et c'est aussi la mienne - est que la France peut rénover ses relations avec l'OTAN, en étant un allié indépendant et un partenaire libre des États-Unis. Pour le démontrer, il fallait au préalable que nous ayons relancé la défense européenne. C'est fait.
Cette perspective suscite naturellement des attentes. Celle d'une OTAN qui fasse plus de place à l'Europe et qui accélère sa transformation. Cette rénovation des relations de la France avec l'OTAN se fera au bénéfice de l'Alliance, au bénéfice de l'Europe, au bénéfice de la France. Et elle se fera sans remettre en cause l'indépendance de la France car, vous le savez, l'OTAN de 2009 n'est plus celle de 1966.
Si l'Alliance a beaucoup évolué depuis sa création, ce qui ne change pas, c'est le pacte fondamental qui nous unit depuis le Traité de Washington : la sécurité des Alliés est indivisible. Ce pacte lie l'Europe et l'Amérique. Mais il est aussi une expression de l'alliance des Européens entre eux. Le Traité de Lisbonne, dont nous espérons qu'il entrera bientôt en vigueur, y fait expressément référence.
Alors qu'attendons-nous du sommet du 60ème anniversaire ?
Qu'il vienne réaffirmer cet engagement solennel, ainsi que la nécessité de l'Europe de la Défense.
Qu'il soit l'occasion de nous tourner vers l'avenir et de réfléchir à l'Alliance dont nous aurons besoin. Parce que depuis dix ans, les menaces ont changé, et nos modes d'action également.
Il nous faudra en tirer ensemble les conséquences pour l'organisation et les missions de l'Alliance, mais aussi pour la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN, par exemple en Afrique.
Car nous avons besoin d'une organisation toujours plus efficace, plus réactive, capable d'agir dans le monde pour notre sécurité, une Alliance où le consensus donne sa force à nos décisions politiques.
Mais notre réflexion devra aller plus loin encore.
Faut-il une organisation globale ou s'agit-il d'un pacte de sécurité collective ? Faut-il faire de l'OTAN une agence au service de l'ONU, exerçant uniquement des missions de maintien de la paix, ou bien voulons-nous plus ? Jusqu'où pourrons-nous continuer d'élargir l'Alliance sans risquer son affaiblissement ?
Voilà les questions que nous devons nous poser pour une OTAN rénovée.
Voilà les questions que nous devrons aborder lors des discussions sur la rénovation du concept stratégique que nous lancerons au prochain sommet de l'OTAN à Strasbourg.
La transformation a été engagée. Mais elle doit s'amplifier. Ce sera la tâche du futur Secrétaire général que nous désignerons, ce sera aussi la tâche des Nations qui devront rechercher une meilleure efficacité de l'OTAN. C'est pourquoi il nous faudra réorganiser les structures et réduire une bureaucratie qui pèse sur l'efficacité opérationnelle. En ce domaine aussi, la France entend bien jouer un rôle moteur.
Mesdames et Messieurs,
Alors que 21 des 27 États membres de l'Union européenne font partie de l'Alliance, opposer Europe et OTAN n'a aucun sens.
Elles constituent les deux volets complémentaires d'une même ambition : assurer notre sécurité collective.
Nous avons besoin des deux : une Europe de la Défense forte qui a les outils pour projeter son modèle, et une OTAN rénovée où l'Europe tient toute sa place.
C'est l'intérêt de la France, et c'est l'intérêt de l'Europe.
Ne laissons pas passer cette opportunité.
Je vous remercie.
Source http://www.ihedn.fr, le 17 avril 2009
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux d'ouvrir ce prestigieux colloque, qui intervient à un moment particulièrement opportun : quelques mois après la fin de la PFUE qui a fait de la Défense une de ses quatre priorités, et alors que nous préparons le sommet Strasbourg-Kehl des 3 et 4 avril prochain.
Colloque prestigieux, disais-je, à double titre : d'abord parce que le Président de la République viendra conclure nos travaux. Ensuite, parce que cette journée sera l'occasion d'entendre des contributions essentielles à la réflexion stratégique mondiale : je salue notamment la présence de M. Javier Solana, M. Bernard Kouchner, mon collègue au gouvernement, et M. Jaap de Hoop Scheffer. Je tiens à remercier également les participants aux différentes tables rondes.
Vous le savez, la mondialisation, le développement de l'Asie mais aussi celui des relations Sud-Sud, l'arrivée de nouveaux prétendants, les attentes toujours vives à l'égard de l'élargissement du Conseil de sécurité, ont bouleversé le monde bipolaire qui avait présidé à la naissance de l'OTAN et aux prémices de l'Union européenne.
Notre époque est bien celle des « puissances relatives ». Ceci nous invite à prendre conscience que, derrière la confusion, nous avons des intérêts de sécurité communs.
À cet égard, la crise financière que nous vivons actuellement est un nouveau révélateur des interdépendances et des fragilités de chacun : aucun pays dans le monde n'est à l'abri des conséquences économiques et sociales - et donc politiques -, de cette crise durable.
Nul ne peut désormais penser que le monde de demain sera identique à celui d'hier, ni même à celui d'aujourd'hui.
Depuis un demi-siècle, alors que nous célébrons cette année le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, les Européens, forts d'une histoire tragique, savent désormais la nécessité d'une coopération entre les États. Voilà le modèle que l'Europe peut aujourd'hui proposer : le partenariat plutôt que la rivalité stérile, l'interdépendance assumée plutôt que les aventures isolées, le respect de l'autre plutôt que l'unilatéralisme aveugle, la coopération entre les hommes plutôt que la compétition entre les États. Et c'est cela que les Européens ont su construire après 1945 : une école de la paix et de la stabilité, où l'État de droit prime le rapport de forces.
L'immense espoir qu'a suscité l'élection de Barak Obama voit se dresser pour l'Amérique et pour l'Europe l'occasion de reconstruire l'ordre mondial, en coopération avec le reste du monde, dans un esprit de responsabilité partagée.
Car dans ce contexte troublé, l'Europe et l'Amérique ont un rôle essentiel à jouer, mais elles ne pourront le jouer qu'à la condition d'être unies et fortes, respectueuses des valeurs qui fondent notre système. Nous avons besoin d'un partenariat transatlantique rénové entre une Amérique ouverte aux autres et une Europe qui se renforce.
I] Une Europe qui se renforce, d'abord.
La construction européenne et l'Alliance atlantique ont été au cours de ce dernier demi-siècle les deux piliers d'une ambition forte pour les Européens : établir un cadre de sécurité collective susceptible d'assurer la prospérité et la stabilité du continent.
L'Union européenne, comme l'OTAN, sont des pôles de stabilité et de sécurité uniques au monde. Les demandes pressantes de ceux qui veulent y adhérer en sont les meilleures preuves.
Mais à coté de ces succès remarquables, il y a eu des échecs, ne nous voilons pas la face. J'en veux pour preuve les conflits des Balkans, qui, au coeur du continent, ont agi en révélateur des insuffisances des Européens, en révélateur - ô combien tardif - de l'assoupissement de la plupart des Nations européennes qui oubliaient leur obligation de prendre en charge leur défense pour se reposer sur l'engagement fort de l'allié américain. En 1962, John F. Kennedy avait proposé une alliance reposant sur deux piliers... Disons le tout net : les conditions d'une telle situation n'ont jamais été réunies jusqu'à présent. Travaillons à ce qu'elles le soient aujourd'hui !
À l'inverse de cette Europe endormie, la crise géorgienne nous a montré l'été dernier que l'Union européenne était capable d'enrayer la spirale de la violence.
Ce qui s'est passé avec la Géorgie, ce qui se passe actuellement avec la piraterie dans le Golfe d'Aden et la mise en place de la première opération navale de l'Union européenne, tout cela témoigne d'une révolution silencieuse mais réelle : la montée en puissance de l'Europe de la Défense.
Il y a 20 ans, l'Europe de la Défense était un tabou.
Il y a dix ans, c'était un concept purement intellectuel, objet de raillerie, et même objet de méfiance pour ceux qui y voyaient une source de nuisance.
Aujourd'hui, c'est une réalité.
En 1998, alors qu'était publiée la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, qui eût pensé que l'Europe, dix ans plus tard, aurait lancé 15 opérations civiles et 6 opérations militaires sur des théâtres aussi différents que la Bosnie, le Golfe d'Aden, le coeur de l'Afrique, l'Indonésie, le Caucase ? Qui eût pensé voir une opération (EUFOR Tchad) au plus profond du désert tchadien regrouper Irlandais, Suédois, Polonais, Danois, dont certains n'étaient pas membres de l'OTAN, afin de garantir la sécurité des réfugiés du Darfour ? Personne ! Certes il est difficile de générer des forces, certes il y a des manques dans nos capacités, mais le fait est aujourd'hui incontestable : l'Europe de la Défense devient une réalité.
Cette Europe de la Défense est pour nous une priorité, une priorité militaire et politique, car les Européens doivent avoir les moyens d'agir par eux-mêmes. Qu'est-ce qu'une puissance économique qui n'aurait pas les moyens militaires de mettre en oeuvre ses choix politiques ? Récemment encore, lors de la conférence sur la sécurité de Munich, le Président de la République a rappelé en ces termes le choix qui s'offre au « vieux continent » : « l'Europe veut-elle la paix ou veut-elle juste qu'on la laisse en paix ? ». À cette question, la France souhaite apporter une réponse claire : oui, nous voulons que l'Europe joue son rôle dans la paix mondiale. Oui nous voulons que la France soit pleinement adulte et qu'elle prenne ses responsabilités.
C'est pourquoi, pendant la Présidence française, nous avons mis en place les axes d'une politique de défense cohérente.
C'est pourquoi, avec nos partenaires, nous nous sommes accordés pour relancer l'Europe de la Défense, en nous appuyant non pas sur d'infinis débats idéologiques, mais sur des chantiers concrets.
Permettez-moi de citer quelques-unes de ces avancées.
1 - Renforcer l'information et le renseignement spatial.
Nous développerons ensemble la nouvelle génération de satellites d'observation : c'est le programme MUSIS. Nous fournirons aussi au centre satellitaire de l'Union européenne des images de nos satellites Helios 2, Cosmo skymed et Sarlupe.
2 - Améliorer la projection des forces en opérations.
Nous avons posé les bases pour une flotte européenne de transport aérien stratégique et pour un groupe aéronaval européen. Nous allons également moderniser nos flottes d'hélicoptères et former leurs équipages européens pour pouvoir déployer davantage d'appareils en opération.
3 - Accroître la protection des forces et des moyens.
Nous allons développer un nouveau programme de déminage maritime et mettre en réseau nos systèmes militaires dans le domaine de la surveillance maritime. Nous travaillons aussi à coordonner nos moyens militaires pour les opérations d'évacuation des ressortissants.
4 - Enfin, agir ensemble, c'est développer l'interopérabilité de nos forces.
C'est tout l'enjeu du projet d'« Erasmus militaire » que nous avons soutenu pour les jeunes élèves officiers : ce « vivre ensemble » des officiers de l'UE permettra de créer une « culture militaire » commune.
De plus, nous avons souhaité élever le niveau de nos ambitions pour nos opérations. Et nous avons décidé de restructurer nos industries de défense pour constituer des groupes mondiaux et des centres d'excellence européens. Pour cela, nous développerons en Europe les capacités clefs, nous favoriserons les échanges, l'investissement dans la recherche et les synergies entre technologies civiles et militaires. Notre action, vous l'avez compris, vise à préparer, dès à présent, au niveau européen, les réponses technologiques aux besoins opérationnels de demain.
Ces engagements sont fidèles à notre démarche : construire l'Europe des projets concrets plutôt que de débattre sans fin, et sans avancer !
II] Cette relance de l'Europe de la Défense, elle n'est pas concurrente mais bien complémentaire de la rénovation de l'OTAN.
En rappelant le 27 août 2007 que l'OTAN comme l'Europe de la Défense constituaient les deux piliers de notre sécurité, le Président de la République a souligné un fait fondamental. Le sommet de Strasbourg/Kehl sera le premier de l'Alliance à se tenir en France. Trop longtemps, la France a été soupçonnée de vouloir affaiblir l'OTAN. C'était injuste. La France a pris depuis plus de dix ans une place croissante dans l'OTAN. Elle est un des premiers contributeurs aux opérations, des Balkans à l'Afghanistan. Mais l'incompréhension demeurait : pourquoi la France reste-t-elle à l'écart de ses structures?
La conviction du Président de la République - et c'est aussi la mienne - est que la France peut rénover ses relations avec l'OTAN, en étant un allié indépendant et un partenaire libre des États-Unis. Pour le démontrer, il fallait au préalable que nous ayons relancé la défense européenne. C'est fait.
Cette perspective suscite naturellement des attentes. Celle d'une OTAN qui fasse plus de place à l'Europe et qui accélère sa transformation. Cette rénovation des relations de la France avec l'OTAN se fera au bénéfice de l'Alliance, au bénéfice de l'Europe, au bénéfice de la France. Et elle se fera sans remettre en cause l'indépendance de la France car, vous le savez, l'OTAN de 2009 n'est plus celle de 1966.
Si l'Alliance a beaucoup évolué depuis sa création, ce qui ne change pas, c'est le pacte fondamental qui nous unit depuis le Traité de Washington : la sécurité des Alliés est indivisible. Ce pacte lie l'Europe et l'Amérique. Mais il est aussi une expression de l'alliance des Européens entre eux. Le Traité de Lisbonne, dont nous espérons qu'il entrera bientôt en vigueur, y fait expressément référence.
Alors qu'attendons-nous du sommet du 60ème anniversaire ?
Qu'il vienne réaffirmer cet engagement solennel, ainsi que la nécessité de l'Europe de la Défense.
Qu'il soit l'occasion de nous tourner vers l'avenir et de réfléchir à l'Alliance dont nous aurons besoin. Parce que depuis dix ans, les menaces ont changé, et nos modes d'action également.
Il nous faudra en tirer ensemble les conséquences pour l'organisation et les missions de l'Alliance, mais aussi pour la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN, par exemple en Afrique.
Car nous avons besoin d'une organisation toujours plus efficace, plus réactive, capable d'agir dans le monde pour notre sécurité, une Alliance où le consensus donne sa force à nos décisions politiques.
Mais notre réflexion devra aller plus loin encore.
Faut-il une organisation globale ou s'agit-il d'un pacte de sécurité collective ? Faut-il faire de l'OTAN une agence au service de l'ONU, exerçant uniquement des missions de maintien de la paix, ou bien voulons-nous plus ? Jusqu'où pourrons-nous continuer d'élargir l'Alliance sans risquer son affaiblissement ?
Voilà les questions que nous devons nous poser pour une OTAN rénovée.
Voilà les questions que nous devrons aborder lors des discussions sur la rénovation du concept stratégique que nous lancerons au prochain sommet de l'OTAN à Strasbourg.
La transformation a été engagée. Mais elle doit s'amplifier. Ce sera la tâche du futur Secrétaire général que nous désignerons, ce sera aussi la tâche des Nations qui devront rechercher une meilleure efficacité de l'OTAN. C'est pourquoi il nous faudra réorganiser les structures et réduire une bureaucratie qui pèse sur l'efficacité opérationnelle. En ce domaine aussi, la France entend bien jouer un rôle moteur.
Mesdames et Messieurs,
Alors que 21 des 27 États membres de l'Union européenne font partie de l'Alliance, opposer Europe et OTAN n'a aucun sens.
Elles constituent les deux volets complémentaires d'une même ambition : assurer notre sécurité collective.
Nous avons besoin des deux : une Europe de la Défense forte qui a les outils pour projeter son modèle, et une OTAN rénovée où l'Europe tient toute sa place.
C'est l'intérêt de la France, et c'est l'intérêt de l'Europe.
Ne laissons pas passer cette opportunité.
Je vous remercie.
Source http://www.ihedn.fr, le 17 avril 2009