Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "LCI" le 21 avril 2009, sur la réforme du crédit à la consommation et sur un nouveau projet de loi sanctionnant le phénomène de bandes.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Fallait-il vraiment être présent à Genève, à la conférence de l'ONU contre le racisme, tout ça pour être humilié par le discours antisémite du Président iranien et les applaudissements de ses supporters ?

Oui, je crois qu'il fallait être présent, parce que je crois que la politique de la chaise vide, c'est la pire. Et je crois que ne pas être présent à Durban, c'est laisser précisément la place de Monsieur M. Ahmadinejad et à ses théories et à ses provocations racistes.

Maintenant qu'il a donné dans la provocation à Durban-Genève, est-ce qu'il faut continuer à être au sein de la conférence ? Est-ce qu'il ne faut pas claquer la porte définitivement ? On va ramasser les morceaux.

Mais raison de plus pour rester. Je crois que si nous partons, c'est Monsieur Ahmadinejad qui a gagné et c'est lui qui reste. Et je crois que partir serait un message désastreux à l'égard de tous les pays modérés qui sont majoritaires et qui souhaitent aussi que les valeurs qu'incarne l'Europe, qu'incarne la France soient défendues au cours de cette conférence.

S. Royal persiste et signe : "tant que N. Sarkozy ne changera pas de mode d'expression, je continuerai à défendre la République du respect", déclare-t-elle dans Le Parisien. Elle ajoute que, selon elle, les intérêts économiques de la France sont atteints par cette dégradation de son image. Que répondez-vous ?

Vous savez avec Madame Royal, on a l'impression qu'elle a tellement peur de se faire oublier par ses amis d'abord, ensuite par les Français, qu'elle est toujours prête à prononcer une énormité et qu'une énormité chasse l'autre. Je crois que ce que les Français attendent - je n'ai pas de conseils à donner à Madame Royal mais je crois que dans cette période de crise, ce que les Français attendent -, c'est de leurs responsables politiques qu'ils soient précisément un peu responsables. Qu'ils soient capables d'apporter des propositions à la crise, qu'ils fassent cause commune avec les dirigeants. Nous nous attendons à une union sacrée entre les dirigeants de notre pays, comme cela existe dans un certain nombre d'autres pays européens. Donc ce ne sont pas ces fuites en avant à la provocation pour faire parler de soi qui sont à mon avis une réponse à la crise actuelle.

Et pourtant la crise étrangère est sévère avec le Président Sarkozy. Est-ce qu'elle n'a pas tout à fait raison ? Est-ce qu'il ne devrait pas être un peu plus prudent, le chef de l'Etat, dans ses modes d'expression ?

Le président de la République... d'abord, je voudrais rajouter un point, je suis assez scandalisé que tout le commentaire de la semaine soit basé sur une rumeur. Le président de la République n'a pas prononcé, j'observe que cela a été démenti par l'Elysée et ensuite, l'ensemble des membres qui étaient présents à ce déjeuner ont démenti la façon dont le Président...

Il y a au minimum un peu de confusion quand même ?

Encore une fois, ce sont des rumeurs et on ne base pas des commentaires sur une rumeur. C'est aussi une pratique qui a cours en ce moment et que je déplore fortement.

Il n'est pas trop imprudent quand même dans ses confidences, dans ses digressions, dans ses discours ? Après tout, il a un porte-parole, c'est vous.

Vous savez, le président de la République il tient un langage de vérité et je crois que notre pays avait besoin de cela. Notre pays était trop aseptisé en matière politique. Plus personne n'osait dire rien sur rien. Le président de la République, il a des convictions, il les affirme et j'observe que dans la période de crise que nous avons aujourd'hui, c'est important d'avoir un Président qui parle, qui réagit, qui est aux commandes. C'est ce qu'attendent le Français.

Est-ce qu'on en voit le bout de cette période de crise ? Le gouverneur de la Banque De France, d'habitude plus prudent nous dit : allez, fin 2009 c'est bon, on se stabilise, reprise début 2010.

Vous savez, ce qui caractérise cette crise, c'est que tous les observateurs depuis le début - je ne dis pas cela pour C. Noyer - se sont trompés dans les prévisions et ont beaucoup de mal à nous dire ce qui va se passer. Ce qui est vrai, c'est que - et je le vois en tant que secrétaire d'Etat à l'Industrie - nous commençons à voir, depuis quelques semaines un léger frémissement. C'est-à-dire que nous avons l'impression que les chiffres montrent que nous aurions touché le bas du fond de la piscine, si je puis dire.

C'est technique ou c'est structuré...

Voilà, la vraie question c'est de savoir s'il s'agit d'un rebond technique qui était attendu, dans la mesure où c'est la fin de la période de déstockage des grands donneurs d'ordre, ou s'il s'agit d'une vraie reprise économique ? Ça c'est beaucoup trop tôt pour le dire et il faudra attendre les prochains moins pour le confirmer.

Pendant ce temps là, les conflits sociaux continuent. Nouvelle séquestration de dirigeants, séquestration chez Molex. Jusqu'à quand l'Etat laissera t-il faire ce genre de pratiques ?

D'abord l'Etat encore une fois condamne ces pratiques...

Oui, mais il n'y a pas un gendarme, on ne bouge pas.

Il est arrivé que l'on recourt à la force publique et puis ensuite, il n'y a pas que la force publique ; l'Etat - il l'a fait d'ailleurs dans Caterpillar - a un rôle de médiation en la matière. Lorsque le dialogue social n'a pas permis des avancées importantes dans l'issue d'un conflit, eh bien l'Etat est là pour apporter son rôle de médiation. Et c'est ce que nous avons fait dimanche dernier dans le cas de Caterpillar.

Alors on va en parler, mais par exemple dans la médiation, il y avait justement le fait qu'on passait l'éponge sur les occupations, sur les errements disciplinaires ; cela encourage les suivants à en faire autant, puisqu'on n'est pas puni.

Le principe de la médiation c'est de trouver un accord global qui fasse consensus et qui soit en équilibre entre la direction et entre les représentants des salariés. Ce dont je me félicite dans cet accord, c'est qu'il prévoit le maintien du site d'Echirolles. Et vous savez que le président Sarkozy s'était engagé sur ce point. Il avait dit aux salariés lorsque le plan social a été annoncé : moi je veux sauver le site d'Echirolles. Eh bien l'accord de dimanche, qui a été ratifié par les délégués du personnel, prévoit le maintien de ce site d'Echirolles, c'est le plus important.

Mais sur place, l'accord est en panne, la sortie de crise est en panne, la faute à qui ?

Ecoutez, le Gouvernement sera très vigilant à ce que l'accord soit respecté, le protocole de dimanche. C'est-à-dire qu'il y ait un vote à bulletins secrets.

Il y a du sabotage ?

Ecoutez, ce qui est important c'est que l'on donne la parole à la majorité, qui est souvent la majorité silencieuse, qui ne sont pas forcément les salariés qu'on entend ici ou là. Donc ce que nous attendons, c'est maintenant, que demain, il est prévu un référendum, qu'il soit bien mis en oeuvre, que les salariés puissent se prononcer à bulletins secrets.

Vous croyez qu'ils sont détournés, qu'ils sont contournés par les plus radicaux ?

Ecoutez, moi ce que je remarque, c'est qu'hier, 90% des salariés du site de Caterpillar ont repris le travail. 90% !

Est-ce que tout ça ne donne pas raison à D. de Villepin, cette litanie de conflits sociaux : il y a un risque révolutionnaire en France ?

Non, mais il y a aujourd'hui des inquiétudes dans le pays. Je ne suis pas sûr que cela soit en le disant, en parlant de révolution que l'on résolve les problèmes. Je crois qu'aujourd'hui, au contraire, il faut faire preuve de beaucoup de responsabilité, de sang-froid. J'observe que les partenaires sociaux, d'une manière générale, les représentants des syndicats font preuve de beaucoup de sang-froid et de responsabilité. Je le vis au quotidien, puisque vous savez que j'ai en charge le sujet difficile des restructurations industrielles.

Sera adopté demain un projet de loi sur le crédit à la consommation. Qu'y aura-t-il dans ce texte : est-ce qu'il s'agit simplement de mettre la pression sur les prêteurs, qu'ils arrêtent de prêter à des gens qui ne sont pas solvables ?

Non, il y a beaucoup de choses. Il y a à la fois des droits nouveaux pour l'emprunteur. Un exemple très concret : on va passer d'un délai de rétractation de 7 jours à 14 jours, pour permettre à l'emprunteur de réfléchir, de se poser des questions et donc, le cas échéant, de renoncer à son crédit. Ensuite, on va responsabiliser les prêteurs qui devront vérifier la situation de leurs emprunteurs, la solvabilité - en consultant par exemple le fichier des incidents de paiement qui sera considérablement modernisé. Et puis ensuite, on va mieux encadrer la publicité, pour éviter la dérive de cette publicité aguichante en matière de crédit à la consommation, mais qui sont souvent des leurres et qui font tomber nos concitoyens dans de grosses difficultés financières.

78 % des Français selon Opinion Way ignorent ce que sont que les soldes flottantes. C'est un peu la valse des étiquettes, on ne s'y retrouve plus.

Le terme n'est peut-être pas approprié, je le reconnais volontiers. L'idée c'est quoi ? C'est qu'on a maintenu en France deux grandes périodes de soldes, que les Français, les consommateurs ont bien identifiées : c'est-à-dire à la fin de l'hiver et au début de l'été. Et en même temps, on a donné la possibilité, deux fois une semaine par an, aux commerçants de réaliser une semaine de soldes supplémentaire à une période de leur choix où on peut créer une animation locale dans sa ville, dans sa rue ou dans son magasin.

N. Sarkozy parle insécurité à Nice aujourd'hui. A quoi bon légiférer sur les bandes alors que l'arsenal répressif est déjà très fourni ?

Non, d'abord l'arsenal répressif effectivement est fourni et je rappelle qu'il fonctionne, puisque les chiffres de la délinquance sont les meilleurs depuis 1997.

Pourquoi une loi supplémentaire ?

Parce qu'il y a un phénomène nouveau qui est le phénomène de bande. Globalement, nous avons de bons résultats dans la sécurité. A la fois, j'indiquais sur les chiffres globaux, sur la délinquance de proximité qui a chuté de 6% l'année dernière - c'est quand même 100 000 personnes qui ont été épargnées. Et puis également sur le taux d'élucidation des crimes et délits. On s'aperçoit que depuis 2001, on est passé de 26 % à 38 % de taux de résolution. Donc il y a un gros progrès. Mais en même temps, il y a un phénomène nouveau : c'est ces attaques en bandes, c'est ces invasions d'écoles ou de collèges.

Les Tamouls, hier, ce n'est pas une bande, c'est une minorité politique qu'est-ce qu'on va faire ?

Ecoutez, encore une fois, le Parlement en décidera puisque c'est C. Estrosi qui a été chargé de rédiger une proposition de loi. Ce qui est sûr, c'est que dans ce texte, tel qu'il est prévu aujourd'hui, il y a des réponses très concrètes. Dorénavant, ce sera un délit le fait même de rentrer dans un établissement scolaire par exemple, d'envahir un établissement scolaire. Le fait de participer à une bande sera passible d'une peine de trois ans de prison. Donc il y a des mesures supplémentaires qui sont adaptées à un nouveau mode de délinquance que l'on voit émerger en France.

L. Chatel merci et bonne journée !

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 avril 2009