Interview de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, à France Info le 24 avril 2009, sur le débat organisé pour les états généraux de l'outre-mer.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- Sitôt ouverts sitôt critiqués, la CGT dit que les états généraux de l'Outre-mer prennent l'eau. Que lui répondez-vous ce matin ?
 
Surtout pas de polémique ! On a maintenant trois mois pour faire émerger de partout des idées, des propositions pour l'Outre-mer, pour faire que nos compatriotes d'Outre-mer, mais aussi nos compatriotes de la Métropole puissent s'exprimer. On va laisser les débats prospérer et surtout pas entrer dans une polémique bien vaine avec ceux qui sont très prompts à critique ce qui ne marche pas. Ils ont quelquefois raison, mais bien moins prompts à proposer des solutions. Ce que nous voulons, c'est mobiliser aussi tous ceux, toutes celles qui ont des solutions, qui veulent faire en sorte que l'Outre-mer rentre dans une nouvelle logique et à partir de là, prendre les décisions qui changeront la donne.
 
Alors, pas de polémique mais c'est quand même un peu étrange de mener une réflexion sans les collectifs qui étaient à la pointe de la contestation pendant les grandes grèves générales, en Guadeloupe, en Martinique ou encore à La Réunion.
 
SI on résume, la Martinique et La Réunion aux organisations syndicales, c'est encore plus étrange. Vous savez, il y a eu, effectivement des organisations syndicales, il y a eu un conflit, elles se sont fait entendre. Elles ont d'ailleurs signé des accords de fin de conflit. Ce débat-là, il est derrière nous, maintenant c'est un débat de société. C'est donc la société qui doit se mobiliser, c'est la classe politique.
 
Vous auriez quand même préféré qu'ils soient autour de la table ?
 
Moi, je préférerais que les gens qui nous disent qu'ils ont des idées, qu'ils les apportent ! Oui, c'est ça la République, c'est faire que chacun puisse d'exprimer. La politique de la chaise vide, chacun jugera au bout du chemin quelles conclusions en tirer. Pour ma part, je veux faire confiance à ceux... Il y a déjà des centaines de personnalités, d'intellectuels, de personnalités du monde politique, associatif, du monde syndical, du monde patronal, qui se sont engagés. On va travailler ensemble pendant plusieurs mois. Je ne renonce pas à l'idée que, y compris certains acteurs syndicalistes, par Internet par exemple, qui est un moyen neutre de s'exprimer, puisse apporter des contributions. L'idée, c'est de recueillir des idées et des projets, c'est de bâtir un nouveau modèle ; ceux qui ne veulent pas jouer le jeu, être dans la bouderie, si j'ose dire, eh bien c'est leur responsabilité.
 
C'est-à-dire que E. Domota, par exemple, boude ?
 
Je ne sais pas. Il a une posture assez étrange parce qu'il avait, je l'ai bien côtoyé pendant plusieurs semaines, des idées, des propositions. Il avait mis le doigt sur un certain nombre de réalité. Je me dis peut-être que dénoncer, c'est facile, construire c'est difficile. On est au pied du mur, toute la société antillaise est au pied du mur. On va voir quels sont les maçons.
 
Lui dit, précisément que c'est inutile de participer puisque tout est déjà décidé, c'est vrai ?
 
Vous voyez bien que c'est un faux prétexte. Vous n'imaginez pas qu'on aurait organisé une telle concertation, mobilisé autant de moyens, préparer des centaines de réunions partout si tout avait été bouclé ! Si tout était bouclé, le Gouvernement assumerait ses décisions, les mettrait en oeuvre. Non, au contraire, nous voulons faire appel à la société, nous voulons jouer ce dialogue républicain. C'est peut-être aussi ce qui gêne parce que c'est une méthode nouvelle, c'est une méthode moderne qui n'a jamais été mise en oeuvre. Peut-être que certaines vérités font peur et peut-être que certains veulent fuir leurs responsabilités.
 
Aujourd'hui, on va tout remettre à plat ; quelle est la première idée qui, d'après vous, doit être mise en oeuvre ?
 
Il y en a beaucoup. L'organisation politique, l'organisation économique, quel projet structurant pour les territoires, comment on réoriente l'économie des Antilles vers la production locale, comme on est moins dépendant de l'importation, comment par exemple, créer une génération de nouveaux entrepreneurs qui soient des Antillais à qui on donne des moyens financiers pour créer de l'activité de production locale ? Voilà des débats qui sont au coeur de ce que j'ai entendu pendant des semaines. Le "comment on fait", quels moyens on mobilise, c'est maintenant ce qui est devant nous pour inventer des politiques publiques nouvelles, pour inventer ce nouveau modèle, comme on soigne mieux l'histoire, comme on dénoue les crises de la colonisation. Voilà des vraies questions de fond, sur lesquelles il y a beaucoup de gens qui ont commencé à travailler. Vous voyez, on est au-delà de la revendication bruyante, on est dans la construction d'un nouveau modèle. J'avoue que c'est difficile. C'est sans doute ce qui rebute certains mais c'est absolument utile qu'il y ait ce débat de société pour qu'à partir de là, dans les mois qui viennent, dans les années qui viennent, chacun prenne ses responsabilités pour changer la donne et éviter qu'on ne retrouve les blocages qu'on a connus il y a quelques semaines.
 
Vous avez donc commencé à travailler ; est-ce que ce n'est qu'après que N. Sarkozy se rendra aux Antilles ? Quand exactement ? A-t-on une date précise ? Parce que le voyage a quand même été reporté à plusieurs reprises.
 
Oui, mais c'est pareil, si on focalise les états généraux autour de la personnalité d'un syndicaliste, si on focalise...
 
Mais il est attendu là-bas...
 
Mais bien sûr, mais il ira. Il a d'ailleurs confirmé que dans le cadre de ces états généraux, dans le processus que nous lançons, qui va durer quelques semaines, il se rendra aux Antilles. Moi, je suis sûr de ce que nous aurions entendu s'il avait été...
 
... Une fois que les états généraux seront terminés ou avant peut-être ?
 
No non, dan le cadre du processus. S'il avait été ouvrir les états généraux, comme il l'avait d'ailleurs prévu, je sais bien ce que l'on aurait dit : "Vous voyez, le président de la République a fait son discours, tout est dit, il n'y a plus rien à faire aujourd'hui". Donc il n'y a pas de bonne solution, et l'agenda présidentiel est complexe mais il a confirmé encore au Conseil des ministres qu'il se rendrait aux Antilles, qu'il apporterait évidemment... Que la présence du chef de l'Etat montrerait tout l'intérêt que le Gouvernement et que l'exécutif portent à ce processus mais ce ne sont pas les états généraux du Gouvernement ou du président de la République, ce sont les états généraux des Ultramarins, de la société tout entière. C'est cet exercice de liberté un peu originale, d'intelligence collective qui est tellement innovant qui fait peur à certains. Mais vous verrez qu'il y a des milliers de nos compatriotes qui vont participer.
 
Vous êtes membre du Gouvernement, tout comme R. Dati, qui est également numéro 2 sur la liste UMP en Ile-de-France pour les européennes. R. Dati, qui, visiblement, a déclenché un tollé, une polémique au sein même de l'UMP. Plusieurs reportages l'ont montré à une convention avec les jeunes de l'UMP sur l'Europe, elle a bafouillé, elle a fait des approximations quand il s'agissait notamment de parler du nucléaire ou des énergies renouvelables. Elle affirme, elle, ce matin au micro de France Info, que c'est une parodie d'un jeu télé et qu'on a sur-interprété ses propos.
 
Je vois que la gauche se déchaîne sans doute parce qu'elle n'a rien à proposer sur ce sujet. Si on sort ces propos de leur contexte...
 
...En coulisse, l'UMP aussi.
 
"En coulisse", il faut citer vos sources ! Si on sort ces propos de leur contexte, cela n'a aucun sens. Moi, je m'interroge : pourquoi tant d'acharnement sur R. Dati ? C'est parce que c'est une femme, c'est parce qu'elle n'est pas énarque ? C'est parce qu'elle est justement représentative d'une France que l'on ne voit jamais au pouvoir ? C'est pour cela que certains lui en veulent ? Eh bien, moi, je crois qu'elle a parlé avec sa fraîcheur, avec sa façon d'être. Cela ressemble beaucoup plus aux Français que beaucoup de ceux que l'on entend à longueur de journées, qui disent représenter les Français, et qui sont représentatifs, souvent, que d'un clan.
 
La violence sociale est montée d'un cran ces dernières semaines, il y a eu une radicalisation des mouvements face aux fermetures d'usines annoncées. C'est d'après vous la même désespérance sociale que celle qui s'est exprimée aux Antilles ?
 
Vous savez, comparaison n'est pas raison. Il y a dans la société antillaise une crise de société qui fait appel à l'histoire, au formatage d'une économie particulière mais il y a une angoisse aussi du monde entier face à cette crise. C'est une crise mondiale, on le voit dans l'ensemble des pays, ce n'est pas un phénomène français. Et il faut être très attentif, il ne faut pas laisser croire que la crise peut se régler en claquant dans ses doigts mais il faut aussi montrer aux salariés, à ceux qui souffrent, que la violence n'est pas une solution et que le Gouvernement peut aussi participer à trouver des solutions. Nous l'avons fait en signant des accords en Guadeloupe, c'est fait chaque jour par mes collègues du Gouvernement pour essayer de trouver des solutions industrielles chaque fois qu'une entreprise est en difficulté. C'est compliqué mais ça ne doit pas justifier la violence.
 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 avril 2009