Texte intégral
R. Duchemin.- Bonjour C. Albanel. Merci d'être en direct avec nous, ce matin, sur France Info. Le texte sur le piratage Internet est de retour à l'Assemblée. Cette fois-ci c'est la bonne, d'après vous ?
Ecoutez, c'est la bonne. Je croyais que c'était la bonne, je dois dire, la dernière fois, parce qu'on avait traversé le Sénat à l'unanimité, voté le 2 avril à l'Assemblée, ensuite Commission mixte paritaire, et puis épilogue, effectivement, une manoeuvre de dernière minute, c'était... je crois que ça s'est passé que trois fois, évidemment, sous la Vème. Le texte n'a pas été voté, nous repartons, parce que, eh bien voilà, l'urgence est toujours plus grande, la mobilisation du monde culturel est toujours plus forte et... et voilà, donc je recommence ce soir.
Et précisément, le Premier ministre, mais aussi le président du groupe UMP ont battu le rappel, en quelque sorte, pour qu'il y ait cette fois-ci tous les députés UMP présents dans l'hémicycle...
Absolument.
Ils y seront, vous êtes sûre ?
Je crois qu'ils y seront. Ils ont été... ils m'ont accompagné tout au long du texte, il y a eu effectivement cet épisode malheureux, cet épilogue malheureux. Ils seront là. J'étais en commission des lois, lundi, ils étaient massivement présents, j'étais devant le groupe UMP hier, j'ai senti un fort soutien, et je crois que c'est peut-être la première fois que l'on a... Moi, j'ai le sentiment qu'il y a 95 ou 98 % du monde, vraiment, culture, cinéma, à mes côtés et c'est très fort, et c'est très réconfortant.
Alors, dans ce texte, Madame la Ministre, il y a deux problèmes, deux axes, en tout cas : la question politique et le texte en lui-même. Alors, parlons du texte d'abord. Certains députés sont contre, certains artistes, même s'ils sont minoritaires, dites-vous, aussi. Il est jugé par certains, notamment, trop liberticide ; certains disent que le rendez-vous est d'ores et déjà manqué avec Internet. Vous leur répondez quoi ?
Moi, je leur dis que l'on est pour Internet. Moi, je suis pour le maximum de musique, le maximum de cinéma sur Internet. Cette loi, justement, va le permettre, parce que plus le piratage se développe, plus l'offre légale, en fait, s'affaiblit - personne n'a intérêt à offrir de la musique et du cinéma - alors que là, au contraire, on est à mon avis à l'aube d'un grand mouvement d'offre légale sur Internet. Ce n'est pas du tout une loi liberticide, absolument pas, c'est une loi pédagogique, parce que vraiment, je vous assure, pour arriver à avoir une brève suspension de son abonnement, il faut vraiment pirater avec une opiniâtreté extrême. Il faut être pris une première fois, tomber une première fois sur votre adresse IP, recevoir un mail, quelques temps après, retomber encore sur l'adresse IP qui mène à vous, et recevoir encore un mail. Quelques temps après, même chose, et vous recevez une lettre recommandée. Cela veut dire que pendant des mois, vous ne faites quasiment que pirater. Je vous assure que ça me paraît extrêmement soft comme système. Par contre, l'offre légale qui augmente, elle, est une réalité.
Est-ce que le texte qui revient cet après-midi devant l'Assemblée a été un petit peu modifié, revu, corrigé ?
La Commission des lois, en fait, a adopté le texte qui était sorti de la Commission mixte paritaire, et c'est un texte qui me semble extrêmement équilibré, tout à fait conforme d'ailleurs avec les accords interprofessionnels, signés par tous les professionnels, y compris les fournisseurs d'accès à Internet, dits "Accords de l'Elysée".
Dites-moi, qu'est-ce que l'on fait, précisément, pour les droits d'auteur ? On sanctionne les pirates, mais les artistes, eux, est-ce qu'ils récupèrent une partie de cet argent ?
Bien sûr, ils récupèrent. Tout le but c'est qu'effectivement, les artistes, qu'il y ait des accords, que les artistes soient rémunérés, c'est bien ça tout le but de la loi ; c'est le cas d'ailleurs, même, dans les sites en streaming, c'est le cas en fait... Il y a énormément de modèles possibles, il y a énormément de systèmes possibles. Ce que l'on veut c'est que les musiciens, les cinéastes, les artistes, soient rémunérés, c'est tout. Et on n'est pas les seuls à le vouloir, parce que c'est un mouvement aujourd'hui qui est lancé dans le monde entier, dans l'Europe entière.
Il y a certaines voix qui s'élèvent pour dire que le texte est déjà, d'une certaine manière obsolète, puisqu'il y a déjà des pirates qui ont imaginé des moyens pour pouvoir le contourner. Comment vous allez faire ?
Vous savez, je crois que l'on peut trouver des parades et on peut trouver aussi des contre-parades. Je crois que c'est important aussi d'avoir un cadre juridique, qui permette justement de porter fortement ce principe, je dirais même cet idéal, de défendre les droits d'auteur et qui est aussi un cadre psychologique, parce qu'on veut faire, on veut attirer l'attention, et dire : « Attention, il y a un problème, télécharger illégalement ça a de lourdes conséquences ». Et on voit que, regardez en Suède, dès l'instant que les auteurs peuvent se procurer les adresses IP par les fournisseurs d'accès, on a observé, dès le premier jour, une baisse du téléchargement de plus de 40 %.
Puisque vous parlez de la Suède, justement, Bruxelles - c'est aussi un des problèmes évoqués - comment on va faire ? Bruxelles vient de dire qu'il fallait passer par la justice. C'est compatible, ça ne l'est pas, avec le texte actuel ?
Ecoutez, moi je n'ai aucune espèce d'inquiétude là-dessus. On est soutenu à fond par le Conseil, ce qui est très important, qui est au moins pour plus de 50 %, évidemment, dans les lois européennes. Quant au Parlement européen, en fait, c'est une instrumentalisation du paquet Télécom. Il y a un amendement qui est glissé dans ce paquet Télécom, qui n'a rien à voir avec lui. Je doute fort que cet amendement reste. Et en plus... et de toute façon, si ça a été, ça ne me concerne pas, parce qu'il parle de défense des droits et des libertés fondamentaux. Et mon texte, ce n'est absolument pas une atteinte à un droit et une liberté fondamentale. Pas du tout.
Alors, le texte que vous allez donc défendre cet après midi, à l'Assemblée, dans la majorité on entend quand même quelques grincements de dents, dans l'opposition aussi. Le texte a été rejeté une première fois, il y en a même qui disent, C. Albanel, que l'on s'assoit en ce moment sur une décision du Parlement, puisqu'on fait revoter un texte qui a été retoqué.
Vous savez, c'est un texte, comme je le rappelle, voté au Sénat, voté à l'Assemblée, voté en CMP. Il y a eu une manoeuvre de dernière minute. Pour autant il y a une attente, il y a un grand espoir du milieu culturel, je crois que ça serait une faute et ça serait même très grave évidemment de ne pas revenir devant l'Assemblée. Quant au débat, c'est vrai, il y a des voix qui s'élèvent contre, elles sont en fait très peu nombreuses ; sur plus de 350, probablement, députés UMP, il n'y en a guère que 4 ou 5 qui réellement, ont pris vraiment des positions fortes, mais c'est un...
Mais, le vote ? Le vote.
Oui, mais c'est un débat qui existe au sein du Parti socialiste ; regardez, en première lecture au Sénat, les socialistes ont voté le texte, différentes personnalités ont pris parti pour le texte, y compris des anciens ministres de la Culture socialiste.
Et comment vous réagissez à la condamnation de l'UMP pour "contrefaçon" ? 30 000 euros de dommages et intérêts, pour avoir utilisé, sans en avoir le droit, une chanson d'un groupe américain en convention de l'UMP ?
Eh bien écoutez, je le regrette, mais ça montre qu'il faut être d'une totale vigilance, dès qu'il s'agit de droits d'auteur. Et l'UMP va l'être plus que jamais.
Alors, C. Albanel, cet après-midi, N. Sarkozy va dévoiler sa vision du Grand Paris, ses choix, ce sera à la Cité de l'Architecture, nous y serons, sur France Info. Il y a évidemment la problématique des transports, on sait depuis hier soir que l'enveloppe sera de 35 milliards d'euros. Ça signifie aussi, évidemment, redessiner Paris et sa région, et ses contours. Fini la banlieue notamment. Est-ce que les architectes qui ont planché sur les projets, les dix architectes que vous aviez choisis, vont voir leur projet retoqué pour certains, parce qu'on sait d'ores et déjà que finalement, les choix en matière de transports sont presque arrêtés ?
C'est-à-dire, je crois qu'il y a plusieurs sujets. Il y a tout ce que va porter C. Blanc et ce qu'il va présenter d'ailleurs en Conseil des ministres, et ça touche effectivement aux transports, ça touche aussi à ces clusters, à ces pôles d'excellence que l'on va faire naître, mais il y a en fait énormément de sujets. On l'évoque : c'est la place de l'agriculture, je ne sais pas, dans la région, parisienne, l'utilisation de nos fleuves, la possibilité, d'ailleurs, de construire en bordure de fleuve, c'est la densification pour transformer la banlieue. Il y a tous ces sujets...
C'était une grande boîte à idées.
C'est une boîte à idées mais ça doit être une boîte à réalités. Et moi je souhaite qu'il y ait un comité, justement, qui continue à réunir les ministères, les collectivités, les architectes - et moi je suis évidemment prête à l'abriter au sein du ministère de la Culture puisque nous avons l'architecture - pour que ça devienne des réalités, en faisant par exemple évoluer la réglementation, de façon... Par exemple on parle de mettre de l'espace vert sur les toits, eh bien pour ça il faut faire évoluer la réglementation et c'est ça qu'il faut porter dans les années qui viennent, par exemple.
Mais par exemple, si le "Grand 8" de C. Blanc est adopté, il n'y a pas justement certains projets qui sont concernés : celui par exemple de C. de Portzamparc ou celui de J. Nouvel. Cela veut dire qu'ils ont travaillé pour rien ?
Vous le disiez, c'est une boîte à idées, c'est une boîte à projets, c'est d'une richesse absolument incroyable, et on va... en allant à la Cité, on va vraiment le constater. Après, il y aura des options prises ; bien entendu que tout ne sera pas fait, il y a des projets, il y a des utopies, des choses qui donnent, qui bousculent et... mais il faut vraiment que dans les mois, les mois qui viennent, tout cela devienne des réalités, à moyen terme ou à long terme.
Un mot sur le départ, ce matin, annoncé dans les colonnes du Figaro, C. Albanel, de D. Bouton, il quitte la Société Générale.
Ecoutez, il quitte la Société Générale, c'est une décision qui lui est personnelle mais que, effectivement, l'actualité des derniers mois... Enfin, ce n'est pas très étonnant compte tenu de tout ce qui a pu se passer au cours des derniers mois.
Merci C. Albanel d'avoir été en direct avec nous ce matin, sur France Info.
Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 avril 2009