Déclarations de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'alliance des pôles financiers du groupe Caisses d'épargne et de la Caisse des dépôts et consignations, Paris, les 25 et 27 juin 2001.

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Circonstance : Annonce de l'alliance des Caisses d'épargne avec la Caisse des dépôts et consignations, à Paris, les 25 et 27 juin 2001

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Mesdames et Messieurs, chers amis,
Inaugurer un siège social marque toujours le début d'une période nouvelle. Pour le groupe des Caisses d'Épargne, ce moment a une portée différente. Il symbolise le long cheminement de l'épargne dans notre pays, dont les pouvoirs publics ont accompagné les mutations, depuis l'ouverture de la première Caisse d'épargne à Paris en 1818 jusqu'à l'alliance de votre réseau avec la Caisse des Dépôts et Consignations avant-hier.
Cette évolution qu'avec le Président Charles Milhaud nous avons annoncée lundi, accroît l'efficacité et renforce la compétitivité du Groupe des Caisses d'Épargne dans un contexte de redistribution des cartes financières à l'échelle mondiale et européenne. J'ai noté la progression des résultats de votre groupe en 2000 et les objectifs ambitieux que vous avez définis dans le cadre de votre projet stratégique pour 2000-2004. Le rapprochement avec la Caisse des dépôts et Consignations constituera un atout précieux et contribuera à la mise en place d'une banque globale, présente sur tous les secteurs et auprès de toutes les clientèles, qu'il s'agisse de la banque d'investissement, de la banque de détail, de l'immobilier, de l'assurance ou la prévoyance. Dans le futur, il faudra aller encore au-delà, en cherchant d'autres partenaires, à l'extérieur de nos frontières notamment. Mais le cap est clairement fixé.
Plus de résultats et d'efficacité, pour plus de solidarité et de proximité. Plus de solidarité : les évolutions actuelles et à venir ne remettent nullement en cause la vocation historique des Caisses d'épargne. Bien au contraire, la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière a réaffirmé les missions d'intérêt général et le rôle irremplaçable que jouent les Caisses d'épargne dans l'économie locale en matière de protection de l'épargne populaire et de financement du logement social. La réforme, que votre groupe appelait de ses vux, prévoit l'affectation d'une part du résultat d'exploitation au financement de projets d'économie sociale et locale. Vous avez défini deux orientations majeures : la solidarité dans le domaine bancaire et la création d'entreprise, la solidarité par l'engagement civique et social, amplifiant les actions menées de longue date par le réseau dans ce domaine. En 2001, 21 millions d'euros seront consacrés à ces projets d'économie locale et sociale. Je veux encourager le groupe des Caisses d'épargne à poursuivre dans cette voie : au carrefour de l'exigence de rentabilité, qui est nécessaire pour toute grande banque, et d'une culture qui n'appartient qu'aux caisses d'épargne, à laquelle nos concitoyens sont attachés, qui doit être préservée et amplifiée.
Davantage de proximité, aussi. L'entrée des caisses d'épargne dans le monde coopératif leur permet de mieux remplir encore cette fonction. En 2000, les sociétés locales d'épargne ont été mises en place. Bien entendu, le calendrier ambitieux qui vous avait été assigné par le législateur a parfois conduit à certaines imperfections. Je sais que vous y remédiez dans l'esprit de démocratie coopérative qui est le vôtre. Plus d'un 1 700 000 sociétaires ont déjà souscrit au capital de vos caisses. Nouvelle preuve de la confiance des Français dans leur caisse d'épargne mais aussi de la permanence des valeurs du secteur coopératif.
Compte tenu de leur rôle central de banque de proximité, les Caisses d'épargne, comme toute la communauté bancaire française, sont particulièrement concernées par le passage à l'euro. Votre responsabilité est essentielle et je mesure l'implication de chacun d'entre vous, celle des personnels dont la compétence et la qualité d'écoute, j'allais dire de service, sont unanimement reconnues. La campagne radiophonique sur l'euro, percutante et efficace, lancée par le groupe des caisses d'épargne témoigne de votre engagement.
Mesdames et Messieurs, non loin d'ici, près du Lion de Bartholdi qui, quand il n'est pas en cure de rajeunissement, impose sa puissance et sa sérénité, un Écureuil fera donc désormais valoir sagesse, sécurité et durée. Pour les Français, le groupe Caisse d'Épargne est une institution de mémoire mais est aussi un outil décisif de la compétitivité financière de notre pays. Votre défi pour demain est de porter à l'échelle de l'Europe les valeurs qui depuis bientôt deux siècles animent votre réseau. Nous partageons donc une conviction forte : aujourd'hui comme hier, l'intérêt général est le meilleur des placements.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 29 juin 2001)
Mesdames et Messieurs, je suis heureux de vous informer aujourd'hui, aux côtés de Charles Milhaud et de Daniel Lebègue, d'une évolution majeure pour le paysage bancaire français. C'est l'aboutissement d'un long dialogue, d'abord difficile puis fructueux, entre deux grandes institutions. Bienvenue au nouveau champion bancaire public et semi-public français.
1) Ces dernières années, les banques françaises ont accompli de considérables efforts pour renforcer leur compétitivité, améliorer leur rentabilité et se placer au mieux dans le concert international. L'an passé, les établissements de crédit ont poursuivi le redressement de leurs résultats, mais ils continuent à souffrir de handicaps. Nos groupes bancaires restent en général sous-évalués par rapport à leurs concurrents européens, ce qui compromet leurs capacités de croissance externe et les rend vulnérables dans un contexte de redistribution des cartes financières mondiales. Ils sont encore trop souvent pénalisés par une absence de " taille critique ". Or, dans le même temps, la restructuration du paysage financier européen est en cours, sur une base domestique et transfrontalière. En Allemagne, ce sont Allianz et Dresdner qui unissent leurs destinées. Au Royaume-Uni, Halifax et Bank of Scotland se rapprochent. Dans une moindre mesure, ce mouvement se prolonge en Espagne et en Italie. Il serait dangereux, pour nous Français, de sous-estimer cette nouvelle donne. Là comme ailleurs, un discours de vérité doit prévaloir : de telles réorganisations sont inéluctables compte tenu de la concurrence accrue dans le secteur, de la mise en place de l'euro et de la diffusion des nouvelles technologies qui accroissent les coûts fixes.
La France entend prendre toute sa place dans ce mouvement : elle en a l'ambition, elle en a les atouts. Depuis quatre ans, le gouvernement a inscrit la gestion des participations de l'État au sein du secteur financier dans une stratégie industrielle : adossement du CIC au Crédit Mutuel, du Crédit foncier aux Caisses d'Épargne, privatisation du Crédit Lyonnais, cession de la Banque Hervet au CCF. Il faut aller plus loin. Notre objectif est d'encourager, de susciter, dans l'industrie financière, la constitution de champions français, européens et internationaux dont le financement de notre économie a besoin.
Ces champions doivent être les vecteurs de l'attractivité financière de notre territoire. La compétitivité d'une nation comme la nôtre, c'est en effet d'attirer les capitaux humains, technologiques, financiers, vers l'hexagone. C'est pourquoi j'ai souhaité faire de ce volet un axe fort de l'action du MINEFI. J'attends avec intérêt les conclusions de la mission que le Premier Ministre a confiée, sur ce sujet, à Michel Charzat. Nous en disposerons dans quelques jours. Comme c'est le cas dans de nombreux autres secteurs stratégiques (aéronautique encore tout récemment, nucléaire, électrique, pétrolier), la France doit développer et valoriser ces centres de gravité pour la croissance et l'emploi. J'ajoute un facteur : la confiance, essentielle pour la vigueur de notre économie.
Au-delà, les grands groupes financiers doivent répondre aux attentes nouvelles du citoyen qui est aussi un usager, un consommateur et un client : sécurité, proximité, transparence. Je sais que la Caisse des Dépôts et Consignations et les Caisses d'épargne, par leur nature, par leurs missions, par leur comportement, symbolisent ces préoccupations. Concrètement, cela signifie rénover et renforcer la relation entre la banque et ses clients, notamment les plus démunis. La disponibilité, l'écoute, la pédagogie sont indispensables face aux inquiétudes suscitées, par exemple, par les moyens de paiement ou la diversification des offres tarifaires. Elles sont au cur des récentes initiatives que le MINEFI a soumises au vote du Parlement. Mais l'État n'est pas seul. Les acteurs économiques sont des partenaires et les banques ont une responsabilité essentielle dans la préservation de la confiance. L'implication du secteur bancaire dans la préparation au passage à l'euro pratique est une des manifestations de cet engagement.
2) Dans ce mouvement nécessaire de réorganisation, le secteur financier public et semi-public montre l'exemple. Je suis donc heureux d'annoncer aujourd'hui la naissance du troisième grand pôle bancaire français grâce à la mise en commun des activités concurrentielles des Caisses d'Épargne et de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Une nouvelle holding est créée qui regroupera les apports des deux groupes. Pour les Caisses d'Épargne, il s'agira des activités financières de la Caisse Nationale, de leurs participations dans CDC Ixis Asset Management et CDC Ixis Capital Markets, de leurs filiales nationales comme Écureuil Vie, de 40% du Crédit Foncier. Pour la Caisse des Dépôts, les apports seront constitués de la moitié du capital de CDC Ixis et de participations dans les filiales du groupe des Caisses d'Épargne. Ce nouvel ensemble sera détenu à 49,9 % par les Caisses d'Épargne et à 50,1 % par la Caisse des Dépôts. Les dirigeants des deux groupes en seront les coprésidents et ils partageront toutes les grandes décisions, dans l'esprit de dialogue et d'équilibre qui a animé leurs discussions. Un accord définitif sous conditions suspensives sera signé fin juillet et l'opération sera entièrement réalisée d'ici la fin de l'année.
C'est un projet industriel majeur car il crée une banque globale, présente dans tous les métiers et proposant une offre complète à tous les types de clientèles. Nous misons sur les complémentarités entre les deux groupes : d'un côté, le groupe des Caisses d'Épargne est un spécialiste des services financiers de proximité aux particuliers ; d'un autre côté, CDC Ixis développe des activités financières et d'investissements au service des institutionnels et des entreprises. En valorisant au mieux ces complémentarités, la nouvelle alliance n'aura pas d'impact négatif sur les effectifs, je souhaite même qu'elle permette de développer l'emploi. Au sein de la holding, les deux groupes dégageront des synergies, optimiseront leurs politiques commerciales, développeront de nouveaux produits et échangeront leurs savoir-faire dans de multiples secteurs. Ils créeront un ensemble performant dans les métiers de la banque d'investissement et de financement, de la banque de détail, de l'immobilier ou encore de l'assurance et de la prévoyance. C'est dans ce sens que les instances dirigeantes et les instances représentant le personnel ont été informées. C'est un vrai projet pour les deux entreprises qui ne pourra s'effectuer qu'en parfaite concertation avec tous.
C'est aussi un projet structurant pour le paysage bancaire européen. Avec 17 Md d'euros de fonds propres, le nouvel ensemble se rapproche des leaders français que sont BNP-Paribas et le Crédit Agricole. Puissant sur son marché domestique, il sera de taille à affronter la concurrence européenne. Il a vocation à croître au-delà de nos frontières pour conforter définitivement la dimension internationale à laquelle il peut légitimement prétendre.
C'est un projet qui fait fructifier les intérêts patrimoniaux de l'État. En jouant sur les complémentarités, les actifs publics issus de la Caisse des Dépôts et consignations sont valorisés au mieux. Confiant dans cette perspective, j'ai d'ailleurs souhaité que la Commission des Participations et des Transferts examine ce rapprochement alors qu'aucune obligation n'existe en la matière. L'ampleur de l'opération et le volume des apports des deux groupes justifient cette expertise complète et indépendante.
C'est un projet qui conforte le pôle financier public et semi-public. Lors de la discussion de la loi épargne et sécurité financière, le Gouvernement, avec l'appui des parlementaires, avait souhaité donner corps à la notion de pôle financier public et semi-public en considérant que l'ensemble des structures qui le composent est unie par un même souci de l'intérêt général. J'ai installé en octobre 2000 le Haut Conseil du secteur financier public et semi-public présidé par M. Baert. Grâce au projet que nous présentons aujourd'hui, ce pôle se structure encore plus fortement, il renforce sa cohérence et se place dans la droite ligne de la réforme des Caisses d'Épargne et de la création de CDC Ixis, opérée par la loi sur les nouvelles régulations économiques. Il concerne les activités concurrentielles des deux groupes ; il est de nature à faciliter aussi une meilleure coopération dans le champ des missions d'intérêt général. D'ailleurs, je tiens à le souligner, le développement des activités concurrentielles et le renforcement des missions d'intérêt général doivent aller de pair. C'est pourquoi, nous renforçons sans cesse les missions d'intérêt général de l'établissement public Caisse des Dépôts, car celui-ci joue un rôle original et irremplaçable dans notre économie au service de la croissance, de l'emploi et de la solidarité : je pense notamment à l'extension des emplois des fonds d'épargne vers de nouvelles missions d'intérêt général dans les domaines des transports et du cadre de vie, au renforcement du rôle de la Caisse dans la politique de la ville, au soutien à la création d'entreprise ou au rôle central de pilotage que la loi confiera à la Caisse des Dépôts pour la gestion du Fonds de Réserve des Retraites.
J'ajoute que cette structuration du pôle financier public et semi-public a vocation à se poursuivre. La Poste n'en sera pas écartée. Les liens entre la Poste et la Caisse des Dépôts sont historiques et doivent être renforcés. Le rapprochement entre la Caisse des Dépôts et les Caisses d'Épargne n'est donc pas exclusif de partenariats futurs avec La Poste, dans une relation équilibrée entre les trois parties, bien au contraire il lui est ouvert.
Mesdames, Messieurs, Daniel Lebègue et Charles Milhaud vont vous présenter maintenant les objectifs et l'architecture de l'alliance. Avec les équipes qu'ils ont mobilisées durant de longues semaines de négociations, forts de la détermination et de la volonté de concertation sans lesquelles rien n'est possible, ils devront assurer ensemble le succès de ce projet. Pour le paysage bancaire européen, cette alliance est exemplaire : par son projet industriel, par sa taille, par l'esprit qui anime les banques et les personnels qui la composent. Dans mon esprit, cette alliance n'est pas un aboutissement, mais un point de départ. Elle fait partie des réformes structurelles que nous menons à bien. D'autres suivront, dans le respect du même cahier des charges : renforcer la compétitivité du site France, préserver la diversité de notre système bancaire national et le doter des atouts nécessaires face à la compétition européenne et mondiale. Nous voulons promouvoir des projets structurants s'inscrivant dans une stratégie industrielle, concilier intérêts stratégiques immédiats et exigences de développement durable et nous mettrons tout en uvre pour doter la France des champions bancaires dont notre économie, nos entreprises, nos citoyens ont besoin. Bienvenue donc au nouveau champion bancaire et financier français.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 27 juin 2001)