Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur l'égalité d'accès aux soins médicaux, Paris le 9 mars 2009.

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Circonstance : 3èmes Journées nationales du Collectif interassociatif sur la santé (CISS)sur le thème "Pour une santé solidaire" à Paris le 9 mars 2009

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Christian Saout,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez intitulé vos Journées Nationales « pour une santé solidaire ». Ce faisant, vous n'auriez pu choisir un thème plus en adéquation avec la volonté qui guide toute mon action : assurer, partout en France et à tous les Français, un égal accès aux soins, et préserver les principes fondamentaux de qualité, de solidarité et de justice.
Ce ne sont pas de vains mots. Cela procède, au contraire, d'une prise de conscience, forte et collective, que le statu quo n'est plus tenable.
Vous tous, qui êtes au coeur des préoccupations des patients et des usagers de la santé, vous mesurez mieux que personne le désarroi face au cloisonnement des structures, à la multiplicité des interlocuteurs, aux déserts médicaux ou encore à certaines pratiques intolérables, comme les refus de soins.
Un certain nombre de ces thèmes figurent au menu de vos travaux, et je suis très heureuse de m'adresser à vous aujourd'hui sur l'ensemble de ces sujets majeurs.
Maintenir les valeurs qui fondent notre système de santé, le sauvegarder durablement, préparer son avenir : tel est notre devoir.
J'ai longuement écouté les associations et les représentants des usagers pour bâtir le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », qui est actuellement au Parlement. Rien n'aurait su se faire sans vous.
Nous nous sommes retrouvés autour d'un impératif absolu : remédier aux inégalités dans l'accès à la santé. Vous en parliez à l'instant, cher Christian.
Chacun doit pouvoir avoir accès à la même qualité de soins, quels que soient son lieu de vie, sa pathologie, ses moyens.
Notre pacte collectif est en jeu.
Votre tout récent baromètre s'est fait l'écho des préoccupations fortes et légitimes des Français en matière d'égalité d'accès aux soins : croyez bien que je les ai intégrées.
Ainsi, j'ai voulu combattre les inégalités financières d'accès aux soins, en m'attaquant résolument aux refus de soins.
Cette pratique inacceptable touche les assurés les plus fragiles. En 2007, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a fait état de 500 signalements en la matière, transmis par les Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).
L'article 18 de la loi HSPT interdit donc très clairement la discrimination financière ou sociale, en visant explicitement les refus de soins à l'encontre des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle (CMU), de l'Aide médicale de l'Etat (AME) et de l'Aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS).
Une autre disposition de l'article prévoit que les caisses pourront recourir au testing, encadré et certifié par la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE).
Je sais aussi combien vous êtes sensibles, à juste titre, à la lutte contre les dépassements « ne respectant pas le tact et la mesure » et contre les dépassements illégaux.
J'attends des caisses d'assurance maladie qu'elles mettent en place une politique de contrôle plus active des dépassements.
La loi ouvre la possibilité de prononcer des sanctions financières, y compris pour les cas établis au sein des établissements de santé.
D'autre part, je veux une meilleure information des assurés sur les tarifs pratiqués, afin que tous les patients, et notamment les plus vulnérables, puissent s'orienter plus aisément dans notre système de soins.
C'est une aspiration forte, et légitime, des citoyens, que d'être mieux informés sur le coût des soins. Sur cet aspect-là également, j'ai entendu les préoccupations qui s'exprimaient. J'ajoute qu'en ce qui concerne l'information du patient, j'ai initié la « Plate-forme d'information santé », dont le prototype a été inauguré le 27 janvier dernier. Elle permet d'accéder à l'urgence vitale, à la permanence des soins, au médico-social et aux renseignements pratiques.
Nous avons une double responsabilité : diffuser très largement l'information à destination des usagers et garantir sa fiabilité. Etre mieux informé renforce la capacité à mieux se soigner.
Il y a donc une visée éthique à l'amélioration de l'information du patient, qui accompagne un désir d'autonomie.
Sur tous ces sujets, je suis prête à travailler avec vous.
Par ailleurs, renforcer la lutte contre les inégalités de santé nécessite de privilégier une approche territoriale, au plus près des habitants et des patients, et de leurs besoins en santé.
Cela passe notamment par un rééquilibrage de la répartition des médecins.
Alors que la densité médicale est de 830 médecins pour 100 000 habitants à Paris, et seulement de 198 dans l'Eure, on ne peut laisser cette situation se dégrader sans agir.
Chaque citoyen doit disposer d'une offre de soins de premier recours. C'est pourquoi j'ai voulu tout un faisceau de mesures cohérentes, structurantes et rapidement opérationnelles.
Sachant que 70 % des médecins s'installent dans la région où ils ont fait leurs études, il importe de former les médecins là où leur présence est la plus nécessaire.
Il convient aussi de définir un schéma d'aménagement de l'offre de soins de premier recours sur l'ensemble du territoire. Il sera élaboré avec les professionnels, les élus, et, bien sûr, les patients, pour faire converger tous les moyens vers un projet cohérent, qui récolte l'assentiment de tous.
Enfin, les aspirations des jeunes médecins évoluent beaucoup et le modèle du médecin isolé est désormais révolu.
Il faut encourager le renforcement des coopérations entre professionnels au niveau local. Celles-ci doivent être une émanation du terrain, le fruit de la motivation de professionnels volontaires, qui y voient, à juste titre, le meilleur moyen de répondre aux attentes de la population.
L'évolution des pratiques passe également par l'incitation à l'exercice coordonné au sein de pôles de santé ou de maisons de santé pluridisciplinaires.
Pour tout cela, le rôle des Agences Régionales de Santé (ARS) sera crucial.
Grâce à leur large périmètre d'action, incluant le soin, la prévention et le champ médico-social, elles favorisent une approche globale de la santé, qui permet de jouer sur l'ensemble de ses déterminants.
Ce faisant, elles induiront une réelle amélioration de l'accès aux soins, afin de répondre aux besoins de santé spécifiques des populations.
Elles auront ainsi un rôle important de coordination des actions de santé publique, en particulier de prévention. Au plus près des populations vulnérables, elles mettront en oeuvre des contrats locaux de santé avec les acteurs concernés, associations, élus locaux, professionnels de santé.
La santé publique est donc une des priorités majeures des ARS. J'ai souhaité, dans cet esprit, mettre en place une commission de coordination des politiques de prévention.
J'ajouterai, pour répondre à vos interrogations, que l'équation démocratique sera renforcée grâce aux ARS.
Vous pouvez compter sur mon ouverture à ce sujet.
Les usagers auront un droit de regard nouveau et inédit sur l'ensemble des politiques de santé ainsi menées. Ils l'exerceront grâce à leur participation au conseil de surveillance de l'ARS et à la conférence régionale de santé, organe vivant de la démocratie sanitaire, dont le champ d'intervention sera élargi pour couvrir tous les sujets de santé.
En outre, je souhaite souligner, car je sais que cela est très important pour vous, combien je suis attentive à ce que les ARS aient des relations très étroites avec les représentants des usagers, dans tous les domaines. Je tiens à ce que l'on veille avec attention à ce que les droits des usagers soient particulièrement pris en considération.
Plus largement, vous savez combien je suis soucieuse d'une meilleure prise en compte de la précarité.
Je souhaite intégrer cette dimension dans la tarification hospitalière.
De plus, la loi de financement de la Sécurité sociale prévoit des mesures destinées à mettre en oeuvre, dans le champ de la santé, les recommandations formulées dans le rapport remis au Premier ministre par le député Etienne Pinte.
Trois millions d'euros sont prévus pour financer les équipes mobiles de psychiatrie, chargées d'aller au devant des sans-abris.
Ce dispositif fonctionne depuis 2006. 23 nouvelles équipes ont été financées en 2008. Au total, ce sont 92 équipes qui ont été crées ou renforcées sur le terrain.
Trois millions d'euros sont consacrés aux Lits halte soins santé (LHSS), ces structures médico-sociales qui permettent aux personnes sans domicile fixe de recevoir les soins médicaux et paramédicaux généralement dispensés à domicile.
Enfin, quatre millions d'euros sont consacrés aux Permanences d'accès aux soins de santé (PASS), qui sont des dispositifs indispensables pour l'accès de tous à notre système de santé. Elles permettent d'accompagner les plus vulnérables dans les démarches de reconnaissance de leurs droits, l'objectif étant d'en établir dans tous les établissements pourvus d'un service d'urgence.
Pour conclure sur ce thème, j'ai bien entendu ce que vous m'avez dit et, naturellement, la réduction des inégalités de santé sera l'un des objectifs majeurs de la révision prochaine de la loi de santé publique. Vous y serez étroitement associés.
A présent, je voudrais aborder devant vous une disposition du projet de loi HPST qui vous concerne très étroitement.
Je veux favoriser le développement des programmes d'éducation thérapeutique et des actions d'accompagnement des patients.
Ils s'inscrivent, en effet, dans ce double objectif de qualité et de proximité qui est un des principaux fils conducteurs de la politique que je mène.
En aidant les patients et leur entourage à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer leur maladie, les programmes d'éducation thérapeutique tendent à prévenir les complications et à préserver une meilleure qualité de vie.
Le projet de loi HPST inscrit donc l'éducation thérapeutique comme un élément de prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques, définit les compétences nécessaires pour la dispenser au patient, et vise à développer une offre de qualité en la matière, conforme à un cahier des charges national.
Les ARS seront dotées des outils conventionnels nécessaires pour assurer le financement de ces programmes, en privilégiant si possible l'offre de proximité.
Les actions d'accompagnement des patients, complémentaires de l'éducation thérapeutique, seront, elles aussi, structurées sur la base d'un cahier des charges national.
Plusieurs améliorations ont été apportées au texte par nos parlementaires, lors du vote de cet article du projet de loi, pendant la séance à l'Assemblée nationale, le 5 mars dernier.
De même, vous le savez peut-être déjà, le gouvernement a proposé un amendement, afin d'encadrer toute éventuelle action des firmes pharmaceutiques dans ces champs, ainsi que leur actions en matière de programmes d'apprentissage. Cet amendement a été voté par l'Assemblée nationale.
N'en doutez pas : j'ai également voulu, à travers la loi HPST, réaffirmer le rôle de garant de l'Etat dans notre système de santé.
Par exemple, j'ai souhaité que les communautés hospitalières de territoire ne concernent que l'hôpital public, afin de préserver le statut public de l'hôpital, auquel je suis profondément attachée.
Quant aux établissements privés, il n'y a aucune raison qu'ils s'exonèrent de certaines obligations majeures : offre de prestations à tarifs opposables, accueil des personnes en situation de précarité, permanence des soins.
Ils sont financés par l'argent public. Il est bien normal de leur imposer, en contrepartie, d'assumer leur part de responsabilités.
Cela se fait au bénéfice de tous, dans un objectif de service public de qualité.
La santé de nos concitoyens relève, en effet, par définition, d'une mission de service public.
C'est l'ARS qui identifiera les territoires où, en cas de carence ou d'insuffisance de certaines activités de soins, il est opportun de déléguer telle ou telle mission à des établissements privés.
Concernant la méthode, vous le savez, j'ai toujours défendu le dialogue et la concertation, seul véritable gage de réussite pour une réforme aussi ambitieuse que celle que je veux conduire.
A cet égard, j'ai parfaitement entendu, cher Christian, votre souhait d'être étroitement associés à un certain nombre de débats essentiels, en particulier en vue des futurs projets de loi sur la bioéthique, ainsi que sur la santé publique.
D'ores et déjà, je vous invite tous à vous inscrire activement dans la démarche citoyenne et participative initiée par les Etats Généraux de la Bioéthique, grâce au site internet et aux débats organisés en régions.
Je prendrai également connaissance, avec un intérêt soutenu, des travaux de ces troisièmes Journées nationales.
Enfin, vous m'avez fait part, à l'instant, de vos préoccupations concernant la protection des personnes dans les recherches biomédicales.
Sur ce point, je voulais vous préciser que la modernisation de la recherche clinique n'a en rien changé la qualité de la protection des personnes dans ces recherches. Les exigences sont rigoureusement les mêmes.
Les compétences des comités de protection des personnes ont été étendues aux recherches non interventionnelles et à faible risque. Il leur appartiendra donc, désormais, de se prononcer également sur ces types de recherches, et de les requalifier, le cas échéant. Il faudra, d'ici quelque temps, analyser l'impact de ces nouvelles dispositions.
Comme sur les autres sujets, je suis bien sûr à l'écoute de vos propositions en la matière, en vue d'améliorer le dispositif.
Vous le constatez : c'est bien le patient, de manière très concrète et incarnée, qui guide mon action. Et c'est bien la philosophie du pacte de 1945 qui inspire tous les axes de mes réformes.
Les principes fondamentaux auxquels, tous, nous tenons tant - solidarité, justice, égalité - sont aujourd'hui battus en brèche par des situations que nous ne saurions accepter et auxquelles nous devons apporter des solutions courageuses.
Cette santé durable et solidaire que nous appelons tous de nos voeux, c'est aujourd'hui qu'elle se bâtit.
Elle dépend de notre implication collective. En ce sens, les débats actuels conditionnent en grande partie l'avenir de notre système de santé.
C'est pourquoi, à un moment aussi décisif pour l'avenir de notre système de santé, je compte sur vous. J'ai besoin de vous.
Je vous remercie.Source http://www.leciss.org, le 9 avril 2009