Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur le projet de loi "hôpital, patients, santé, territoires" et le rôle des pharmaciens dans cette nouvelle organisation des soins, Paris le 4 avril 2009.

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Circonstance : Salon Pharmagora à Paris du 4 au 6 avril 2009

Texte intégral

Monsieur le commissaire général, cher Jean-Christophe Goulemot,
Madame la directrice du programme pédagogique, chère Catherine Le Roy,
Monsieur le président du conseil national de l'Ordre des pharmaciens, cher Jean Parrot,
Messieurs les présidents de syndicats, cher Gilles Bonnefond, cher Philippe Gaertner, cher Claude Japhet,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureuse d'être là aujourd'hui, pour la deuxième fois en tant que ministre chargée de la santé, devant vous, pour cet incontournable rendez-vous de la pharmacie d'officine qu'est Pharmagora.
Ma joie est d'autant plus grande que l'année qui vient de s'écouler a été riche en évolutions pour l'exercice de ce beau métier.
Dans la modernisation de notre système de santé que je porte, notamment à travers mon projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » , pour assurer l'égal accès de tous à des soins de qualité, vous, pharmaciens, avez un rôle majeur à jouer.
C'est pour cette raison que je vous ai demandé, il y un an, de mettre en place des groupes de travail, qui ont d'ores et déjà porté leurs fruits.
En concertation, vos représentants syndicaux, l'Ordre et le ministère de la santé ont su travailler ensemble, de façon constructive, pour faire émerger des idées fortes, qui ont ensuite fait efficacement leur chemin.
Aujourd'hui, je me réjouis de constater que vous avez su renforcer votre place dans cette nouvelle organisation des soins.
Le projet de loi HPST propose des avancées significatives, qui seront, je n'en doute pas, reconnue comme telle par les sénateurs.
Parmi ces avancées, je pense à la reconnaissance juridique des missions du pharmacien d'officine dans le code de la santé publique.
Les députés, avec le soutien du gouvernement, ont ainsi reconnu le rôle de conseil officinal dans le cadre des soins de premier recours. C'est là une composante indispensable du bon usage des médicaments, ces produits pas comme les autres, comme je l'ai inlassablement répété lorsque la défense du maintien de la distribution de tous les médicaments dans les officines de pharmacie s'imposait.
De même, si les sénateurs approuvent l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, les missions des pharmaciens d'officine ne seront plus définies « en creux » dans le code de la santé publique, comme se limitant à la seule vente de médicaments.
Même si la dispensation sécurisée des médicaments reste leur principale mission - et loin de moi l'idée de la négliger ou de la sous-estimer -, le panel des attributions des pharmaciens d'officine est beaucoup plus vaste que cela et ne saurait être méconnu plus longtemps.
La participation aux actions de veille, de protection sanitaire, de prévention et de dépistage, aux réseaux de santé, à l'éducation thérapeutique ou encore à l'accompagnement des patients sont des missions essentielles, qu'exercent aujourd'hui de nombreux pharmaciens, de fait, sans pour autant que la législation le prévoie.
Vous êtes des professionnels de santé de proximité, facilement accessibles et bien répartis sur l'ensemble du territoire, grâce au maillage existant.
Donc, au-delà de la dispensation de médicaments, vous participez pleinement à l'amélioration et à l'optimisation des parcours de soins.
Parmi les avancées contenues dans le projet de loi, je pense également à la notion de pharmacien de coordination et au développement des coopérations entre professionnels de santé, prévues à l'article 17.
Il n'y a que des avantages à ce que les patients puissent désigner leur pharmacien habituel auprès des autres professionnels.
Une telle information n'existe pas à l'heure actuelle et on peut légitimement le regretter.
Le pharmacien reste aujourd'hui anonyme pour le médecin, l'infirmier ou le personnel hospitalier.
Lorsque le patient choisira, s'il le souhaite, de désigner son pharmacien, les autres professionnels sauront à qui s'adresser pour vérifier un historique de traitements, prévoir la disponibilité d'un produit rare, confier un suivi de tension ou encore fluidifier les entrées et sorties de l'hôpital dans le parcours thérapeutique.
Enfin, le projet de loi prévoit la mise en place des agences régionales de santé (ARS), qui, elles aussi, vont vous permettre de moderniser vos activités.
Services de l'Etat et services de l'assurance maladie deviendront un seul et même interlocuteur, notamment pour l'organisation des soins de premier recours, qui vous concerne au premier chef. Le conseil pharmaceutique et les pharmaciens y ont toute leur place.
De manière plus globale, vous le savez, la mission des ARS sera d'organiser l'offre de santé sur tout le territoire, dans une perspective d'amélioration de l'accès aux soins et de l'état de santé de nos concitoyens.
Elles auront donc aussi en charge la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients, la régulation de la démographie médicale, l'hospitalisation, le médico-social ou encore la mise au point des schémas régionaux d'organisation des soins (SROS) hospitaliers et ambulatoires.
Je ne doute pas de votre volonté de travailler en lien étroit et en parfaite intelligence avec ces ARS. C'est là notre intérêt à tous.
Dans le même esprit, d'autres réalisations d'envergure doivent être soulignées.
Ainsi, je tiens à saluer le déploiement du dossier pharmaceutique. Trois mois seulement après le lancement de sa phase de généralisation, 7280 officines ont été raccordées et plus de trois millions de Français disposent d'un dossier pharmaceutique : c'est un très beau résultat !
Le libre accès est aussi une opportunité de mettre en avant vos compétences et d'habituer les patients à solliciter votre conseil personnalisé chaque fois qu'ils veulent se soigner sans consulter un médecin.
Je sais qu'il s'agit là d'une petite révolution et que modifier vos habitudes autant que celles des patients demande du temps.
Mais c'est l'évolution qu'il faut souhaiter à long terme, pour que soient réaffirmés et renforcés votre rôle et vos compétences dans l'ensemble de vos missions, qui seront, je l'espère, inscrites très prochainement dans le code de la santé publique.
Enfin, pour rechercher la meilleure efficience, j'ai souhaité vous donner la possibilité de constituer des centrales d'achat. Elles vous permettront d'acquérir au meilleur coût la majorité des médicaments à prix libre que vous dispensez, et donc de proposer ces médicaments à des prix raisonnables.
Le décret créant ces établissements pharmaceutiques, tout en préservant bien sûr la sécurisation de la chaîne du médicament,est en cours d'examen au Conseil d'Etat. J'espère pouvoir en annoncer la publication très prochainement.
Il reste encore, je le sais, des idées à faire émerger, des missions à préciser et valoriser.
C'est pourquoi je vous invite à faire vivre ces groupes, qui sont les vôtres, sur des thèmes tels que la continuité de la prise en charge entre la ville et l'hôpital, le rôle du pharmacien dans le parcours de soins, le mode de rémunération et la circulation des informations entre professionnels de santé de proximité, notamment au travers des observatoires régionaux des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques (OMEDIT).
De même, il me paraît important que vous, pharmaciens, puissiez vous impliquer dans la mission dont nous avons, Valérie Létard et moi-même, confié le pilotage à Pierre-Jean Lancry.
Cette mission a pour objectif la mise en oeuvre d'expérimentations en vue de l'intégration des médicaments dans les forfaits de soins au sein des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), comme cela est prévu par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2009.
Elle doit être une occasion privilégiée de mieux faire connaître le rôle des pharmaciens, leur capacité à améliorer le bon usage des médicaments, à optimiser leur utilisation chez les personnes âgées et à contribuer à une diminution de l'iatrogénie médicamenteuse. La possibilité de préparer les doses à administrer vous sera reconnue, bien sûr dans le respect des bonnes pratiques, non seulement pour les personnes hébergées en EHPAD, mais également - pourquoi pas ? - pour vos patients ou leurs accompagnants qui le souhaiteraient.
Vous êtes les spécialistes du médicament.
Vous êtes des professionnels de santé de haut niveau.
Aujourd'hui, vous avez de multiples arguments pour définitivement battre en brèche ceux qui vous accusent de n'être que des commerçants - certains parlent même « d'épiciers ».
Oui, l'officine est un commerce. Mais c'est un commerce avec une réelle valeur ajoutée, scientifique et sociale qui, n'en doutons pas,sera de plus en plus reconnue.
Aujourd'hui, vous, pharmaciens, subissez, comme la majorité des acteurs économiques, en France et dans le monde, les répercussions de la crise et certains d'entre vous souffrent particulièrement, je ne l'oublie pas.
Pour traverser cette période difficile et affronter le monde de demain, l'officine française, comme nombre de secteurs, doit s'interroger sur les mutations à opérer.
En cela, elle dispose de véritables atouts.
Son premier atout, ce sont ses trois piliers : le maillage officinal du territoire, la réserve du capital des officines aux pharmaciens et le monopole pharmaceutique, qui ne saurait être remis en cause.
Ces trois piliers assurent la pérennité de votre activité, ce qui est loin d'être négligeable, dans le contexte économique qui est le nôtre.
Ces trois piliers, nous les avons ardemment défendus durant l'année écoulée, dans l'intérêt de la santé publique, des patients et des citoyens dans leur ensemble.
Mais je crois que ce combat aura porté ses fruits. La légitimité du monopole a été reconnue. L'avocat général de la cour de justice des communautés européennes (CJCE) a repris nos arguments en faveur du maintien de la réserve du capital.
La commission européenne a, pour l'instant, renoncé à nous adresser une mise en demeure sur le maillage territorial.
Rien n'est définitif, certes, et nous devons rester vigilants. Mais chaque bataille gagnée renforce les arguments en faveur du maintien des trois piliers de notre réseau pharmaceutiqueet de sa place essentielle dans notre société et notre système de santé.
La santé est un domaine porteur de croissance : c'est là le deuxième atout du secteur pharmaceutique. La prévention, l'éducation à la santé, la lutte contre l'iatrogénie ou encore l'observance des traitements sont des facteurs d'amélioration de la santé et d'optimisation des ressources collectives qui y sont consacrées.
Enfin - et il s'agit d'un troisième atout potentiel -, l'organisation de l'offre de services au sein de la pharmacie doit être performante. De nombreuses perspectives de développement existent, si chacun, bien entendu, se mobilise pour assurer la meilleure qualité sur tous les services proposés. Et vous serez d'accord avec moi, je pense, pour dire que quand on parle de qualité « pharmaceutique », on parle d'excellence !
Cela requiert d'atteindre une taille critique suffisante. Avec les mesures adoptées par la loi de financement de la sécurité sociale 2008, j'ai souhaité anticiper et soutenir la réorganisation du réseau en ce sens.
Je sais toutefois qu'il n'est pas facile de procéder à des regroupements d'officines et que la lisibilité des procédures à opérer pour y parvenir n'est pas optimale. Je vais donc mandater un groupe de travail, auquel participeront les ministères de la justice et des finances, pour vous permettre d'y voir plus clair sur les démarches à suivre et les avantages dont vous pourriez bénéficier dans ce cadre.
Relever ce défi fait aussi partie des enjeux de la modernisation des soins. Vous devez être conscients que vous construisez ainsi l'officine de demain.
Chacun d'entre vous est déjà, dans les faits, ce pharmacien auprès duquel les patients, inquiets mais confiants, viennent chercher et trouver le réconfort d'un vrai professionnel de santé de proximité, capable de les guider, de leur offrir des soins de premier recours avec un conseil compétent, des services pour améliorer leur hygiène de vie, la prévention des maladies, le bon usage des médicaments ou leur parcours thérapeutique.
Je veux que nous allions toujours plus loin dans la reconnaissance de votre rôle d'interface indispensable entre les patients et la médecine.
Vous pouvez compter sur moi pour continuer à défendre avec force une profession qui m'est chère et des valeurs auxquelles je suis profondément attachée.
Je vous remercie.Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 9 avril 2009