Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur la fête de l'internet et sur l'utilisation du multimédia dans le domaine de la culture, Paris, le 19 mars 1999.

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Circonstance : Fête de l'Internet à la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris, le 19 mars 1999

Texte intégral

Mesdames, messieurs, chers amis,
Jai le plaisir de vous accueillir pour cette deuxième édition de la Fête de lInternet.
Lannée dernière, à loccasion du lancement de la fête, nous nous étions retrouvés au ministère, rue de Valois.
Jen garde un excellent souvenir.
Mais nous y étions un peu serrés et je remercie Monsieur DEMAZURE, non seulement de nous accueillir à la Cité des Sciences, pour cette soirée, mais aussi de permettre à tous les services publics de venir à la rencontre de leurs usagers, de leurs publics, nos concitoyens, en leur présentant les activités quils développent sur lInternet.
De ce point de vue, lopération est déjà un succès. Tous les ministères seront représentés au cours de ces deux journées pendant lesquelles la Cité des Sciences sera ouverte gratuitement. Cest donc un véritable salon des services publics sur lInternet, ponctué de forums et débats qui se tiendra ici, et que jaurai le plaisir dinaugurer demain matin. Je tiens à remercier lensemble des services publics qui ont coopéré facilement et efficacement pour que ces deux journées soient un succès.
Elles permettront à nos concitoyens de mieux prendre la mesure de lavancée du programme gouvernemental pour la société de linformation, voulu par le Premier Ministre, et dont il a de nouveau, mardi soir, souligné le caractère stratégique.
Vous trouverez dailleurs un tableau de cet avancement de notre pays vers la société de linformation dans un livre conçu par le S.I.G. et S.J.T.I.C., et publié par la Documentation française, qui vous est offert.
La fête est aussi un succès parce quelle ne se limite pas aux manifestations à caractère national, ou parisien, mais sappuie au contraire sur un grand nombre dinitiatives de terrain : 1323 officiellement recensés, dont plus de mille dans les domaines de la culture et de la communication, mais évidemment beaucoup plus dans la réalité. Tout ce déploiement dinitiatives aurait été impossible sans le travail de lAssociation pour la Fête de lInternet, qui est à lorigine de cette fête et dont je salue les représentants.
Comme vous lavez remarqué plusieurs détails ont contribué à pimenter les préparatifs de la fête, et à lui donner un caractère plus réaliste, plus conforme à notre génie national de la dispute. Cest une contribution remarquable à lacclimatation de lInternet : le public comprend ainsi que les internautes sont des français comme les autres.
En même temps, la fête acquiert une dimension internationale avec lInternet Fiesta que javais suggérée à la Commission Européenne. Et je suis très heureuse de voir un signe de cette notoriété dans la présence aujourdhui à nos côtés de Vinton CERF, que javais déjà eu le plaisir de rencontrer au congrès international de lISOC à Genève.
En quelques mois, lInternet a cessé dêtre une activité réservée au monde universitaire et à celui des entreprises. LInternet sest ouvert au grand public.
La nouveauté la plus importante pour le fonctionnement de notre société, pour lapprofondissement de son caractère démocratique, cest lélargissement considérable de lexpression publique de nos concitoyens. Plusieurs centaines de milliers de sites personnels, cest autant de personnes qui trouvent là une possibilité, non seulement de communication privée mais aussi dexpression publique dont ils ne disposent pas réellement avec les moyens de communication traditionnels.
Faut il dans ces conditions sétonner que cette nouvelle liberté dexpression prenne des formes imprévues voire désagréables ? Nous ne devons pas accepter quelle se manifeste par des contenus ou des comportements illicites, mais nous devons accompagner nos concitoyens dans lexercice de cette expression publique - nous, cest à dire les pouvoirs publics, mais aussi tous les acteurs reconnus de la communication publique. Dans le cas altern.org, un hébergeur est mis en cause pour des pages qui portaient atteinte à limage dune personnalité publique. Ailleurs, deux éditeurs multimédia sont critiqués sur le réseau par certains membres de leur personnel. Faut il sindigner, faut il crier à loutrage ? Je ne le crois pas. Félicitons nous au contraire de voir lInternet passer du fantasme dune communauté transparente, sans contradictions, au projet dune société plus libre, plus démocratique, plus ouverte. Les solutions existent : il faut garantir à nos concitoyens cette nouvelle liberté ; lanonymat est parfaitement contradictoire avec lexpression libre en démocratie ; les médiateurs sur le net doivent être protégés ; une définition des responsabilités mesurée, appropriée à la réalité des métiers et des projets est tout à fait réalisable. Je nai aucun doute sur la capacité de notre pays à progresser dans cette direction.
LInternet souvre au grand public, et létat, les services publics doivent intégrer cette transformation comme une nouvelle dimension de leur activité.
Je vous propose un petit apologue, une petite fable qui pourrait sintituler « le musée et les deux jeunes hommes « .
Soit un musée, un des plus beaux, un des plus prestigieux, disposant dun patrimoine extraordinaire.
Le premier jeune homme, très riche, et mesurant la richesse du musée, souhaite en tirer parti pour vendre dans le monde entier des petites galettes électroniques.
Le musée découvrant lintérêt de ces petites galettes électroniques dites « cédéroms « entreprend de les faire lui même et produit ainsi certains des plus beaux succès de lédition multimédia.
Arrive le deuxième jeune homme, nettement moins riche que le premier. Mais il connaît des physiciens qui inventent, en Suisse, un nouveau media quon appellera le « web « , ou la « toile « . Ces scientifiques cherchent une illustration à leur projet dans le domaine culturel ; notre deuxième jeune homme, assez ignorant des règles de droit, mais très doué, entreprend de mettre les richesses du musée sur la toile. Le musée se rebiffe une deuxième fois et crée son propre Web, un de ceux qui connaissent le plus de succès.
Cette petite fable est transparente. Le premier jeune homme, cest Bill GATES ; le deuxième jeune homme, cest Nicolas PIOCH, créateur du premier web culturel français ; le musée, bien sur cest le Louvre.
Et la morale de cette fable est elle même évidente : le réseau, le multimédia sont des aiguillons extraordinaires pour pousser les services culturels à proposer des contenus de qualité, à se rapprocher de leurs publics et à moderniser leurs fonctionnements.
Je ne voudrais certainement pas vous infliger maintenant un bilan de cette action et je me contenterai de quelques instantanés :
le louvre, puisque nous en parlons : un visiteur sur huit a au préalable préparé sa visite sur le site Internet ; le public peut à partir du cyberlouvre consulter la totalité des dessins et estampes, collection prestigieuse inaccessible auparavant dans sa totalité,
le ministère : 12 000 messages électroniques vers lextérieur, par jour, soit quatre messages par agent et la messagerie interne fait souffler un petit vent de liberté dans les parapheurs,
le site « culture.gouv.fr « : 500 000 personnes par mois pour une consultation moyenne dune demie heure ;
tous les jours, pour la seule collection « des grands sites archéologiques « , 1 600 personnes qui consultent en moyenne dix pages,
je citerai aussi la connexion des bibliothèques rurales, les cent espaces culture multimédia. Le premier était lancé lannée dernière lors de la première édition de la fête de Internet. Le centième est le RADAZIK, un café musique des Ulis, dans lEssonne. Jen donnerai deux autres exemples : le Centre culturel « Le Chaplin « dans le quartier du Val fourré à Mantes, et la médiathèque de La Salvetat-Peyralès, un village de 1170 habitants, entre Albi et Rodez, qui est passée de 25 à 200 abonnés.
Je ne conçois pas le passage à la société de linformation comme une opération de modernisation abstraite. Cest pour moi, au ministère de la culture et de la communication, le moyen daccélérer la démocratisation de laccès à la culture.
Avant de laisser libre place à la fête, je voudrais distinguer, comme je lavais déjà fait lan dernier, cinq personnalités qui, toutes, à des titres divers, ont été des pionniers du développement de lInternet dans notre pays.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 24 mars 1999)