Texte intégral
Monsieur le Premier ministre, vous avez accepté de nous faire l'honneur de conclure nos travaux. Au nom de toutes les agricultrices et de tous les agriculteurs présents ici, je vous en remercie.
Par votre présence, vous exprimez tout l'intérêt de la France pour un secteur qui compte, pour un secteur dynamique, pour un secteur essentiel aux équilibres économiques, sociaux et environnementaux de notre pays.
[ L'agriculture : un secteur clé ]
Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui même, se tient à Londres une réunion importante : le sommet du G20. Les Chefs d'État et de Gouvernement se penchent sur la crise.
Nous subissons depuis quelques mois une crise terrible. Le Président de la République l'a lui-même rappelé la semaine dernière, cette crise est économique, sociale, financière mais c'est aussi une crise morale, une crise des valeurs.
C'est vrai, le monde ne va pas bien mais dans la tempête que nous traversons, l'agriculture représente une valeur sûre.
L'éclatement des bulles spéculatives, dans l'immobilier et dans la finance, nous a fait sortir de l'économie virtuelle pour nous ramener, brutalement, à la réalité des choses.
Le travail de la terre lui, est bien réel, dans les efforts qu'il exige comme dans les satisfactions qu'il procure.
Notre secteur, c'est de l'économie réelle.
Le virtuel, ce n'est pas notre fort, sauf peut-être en ce qui concerne notre revenu.
[? L'agriculture, c'est d'abord et surtout de l'alimentation]
L'agriculture c'est d'abord et surtout de l'alimentation.
Aussi aberrant que cela puisse paraître, avant que n'éclate la crise, l'alimentation était reléguée au fin fond du panier de la ménagère. Certains experts en étaient même arrivés à se demander s'il était bien utile de maintenir une agriculture de production dans notre pays et en Europe.
Ces derniers mois, la question alimentaire a fait un retour en force. J'en veux pour preuve l'Argentine qui, l'an dernier, a surtaxé ses exportations pour nourrir d'abord sa population ; de même la Corée du Sud qui, en manque de sols productifs, a pris à bail 50% des terres arables de Madagascar.
Dans les pays en développement, les émeutes de la faim qui ont éclaté l'an dernier ont montré à quel point l'alimentation était un sujet vital et fragile, même au 21ème siècle.
[? L'agriculture, c'est le socle de millions d'emplois]
L'agriculture, c'est aussi le socle de millions d'emplois. Alors que tous les jours on entend parler de plans de licenciement, avec nous vous pouvez être tranquille : les pôles emploi ne seront pas débordés. Mieux, nous cherchons des salariés.
C'est pourquoi, la FNSEA a lancé une campagne de communication sur les métiers de l'agriculture. Nous avons voulu mettre en avant la diversité des métiers et leur modernité.
[? L'agriculture, c'est une économie dynamique sur l'ensemble du territoire]
Ces emplois sont la réalité d'une économie dynamique répartie sur l'ensemble du territoire.
Une exploitation agricole fait vivre en amont des fournisseurs, en aval des entreprises en contact avec le consommateur final.
Cet amont et cet aval sont composés de petites entreprises du commerce ou de l'artisanat mais également de structures d'envergure nationale ou internationale.
Cet ensemble crée un réseau de richesses et d'emplois dans tout l'espace rural.
Les emplois agricoles, directs ou indirects, représentent 14% des emplois en France.
La filière agricole, c'est plus de trois millions d'hommes et de femmes. C'est plus que l'Éducation nationale.
La filière agro-alimentaire, c'est aussi plus de 9 milliards d'euros d'excédents dans la balance commerciale.
[Une politique ambitieuse pour un secteur clé]
Monsieur le Premier ministre, le secteur clé que nous représentons, avec ses actifs, ses produits et ses territoires, mérite une politique forte que nous vous demandons de porter et de défendre à tous les niveaux.
[? Une politique internationale]
Sur le plan international, je voudrais rappeler que le cycle de Doha avait pour objectif le développement.
Cet objectif a été dévoyé sur l'autel d'un libre-échange totalement débridé, seul credo de certains négociateurs à l'Organisation mondiale du commerce.
Ce libre-échange, ce sont des produits importés qui ne respectent pas nos exigences sociales, environnementales et sanitaires.
Ce libre-échange, ce sont des produits importés à bas prix qui mettent en danger l'économie, l'emploi et demain la sécurité alimentaire de ceux qui les subissent.
Ce libre-échange, c'est oublier qu'aujourd'hui un milliard de personnes souffrent de la faim.
Ce libre-échange, c'est accepter que des centaines de millions de pauvres gens se tuent à la tâche pour satisfaire nos papilles de produits toujours plus originaux.
Non, ce libre-échange là n'est pas compatible avec l'objectif du développement.
Il est urgent de revoir la logique du cycle des négociations internationales.
L'agriculture n'est pas une activité délocalisable.
Les produits agricoles ne peuvent pas être traités selon les mêmes règles que les produits industriels ou les services.
Aujourd'hui, 92% des produits agricoles sont vendus sur un marché de proximité.
Il est nécessaire d'encourager la constitution de grands ensembles régionaux, seuls garants de la sécurité et de l'indépendance alimentaires.
Pour l'Europe, ce n'est surtout pas le moment de baisser la garde.
Nous avons apprécié la position forte et intransigeante de la France dans ces négociations internationales. Vous devez rester vigilants et ramener nos partenaires européens à la raison.
[? Une politique européenne]
D'ailleurs parlons-en de la politique européenne.
* Un débat de fond sur l'agriculture en Europe : une tentative avortée
Voilà bien longtemps, monsieur le Premier ministre, que la FNSEA demande que l'on débatte de l'agriculture que nous voulons en Europe.
Ce débat n'est pas un gadget.
Je sais que vous l'avez tenté lors de la Présidence française de l'Union.
Hélas, sans succès, en raison de l'opposition de trois États membres.
Le comble, c'est que le Royaume-Uni, la Suède et la Lettonie aient bloqué toute avancée sur l'agriculture !
Ce fonctionnement de l'Union à 27 n'est plus acceptable :
- les règles d'unanimité autorisent tous les blocages ;
- la Présidence tournante génère trop d'incertitudes - voyez ce qu'il se passe avec la Présidence Tchèque ;
- la Commission snobe le Parlement.
Oui, l'Europe dysfonctionne et ce dysfonctionnement rend la Commission européenne encore plus présente et plus puissante.
* Une Commission sourde et aveugle
Et pourtant, cette Commission est sourde et aveugle au monde qui l'entoure.
En ce moment, tout bouge, tout change.
Sauf à Bruxelles.
Le monde entier se remet en question : il n'y a que la Commission qui continue sur la voie tracée, sans regarder sur les côtés, droit devant, droit dans le mur !
Cet aveuglement la conduit à imaginer du faux rosé en mélangeant du rouge et du blanc.
Cet aveuglement l'amène à dire « non ! non ! et non ! » aux demandes sensées de ministres responsables face à la situation catastrophique des marchés du lait et du porc.
Il paraît que la Commission compte envoyer ses fonctionnaires chargés de l'agriculture faire des stages obligatoires dans les campagnes afin de mieux se rendre compte des problèmes sur le terrain.
Effectivement, là, y'a du boulot !
Ce serait bien que les paysans puissent aussi faire un stage à la commission pour mieux comprendre le fonctionnement d'un fonctionnaire européen car pour nous, c'est vraiment une énigme.
* Quelle politique pour 2013 ?
Alors, Monsieur le Premier ministre, peut-on encore croire en l'Europe ? Peut-on encore avoir une ambition pour la PAC ? Peut-on encore avoir de l'espoir pour 2013 ?
Aujourd'hui, la seule perspective que nous donne Mariann Fischer Boel, c'est la politique du « tout marché » et la prime unique à l'hectare.
Nous vous le disons avec force et fermeté : le "tout DPU" ne fait pas une politique.
Ce qu'il nous faut, c'est un système de soutiens plus souple, plus réactif, plus flexible, qui permette d'aider les secteurs de production et les exploitations quand ça va mal et d'aider moins quand ça va bien.
Ce qu'il nous faut, c'est un dispositif d'intervention capable d'accompagner la réalité du marché, et même de l'anticiper.
Ce qu'il nous faut, c'est une politique agricole qui préserve notre modèle contre les risques de concentration des exploitations, qui encourage le renouvellement des générations, qui prenne en compte les handicaps et protège les consommateurs.
Bref, ce qu'il nous faut, c'est de la RÉ-GU-LA-TION !
Ce qui s'impose à tous face à la crise financière serait-il un gros mot en agriculture ?
Réguler, c'est aussi garantir la pérennité des exploitations malgré la volatilité des prix et des marchés.
C'est tout l'intérêt du soutien à un dispositif assurantiel des risques économiques.
Profitons-en pour réfléchir à un système plus large et plus simple qui tienne compte de l'ensemble des risques : économiques, sanitaires et climatiques.
En effet, que l'on subisse la sécheresse, la FCO, la grippe aviaire ou des baisses abyssales de prix, le risque est le même pour nos exploitations : qu'elles disparaissent.
[? Une politique nationale]
* L'organisation économique
Sur le plan national, la régulation repose sur des filières solides, dotées d'une organisation dont le principe doit être « gagnant gagnant ».
Exercice difficile puisque nos filières agro alimentaires sont caractérisées par un rapport de force extrêmement déséquilibré : 7 centrales d'achat, plus de 10 000 industries, dont 90% de PME, et 500 000 exploitations agricoles.
Pour créer les conditions d'une négociation équilibrée, il est impératif de renforcer l'organisation économique des agriculteurs, particulièrement au travers de leurs coopératives, afin de mieux maîtriser la première mise en marché de leurs productions.
Il est aussi essentiel de renforcer et de sécuriser la capacité des interprofessions à conclure des accords permettant de réguler l'offre, de proposer des recommandations de prix et de conditions de paiement.
C'est à cette condition que pourra réellement se développer une contractualisation gagnante entre tous les acteurs, qui soit une alternative au laisser faire des marchés, et qui nous permette de répondre aux demandes des consommateurs.
Voici un objectif que devra se fixer la future loi de modernisation de l'agriculture.
Mais nous y mettons des conditions :
- le droit de la concurrence ne doit pas être au service d'un libéralisme débridé mais doit au contraire fixer des règles du jeu claires et respectées.
Dans un match, surtout quand les équipes ne jouent pas dans la même division, la justesse de l'arbitrage est déterminante.
Et l'arbitre, c'est vous, c'est le Gouvernement, c'est le Parlement.
- Vous avez mis en place un Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires. Peut-on espérer qu'il observe un jour ? ...Surtout les marges.
Il est temps de remettre un peu de morale dans les pratiques commerciales.
- Nous vous demandons également d'engager sans attendre un bilan de la loi de modernisation de l'économie : nous sommes curieux et impatients de connaître ce que la négociabilité des conditions générales de vente a réellement apporté au pouvoir d'achat des consommateurs, au-delà des déclarations médiatiques de Michel, Édouard, Serge et les autres... !
Agriculteurs et consommateurs en ont assez d'être les dindons d'une farce qui n'a que trop duré.
Ce que nous savons, c'est que cette loi n'a pas permis de rééquilibrer les rapports entre fournisseurs et distributeurs.
C'est toujours des marges minuscules pour les uns et des marges majuscules pour les autres.
Si le secteur agro-alimentaire a besoin d'une agriculture forte, l'agriculture a besoin d'un secteur agro-alimentaire compétitif. Nos PME sont vitales pour la relance de l'économie de la France et celle de nos territoires. Vous devez les accompagner sur le chemin de l'innovation et de la conquête ; vous devez partager avec nous l'ambition d'une politique offensive de promotion de nos produits sur les marchés européens et internationaux.
Nous entendons nous prendre en main sur ce dossier comme sur d'autres, comme nous l'avons toujours fait, comme l'ont fait nos aînés.
* L'originalité de l'organisation du secteur agricole
Vous connaissez bien, Monsieur le Premier ministre, les valeurs qui caractérisent notre secteur : solidarité, responsabilité, mutualisme, partenariat.
Toutes ces valeurs doivent être reconnues de manière concrète et ne pas être dissoutes dans des systèmes généraux dont l'actualité montre les limites.
Nous avons un régime de protection sociale auquel nous sommes très attachés. 60% des agriculteurs ont participé aux élections de la MSA : autant qu'à un scrutin législatif.
Les agriculteurs tiennent à cette institution, proche d'eux, gérée de manière démocratique et efficace, qui contribue, par ses services, à la qualité de vie en milieu rural.
Nous avons un dialogue social riche et dynamique.
Vous avez donné la prééminence au Medef, à l'Artisanat et à la CGPME dans les négociations sociales. Mais aucune de ces organisations ne nous représente.
Nous voulons que soit enfin reconnue l'autonomie du dialogue social agricole.
Même les syndicats de salariés sont sur cette ligne.
Nous avons toujours su prendre nos responsabilités. Nous avons signé en 2008 un accord qui donne, à tous les salariés agricoles, une couverture prévoyance et une complémentaire santé. Nous avons signé un accord sur les conditions de travail et la pénibilité.
Je ne connais pas beaucoup de secteurs qui soient allés jusque là.
Pour atteindre ces résultats, il faut que nous soyons écoutés. Or, ce qu'il se passe sur la réforme de la formation professionnelle me laisse un goût amer. Bien sûr, nous comprenons la nécessité de sécuriser les parcours des demandeurs d'emploi et des publics en difficulté. Nous sommes prêts à y participer. Mais, être figé dans un fonds interprofessionnel, sans droit de parole, il n'en est pas question !
Enfin, nous avons un enseignement agricole dynamique, qui assure une formation de qualité et qui garantit un emploi à la sortie. Il faudrait arrêter de lui imposer, de manière aveugle, les directives de l'Éducation nationale qui déconnectent les formations des réalités du marché de l'emploi agricole.
Pour coordonner l'ensemble de cette organisation particulière, le Ministère de l'Agriculture joue un rôle essentiel et nous y sommes attachés.
Il mériterait un renforcement de ses missions dans la plénitude de ses compétences. Je pense en particulier à l'alimentation. Il pourrait ainsi représenter l'ensemble de notre secteur, nos filières, nos territoires et tous ceux qui y vivent. Dans cet esprit, nous comptons beaucoup sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture.
[Des moyens à la hauteur d'une politique ambitieuse]
Monsieur le Premier ministre, vous l'avez bien compris, notre approche est politique avant d'être financière.
Mais il faudra bien des moyens concrets.
[? Le budget communautaire]
Le budget de la Politique agricole commune est la cible régulière de nombreuses attaques.
On le dit trop important.
Pourtant, si le budget de la PAC représente 43 % du budget de l'Union européenne, il ne représente que 0,5% du PIB de l'UE, même pas 100 euros par an et par habitant.
Si la politique de la Recherche était une politique intégrée comme la PAC, son budget représenterait trois fois la PAC ; la politique de l'Éducation cinq fois, la politique de la Défense six fois.
L'un des enjeux fondamentaux dans les mois à venir sera la négociation du budget de l'Europe. La crise aidant, la partie va être très difficile pour l'agriculture.
Nous comptons sur votre détermination et celle du Gouvernement pour défendre un budget à la hauteur des enjeux et des ambitions de l'agriculture. Monsieur le Premier ministre, nous aurons Bercy à l'oeil à ce sujet.
[? Le bilan de santé et le plan d'accompagnement]
Parler du financement de la PAC me conduit évidemment à aborder devant vous le bilan de santé.
La réforme de 2003 était une mauvaise réforme. Elle a consisté à entamer le désengagement des Pouvoirs publics dans la gestion des marchés et à sacraliser le régime des paiements uniques. Pourquoi ? Pour être, nous a-t-on expliqué, les bons élèves du cycle de Doha.
Le cycle est bloqué.
Cancun, Hong-Kong, Genève ont été des échecs, mais nous, la réforme, nous l'avons !
Le 23 février dernier, votre Gouvernement a présenté ses choix pour l'application du bilan de santé.
Nous en avons débattu pendant six heures lors du huis-clos de notre congrès. C'est dire la sensibilité du sujet.
Il ressort de nos travaux que certaines de vos décisions correspondent à des attentes exprimées par la FNSEA et en particulier :
- les systèmes d'assurance et de gestion des risques,
- les soutiens aux productions fragiles,
- la prise en compte de la dimension économique et productive de l'herbe.
D'autres décisions menacent les équilibres économiques de certains secteurs de production.
À ce titre, la FNSEA regrette l'absence de progressivité dans les prélèvements effectués, car la remise en cause des soutiens frappe sans distinction toutes les exploitations quelles que soient leurs conditions de production.
C'est pourquoi la FNSEA, dès le 6 mars, a exigé du Gouvernement qu'il mette en place des mesures d'accompagnement pour apporter oxygène et perspectives aux exploitations fragilisées par ce bilan de santé.
Les annonces faites lundi par le Président de la République apportent une première réponse en ce sens.
[? Aller au-delà du bilan de santé : assurer la compétitivité de l'agriculture]
Au-delà des DPU, au-delà même du bilan de santé, il faut penser à l'avenir de notre agriculture. Cet avenir doit se construire sur des perspectives positives, seules à même de justifier une politique ambitieuse d'installation.
Ces perspectives, nous les trouverons dans des gains de compétitivité et de productivité. Alors, profitons-en et accompagnons le bilan de santé de mesures efficientes sur la gestion de l'eau avec la mise en place du plan de stockage décidé en 2005.
Ensuite, arrêtons une fois pour toutes de vouloir être plus royaliste que le roi dans notre pays. Tout produit de traitement utilisable dans l'UE doit l'être en France, c'est simple, c'est clair.
Et ne rajoutons pas des contraintes environnementales à tout va.
Les agriculteurs comprennent qu'il faut respecter les ressources naturelles mais entre mettre la nature sous cloche et la détruire, il y a un juste milieu ; entre créer des sanctuaires à prédateurs ou des réserves de bergers, il y a d'autres solutions.
C'est ce que nous défendons et que nous avons fait valoir tout au long des discussions du Grenelle de l'environnement. Je tiens d'ailleurs à souligner que nous avons participé à ces débats, dans un esprit constructif et d'ouverture.
Nous permettre d'exercer notre métier, cela veut dire aussi préserver le foncier agricole, socle de toute production. Monsieur le Premier ministre, 60 000 hectares de terres agricoles disparaissent chaque année. Il est urgent d'agir.
Dans ce plan d'accompagnement, il faudra aussi prévoir d'avancer sur la question des OGM.
Pour relever les défis d'une alimentation plus sûre et plus saine d'une population croissante, il faut permettre à notre agriculture d'être innovante.
Or, aujourd'hui, dans notre pays, les sciences font peur et quelques fortes voix entretiennent cette peur. Mais ailleurs, la recherche va bon train et nous perdons du terrain.
Ce qui me navre, c'est l'incohérence dans laquelle nous sommes. Je ne prendrai qu'un exemple. Aux États-Unis, plus de 50% des betteraves sont OGM. La Commission a autorisé leur importation, alors qu'on ne peut pas les cultiver en Europe.
Les agriculteurs sont placés, à tort, au centre du débat. En tant que citoyens, ils se posent les mêmes questions que tout un chacun.
En tant qu'acteurs économiques, ils se demandent pourquoi ils ne peuvent pas utiliser les mêmes outils que leurs concurrents.
C'est aux scientifiques de nous éclairer, c'est aux Pouvoirs publics de décider et Monsieur le Premier ministre, quand le Haut-Conseil aux biotechnologies va-t-il enfin commencer à travailler ?
* Diminuer les charges
Notre compétitivité dépend aussi, bien entendu, de la maîtrise de nos charges.
L'énergie pèse très lourdement sur la trésorerie des exploitations. Les producteurs sous serres en ont fait particulièrement les frais cette année, avec un hiver très rude.
Ils doivent bénéficier du même montant de baisse que les particuliers avec effet rétroactif au 1er janvier.
Les charges sociales sont aussi durement ressenties par les employeurs agricoles. D'autant plus durement qu'il existe, au sein même de l'Europe, des conditions différentes. En l'absence d'harmonisation des règles sociales, nous subissons des distorsions de concurrence tout à fait intolérables.
Je vous rappellerai qu'il en est de même en matière de transport. Les 44 tonnes ne peuvent pas circuler en France. Cette demande traîne depuis des années. Qu'attend-t-on pour la mettre en oeuvre ?
* Les nouvelles énergies
Alors, il faut alléger ces coûts mais il faut aussi proposer des solutions alternatives. Il existe de nombreux systèmes d'énergie renouvelables qui ont besoin d'un coup de pouce pour se généraliser et devenir vraiment rentables. Je pense en particulier à la méthanisation.
Mais je pense aussi aux biocarburants. Il y a deux ans, on nous promettait monts et merveilles. Aujourd'hui, les temps ont changé. Tout y est passé pour empêcher le développement des biocarburants : la faim dans le monde, la pollution, le bilan carbone, la technologie française des moteurs.
Pourtant, je reste persuadé qu'ils sont une chance pour notre économie et pour notre autonomie énergétique.
Nous avons apprécié la décision de développer la distribution de l'E10 et de taxer les importations de biodiesel au niveau européen.
Maintenant, monsieur le Premier ministre, stabilisez la fiscalité des biocarburants avec la mise en place d'une formule prenant en compte tous les éléments composant les coûts.
* Permettre une sortie digne du métier
Monsieur le Premier ministre, je ne peux pas terminer mon propos sans vous dire un mot du dossier des retraites.
Le Président de la République et vous-même avez pris des engagements, notamment sur une retraite minimale égale à 75% du SMIC et sur la revalorisation des plus faibles retraites.
Si quelques efforts ont été faits, ils sont insuffisants.
Que dites vous à ces femmes, monsieur le Premier ministre, qui ont travaillé toute leur vie sur leur exploitation et qui se retrouvent aujourd'hui avec des retraites de 200 euros par mois ?
[Conclusion : votre engagement pour les échéances à venir]
Monsieur le Premier ministre,
Depuis des mois, les agriculteurs sont déroutés par des courbes de prix erratiques, par une crise qui enfle, par une politique qui les abandonne.
Depuis des mois, l'inquiétude monte.
Dans une telle situation, le risque est fort de se réfugier dans l'individualisme.
Pourtant, c'est en rassemblant nos forces, en nous appuyant sur une défense collective que nous pourrons envisager l'avenir.
Nous avons vécu un congrès déterminant pour notre syndicalisme.
Nous avons tous fait preuve de responsabilité pour les paysans que nous représentons et pour le secteur agro-alimentaire que nous faisons vivre.
Nous avons tous affirmé haut et fort, notre unité.
Vous avez devant vous des femmes et des hommes fiers de leur métier, courageux, engagés.
Des femmes et des hommes convaincus que l'agriculture est un métier d'avenir.
Ne les décevez pas.
Source http://www.fnsea.fr, le 3 avril 2009