Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, sur le dossier médical personnel (DMP), le suivi, l'accès et la consultation en ligne des données médicales des patients et le développement de la "télésanté", Paris le 9 avril 2009.

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Circonstance : Colloque sur la relance du dossier médical personnel à Paris le 9 avril 2009

Texte intégral


Moderniser notre système de santé pour mieux répondre aux besoins des Français : tel est le principe fondateur qui, depuis bientôt deux ans, détermine ma politique de santé dans son ensemble.
Vous le savez, le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui vient d'être voté par l'Assemblée nationale et qui sera prochainement soumis au Sénat, est la pierre angulaire de cette ambition.
Il vise notamment à replacer les patients, mais aussi les professionnels de santé, au coeur de nos projets, en proposant des parcours de soins moins cloisonnés et mieux coordonnés.
Cette réforme d'envergure s'inscrit dans une action globale et cohérente, dans laquelle les systèmes d'information de santé, et le dossier médical personnel en particulier, ont un rôle essentiel à jouer.
Essentiel, car nous savons tous que la « E-santé » n'est pas un sujet comme un autre, mais LE sujet qui, dans les années à venir, va transformer les pratiques médicales, voire la manière même dont nous concevons la santé.
Faciliter les pratiques collectives et pluridisciplinaires, mutualiser les compétences, accélérer les échanges, renforcer la sécurité des patients, améliorer leur prise en charge : ma priorité, je tiens à le dire clairement, est de mettre les technologies au service de l'accès aux soins et de la qualité des soins, pour tous nos concitoyens.
Pour réussir, il nous faut une stratégie claire et des acteurs mobilisés et coordonnés.
Ma stratégie, qui couvre l'ensemble de la E-santé, repose sur plusieurs piliers : le DMP et les services de partage de données de santé, la télésanté, la gouvernance d'ensemble du système d'information de santé.
Quand on parle du DMP, on oublie souvent de le définir.
Le DMP est d'abord un dossier médical électronique, qui réunira l'essentiel des données de santé du patient et qui facilitera l'accès du patient à ses données de santé.
Nos concitoyens rencontrent encore trop de difficultés pour consulter leur dossier médical. Avec le DMP, ce dossier sera consultable sans délai, sans démarche, sans effort. L'accès aux données médicales est un droit. Avec le DMP, ce droit deviendra une réalité.
Mais le DMP, c'est aussi un ensemble de services. Il ne s'agit pas en effet de se contenter de présenter les données de santé de chacun, mais d'utiliser ces données pour apporter des services aux patients, par exemple pour suivre les rappels de vaccins, ou pour faciliter le suivi de prescriptions et de protocoles de soins.
Les professionnels de santé, quant à eux, ne connaissent pas toujours le parcours de santé de ceux qu'ils soignent. C'est le cas par exemple des médecins généralistes, quand leurs patients sont hospitalisées. C'est aussi souvent le cas des urgentistes, qui ne voient pas régulièrement leurs patients.
Grâce au DMP, ils pourront directement en être informés et disposer des comptes-rendus utiles. Les professionnels de santé pourront suivre facilement les parcours de santé de leurs patients - quels qu'ils soient, où qu'ils soient, quoiqu'ils fassent - et améliorer ainsi leur prise en charge.
Le DMP leur permettra également de sécuriser les démarches diagnostiques ou thérapeutiques et de disposer des référentiels à jour sur les meilleures pratiques.
Mais l'enjeu du DMP va bien au-delà de la consultation en ligne du dossier médical : il s'agit plus largement de mettre en place un espace de partage et d'échanges de données médicales, afin de faciliter la coopération entre professionnels de santé.
Si la médecine d'hier reposait sur des pratiques médicales isolées, celles-ci sont aujourd'hui bien plus collectives et pluridisciplinaires. Pour être pleinement efficaces, les médecins ont donc de plus en plus besoin d'échanger et de partager l'information.
Aujourd'hui un dossier médical, même électronique, ne peut être consulté et utilisé que là où il a été produit. C'est comme si on ne pouvait utiliser sa carte bancaire que dans une seule agence, d'une seule banque. Demain, avec le DMP, il faut que les données médicales puissent être utilisées partout, sous réserve bien sûr des droits d'accès qui seront gérés par le patient lui-même.
En ouvrant une nouvelle ère de l'informatique médicale, fondée sur le partage et l'échange de données, le DMP va donc, enfin, adapter les outils aux pratiques de la médecine moderne.
Je prends l'exemple des diabétiques, qui sont 2 millions dans notre pays. Ils doivent être suivis par plusieurs professionnels, de différentes disciplines (médecin traitant, cardiologue, ophtalmologue, podologue, infirmière...) : le DMP sera l'outil de liaison entre tous ces intervenants. Il permettra d'ajuster les traitements et de prévenir les complications.
Quant au patient, étant mieux informé et plus impliqué dans sa prise en charge, il suivra mieux son traitement. Il sera, plus largement, davantage acteur de sa propre santé.
Le DMP est donc un grand projet de santé publique. C'est pourquoi, alors que j'ai trouvé à mon arrivée un dossier en grande difficulté, j'ai souhaité le relancer le plus rapidement possible.
J'ai défini et annoncé il y a quelques mois les principes de la nouvelle feuille de route du projet DMP et j'ai engagé sans tarder les réformes de structure indispensables pour consolider le projet.
Cette feuille de route repose sur trois idées.
La première est de clarifier la nature du DMP : il sera à la fois personnel, et partagé. Personnel car le patient contrôlera ses données de santé, et partagé car le dossier sera un outil au service des professionnels de santé pour une meilleure coordination des soins.
La deuxième est de repositionner le DMP comme un ensemble de services, répondant à des besoins concrets, alors qu'il avait été échafaudé de manière technique sans assez associer les professionnels de santé.
La troisième consiste, logiquement, à recentrer le projet sur l'expérimentation des services sur le terrain, et non plus sur la seule mise en place des infrastructures. Le succès du DMP ne peut en effet pas se décréter : il passe par la réponse aux besoins des professionnels de santé et des patients. C'est pourquoi priorité doit être donnée à la conduite, en région, au plus près des pratiques, de projets permettant de tester des services et d'ajuster le DMP en fonction des besoins et des usages concrets.
Pour mettre en oeuvre cette feuille de route, il m'a semblé indispensable de renouveler les responsables du projet. Le GIP DMP, et l'Agence pour les systèmes d'information partagés (ASIP) demain, disposent avec Jean-Yves Robin comme directeur et Michel Gagneux comme président, d'une direction renouvelée dont je salue le caractère à la fois ambitieux et pragmatique.
Il m'a semblé tout autant indispensable d'agir sur les structures. Le manque de cohérence, le manque de coordination, le manque de pilotage des systèmes d'information de santé constituent en effet, nous le savons tous, un frein majeur à leur développement.
La création de l'ASIP vise justement à nous donner les moyens de renforcer résolument la cohérence de l'action publique. Son action va permettre une cohérence plus forte de l'action publique.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour ouvrir une nouvelle phase du projet.
Après une phase de remise à plat en 2007, puis de reconstruction, en 2008, je suis heureuse de vous annoncer que, comme je m'y étais engagée, 2009 est l'année du passage à l'acte pour le DMP.
L'enjeu de ce colloque est ainsi de vous présenter la déclinaison opérationnelle de la feuille de route que j'avais donnée, et d'échanger avec vous sur les éléments concrets du plan de relance. La concertation est en effet au coeur de la démarche qui préside à la conduite de ce projet.
Dès les prochains mois, des projets pilotes de DMP seront relancés en région. En Aquitaine, en Franche Comté, en Picardie, en Rhône-Alpes notamment, des projets pilotes permettront de tester des services spécialisés à forte valeur médicale tels que la mise à disposition d'une synthèse médicale de chaque patient, le suivi du diabète, le Dossier communiquant de cancérologie (DCC), la prescription électronique de médicaments, la mise à disposition des radiographies, le DMP de l'enfant,...
Ces projets territoriaux s'inscriront dans un schéma de convergence vers la version nationale du DMP.
Ensuite, dès l'année prochaine, en 2010, une première version nationale du DMP sera déployée. Les Français pourront ouvrir leur DMP chez leur professionnel de santé, voire à l'hôpital. Ils pourront ensuite le consulter sur Internet.
Cette première version sera nourrie, en fonction de la capacité des professionnels et des établissements de santé à l'alimenter en données, par les données relatives aux antécédents et aux allergies, aux prescriptions médicamenteuses, aux résultats d'examens de biologie et de radiologie, aux comptes-rendus de consultations et d'hospitalisation.
Elle comportera une première série de services, notamment la réception automatique des résultats d'analyse, les rappels de vaccins, des échanges dématérialisés avec le médecin traitant, des programmes d'accompagnement thérapeutique, ou encore le recueil de la volonté en matière de dons d'organes.
Dans quelques mois donc, les premiers DMP seront ouverts. Si le DMP a pu être présenté comme un outil de maîtrise des dépenses, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur la nature réelle du DMP : le DMP est d'abord et avant tout un grand projet de santé publique, au service de la santé de nos concitoyens.
Je suis profondément convaincue que qualité des soins et efficience des soins sont liés : une médecine de qualité est une médecine économe des ressources.
C'est pourquoi, comme je m'y étais engagée, je vais déposer un amendement lors du débat au Sénat sur le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » pour supprimer les sanctions qui étaient prévues pour les patients qui refuseraient d'utiliser un DMP.
Je veux par ailleurs insister sur trois points qui me semblent essentiels.
Premièrement, le DMP n'est pas, comme on a pu le faire croire à un moment, un objet auquel on ne touchera plus le jour où il sera construit. Comme un logiciel que l'on fait évoluer en permanence pour le rendre plus performant, le déploiement du DMP s'inscrit dans une trajectoire d'amélioration progressive. En partant d'une version sans doute modeste, le DMP sera ainsi, au fil du temps et des retours d'expérience, amélioré et enrichi de nouveaux services.
Ensuite, priorité absolue doit être donnée à la sécurité et à la confidentialité des données, gage de la confiance de nos concitoyens. Ceux-ci attendent de l'Etat qu'il veille à la sécurité de leurs données et au respect de leur vie privée. La puissance publique ne doit pas faillir dans cette garantie qu'elle doit offrir de sécurité et de confidentialité.
Enfin, la coordination et la cohérence sont indispensables au succès du projet. Il est à cet égard impératif de faire converger les différents projets régionaux. L'ASIP veillera ainsi à la cohérence de l'ensemble du projet et à éviter la dispersion de moyens, tant humains que financiers, qui sont comptés. Seul un cadre national s'imposant à tous permettra de libérer les initiatives et l'innovation, tout en garantissant le bon niveau de mutualisation et le respect des règles de sécurité et d'interopérabilité.
Au-delà du DMP, l'enjeu auquel les pouvoirs publics doivent répondre consiste, plus largement, à mettre les technologies de l'information au service de l'accès aux soins et de la qualité des soins, pour tous nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'ASIP de promouvoir plusieurs projets, connexes au DMP, visant à favoriser la qualité des soins.
Une action volontariste doit en effet être menée pour développer les échanges sécurisés entre professionnels de santé et pour favoriser les échanges entre les établissements de soins et le secteur ambulatoire.
De même, afin d'améliorer, sur tout le territoire, la précocité des diagnostics en urgence en matière d'accidents vasculaires cérébraux, et d'améliorer ainsi leur prise en charge, j'ai demandé à l'ASIP de coordonner le déploiement des systèmes de téléradiologie.
Plus largement, la télésanté, c'est-à-dire l'ensemble des technologies qui facilitent la surveillance, le diagnostic, l'expertise voire les soins à distance, offre des opportunités considérables pour mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Pour ne prendre qu'un exemple, à Strasbourg, la dialyse péritonéale à domicile est rendue possible grâce à un centre de télésurveillance installé dans le CHU.
J'entends mener une politique résolument ambitieuse en la matière.
Le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » va donner à la télémédecine le cadre juridique nécessaire à son développement.
Nous devons aller au-delà. Les besoins sont réels, les technologies émergent, les expérimentations existent, mais il nous faut changer d'échelle, et passer d'initiatives locales à un déploiement plus large de ces nouveaux services.
J'avais annoncé, lors des journées parlementaires sur la télésanté, mon intention de définir une stratégie en matière de télésanté. Avec mes collègues Brice Hortefeux et Christine Lagarde, nous allons prochainement missionner une haute personnalité à cet effet. Elle sera chargée de proposer les objectifs que les pouvoirs publics devraient se fixer en matière de télésanté, d'élaborer la feuille de route qui permettra de remplir ces objectifs, et d'identifier les actions à mener pour lever les freins au développement de la télésanté.
Enfin, une gouvernance efficiente doit garantir la mise en oeuvre ordonnée de ces orientations.
C'est pourquoi j'ai confié à Michel Gagneux une mission sur la gouvernance nationale des systèmes d'information de santé, qui comportera des recommandations permettant de consolider la coordination et le pilotage stratégique des systèmes d'information de santé.
Cette mission permettra notamment de préciser les modalités de mise en oeuvre du Conseil national des systèmes d'information de santé que je compte installer prochainement. Elle permettra également de lancer la refondation de la Mission pour l'informatisation des systèmes de santé, la MISS, dont les missions seront recentrées sur le pilotage et la coordination stratégique, et dont les moyens seront renforcés.
Le dossier médical personnel, le partage des données de santé, la télésanté, sont autant de projets de grande envergure, porteurs de progrès majeurs. Ambition et coordination doivent être les maîtres-mots du déploiement de ces nouvelles technologies, au service des patients, et des professionnels de santé.
Nous avons maintenant un programme opérationnel de relance du DMP et des systèmes d'information partagés de santé. J'ai souhaité qu'il puisse être présenté aujourd'hui avec et par les acteurs de cette relance.
Je compte sur eux, et sur tous ceux qui, sur le terrain, contribueront au succès de cette démarche ambitieuse et volontaire.
Ma détermination et leur implication se conjugueront pour que le développement de la E-santé soit placé sous le signe de l'excellence.
Une excellence au service de la qualité des soins.
Une excellence au service des Français.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 9 avril 2009