Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, sur les inquiétudes relatives au déploiement des ondes électromagnétiques des téléphones mobiles et des antennes relais sur la santé des jeunes utilisateurs de téléphones portables, Paris le 23 avril 2009.

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Circonstance : Table ronde sur les radiofréquences à Paris le 23 avril 2009

Texte intégral


Certains de nos concitoyens expriment des inquiétudes.
Ces inquiétudes se comprennent, puisqu'il est naturel de s'interroger sur des technologies émergentes, au fonctionnement complexe, et notamment sur les ondes électromagnétiques qui, par définition, sont invisibles et inodores.
Ces inquiétudes, dont des jugements récents se sont fait l'écho, doivent donc être entendues : aucune des questions posées quant à l'utilisation des téléphones mobiles et à l'exposition aux antennes-relais ou aux autres technologies émettant des ondes électromagnétiques ne doit rester sans réponse.
C'est tout le sens de l'action des pouvoirs publics.
C'est tout le sens, aussi, de cette table ronde qui nous réunit, et à laquelle je veux vous remercier de participer.
Elle vise à associer, dans un débat clair, transparent et sans qu'aucun sujet ne soit écarté à l'avance, représentants de l'Etat, opérateurs du secteur, élus, associations, organisations syndicales et personnalités qualifiées. Tous ont une légitimité. Tous veulent et doivent pouvoir s'exprimer.
Ce débat nous concerne tous, puisque nous sommes tous, très largement, utilisateurs de téléphones portables et que nous avons tous, à plus ou moins grande distance, une antenne-relais près de l'endroit où nous vivons.
Ce qui est certain, c'est qu'aucun de nous ne songerait à supprimer l'usage de la téléphonie mobile, dont on connaît, par ailleurs, le rôle dans la gestion de l'urgence sanitaire, par exemple.
L'enjeu n'est pas là : il s'agit, bien plutôt, d'élaborer ensemble, dans la concertation, des propositions constructives, destinées à déterminer les risques, à les limiter, s'ils existent, et à mieux informer nos concitoyens pour lever toutes les craintes.
Notre responsabilité est d'autant plus grande que les craintes qu'ils expriment peuvent se traduire physiquement, chez certaines personnes, par des symptômes réels et par de grandes souffrances.
A ce jour, cependant, les études réalisées, notamment par l'Organisation mondiale de la santé, n'ont pas permis de définir des critères diagnostiques clairs, ni de base scientifique permettant de relier ces symptômes variés à l'existence d'une hypersensibilité aux champs électromagnétiques.
Pour autant, ces souffrances sont réelles ; elles perturbent profondément l'existence des personnes se déclarant hypersensibles aux champs électromagnétiques. A ce titre, elles doivent être prises en compte.
C'est pourquoi je porte une grande attention aux études réalisées dans ce domaine. L'hôpital Cochin, dans le cadre d'un partenariat avec la direction générale de la santé et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, entreprendra en 2009 un travail destiné à évaluer la pertinence d'un protocole de prise en charge médicale adapté.
Je sais que vous serez vous aussi attentifs à cette question.
Pour répondre à toutes les inquiétudes liées à un éventuel impact sanitaire des antennes et des téléphones mobiles, recherche, réglementation et communication doivent se conjuguer.
La recherche, vous le savez, est un élément central et déterminant dans le domaine des risques dits « émergents ». Elle a ainsi clairement été identifiée comme une priorité dans le rapport du groupe partenarial chargé de faire des propositions pour le Plan national santé environnement 2, rapport qui nous a été remis, à Chantal Jouanno et à moi-même, la semaine dernière.
Les actions que nous mettons en oeuvre doivent, en effet, reposer sur une expertise scientifique sérieuse et approfondie.
En ce qui concerne les téléphones mobiles, plusieurs études, nationales et internationales, concluent à des incertitudes quant aux impacts sanitaires.
L'hypothèse d'un risque ne pouvant pas être totalement exclue, j'ai rappelé, à maintes reprises, la nécessité d'appliquer le principe de précaution.
Ainsi, j'ai conseillé un usage modéré du téléphone mobile, notamment pour les enfants et les adolescents. C'est aussi, d'ailleurs, une recommandation de prudence et de bon sens, qui mobilise une éthique de la responsabilité.
De plus, j'ai soutenu les propositions qui figurent dans le projet de loi de transition environnementale visant à interdire toute communication, quel qu'en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct ou indirect de promouvoir la vente, la mise à disposition, l'utilisation ou l'usage d'un téléphone mobile par des enfants de moins de douze ans.
La loi de transition environnementale prévoit, en outre, que la vente des téléphones mobiles se fasse systématiquement avec un « kit oreillettes ».
Vous le savez, j'ai moi-même été à l'origine de l'inscription du principe de précaution dans notre Constitution.
Puisque des études récentes mettent en évidence la possibilité d'un risque faible d'effet sanitaire lié aux téléphones mobiles après une utilisation intense et de longue durée, il est de notre devoir de protéger la santé de nos concitoyens, tout en continuant à mener les études qui s'imposent.
Cependant, le principe de précaution est un principe de raison, non un principe d'émotion.
Nous ne devons pas nous laisser guider par les angoisses qui, chez certains de nos concitoyens, s'expriment, mais nous devons y répondre, ce qui est fort différent.
Le sujet de l'impact sanitaire des ondes électromagnétiques fait l'objet d'études dans de nombreux pays. En France, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) a déjà réalisé différentes expertises, en prenant en compte l'état des connaissances actuelles.
Son dernier avis concluait, de manière cohérente avec l'expertise internationale la plus récente sur le sujet, qu'en l'état des connaissances scientifiques, et compte tenu des faibles niveaux d'exposition aux champs électromagnétiques autour des stations relais, l'hypothèse d'un risque pour la santé des populations vivant à proximité des antennes mobiles ne pouvait être retenue.
Il faut rappeler, à ce sujet, que les niveaux d'exposition aux radiofréquences sont bien plus faibles pour les antennes-relais que pour les téléphones mobiles eux-mêmes.
Bien sûr, aucune vérité n'est définitivement acquise. Rien ne remplace la vigilance et la veille permanente sur les publications scientifiques, en France comme à l'étranger. Des études sont en cours, d'autres ont pu être publiées récemment.
Une nouvelle expertise de l'AFSSET sur l'impact sanitaire des champs électromagnétiques devrait être disponible en septembre 2009. Elle prendra en compte l'ensemble des études publiées à cette date et traitera également de l'hypersensibilité aux champs électromagnétiques.
Ces différentes études doivent être menées en toute transparence vis-à-vis de nos concitoyens, qui attendent d'être rassurés.
Tous, nous nous accorderons à le dire : l'incertitude est le plus grand des dangers. C'est elle qui crée la peur ; c'est elle qui l'entretient.
L'amélioration de l'information est essentielle. Je pense, par exemple, à l'affichage de la valeur du débit d'absorption spécifique (DAS), à l'information en continu sur les niveaux d'exposition ou à une meilleure information sur l'implantation des antennes.
Ces données peuvent permettre de réduire les craintes en redonnant un pouvoir d'action et de décision à chacun.
L'eurobaromètre sur les champs électromagnétiques de 2007 montre que seulement 22 % de nos concitoyens se sentent bien informés sur le sujet des risques sanitaires liés à la téléphonie mobile. Cette proportion est bien trop faible.
C'est pourquoi il nous faut apprendre à mieux communiquer sur les données scientifiques existantes.
La communication, dans les situations complexes, est un outil indispensable, pédagogique. C'est la raison pour laquelle une plaquette d'information, intitulée « Téléphones mobiles : santé et sécurité », avait été élaborée et diffusée. Elle est disponible en ligne sur le site Internet de mon ministère.
De même, les agences de sécurité sanitaire, en particulier l'AFSSET, et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé ont pour mission de contribuer au débat public. En outre, une révision du dossier sur les champs électromagnétiques disponible sur le site Internet de mon ministère est en cours.
Les médias, écrits et audiovisuels, sont également des supports incontournables dans ce domaine, parce qu'ils entrent au coeur de chaque foyer. Il est de leur responsabilité de relayer toutes les informations de manière transparente, quelle qu'en soit l'origine.
La transparence que nous devons adopter vis-à-vis des Français, c'est aussi celle que nous devons adopter entre nous.
Je souhaite que cette table ronde, symbole de la coopération de nos ministères, soit pour tous les intervenants un lieu de partage et d'échange, fondé sur l'écoute et le respect de chacun.
Je sais pouvoir compter sur le professeur Jean-François Girard, président de l'Institut de recherche et développement et ancien directeur général de la santé, pour animer les échanges constructifs qui vous réuniront au mois de mai. Ses compétences en matière de technologies innovantes ne sont plus à prouver, depuis qu'il a présidé le comité opérationnel n°19 du Grenelle de l'environnement.
J'attends avec impatience de prendre connaissance des conclusions de cette table ronde. Vous saurez, avec toute la rigueur et le sérieux qu'imposent des questions aussi importantes, préciser les axes de recherche à développer et établir des recommandations fortes pour une meilleure information du public ou en matière de commercialisation des téléphones portables. Vous saurez faire avancer les méthodes de concertation, sur les antennes-relais, pour prévenir les situations de blocage.
Sur des sujets tels que celui-ci, qui cristallisent les passions, il importe de réintroduire le raisonnement logique, le dialogue et l'écoute.
Les croyances sont toujours de « bonnes raisons subjectives ». A nous, avec cette table ronde, de les remplacer par de « bonnes raisons objectives ».
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 24 avril 2009