Interview de M. Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, à RTL le 28 mai 2009, sur la campagne pour les élections européennes et la politique de sécurité intérieure.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Le tribunal correctionnel de Paris a condamné, hier, le député UMP de Paris, J. Tiberi, à trois ans d'inéligibilité, à dix mois de prison avec sursis pour complicité de fraude électorale. J. Tiberi peut-il continuer à être membre du parti que vous dirigez ?

C'est une décision qui est lourde. C'est une décision qui remonte à des faits qui sont anciens, mais je vais vous dire une chose, j'ai vu, j'ai entendu que J. Tiberi avait décidé de faire appel. Il y a donc toujours une instance judiciaire en cours et donc je ne ferai aucun commentaire sur cette affaire parce qu'elle est en cours. Et que J. Tiberi soit UMP, ne change rien à l'affaire. J'ai toujours eu la même attitude, quelles que soient les sensibilités politiques des élus qui peuvent être mis en cause.

L'affaire n'est pas en cours, elle a été jugée, le tribunal correctionnel s'est prononcé.

Oui, mais il y a un appel et vous le savez bien.

Vous faites comme si le premier jugement n'existait pas, qui dit que J. Tiberi doit être condamné pour sa participation en sa qualité de complice, celui-ci ayant apporté son aide et son assistance aux auteurs des faits, c'est-à-dire au trucage du suffrage universel.

Je viens de vous le dire, il s'agit de faits qui sont reprochés, qui sont graves mais vous savez aussi que dans notre système judiciaire, il a le droit de faire appel et que tant qu'une affaire n'est pas jugée, au fond et définitivement...

Ca va durer dix ans, encore !

Je pense certainement moins. Ne pas faire de commentaires est une règle que doivent s'imposer l'ensemble des acteurs politiques.

On vous a souvent parlé de rupture, mais là nous sommes plutôt dans la continuité...

Vous parlez de la justice ?

Non, je parle de l'attitude des responsables politiques qui n'arrivent pas à considérer que la morale en politique doit être mise au-dessus de tout.

Quand il y a des affaires qui ont été graves, en ce qui me concerne pour l'UMP, j'ai eu à prendre mes responsabilités, et je l'ai fait. Quand des affaires ont été jugées et jugées définitivement ou quand les faits ont été reconnus par les auteurs.

Donc vous attendrez que la Cour de cassation se prononce ?

Nous en sommes, aujourd'hui, à la phase d'appel. Mais vous savez, je n'ai jamais fui mes responsabilités mais je pense qu'il y a aussi un respect, un respect des procédures et la justice, elle se respecte.

Mais un premier jugement est passé, nous sommes d'accord et J. Tiberi est condamné pour fraude électorale.

Et il a décidé de faire appel.

Et il a décidé de faire appel. Nous sommes en campagne électorale pour les élections européennes et une communication du président de la République sera faite sur la sécurité aujourd'hui. A. Duhamel le disait, c'est un grand classique... Pourquoi cette semaine, pourquoi pas la semaine dernière ? Pourquoi pas la semaine prochaine ?

Et quand il y a, aujourd'hui, une évolution des formes de violence, vous ne devez pas réagir ? Vous devez dire : "écoutez, parce qu'il y a des élections européennes, on en parlera après." Et après, on s'étonnerait que les Français disent que les politiques sont déconnectés des réalités. Il ne faut pas compter sur nous pour faire comme monsieur Jospin à l'époque qui a pêché par excès de naïveté, en disant "on ne pensait pas que c'était important". Aujourd'hui, vous le savez, dans certains établissements, la situation devient très grave, très, très grave et il faut prendre des mesures, des mesures énergiques et des mesures radicales. Il n'est pas question de laisser un pouce de terrain à la délinquance. Pas question de laisser un pouce de terrain à la violence. La sécurité, ça se protège, la sécurité de nos enfants avant tout. Parce que les premières victimes de cette délinquance dans les établissements scolaires, ce sont les enfants en premier, et c'est aussi le personnel éducatif. Alors, je vais vous dire une chose : il n'est pas question de dire que l'Etat ne peut rien faire, comme le disait monsieur Jospin. Il n'est pas question de dire que ce n'est pas très grave. C'est grave, il faut prendre des mesures et des mesures tout de suite.

Utilisez-vous la question de la sécurité pour amener les électeurs aux urnes, le 7 juin ?

L'enjeu n'est pas là mais la première des libertés, c'est la sécurité. Et je l'ai dit, à l'instant, il y a bien un endroit où la sécurité doit être préservée en toutes occasions, c'est l'école, là où on met nos enfants, là où on place nos enfants, on a envie qu'ils soient protégés. Et vous comme moi, je sais que nous partageons la même préoccupation. Mais quand il y a, aujourd'hui, une évolution des formes de violence, vous ne pouvez pas rester passifs, vous ne pouvez pas rester les bras ballants et je sais pertinemment que s'il y avait une actualité sur ces thèmes et que si nous ne réagissions pas, je pense que vous feriez le même procès.

Le ministre de l'Intérieur, en 2005, avait dit qu'il passerait la cité de la Courneuve "au Kärcher". On avait compris qu'il souhaitait donc que les trafics cessent dans cette cité. La ministre de l'Intérieur, en mai 2009, dit que La Courneuve est devenue "un supermarché de la drogue". Entre ces deux déclarations, y a-t-il un constat d'échec de la politique menée ?

C'est nous ou c'est vous qui ne voulez pas pas parler des européennes ce matin ? Et vous voulez bien répondre à ma question ? Bien évidemment que je vais répondre à votre question, mais on est à dix jours des élections européennes...

Merci X. Bertrand ! ...

Si on en parle, c'est bien également.

C'est un constat d'échec entre ces deux déclarations, le "Kärcher" et "le supermarché de la drogue"...

Ecoutez, moi je sais ce que j'ai vu monter de 1997 à 2002 : une montée constante et permanente de l'insécurité. Et depuis 2002, les chiffres sont clairs, les chiffres ne sont pas de droite, ils ne sont pas de gauche, il y a une baisse de la délinquance.

Sauf à La Courneuve !

Ce qui est vrai c'est que vous avez une augmentation aussi de nouvelles formes de violence de plus en plus dures. On n'avait jamais vu des armes d'assaut, des armes de guerre utilisées contre des forces de l'ordre. eh bien dans ces cas-là, vous devez réagir aussitôt avec des nouvelles mesures. S'il y a un supermarché de la drogue qui s'installe, il faut le démanteler aussitôt. Les trafiquants de drogue, il faut les mettre hors d'état de nuire et avec des nouvelles mesures.

Mais c'est ce qu'on nous dit depuis des années !

Non, monsieur Aphatie, parce que vous savez pertinemment qu'on n'avait pas vu ces formes de violence. Est-ce que vous aviez, vous, des gens cagoulés, des gens masqués dans des manifestations comme à Strasbourg, lors du sommet de l'OTAN ? Moi, je ne l'avais pas vu. Mais une chose est certaine, c'est que je n'ai pas envie de le revivre et de le revoir. Il faut prendre de nouvelles mesures, ce qu'on fera sans hésiter et sans tarder avec la proposition de loi de C. Estrosi.

Les députés de l'UMP qui entreront au Parlement européen au mois de juillet voteront-ils pour J.M. Barroso, pour le reconduire à la tête de la Commission européenne ? Auront-ils ce mandat ?

Il n'est pas candidat sur les listes des élections européennes.

Pas de réponse à la question simple sur les européennes : Barroso, il faut le reconduire à la tête de la Commission ou pas ? C'est une question simple !

Ecoutez, vous voulez que je vous dise : j'ai bien fait de venir ce matin parce que cette question, on ne me l'a jamais posée à aucune des réunions publiques et en aucun cas, sur le terrain.

Ah, très bien ! Comme ça, pour la première fois, puisqu'on ne vous l'a jamais posée, vous avez sûrement la réponse. Pour la première fois, on entendra la réponse de X. Bertrand.

Ce que je sais c'est que monsieur Zapatero - socialiste - vote pour monsieur Barroso.

Oui, mais moi c'est X. Bertrand que j'interroge, pas monsieur Zapatero.

Moi, je vais vous dire une chose : le vrai sujet aujourd'hui, c'est d'envoyer au Parlement européen des vrais politiques. Des politiques que seront les députés européens du Mouvement populaire, du Nouveau centre, de la Gauche moderne et progressiste qui, eux, vont prendre des décisions politiques, qui vont s'engager à siéger à chacune des sessions, qui vont s'engager à ouvrir une permanence pour ne pas être des députés européens invisibles et qui vont imposer un point de vue politique. Et je vais vous donner un exemple...

M. Barnier va rester cinq ans au Parlement européen ?

M. Barnier va s'engager pour l'Europe. Il va s'engager au Parlement européen.

Il va assister à chaque session du Parlement européen, pendant cinq ans ?

Vous verrez bien. Mais vous savez, monsieur Aphatie, il faut aussi faire confiance. Et moi, les députés européens du Mouvement populaire...

Donc, là c'est l'engagement que vous prenez au nom de M. Barnier, ce matin, X. Bertrand ?

Ils vont même signer cet engagement de siéger, mais aussi d'ouvrir des permanences et de s'engager. Si les gens votent pour nous, nous, on doit voter pour les Français à chaque fois dans des votes politiques. Vous savez ce dont on a besoin, c'est d'une Europe politique parce qu'on a vu aussi que la présidence française de l'Union européenne ne doit pas avoir été une parenthèse seulement, parce que quand l'Europe veut, l'Europe peut. Quand l'Europe veut éviter une crise financière, elle a su le faire. Eh bien, nous voulons à la fois, avoir une Europe qui nous permette de relever le défi de la crise avec des nouveaux outils pour l'emploi, une Europe aussi pour laquelle on a des choix clairs, et à l'UMP, nous avons des choix clairs. Nous disons "non" à la Turquie, nous disons "oui" à de nouveaux outils pour lutter contre le chômage et puis, nous disons "non" à un impôt européen. Parce que dans ce débat d'aujourd'hui, les socialistes ne veulent pas reconnaître qu'ils veulent la création d'un impôt européen. Et moi, je dis "non" à toute augmentation d'impôts en France, et à la création d'un impôt européen, comme le veut madame Aubry.

Et à monsieur Barroso, les députés UMP au Parlement européen diront "oui" ou diront "non" ?

Non mais je vais vous dire une chose : vous, ça vous passionne peut-être, mais la vraie question, c'est est-ce qu'on veut que ce soit des technocrates qui décident ou des politiques qui décident ? Moi, j'en ai marre de cette Europe des technocrates qui est complètement déconnectée de la réalité. Vous voulez un exemple ?

Je crois qu'on n'a pas le temps.

C'est dommage, parce que je vous aurais donné un exemple de directive qui est proposée sur les paradis fiscaux et sur les fonds spéculatifs. La Commission propose un tel texte : jamais les députés européens du Mouvement populaire ne voteraient un texte qui ne mettrait pas en pratique ce qui a été décidé au G20. Vous voyez, la politique ça compte. Et ceux qui voteront le 7 juin, pourront, avec nos députés européens, avoir une Europe politique.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mai 2009