Déclaration de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur l'aide française au développement, les relations franco-africaines et sur la Francophonie, à Paris le 27 mai 2009.

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Circonstance : Audition devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le 27 mai 2009

Texte intégral

J'avais déjà eu l'occasion de venir devant vous trois mois après ma prise de fonctions. J'avais alors évoqué les principaux chantiers que j'entendais conduire pour mettre en oeuvre, aux côtés de Bernard Kouchner, la feuille de route que m'avait confiée le chef de l'Etat.
Avec l'Afrique, nous travaillons dans un état d'esprit nouveau : depuis deux ans, nous nous efforçons de faire évoluer vers un véritable partenariat une relation qui était encore teintée de paternalisme.
Depuis la crise, la nécessité d'inclure l'Afrique dans la réforme de l'architecture des institutions internationales apparaît avec évidence à tous. Grâce à l'impulsion donnée par le président de la République, nous avons pu permettre une participation de l'Afrique aussi bien au sommet du G20 à Washington que, tout récemment, lors du sommet de Londres.
Lors des assemblées de printemps de la Banque mondiale et du FMI, je suis intervenu pour que les décisions prises à Londres soient mises en oeuvre le plus rapidement possible en veillant tout particulièrement à amortir l'impact de la crise sur le continent africain. J'ai demandé que nous fassions le point sur ce sujet cet automne à New York et que nous affections les montants disponibles aux besoins de l'Afrique, en privilégiant notamment la relance de l'agriculture.
J'organiserai cette présentation en trois thèmes : la Francophonie, les crises africaines et l'aide publique au développement.
Comme le président de la République l'a rappelé avec force, la Francophonie est une priorité de notre diplomatie. Après le moment historique qu'a constitué son insertion dans notre Constitution, en juillet dernier, nous avons réussi, en octobre, un sommet moderne et innovant à Québec. En outre, nous sommes en train, avec votre soutien, de mettre en place une Maison de la Francophonie, qui ouvrira ses portes en mars prochain. Je tiens d'ailleurs à remercier M. Rochebloine pour le travail qu'il a effectué sur ce dossier. Enfin, nous travaillons actuellement à la création d'un portail numérique francophone et à la mise en place d'un visa francophone.
Sur le plan politique, ces derniers mois ont été marqués sur le continent africain par une série de crises et de conflits, dont je ne mentionnerai que les plus récents.
Les armes ont de nouveau parlé au Tchad. La situation semble aujourd'hui sous contrôle, les rebelles tchadiens venus du Soudan ont été repoussés. Mais la situation entre les deux pays demeure tendue, et nous avons de bonnes raisons de craindre une reprise du conflit. Nous avons donc réitéré notre souhait qu'un dialogue soit engagé de façon à obtenir, conformément aux dispositions de l'accord de Syrte, une réconciliation entre le gouvernement tchadien et les rebelles.
Le continent a connu des crises à répétition, avec le coup d'Etat en Mauritanie, en août 2008 ; le coup d'Etat en Guinée Conakry, le 23 décembre, dès l'annonce du décès du président Conté ; la crise malgache à partir de février 2009, avec l'éviction du président Ravalomanana et la prise du pouvoir par Andry Rajoelina, lequel s'est placé à la tête d'une Haute autorité de transition ; sans oublier, bien sûr, les événements survenus en mars en Guinée Bissau.
La position de la France est constante : elle consiste à demander, avec l'appui de la communauté internationale, et d'abord, de l'Union africaine, le retour à l'ordre constitutionnel.
Ainsi, en Guinée Conakry, où je me suis rendu immédiatement après le coup d'Etat, j'ai pu faire connaître au capitaine Dadis Camara les trois demandes de la France : mise en place rapide d'un gouvernement civil - c'est fait -, organisation d'élections dans un délai très court, et engagement des putschistes à ne pas se porter candidats. Nous avons bon espoir que tous ces engagements soient tenus, mais nous restons vigilants.
Autre dossier que nous suivons de près : celui de Madagascar, où résident plus de 20.000 Français. La situation y est particulièrement confuse, et rien n'est encore joué : le président de la Haute autorité est en difficulté, tandis que l'ancien président de la République semble désireux de continuer à jouer un rôle. Il a d'ailleurs tenu des propos un peu injustes à l'égard de la France, laquelle est restée d'une totale neutralité dans ce dossier. Suivant notre ligne habituelle, j'avais même déclaré qu'à nos yeux, M. Ravalomanana était toujours le président en titre, dans la mesure où l'élection qui l'a porté au pouvoir n'a jamais été contestée.
En République démocratique du Congo, le rapprochement avec le Rwanda a permis de réels progrès dans l'Est, même si tous les problèmes ne sont pas réglés. Les FDLR ont été en grande partie désarmées et le leader du CNDP, Laurent Nkunda, a été neutralisé. Nous sommes parvenus, avec l'aide des Américains, dans le cadre de notre diplomatie multilatérale, à faire avancer les choses.
Au Zimbabwe, le Premier ministre, M. Tsvangirai, aborde sa tâche avec une détermination que la France a saluée. Nous nous emploierons à aider ce pays à sortir de la crise.
Je ne saurais omettre la Côte d'Ivoire, d'où je reviens. Nous avions l'habitude que l'annonce d'élections reste sans suite mais cette fois, le président Gbagbo a pris devant moi l'engagement de les organiser ; un décret en Conseil des ministres les a fixées au 29 novembre, date qui est approuvée par les leaders politiques. J'espère qu'il n'y aura pas un nouveau report au motif de nouveaux troubles.
J'en viens à l'Aide publique au développement.
Courant juin, le Premier ministre réunira le Comité interministériel de la Coopération internationale et du développement. Le dernier CICID avait eu lieu en décembre 2006.
Dans un contexte de fortes turbulences économiques, cette réunion sera l'occasion de définir plusieurs orientations concernant notre aide publique au développement. Sans anticiper sur les arbitrages qui seront finalement rendus, je souhaite vous donner les principaux éléments du débat et indiquer les propositions qui seront faites.
Le CICID sera tout d'abord l'occasion de réaffirmer l'engagement de la France en faveur des pays en développement. Il s'agit de marquer notre solidarité pour les aider à relever le triple défi de la pauvreté, de la croissance et de la préservation de l'environnement. Notre priorité ira clairement aux plus vulnérables d'entre eux, à commencer par l'Afrique.
Cette priorité se traduira en termes de financement, mais s'exprimera aussi dans notre inlassable plaidoyer en faveur d'une plus grande participation des Africains aux affaires du monde, que ce soit au Conseil de sécurité ou au sein des institutions financières internationales telles que le FMI ou la Banque mondiale.
Nous veillerons à ce que soient honorés les engagements internationaux pris au plus haut niveau, à commencer par celui, pris par le président de la République et réitéré par le Premier ministre, de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l'Aide publique au développement à l'horizon 2015. Nous devrons pour cela diversifier les instruments et recourir aux prêts et aux garanties. Je souhaite par ailleurs un effort particulier en faveur de l'aide bilatérale. Je sors à l'instant d'une réunion du Comité d'aide au développement de l'OCDE : nous y plaidons pour que certaines interventions qui ne prennent pas la forme classique puissent être comptabilisées dans l'APD.
Nos contraintes budgétaires ne nous empêcheront pas d'agir. Non seulement les crédits votés en loi de finances initiale ont été maintenus, mais nous y avons ajouté 2 milliards d'engagements additionnels de l'Agence française du développement sur cinq ans, qui devraient bénéficier à 2 000 entreprises et permettre de créer 300 000 emplois sur le continent africain. Il s'agit là de l'un des huit chantiers que je vous avais annoncés. L'Agence française du développement a ainsi augmenté ses engagements de 25 %.
Nous avons également été à l'origine, avec la Banque africaine de développement, de la mise en oeuvre d'un nouveau fonds pour financer les initiatives agricoles et agroalimentaires, notamment en Afrique subsaharienne. Avec l'arrivée de nouveaux partenaires, nous espérons pouvoir le doter de 500 millions d'euros.
Enfin, pour être plus efficaces, nous allons devoir concentrer nos efforts, tant sur le plan géographique que sur le plan sectoriel. Le CICID devrait en prendre la décision, dans le droit fil des recommandations du Livre blanc et de la RGPP.
Concentration géographique, tout d'abord. Les dons seront majoritairement attribués aux pays pauvres prioritaires, essentiellement des pays francophones d'Afrique subsaharienne. Le solde des dons sera attribué aux pays en crise ou en sortie de crise. Au-delà des dons, l'effort budgétaire total - dons et bonifications de prêts - devra bénéficier pour plus de 60 % à l'Afrique subsaharienne.
Concentration sectorielle, ensuite. En plus des secteurs habituels - santé, éducation et formation professionnelle -, nous souhaitons mettre l'accent sur le développement économique, notamment sur la relance de l'agriculture.
Conformément aux recommandations de l'OCDE, nous serons amenés à formuler en 2010, après une large consultation, un document cadre pour notre politique de coopération, qui servira de référence unique pour l'ensemble des acteurs de la coopération au développement. Il va de soi que le Parlement sera étroitement associé à ce travail. Je tiens à cette occasion à remercier les parlementaires qui sont particulièrement actifs sur ce sujet, auxquels pourront bien entendu s'adjoindre tous ceux qui le souhaiteront.
Je conclurai en évoquant les trois problèmes structurels auxquels l'Afrique est confrontée.
Le premier est celui de la démographie. Les femmes africaines ont cinq enfants en moyenne. L'avenir du continent est entre leurs mains. Il faut les aider à maîtriser leur fécondité, mais aussi à se protéger du fléau du sida. L'éducation doit être au centre des politiques de coopération.
Le deuxième est le changement climatique, dont les pays d'Afrique sont les premières victimes.
Le troisième est le ralentissement de la croissance.
Pour l'ensemble de ces raisons, et en dépit des difficultés que nous connaissons, ce n'est pas le moment de réduire notre Aide publique au développement, bien au contraire, tant pour l'équilibre du monde que dans notre intérêt propre, le développement des pays du Sud bénéficiant aussi à ceux du Nord.
Q - (Concernant la situation à Madagascar)
Q - (A propos de la tenue des élections présidentielles en Côte d'Ivoire et des avancées obtenues sur le dossier du journaliste français, M. Ney, incarcéré en 2008 pour "attentat et complot" contre l'autorité de l'Etat ivoirien)
Q - ( Au sujet de la Francophonie)
Q - (Concernant la situation au Sahara Occidental)
Q - (A propos de la situation au Cameroun)
Q - (Au sujet de l'opération Atalante)
Q - (Concernant la situation au Congo Brazzaville)
Q - (A propos du budget de l'aide au développement consacré à la santé)
Q - (Au sujet de la situation au Sénégal)
Q - (A propos de la condition féminine en Afrique et du rôle des femmes dans l'économie africaine)
R - Il est vrai que notre position a évolué au sujet de Madagascar, mais cette évolution concerne l'ensemble de la communauté internationale. En effet, pour ne pas donner le sentiment de prendre parti en faveur de l'un ou l'autre des adversaires en lice, nous n'avons pas voulu que la France agisse seule sur ce dossier. C'est d'ailleurs dans le cadre de la Commission de l'Océan indien que je me suis rendu sur l'île.
Aujourd'hui, la communauté internationale accepte le processus de transition proposé par la Haute autorité, laquelle indique son intention d'organiser des élections au plus tard quatorze mois après la signature d'un accord par l'ensemble des parties. La France est prête à soutenir cette position intermédiaire, même si elle est moins dure que celle que nous avions d'abord adoptée. Nous avions en effet, dans un premier temps, réclamé le retour à l'ordre constitutionnel. Des dates ont été avancées pour les élections législatives, qui seront organisées en premier. Quant à l'élection présidentielle, le président de la Haute autorité de transition avait indiqué qu'il renoncerait à y participer dès lors que tous les anciens présidents en feraient autant. Mais comme cette condition ne semble pas remplie, je suppose qu'il voudra se porter candidat. N'ayant pas l'âge requis, on peut imaginer qu'il demandera une modification de la Constitution, par voie législative ou populaire.
En Côte d'Ivoire, le Conseil des ministres a suivi la proposition de la Commission électorale indépendante et a pris, le 14 mai, un décret fixant au 29 novembre 2009 le premier tour de l'élection présidentielle. Je peux témoigner que tous les leaders politiques acceptent cette date et demandent qu'elle soit respectée.
En ce qui concerne Jean-Paul Ney, le président Gbagbo a bien voulu, à la suite de ma visite, demander au parquet de renoncer à faire appel du jugement ayant décidé sa mise en liberté provisoire. M. Ney s'est donc vu rendre son passeport et a pu rentrer en France après seize mois de détention. La procédure n'est pas close, mais on peut espérer qu'elle évoluera favorablement. Il va sans dire que mon intervention s'est située dans un cadre strictement humanitaire : il n'était pas question de faire une ingérence dans la justice ivoirienne.
Sur la Francophonie, je vous renvoie à mes propos introductifs et au bilan de notre action depuis quelques mois. Ainsi, pour la première fois, la Constitution fait référence à la Francophonie dans son article 87, ce qui répond à une demande formulée depuis vingt ans. Je rappelle également que la Présidence française de l'Union européenne a fait systématiquement usage du français - cela paraît évident, mais ce n'est pas toujours le cas dans les instances internationales -, que le projet de Maison de la Francophonie est sur le point d'aboutir, et que le sommet de Québec a été un succès. Nous avons également renforcé les moyens de TV5 Monde, et nous mettons la dernière main au portail numérique francophone, auquel nous avons consacré 300 000 euros. Enfin, je travaille avec Eric Besson à la mise en place d'un visa francophone.
Plusieurs rendez-vous sont programmés, dont la réunion de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, qui se tiendra à Paris les 4 et 6 juillet. Nous avons par ailleurs débloqué 1,5 million d'euros pour assurer notre présence aux jeux de la Francophonie, organisés à Beyrouth en septembre. Enfin, une conférence ministérielle se tiendra à Paris les 8 et 9 décembre.
Le combat de la Francophonie n'est pas seulement un combat pour le français ; c'est aussi un combat en faveur du plurilinguisme et de la diversité culturelle, ainsi que des valeurs que nous défendons - droits de l'Homme, démocratie, bonne gouvernance, protection de la planète, droits des femmes et des enfants. J'ai inauguré récemment le lycée français de Doha, où l'on enseigne en français, en anglais et en arabe. Ce combat pour le plurilinguisme est sans doute le meilleur moyen de préserver l'usage de notre langue.
Le Sahara occidental pose un problème difficile, dont la résolution passe par un accord entre le Maroc et l'Algérie. L'Union pour la Méditerranée pourrait aider à faire avancer les choses, mais aujourd'hui, la situation est bloquée.
Je rappelle qu'en dépit de nos souhaits, l'Algérie n'est toujours pas membre de l'Organisation internationale de la Francophonie - dans laquelle la France voudrait également faire entrer Israël.
Quant au Cameroun, comme beaucoup d'autres pays, il a en effet connu des émeutes de la faim, mais la situation est aujourd'hui plus calme. La situation des familles dont vous avez parlé n'a pas été évoquée à l'occasion de nos entretiens avec le président Biya. C'est avant tout une affaire intérieure au Cameroun, dans laquelle il nous est difficile de nous ingérer. Nous ne pouvons que faire passer des messages à titre officieux.
L'opération Atalante constitue une première remarquable. Une telle initiative était attendue depuis longtemps. Nous assistons à une véritable prise de conscience internationale ; l'Europe a montré la voie, et elle est suivie par les Etats-Unis et la Chine. Je crois donc que l'opération devrait monter en puissance. La France le souhaite, car nous ne pouvons pas laisser perdurer une telle situation de non-droit. La piraterie est un problème majeur qui concerne toute l'Afrique - pas seulement les pays de la Corne, mais aussi ceux du Golfe du Niger. Les questions de sécurité maritime se posent de façon particulièrement aiguë pour les pays dans lesquels le Premier ministre s'est rendu, le Cameroun et le Nigeria. La réponse internationale doit donc être très ferme, faute de voir de tels actes se multiplier ailleurs dans le monde - en Afrique, mais aussi en Amérique du Sud.
Au Congo-Brazzaville, d'après les informations dont je dispose, la préparation des élections se déroule dans des conditions normales. Lors de sa visite officielle, le président de la République a rencontré non seulement le président Denis Sassou Nguesso, mais aussi, avec l'accord de ce dernier, l'ensemble des leaders politiques de l'opposition. Cette initiative inédite a été l'occasion pour le président de reprendre le dialogue politique avec ses opposants.
Le budget consacré à la santé dans l'aide au développement a été multiplié par quatre depuis 2000. Nous nous efforçons d'articuler au mieux les interventions bilatérales et multilatérales. La répartition entre ces deux modes d'action fait l'objet d'un vieux débat. Aujourd'hui, deux tiers de notre aide publique passe par la voie multilatérale. Mais sur un certain nombre de points, il paraît indispensable de conserver une marge de manoeuvre bilatérale, afin de privilégier les circuits courts, plus efficaces. Cela étant, une action telle que la lutte contre le sida nécessite sans aucun doute une organisation multilatérale, car seule une réponse à l'échelle mondiale est en mesure de mobiliser de grandes masses financières nécessaires. Cela nous a permis, par exemple, de faire baisser de près de 50 % le prix des médicaments, notamment pour les enfants.
Pour le reste, on ne peut pas réclamer plus de démocratie en Afrique et, lorsqu'elle fonctionne, craindre ses résultats. Au Sénégal, les élections locales ont été remportées par l'opposition ; certains exemples plus proches de nous montrent que cela n'empêche pas de gagner ensuite les élections nationales ! Pour ma part, je me réjouis que la démocratie fonctionne dans ce pays.
La place des femmes constitue l'un des huit chantiers de mon secrétariat d'Etat - car, oui, les femmes sont l'avenir de l'Afrique. Elles sont les principales bénéficiaires des microcrédits. 20 millions d'euros ont été programmés pour renforcer leur rôle dans l'économie africaine ; notre plan d'action est d'ores et déjà mis en oeuvre, avec un fonds de solidarité de 3 millions d'euros et la mobilisation de nos ambassades. Les trente ambassadeurs de l'Afrique subsaharienne disposent chacun d'un montant de 100 000 euros pour abonder des projets.
Q - (A propos de la Maison de la Francophonie)
Q - (Au sujet de la langue de diffusion de France 24 et de la situation de l'audiovisuel extérieur français)
Q - Vous avez évoqué vos efforts pour impliquer la communauté politique internationale en faveur de l'Afrique. Est-ce de nature à infléchir nos modalités d'intervention dans ce continent ?
Q - (A propos de la situation en Côte d'Ivoire)
Q - (Concernant la situation en Mauritanie)
R - En ce qui concerne la Maison de la Francophonie, je pense que l'inauguration aura bien lieu en mars 2010. Le projet de loi autorisant l'approbation de la convention avec l'OIF a été adopté par l'Assemblée et va être bientôt examiné par le Sénat. Quant à la mise en oeuvre technique, elle n'a pas pris de retard.
La langue de diffusion de France 24 fait l'objet d'un débat parmi les responsables de l'audiovisuel extérieur de la France. Certains demandent qu'on ait accès partout à France 24 en français ; les responsables de la chaîne estiment que son rôle est de diffuser dans le monde le message de la France, à la façon de CNN, et que France 24 aura beaucoup plus d'audience si elle le fait en anglais et en arabe.
Précisément, je milite pour que France 24 en français, TV5 monde et RFI soient présents partout dans le monde. Lorsque, à Doha, je constate qu'il faut zapper jusqu'au canal 100 pour trouver une chaîne francophone et que celle-ci n'est même pas française, je ne suis pas content. Cela étant, nous devons laisser aux nouveaux dirigeants de l'audiovisuel extérieur le temps d'achever la réforme en cours, notamment en ce qui concerne les contenus éditoriaux. A cet égard, je suis d'accord avec M. Muselier : il faut améliorer les programmes de TV5 Monde. Une fois réorganisée la fabrication des contenus - qui est la partie la plus coûteuse -, la bataille suivante concernera les supports. De nombreux moyens existent - câble, satellite, etc. - qui nous permettent une diffusion plus large pour un coût moins élevé qu'autrefois. Quoi qu'il en soit, ma position est claire : l'audiovisuel extérieur doit être disponible partout en français.
Par ailleurs, à chaque fois que j'en ai l'occasion, je demande à nos responsables de s'exprimer le plus possible en français sur la scène internationale. Récemment, lors d'une visite d'une plateforme du groupe Total, j'ai ainsi convaincu M. de Margerie de faire son discours en français. Au moment où plusieurs Français sont à la tête des grandes institutions internationales - Banque centrale européenne, FMI, OMC -, je regrette de les voir faire si peu usage de notre langue, alors même que ces institutions bénéficient de moyens de traduction simultanée. Je leur ai déjà fait des remarques à ce sujet. De même, lorsqu'un artiste français est sélectionné pour représenter notre pays à l'Eurovision, la moindre des choses est qu'il chante en français. L'année dernière, notre candidat s'était exprimé en anglais, ce qui m'avait poussé à intervenir. Je me réjouis de voir que, cette année, Patricia Kaas, notre représentante, a chanté en français. Elle n'a pas gagné, mais son classement est le meilleur que nous ayons connu depuis longtemps.
Je partage l'avis de Nicole Ameline sur la nécessité d'une approche plus globale. Comme dans le débat entre intervention bilatérale et intervention multilatérale, la question n'est pas de trancher définitivement, mais de savoir où placer le curseur. Et sur de nombreux sujets, une approche à l'échelle du continent, de la région ou de la sous-région apparaît plus pertinente. Ainsi, si nous voulons relancer l'agriculture en Afrique, avec ce que cet objectif implique en termes d'équipements publics, de formations, de système de commercialisation, nous ne pouvons pas raisonner Etat par Etat. De même, je souhaite que nos accords de partenariat économique soient signés avec des régions. La relance de l'agriculture africaine nécessite une régulation : il faut que des accords soient obtenus avec l'OMC pour protéger ce secteur. Ce n'est possible qu'en raisonnant globalement. Or tout ce qui doit être abordé de manière globale doit l'être sous forme multilatérale - même si nous devons conserver des marges de manoeuvre dans un cadre bilatéral.
Quant à la coordination, elle est indispensable. A titre d'exemple, sachez qu'en 2007, la Tanzanie a dû accueillir 600 projets de coopération, tous inférieurs à un million d'euros...
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, M. Compaoré a fait un travail exceptionnel, et je lui ai d'ailleurs plusieurs fois rendu visite. C'est en effet autour de lui que se sont réunis, le 18 mai, M. Gbagbo, M. Ouattara, M. Bédié, ainsi que le jeune Premier ministre, M. Soro, qui est en charge de l'organisation des élections. La France fait tout ce qu'elle peut pour aider M. Compaoré à oeuvrer en faveur du processus de paix. C'est ainsi à sa demande que nous avons débloqué l'argent nécessaire au recensement des électeurs.
Je ne suis pas discret sur la Mauritanie, j'en ai parlé dans mon propos liminaire. Il est vrai que deux approches sont possibles au sujet des élections qui ont été décidées. L'une consiste à juger ces élections illégitimes et à réclamer le rétablissement du président démocratiquement élu - quitte à ce qu'il démissionne aussitôt après. Mais cette approche est-elle réaliste ? Pour 80 % de la société mauritanienne, ce n'est pas le cas ; les états généraux organisés par M. Aziz ont suscité la participation de 80 % des forces vives de Mauritanie, y compris de M. Daddah, leader de l'opposition.
Q - Est-ce que vous cautionnez l'élection du 6 juin ?
R - Mon rôle n'est pas de cautionner quoi que ce soit. Mais M. Aziz, qui s'était engagé à quitter l'armée et à démissionner de ses fonctions au moins quarante-cinq jours avant l'élection, a tenu parole. De même, conformément à son engagement, la Haute autorité de transition s'est dessaisie de tous les sujets à l'exception des questions de sécurité. La présence d'observateurs internationaux a été demandée pour contrôler les élections. Il importe que celles-ci se déroulent de façon transparente et que tout le monde puisse y participer.
La communauté internationale a elle-même évolué sur ce dossier. Je ne peux pas vous laisser dire que nous avons été faibles : nous présidions l'Europe lorsque des sanctions ont été prises en application de l'article 96 des accords de Cotonou. Ce sont ces sanctions qui ont conduit à faire évoluer le général Aziz vers une position de compromis. Je vous le dis clairement, la solution qui se met en place en Mauritanie n'est pas combattue par la France, parce que combattre cette solution ne nous paraît pas réaliste.
Les Français comme les Africains sont d'accord pour sortir d'une relation que l'on peut tout de même qualifier de paternaliste. Quant à la démographie, je n'y reviens pas, nous l'avons déjà évoquée.
Q - Que fait le ministère des Affaires étrangères et européennes pour développer les jumelages, qui sont l'occasion de procéder à des échanges de savoirs ou de former les jeunes ?
Q - (Concernant les relations avec le Rwanda)
Q - (A propos du réseau culturel français à l'étranger)
Q - (Au sujet de l'achat de terres en Afrique)
Q - (Concernant les relations sino-africaines)
Q - (Au sujet de la place du français au Vietnam)
R - Mme Fort a évoqué les jumelages et les échanges entre la France et différents pays. D'une manière générale, nous soutenons ces opérations. Le secrétariat d'Etat dispose d'une ligne budgétaire pour subventionner les associations qui organisent ces jumelages. La liste des bénéficiaires est très longue.
Nous connaissons la position de M. Muselier au sujet du président Kagamé : elle est tout à fait respectable. Toutefois, la France juge préférable que les conflits qui déchirent l'Afrique soient résolus par les Africains eux-mêmes - M. Loncle a d'ailleurs lui-même plaidé en ce sens. Or c'est bien le rapprochement entre M. Kagamé et M. Kabila qui a permis aux pays concernés de résoudre eux-mêmes une partie des problèmes du Nord-Kivu, et notamment d'obtenir le désarmement des FDLR et la neutralisation de M. Nkunda. C'est pourquoi la France, à l'instar des Etats-Unis, a encouragé ce rapprochement. Nous avons ainsi pu éviter l'envoi de nouveaux militaires en provenance d'Europe. Je rappelle qu'en dépit des 17.000 hommes dont elle dispose, la force des Nations unies présente sur le terrain a quelques difficultés à régler les problèmes.
J'entends souvent des propos pessimistes au sujet de la Francophonie et du rayonnement culturel de la France, mais je rappelle que notre réseau culturel est le plus important au monde. Nous disposons du plus grand nombre de lycées à l'étranger, dans lesquels travaillent 6.000 professeurs titulaires de l'éducation nationale. Notre action en ce domaine se situe donc à un niveau exceptionnel, même s'il est vrai que l'on nous en demande encore plus. Ainsi, lorsque le Qatar souhaite réécrire et compléter ses règles de droit, il nous réclame dans ce but une assistance culturelle, préférant la tradition juridique latine à l'anglo-saxonne.
Madame Colot, vous avez évoqué la question de l'achat de terres en Afrique. A Madagascar, une opération qui portait sur 1,3 million d'hectares est heureusement suspendue. Un certain nombre d'Etats africains sont en train de réagir très fermement sur cette question du foncier, pour faire en sorte que, si relance de l'agriculture il y a, ce soit avec des agriculteurs africains.
A ce sujet, je note que si notre diplomatie ne doit pas renoncer à défendre les valeurs qui sont celles de la Francophonie, notamment les droits de l'Homme et la démocratie, elle ne peut pas se contenter de proclamer des principes, en laissant les Chinois s'emparer de l'économie africaine. Ainsi, au moment même où vous défendez, s'agissant de la Mauritanie, une conception que l'on peut qualifier d'idéale, le port de Nouakchott constitue un enjeu économique considérable. Et tout en me réjouissant de voir se multiplier les investissements en faveur de l'Afrique, je constate que le continent accueille déjà 900.000 Chinois, contre 300.000 Français. Notre rayonnement culturel ne doit pas occulter notre rayonnement économique ni le rôle joué par nos entreprises : si nous voulons être présents dans l'économie africaine, nous devons parvenir à des positions diplomatiques qui, sans trahir nos valeurs, puissent être acceptables par les pays avec lesquels nous travaillons.
Je sais que M. Cocquempot est très attaché au Vietnam, où je suis allé il y a peu de temps. Nous sommes toujours prêts à intervenir en faveur de la formation des maîtres, mais il paraît difficile d'augmenter encore le nombre de professeurs enseignant à l'étranger : cela coûterait très cher. Cependant, la Francophonie constitue un enjeu mondial auquel il faut apporter une réponse mondiale. Or cette réponse est double : elle passe par l'audiovisuel extérieur de la France, mais consiste aussi à multiplier les contenus disponibles en français sur Internet. A cet égard, le portail numérique que nous mettons en place va permettre, grâce à des liens spécifiques, le développement d'une formation à distance. Je reste à votre disposition pour aborder des questions plus précises, mais sachez que le secrétariat d'Etat à la coopération s'investit beaucoup au Vietnam, non seulement en faveur de l'enseignement du français, mais aussi à travers notre réseau culturel - centres culturels et Alliance française.
Q - Qu'en est-il des opérations de déminage effectuées en Casamance ?
R - C'est la France qui les finance, par l'intermédiaire des ONG.
Sachez que je suis toujours à la disposition du Parlement. De tels échanges me paraissent non seulement fructueux, mais indispensables.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 juin 2009