Texte intégral
Monsieur le maire, cher Daniel Delaveau,
Mesdames et messieurs les grands témoins,
Chère Sylviane Agacinski,
Chère Geneviève Delaisi de Parseval,
Cher Philippe Bas,
Cher Jean-Marie Kunstmann,
Mesdames, Messieurs,
A vous voir tous ici si nombreux réunis, je constate une nouvelle fois avec plaisir l'enthousiasme avec lequel nos concitoyens ont su se saisir des enjeux soulevés par le réexamen de la loi de bioéthique.
Le succès du site Internet, qui a recueilli 55 000 visites et près de 1 400 contributions, dont plus de 600 sur l'assistance médicale à la procréation, et celui du forum citoyen qui s'est tenu mardi à Marseille, ont été les premiers signes de leur volonté forte de s'exprimer et de mener une réflexion approfondie, construite, argumentée.
Devant des sujets comme la maladie et l'infertilité, qui touchent à la vie humaine et engagent notre avenir commun, il est bien naturel, en effet, de vouloir se forger son propre point de vue.
Plus qu'un débat scientifique, plus qu'un débat d'experts, il était essentiel, en ce sens, de susciter un débat citoyen, où puissent s'exprimer toutes les opinions et tous les courants spirituels et philosophiques.
C'est là le fondement même de la démocratie : mener une politique par tous et pour tous.
C'est là notre idéal républicain de partage des savoirs, hérité des Lumières, auquel nous sommes tous profondément attachés.
Car ces états généraux répondent à un double objectif : s'instruire des progrès effectifs de la science et en déterminer le sens. Ou, pour le formuler sous une forme interrogative : que savons-nous et que voulons-nous ?
Que voulons-nous pour l'être humain ? Que voulons-nous pour notre société ?
Ainsi, ces forums citoyens, qui procèdent d'une éthique de la discussion, nous rappellent que les problématiques soulevées sont l'affaire de tous.
Ils nous permettent d'éviter le recours à l'image trop tranchée et sommaire des sondages, pour mieux appréhender l'évolution des mentalités.
Grâce à la participation active d'un jury de citoyens, sélectionné dans le respect de la diversité et de la pluralité, et à celle de grands témoins, spécialistes choisis en fonction des thématiques de chaque forum, les enjeux éthiques du débat seront véritablement clarifiés.
Aussi, avant d'aborder plus précisément les thématiques qui vous ont rassemblés aujourd'hui, je voulais saluer cette démarche inédite, innovante, et remercier le comité de pilotage, ainsi que tous les intervenants pour leur participation éclairante.
Je veux féliciter, en particulier, les quatorze jurés qui, après une formation bien évidemment nécessaire pour s'approprier des sujets aussi sensibles et complexes, ont su dépasser leurs intérêts particuliers pour exprimer des interrogations générales. Je veux aussi remercier nos grands témoins, Sylviane Agacinski, Geneviève Delaisi de Parseval, Philippe Bas et Jean-Marie Kunstmann, pour leur disponibilité, leur pédagogie et leur contribution intelligente et instruite. * Depuis son apparition il y a trente ans, l'assistance médicale à la procréation a soulevé des problèmes techniques, médicaux et psychologiques, mais aussi éthiques.
La difficulté majeure que rencontre le législateur comme le médecin qui, au quotidien, est confronté aux demandes de couples, réside précisément dans la prise en compte conjointe de ces différents aspects.
Les techniques ont progressé, mais elles ont encore des limites certaines ; les traitements hormonaux restent lourds et contraignants ; la souffrance psychique liée à l'infertilité et à l'échec des tentatives ne doit pas être ignorée. Il faut tenir compte de toutes ces données, mais aussi des principes universels indéfectibles qui interdisent de satisfaire toutes les demandes individuelles. Je pense, en premier lieu, au respect de la dignité humaine et à la non-commercialisation du vivant.
Sur cela, à n'en pas douter, nous nous accordons tous : les problématiques traitées ne peuvent obéir à une logique utilitariste qui adapterait l'offre biomédicale à la demande sociale.
Je sais que ces considérations sont restées à votre esprit tout au long de cette journée, pour chacune des questions posées : le recours à l'AMP peut il être étendu avec une révision de certains critères, comme ceux de l'âge des futures mères ? ou encore l'AMP doit-elle sortir du cadre strictement médical, et être autorisée pour les couples homosexuels ?
Je tiens à souligner, à ce sujet, que la question de l'homoparentalité déborde le simple cadre de l'accès à la procréation médicalement assistée. Aborder cette question par cet angle serait réducteur, car ce serait confondre désir de procréation et désir de parentalité. Quant aux mères porteuses, il est bien évidemment impossible de ne pas éprouver de l'empathie pour les femmes souffrant de ne pas pouvoir porter la vie. Pour autant, notre questionnement doit s'articuler autour du respect de l'intégrité du corps de la femme, mais également des autres principes énoncés par la loi de 2004 et dans le code civil, comme l'indisponibilité du corps humain ou la gratuité du don. Plus largement, la protection des plus vulnérables est elle aussi en jeu.
Au moment de clôturer cette journée d'échanges, mon ambition n'est certainement pas de clôturer le débat. La réflexion est loin d'être achevée. Elle se prolongera avec les avis ou recommandations que les jurés citoyens rédigeront et qui constitueront la base du rapport de ces états généraux de la bioéthique. Elle sera poursuivie également à Paris le 23 juin prochain. Ce qui est certain, c'est que la loi de bioéthique est un cadre absolument nécessaire pour les pratiques médicales et les activités de recherche, qui doit moins tenir compte des limites techniques que définir des limites éthiques.
Je vous remercie.Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 12 juin 2009