Interview de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à Europe 1 le 3 juillet 2009, sur le travail le dimanche, notamment les dérogations dans les zones touristiques et commerciales.

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J.-P. Elkabbach.- Troisième ministre des Affaires sociales en huit mois. Après X. Bertrand, B. Hortefeux, voici X. Darcos. C'est le Gouvernement du zapping ?
 
Mais c'est aussi le Gouvernement de la continuité, parce que les grands dossiers qui sont aujourd'hui devant nous, ce sont des dossiers qui sont de long terme.
 
Quel que soit celui qui les porte ?
 
Quel que soit celui les porte parce que c'est l'action du Gouvernement et surtout du président de la République.
 
Donc, c'est une leçon de modestie ou d'humilité ?
 
Mais je le répète, ce sont des dossiers de très long terme les questions qui nous sont posées aujourd'hui, et vous le savez.
 
En période de crise, la fonction use, comme à l'Education nationale. Vous n'avez pas été malheureux, après deux ans, d'en partir ?
 
J'ai été très heureux de pouvoir agir à l'Education nationale, je crois que j'ai été un ministre réformateur, et je vais m'occuper d'autres dossiers maintenant. J'ai toute confiance en mon successeur, L. Chatel, qui est un homme dynamique, qui arrive avec un regard neuf, et je suis sûr que ça se passera très bien.
 
En matière sociale, il y a ni répit, ni état de grâce. Est-ce que vous vous sentez d'attaque ?
 
Ecoutez ! Je suis plutôt en bonne forme, et puis surtout j'ai trouvé en face ce moi des partenaires qui, évidemment, sont parfois difficiles, qui ont leurs idées, mais qui sont dans la volonté de parler, de dialoguer, qui voient très bien les difficultés.
 
Ca, c'est en face de vous, mais à côté de vous, vous avez trois ministres, trois femmes de caractère. Comme vous avez un territoire immense, on va voir qui fait quoi. La Ville et les Banlieues, est-ce F. Amara qui dispose de réseaux ou vous ?
 
C'est F. Amara qui travaille avec moi. Je vais vous dire les choses plus simplement : j'ai connu la situation de ministre délégué, avec le ministre qui supporte extrêmement mal d'avoir quelqu'un auprès de lui, ça crée des tensions. J'ai un avis tout à fait contraire, je trouve que d'avoir trois secrétaires d'Etat, trois filles formidables d'ailleurs, c'est une très grande chance.
 
Des filles !
 
Oui, ce sont des jeunes femmes très sympathiques et dynamiques, avec qui je m'entends très bien. F. Amara est formidable dans ces quartiers, il connaît le milieu...
 
On abrège, donc elles sont toutes formidables. Et la responsabilité, c'est elles ou vous ? Par exemple, chef des Affaires sociales, X. Darcos veut-il assumer et partager toutes les responsabilités, et est-ce que les trois le savent déjà ?
 
Oui, nous nous sommes vus déjà plusieurs fois, nous sommes en train de répartir les tâches ; ce matin même, je vais me déplacer avec N. Berra, nous allons aller ensemble dans une maison de retraite pour parler de la question des aînés ; avec N. Morano, nous avons déjà eu à parler des questions d'égalité hommes-femmes, et de la question de la burqa, par exemple ; avec F. Amara, nous avons eu déjà plusieurs fois l'occasion de parler des questions...
 
D'accord, mais c'est elles ou vous ?
 
C'est elles qui sont les acteurs de cette politique, mais j'en suis le responsable au premier chef, et quand ça n'ira pas ça ma faute. Et lorsqu'il faudra donner les grandes impulsions, ça sera ma responsabilité aussi.
 
Cet été par exemple, certaines banlieues sont en ébullition. Est-ce que ce sera F. Amara, X. Darcos ou B. Hortefeux ?
 
Ce sera les trois, selon les circonstances. S'il s'agit des problèmes de police, s'il s'agit des problèmes de prévention, s'il s'agit des problèmes d'accompagnement, nous nous répartirons la tâche, nos serons là en tout cas.
 
Vous avez parlé de la burqa, elle est malvenue en France, a-t-on entendu...
 
Assurément.
 
...mais elle est déjà venue. Est-ce Amara, N. Berra, Morano, Darcos ?
 
Sans aucun doute c'est plutôt une question qui concerne N. Morano, mais j'en ai pris la responsabilité...
 
Ca va être de sa responsabilité, apparemment, à partir de ce vous dites.
 
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet, et je considère en effet que la burqa n'est pas bienvenue en France, et que, quel que soit le respect que l'on peut avoir pour les convictions des uns et des autres, le fait d'enfermer une femme dans un vêtement qui l'empêche de vivre n'est pas conforme aux moeurs et aux traditions de la République républicaine et laïque française.
 
A l'Education, vous passiez votre temps avec les multiples syndicats qui passaient le leur avec vous...
 
Oui.
 
...A partir de ce que vous avez appris, est-ce qu'il y aura, ou il y aurait, une nouvelle méthode X. Darcos ?
 
Le problème est assez différent, parce que les syndicats que j'ai devant moi désormais ce sont des grandes confédérations qui sont habituées à discuter. On ne sera pas d'accord sur tout, mais ils savent travailler, ils savent être dans la discussion, dans la négociation, aussi parfois dans le conflit, mais fondamentalement, il y a une habitude du dialogue. Donc, la difficulté ce n'est pas de discuter, on a toujours raison de discuter, mais il y a toujours un moment aussi où il fait décider, on aurait tort de ne pas décider.
 
Mais vous déciderez en passant de force ou en discutant avec eux ?
 
Les circonstances le montreront, je le répète. Sur ce ministère, tout le monde me dit : tu vas voir, c'est un ministère très tendu et ... Moi je crois que les problèmes sont moins techniques qu'on ne l'imagine, c'est très concret.
 
Eh bien on va les prendre. Le travail le dimanche, le président de la République veut son projet, qui revient devant les députés. La gauche et les syndicats n'en veulent pas, une partie de votre majorité grogne. D'abord, est-ce que c'est "le travail du dimanche" - il existait déjà pour des millions de salariés - ou "du travail le dimanche" ?
 
D'abord, je voudrais dire que le PS a un problème avec le travail...
 
Vous voulez dire que ce sont des paresseux ?
 
...Chaque fois qu'ils s'en occupent, ils ont des positions maximalistes, excessives. Naguère, il s'agissait d'obliger tout le monde à travailler 35 heures de manière systématique, et maintenant, il s'agit d'une opposition obtuse à cette réalité-là, qu'il y a des endroits où on travaille déjà le dimanche, par dérogation et donc c'est nécessaire...
 
"Du travail le dimanche", des dérogations...
 
La loi rappellera que le principe du repos dominical n'est pas remis en cause. Mais qu'il y a des zones, je pense à des zones touristiques...
 
"Des zones touristiques" ou des "communes touristiques" ?
 
Des zones touristiques et pas des communes touristiques, des zones touristiques, où il est conséquent de travailler le dimanche. Vous imaginez par exemple, une station de ski, qui travaille quatre mois par an, ou on s'arrêterait de travailler le dimanche ! Et d'autre part, il y a des périmètres d'usage, de consommation exceptionnelle, où on va réguler ce qui aujourd'hui est fait de manière assez anarchique, où on va réguler ce droit d'ouvrir le dimanche.
 
Ce matin, quel est votre meilleur argument pour les convaincre ?
 
Le meilleur argument, c'est tout simplement l'intérêt général, la demande des Français. Je rappelle que 60 % d'entre eux sont favorables. Et je dirais même, le bon sens. Quel bon sens y aurait-il à ce que dans une zone touristique on n'ouvre pas le dimanche ! Quel bon sens y aurait-il à ce que dans certaines zones commerciales, qui sont par exemple à la frontière de la Belgique ou du Luxembourg...
 
Et le commerce de proximité, il ne risque pas d'être victime des centres commerciaux ouverts le dimanche ?
 
Mais il ne s'agira pas de cela, les zones dont il est question ce sont des zones qui sont parfaitement repérées, qui sont dans de très grandes unités urbaines, de plus de 1 million d'habitants, et donc, il ne s'agit pas de mettre en péril les petits commerces de proximité dans les villes moyennes.
 
Le travail du dimanche, ça se fera d'une manière ou d'une autre, et en juillet ?
 
Ca va se faire la semaine prochaine, grande discussion, grand débat, nous dirons tout, le texte a beaucoup évolué, c'est un texte nécessaire, c'est un texte moderne, et qui à mon avis correspond à l'attente d'une partie des Français.
 
La réforme des retraites ne figurait pas dans la campagne du candidat N. Sarkozy. Pourquoi émerge-t-elle comme ça, d'un coup ?
 
Tout simplement parce que, là, encore une fois, c'est le principe de réalité qui nous rattrape. Voyez par exemple, entre l'année dernière et l'année prochaine, le seul déficit de la branche vieillesse du régime général va quasiment doubler, on va passer de 5,6 milliards d'euros à 10,3 milliards d'euros. Alors, que fait-on ? Voyez aussi les vieillissements : d'ici à 2015, 30 % de la population de + de 85 ans de plus. Donc, il faut bien qu'on prenne ça en constatation, et donc c'est le principe de réalité qui s'impose à nous, et donc, il faut que nous évoluions.
 
Chaque pays européen est en train de retarder le départ de l'âge légal à la retraite. En France, peut-on éviter une loi couperet, et préférer par exemple que chacun choisisse en fonction de l'état de santé, de la nature de son travail, de ses préférences personnelles et familiales, et qu'on parte à 58, 62, 60, 67 ans, les Français pourraient décider librement avec une loi qui serait flexible et souple ?
 
Je suis un facilitateur pour l'instant. Nous remettons le dossier sur la table, nous allons en parler, nous prenons du temps, le président de la République nous a donnés en gros comme échéance...
 
2010.
 
... l'année 2010, ça correspondait d'ailleurs à une clause qui avait été prévue par X. Bertrand, une clause où on reverrait où on en était sur la question. On va entendre les arguments des uns et des autres. On peut tout imaginer, y compris ce que vous dites, il faudra introduire de nouveaux critères : la pénibilité, la volonté des uns et des autres. Mais fondamentalement, ce que nous savons, c'est que ce ne serait pas raisonnable que de rester complètement bloqué sur une situation, tout simplement parce que humainement les choses ont changé.
 
La réforme se fera en 2010 et elle sera de toute façon réglée avant la fin du mandat de présidentiel de 2012.
 
C'est le mandat que m'a donné le président de la République, mais je le répète aussi, c'est le mandat que me donne la réalité sociologique de ce pays.
 
Et le Gouvernement, le Président n'a ou n'ont pas de piste préférée ?
 
Le Gouvernement me demande simplement d'ouvrir le débat avec les partenaires sociaux.
 
Un mot, lundi seront nommées les deux personnalités qui vont présider une commission pour dire quelles seront les priorités nationales pour l'avenir. Tout le monde réclame une part de l'emprunt, vous aussi ?
 
Il faut d'abord identifier ce que sont les dépenses d'avenir, ce sur quoi il faut vraiment que l'on mette le paquet, et ensuite on verra ce qu'est l'emprunt. C'est bien comme ça que le président de la République a présenté les choses.
 
Vous avez le sens de l'humour, vous ne croyez pas que c'est drôle de voir que tout le monde tend la main pour obtenir un peu des revenus de l'emprunt alors qu'il n'est même pas lancé. C'est comme, avec l'emprunt, l'illusion du trésor miracle, pour ne pas dire la cagnotte ?
 
Non, mais ce n'est pas comme ça que les choses passent. Le Président a fait cette grande table ronde l'autre jour, il m'a demandé d'animer un débat avec les partenaires sociaux, il a demandé au Premier ministre d'avoir aussi une discussion politique, de sorte qu'on aboutisse à des grands objectifs, et ensuite on décidera de l'emprunt.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 juillet 2009