Texte intégral
Entretien avec l'Agence marocaine de presse (MAP) le 10 mai :
Q - Près de deux ans après l'accession au trône de Sa Majesté le roi Mohamed VI, avez-vous le sentiment que les relations franco-marocaines sont au niveau qu'elles devraient être ?
R - Je réponds oui sans hésitation à votre question. Ces relations entre la France et le Maroc qui ont toujours été denses et de grande qualité sont exemplaires. Elles ont atteint aujourd'hui une ampleur particulière que soulignent les contacts fréquents entre les deux chefs d'Etat et les deux chefs de gouvernement, entre pratiquement tous les ministres des deux gouvernements et leurs administrations, mais également au niveau des collectivités locales, des ONG, bref des deux peuples. Ce sont des relations qui ont peu d'équivalents dans le monde. C'est d'un commun accord que nous avons, Français et Marocains, placé depuis deux ans la rénovation de notre coopération, au centre de notre effort commun. Le grand succès de l'année du "Temps du Maroc" en France en 1999, dont nous sommes en train d'évaluer les retombées, a encore renforcé cette connaissance et cette reconnaissance des deux sociétés. L'augmentation du nombre des touristes français au Maroc depuis 1999 est à cet égard à souligner.
La première visite d'Etat en France de Sa Majesté Mohamed VI en mars 2000 a marqué fortement ces relations bilatérales déjà excellentes. Elle a été l'occasion d'approfondir notre partenariat à partir des attentes du nouveau Maroc.
Q - La visite officielle de M. Youssoufi à Paris, les 2 et 3 mai, a permis de remettre à plat la coopération entre les deux pays. Dans quelle direction, selon vous, doit-elle être revue ?
R - Cette question a été au centre des entretiens lors de la IVème réunion franco-marocaine des chefs de gouvernement tenue à Paris le 3 mai.
Nos efforts doivent porter en priorité sur cinq grands axes, comme le souligne le rapport remis le 25 avril par le Comité de réflexion de haut niveau franco-marocain dirigé par MM. Paye et Benhima, l'environnement institutionnel de l'activité économique, l'éducation et la formation, le soutien aux PME-PMI, la mobilisation des acteurs non-gouvernementaux, l'implication des Marocains de France.
Notre coopération a su évoluer et s'adapter depuis plusieurs années, comme le montre la mise en place d'un instrument pluriannuel tel que le Fonds de solidarité prioritaire appliqué à des domaines aussi essentiels pour le Maroc que l'aménagement du territoire et l'enseignement fondamental.
Les autorités des deux pays ont décidé de renforcer la concertation et l'évaluation dans ce domaine afin de l'orienter plus vers le développement humain durable au Maroc, notamment en renforçant notre coopération sur les grands chantiers sociaux sur des domaines en expansion tels les nouvelles technologies de l'information.
Il a été décidé le 3 mai dernier d'organiser annuellement un forum regroupant les différents acteurs impliqués dans le partenariat et de créer un site Internet pour associer les sociétés civiles de nos deux pays.
Q - Les autorités françaises ont marqué leur compréhension envers le Maroc dans le dossier de la pêche. Quel rôle peut jouer la France pour désamorcer la crise afin qu'un accord, juste et équitable, puisse être trouvé dans le cadre des négociations Maroc/UE ?
R - Le Conseil des ministres de la pêche a pris acte le 25 avril de l'impasse dans laquelle se trouvaient les négociations entre l'Union européenne et le Maroc. Je rappelle que la France a toujours cherché à favoriser une solution mutuellement favorable aux deux parties et qui tienne compte du souci légitime du Maroc de préserver ses ressources halieutiques. Naturellement, c'est la Commission qui négocie pour le compte de l'Union. Mais nous redisons aujourd'hui, compte tenu de l'importance de cet accord pour les relations entre l'Union européenne et le Maroc que, s'il reste encore une possibilité de parvenir à un accord équilibré si les parties le souhaitent, nous demeurons disposés à faciliter les choses.
Q - Vous vous rendez, Monsieur le Ministre, à Tanger, les 10 et 11 mai pour la huitième réunion ministérielle du Forum méditerranéen, dont la présidence est assurée cette année par le Maroc. Dans quelle mesure ce cadre informel fera-t-il avancer le dialogue Euromed ?
R - Le Forum méditerranéen joue un rôle utile de "laboratoire d'idées" reconnu par l'ensemble de ses membres et qui contribue à l'avancement du processus euro-méditerranéen. C'est aussi un lieu de dialogue privilégié où se développe, entre les onze pays, une relation de confiance. A ce titre, je considère que le Forum doit continuer de jouer un rôle "d'éclaireur" pour établir une meilleure compréhension entre les deux rives de la Méditerranée. L'absence de formalisme offre le grand avantage de pouvoir mener en toute liberté des discussions approfondies. Ce Forum permet de dégager des approches communes sur un grand nombre de sujets. Je tiens à saluer les efforts accomplis par la présidence marocaine dans l'organisation des travaux du Forum depuis le début de l'année.
Q - L'impression domine, Monsieur le Ministre, que l'élargissement de l'Europe de l'Est l'emporte sur la coopération avec le Maghreb ?
R - Ce n'est pas comparable et il n'y a pas de contradiction entre l'élargissement de l'Union européenne à d'autres pays d'Europe et sa coopération avec les partenaires même les plus proches. Depuis bientôt six ans, le partenariat euro-méditerranéen constitue une réalité. Il correspond pour nous à un projet historique dont l'objet consiste à établir une zone de paix et de prospérité à l'échelle de la région. La conférence des ministres des Affaires étrangères de Marseille en novembre 2000 a permis de préserver le cadre de ce partenariat et malgré des circonstances difficiles a préconisé le renforcement de l'intégration régionale. L'Union européenne a confirmé alors l'importance de son engagement en faveur de la Méditerranée.
Au total, près de 13 milliards d'euros vont être consacrés à cette région au cours des sept prochaines années. Le Maroc est actuellement le premier bénéficiaire de la coopération financière euro-méditerranéenne, puisque 656 M euros ont été engagés au titre des crédits MEDA entre 1996 et 1999. La mise en place de nouvelles procédures de concertation pour la programmation et le suivi des projets dans le cadre du règlement MEDA II, devrait de plus mieux répondre aux préoccupations du Maroc.
Q - Concernant le dossier du Sahara, pensez-vous que les propositions faites par le Maroc auprès de l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, James Baker, sont de nature à débloquer cette question ?
R - Je le souhaite. Nous estimons qu'il importe de sortir de l'impasse dans laquelle se trouve le dossier du Sahara occidental depuis des années et de tout tenter pour régler définitivement cette question en gardant à l'esprit qu'un règlement de ce conflit doit servir la stabilité du Maghreb en vue de son développement économique et social.
Le mandat de la MINURSO a été renouvelé jusqu'au 30 juin et les "avancées" dont fait état M. Kofi Annan dans son dernier rapport en vue de concrétiser une offre politique acceptable par toutes les parties constituent des signes très positifs. Nous soutenons les efforts du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, et ceux de son envoyé personnel.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2001)
Entretien à la radio télévision marocaine le 11 mai :
Q - Ce Forum méditerranéen à Tanger se veut avant tout une boîte d'idées et de réflexions ; ces idées et ces réflexions sont-elles prises en considération dans les dialogues et les pourparlers, notamment dans le processus de paix au Proche-Orient ?
R - Le point de départ du Forum, qui est un échange informel, c'est de fournir des idées au Processus de Barcelone ; donc ce n'est pas directement, et pas principalement, et pas en premier lieu ce processus de paix. D'ailleurs, il n'y a plus de processus de paix en ce moment : c'est bien le problème, tout est arrêté, la situation est tragique. L'idée de ce forum informel, c'est de permettre à quelques pays particulièrement proches de la rive sud de la Méditerranée et du sud de l'Europe de se parler de façon plus directe, plus détendue, moins structurée et moins bureaucratique que lorsqu'on réunit le grand Processus de Barcelone où il y a 27 pays. Ceci permet de mieux comprendre la situation économique, sociale, culturelle, l'approche politique, et de parler très librement ensemble de questions sensibles comme, par exemple, la sécurité en Méditerranée. Comme il y a ce problème du processus de paix, interrompu par la situation tragique que l'on sait, on en parle évidemment. Mais ce Forum n'est pas d'abord constitué pour cela. Le Forum essaye de ne pas se couper non plus de sa première vocation.
Q - Depuis sa création en 1994 à Alexandrie, en Egypte, ce Forum en est aujourd'hui à sa huitième session ; pourriez-vous faire un bref bilan exhaustif de ce qui a été réalisé concrètement ?
R - Ce Forum n'est pas là pour faire des réalisations concrètes, puisqu'il y a le Processus de Barcelone pour cela, des relations bilatérales, ou des accords entre l'Union européenne et tel ou tel pays, par exemple des accords d'association. Le but du Forum, c'est la meilleure compréhension mutuelle. Prenons un exemple : la question de la sécurité en Méditerranée ; c'est un objet classique de malentendu : les pays européens considèrent que c'est un très grand progrès de bâtir une défense européenne, qui soit plus autonome dans le cadre de l'Alliance, et pensent que ça peut servir pour les opérations de maintien de la paix ; ils pensent surtout à ce qui a été fait ou à ce qui n'a pas pu être fait dans l'ex-Yougoslavie depuis 10 ans. Les pays de la rive sud prennent ça un peu contre eux, en quelque sorte. Ils disent : mais qu'est-ce que cela veut dire, quelles sont les intentions cachées derrière tout cela ? Or il n'y a pas d'intention cachée. Il y a une démarche que même les pays de la rive sud peuvent tout à fait comprendre. C'est un sujet typique : il a fallu deux ou trois forums pour bien se comprendre par rapport à ça, et voir que c'est une approche non antagoniste, et même complémentaire, alors que dans la mécanique de Barcelone, avec des sujets beaucoup plus contraints, cet échange tout à fait libre ne pouvait pas être mené à bien. C'est le cas aussi, par exemple, sur la question des mouvements de population, des échanges humains ; c'est une question fondamentale, très importante, très sensible de part et d'autre pour des raisons opposées, bien sûr. Donc le Forum, c'est un lieu où on parle de ces choses-là.
Q - Cet échange Nord-Sud est-il entravé par des obstacles ? Lesquels, et comment peut-on y remédier ?
R - on ne peut pas dire qu'il y ait des obstacles spécifiques aux échanges Nord-Sud parce qu'il y a énormément d'échanges Nord-Sud. Il y a énormément d'exportations des pays du Sud vers les pays du Nord ; alors, ce n'est pas forcément les produits qu'ils voudraient exporter ; il y a le problème de l'accès aux marchés sur le plan européen. Les vrais problèmes, ce sont les difficultés de développement économique des pays du Sud ; parce que ce n'est pas évident d'enclencher le développement économique. Les pays du Nord, maintenant, ne se rappellent même plus comment ils ont fait pour commencer ; c'est tellement ancien : il a fallu d'abord enclencher les investissements. Ce ne sont pas des réunions de ministres qui provoquent les mouvements d'investissements ; c'est la garantie des investissements, c'est une situation économique stable, c'est un système juridique convaincant, etc. donc on peut travailler sur le développement de ces processus, cela ne se fait pas d'un claquement de doigts ; mais ce n'est pas tellement qu'il y ait des entraves au marché puisque dans certains cas même, certains pays du Sud trouvent que leurs matières premières par exemple, ou leurs hommes, sont trop aspirés par les économies du Nord. Donc c'est bien qu'il y ait un échange, mais à ce moment-là, c'est un échange trop inégal. Je crois que la clé dans ce Forum comme à Barcelone, comme en général sur tous ces points, c'est qu'il y ait des vrais développements, à partir des ressources des pays, mais que ce soient des développements endogènes, en quelque sorte, et qu'ils arrivent à surmonter les obstacles.
Pour nous, dans le cadre du Forum, la clé, c'est le bon équilibre de la relation entre l'Union européenne, qui se développe constamment, et ses partenaires, notamment au Sud, et la bonne réponse, ce sont les accords d'association.
Q - On arrive aux relations maroco-françaises, qui sont excellentes. Le 3 mai dernier, à l'occasion de la visite du Premier ministre, M. Abderrahmane Youssoufi, vous avez décidé d'organiser un forum portant essentiellement sur le partenariat.
R - les relations entre le Maroc et la France sont en effet exceptionnelles, c'est-à-dire comparables à aucune autre pour des tas de raisons historiques, politiques, humaines, d'affinité, et ça se poursuit. Cela se poursuit à travers les décennies, en s'adaptant constamment. Donc c'est un fait remarquable. Depuis quelques années, il a été décidé qu'il y aurait une rencontre régulière entre les deux Premiers ministres, avec quasiment tous les membres du gouvernement. La France n'a cela qu'avec un tout petit nombre de pays dans le monde, trois ou quatre, précisément parce que le besoin est apparu d'adapter cette coopération, qui remonte dans ses bases au lendemain de l'indépendance ; de l'adapter aux besoins nouveaux, plus largement, à partir des nouvelles demandes et des nouveaux centres d'intérêt du Maroc. C'est cela qu'on appelle le partenariat, tout simplement. Mais il ne faut pas que ce soit statique, il faut que cela vive. Avant la réunion des deux Premiers ministres à Paris, on avait demandé à MM. Paye et Benhima de passer en revue toutes les mécaniques de la coopération, de les débroussailler, de les rajeunir ; et puis de savoir sur quels points nous allions nous orienter. Donc le partenariat entre la France et le Maroc, c'est cette mécanique constamment modernisée, plus l'échange politique à tous les niveaux, plus une confiance dont on trouve peu d'autres exemples.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2001)
Q - Près de deux ans après l'accession au trône de Sa Majesté le roi Mohamed VI, avez-vous le sentiment que les relations franco-marocaines sont au niveau qu'elles devraient être ?
R - Je réponds oui sans hésitation à votre question. Ces relations entre la France et le Maroc qui ont toujours été denses et de grande qualité sont exemplaires. Elles ont atteint aujourd'hui une ampleur particulière que soulignent les contacts fréquents entre les deux chefs d'Etat et les deux chefs de gouvernement, entre pratiquement tous les ministres des deux gouvernements et leurs administrations, mais également au niveau des collectivités locales, des ONG, bref des deux peuples. Ce sont des relations qui ont peu d'équivalents dans le monde. C'est d'un commun accord que nous avons, Français et Marocains, placé depuis deux ans la rénovation de notre coopération, au centre de notre effort commun. Le grand succès de l'année du "Temps du Maroc" en France en 1999, dont nous sommes en train d'évaluer les retombées, a encore renforcé cette connaissance et cette reconnaissance des deux sociétés. L'augmentation du nombre des touristes français au Maroc depuis 1999 est à cet égard à souligner.
La première visite d'Etat en France de Sa Majesté Mohamed VI en mars 2000 a marqué fortement ces relations bilatérales déjà excellentes. Elle a été l'occasion d'approfondir notre partenariat à partir des attentes du nouveau Maroc.
Q - La visite officielle de M. Youssoufi à Paris, les 2 et 3 mai, a permis de remettre à plat la coopération entre les deux pays. Dans quelle direction, selon vous, doit-elle être revue ?
R - Cette question a été au centre des entretiens lors de la IVème réunion franco-marocaine des chefs de gouvernement tenue à Paris le 3 mai.
Nos efforts doivent porter en priorité sur cinq grands axes, comme le souligne le rapport remis le 25 avril par le Comité de réflexion de haut niveau franco-marocain dirigé par MM. Paye et Benhima, l'environnement institutionnel de l'activité économique, l'éducation et la formation, le soutien aux PME-PMI, la mobilisation des acteurs non-gouvernementaux, l'implication des Marocains de France.
Notre coopération a su évoluer et s'adapter depuis plusieurs années, comme le montre la mise en place d'un instrument pluriannuel tel que le Fonds de solidarité prioritaire appliqué à des domaines aussi essentiels pour le Maroc que l'aménagement du territoire et l'enseignement fondamental.
Les autorités des deux pays ont décidé de renforcer la concertation et l'évaluation dans ce domaine afin de l'orienter plus vers le développement humain durable au Maroc, notamment en renforçant notre coopération sur les grands chantiers sociaux sur des domaines en expansion tels les nouvelles technologies de l'information.
Il a été décidé le 3 mai dernier d'organiser annuellement un forum regroupant les différents acteurs impliqués dans le partenariat et de créer un site Internet pour associer les sociétés civiles de nos deux pays.
Q - Les autorités françaises ont marqué leur compréhension envers le Maroc dans le dossier de la pêche. Quel rôle peut jouer la France pour désamorcer la crise afin qu'un accord, juste et équitable, puisse être trouvé dans le cadre des négociations Maroc/UE ?
R - Le Conseil des ministres de la pêche a pris acte le 25 avril de l'impasse dans laquelle se trouvaient les négociations entre l'Union européenne et le Maroc. Je rappelle que la France a toujours cherché à favoriser une solution mutuellement favorable aux deux parties et qui tienne compte du souci légitime du Maroc de préserver ses ressources halieutiques. Naturellement, c'est la Commission qui négocie pour le compte de l'Union. Mais nous redisons aujourd'hui, compte tenu de l'importance de cet accord pour les relations entre l'Union européenne et le Maroc que, s'il reste encore une possibilité de parvenir à un accord équilibré si les parties le souhaitent, nous demeurons disposés à faciliter les choses.
Q - Vous vous rendez, Monsieur le Ministre, à Tanger, les 10 et 11 mai pour la huitième réunion ministérielle du Forum méditerranéen, dont la présidence est assurée cette année par le Maroc. Dans quelle mesure ce cadre informel fera-t-il avancer le dialogue Euromed ?
R - Le Forum méditerranéen joue un rôle utile de "laboratoire d'idées" reconnu par l'ensemble de ses membres et qui contribue à l'avancement du processus euro-méditerranéen. C'est aussi un lieu de dialogue privilégié où se développe, entre les onze pays, une relation de confiance. A ce titre, je considère que le Forum doit continuer de jouer un rôle "d'éclaireur" pour établir une meilleure compréhension entre les deux rives de la Méditerranée. L'absence de formalisme offre le grand avantage de pouvoir mener en toute liberté des discussions approfondies. Ce Forum permet de dégager des approches communes sur un grand nombre de sujets. Je tiens à saluer les efforts accomplis par la présidence marocaine dans l'organisation des travaux du Forum depuis le début de l'année.
Q - L'impression domine, Monsieur le Ministre, que l'élargissement de l'Europe de l'Est l'emporte sur la coopération avec le Maghreb ?
R - Ce n'est pas comparable et il n'y a pas de contradiction entre l'élargissement de l'Union européenne à d'autres pays d'Europe et sa coopération avec les partenaires même les plus proches. Depuis bientôt six ans, le partenariat euro-méditerranéen constitue une réalité. Il correspond pour nous à un projet historique dont l'objet consiste à établir une zone de paix et de prospérité à l'échelle de la région. La conférence des ministres des Affaires étrangères de Marseille en novembre 2000 a permis de préserver le cadre de ce partenariat et malgré des circonstances difficiles a préconisé le renforcement de l'intégration régionale. L'Union européenne a confirmé alors l'importance de son engagement en faveur de la Méditerranée.
Au total, près de 13 milliards d'euros vont être consacrés à cette région au cours des sept prochaines années. Le Maroc est actuellement le premier bénéficiaire de la coopération financière euro-méditerranéenne, puisque 656 M euros ont été engagés au titre des crédits MEDA entre 1996 et 1999. La mise en place de nouvelles procédures de concertation pour la programmation et le suivi des projets dans le cadre du règlement MEDA II, devrait de plus mieux répondre aux préoccupations du Maroc.
Q - Concernant le dossier du Sahara, pensez-vous que les propositions faites par le Maroc auprès de l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, James Baker, sont de nature à débloquer cette question ?
R - Je le souhaite. Nous estimons qu'il importe de sortir de l'impasse dans laquelle se trouve le dossier du Sahara occidental depuis des années et de tout tenter pour régler définitivement cette question en gardant à l'esprit qu'un règlement de ce conflit doit servir la stabilité du Maghreb en vue de son développement économique et social.
Le mandat de la MINURSO a été renouvelé jusqu'au 30 juin et les "avancées" dont fait état M. Kofi Annan dans son dernier rapport en vue de concrétiser une offre politique acceptable par toutes les parties constituent des signes très positifs. Nous soutenons les efforts du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, et ceux de son envoyé personnel.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2001)
Entretien à la radio télévision marocaine le 11 mai :
Q - Ce Forum méditerranéen à Tanger se veut avant tout une boîte d'idées et de réflexions ; ces idées et ces réflexions sont-elles prises en considération dans les dialogues et les pourparlers, notamment dans le processus de paix au Proche-Orient ?
R - Le point de départ du Forum, qui est un échange informel, c'est de fournir des idées au Processus de Barcelone ; donc ce n'est pas directement, et pas principalement, et pas en premier lieu ce processus de paix. D'ailleurs, il n'y a plus de processus de paix en ce moment : c'est bien le problème, tout est arrêté, la situation est tragique. L'idée de ce forum informel, c'est de permettre à quelques pays particulièrement proches de la rive sud de la Méditerranée et du sud de l'Europe de se parler de façon plus directe, plus détendue, moins structurée et moins bureaucratique que lorsqu'on réunit le grand Processus de Barcelone où il y a 27 pays. Ceci permet de mieux comprendre la situation économique, sociale, culturelle, l'approche politique, et de parler très librement ensemble de questions sensibles comme, par exemple, la sécurité en Méditerranée. Comme il y a ce problème du processus de paix, interrompu par la situation tragique que l'on sait, on en parle évidemment. Mais ce Forum n'est pas d'abord constitué pour cela. Le Forum essaye de ne pas se couper non plus de sa première vocation.
Q - Depuis sa création en 1994 à Alexandrie, en Egypte, ce Forum en est aujourd'hui à sa huitième session ; pourriez-vous faire un bref bilan exhaustif de ce qui a été réalisé concrètement ?
R - Ce Forum n'est pas là pour faire des réalisations concrètes, puisqu'il y a le Processus de Barcelone pour cela, des relations bilatérales, ou des accords entre l'Union européenne et tel ou tel pays, par exemple des accords d'association. Le but du Forum, c'est la meilleure compréhension mutuelle. Prenons un exemple : la question de la sécurité en Méditerranée ; c'est un objet classique de malentendu : les pays européens considèrent que c'est un très grand progrès de bâtir une défense européenne, qui soit plus autonome dans le cadre de l'Alliance, et pensent que ça peut servir pour les opérations de maintien de la paix ; ils pensent surtout à ce qui a été fait ou à ce qui n'a pas pu être fait dans l'ex-Yougoslavie depuis 10 ans. Les pays de la rive sud prennent ça un peu contre eux, en quelque sorte. Ils disent : mais qu'est-ce que cela veut dire, quelles sont les intentions cachées derrière tout cela ? Or il n'y a pas d'intention cachée. Il y a une démarche que même les pays de la rive sud peuvent tout à fait comprendre. C'est un sujet typique : il a fallu deux ou trois forums pour bien se comprendre par rapport à ça, et voir que c'est une approche non antagoniste, et même complémentaire, alors que dans la mécanique de Barcelone, avec des sujets beaucoup plus contraints, cet échange tout à fait libre ne pouvait pas être mené à bien. C'est le cas aussi, par exemple, sur la question des mouvements de population, des échanges humains ; c'est une question fondamentale, très importante, très sensible de part et d'autre pour des raisons opposées, bien sûr. Donc le Forum, c'est un lieu où on parle de ces choses-là.
Q - Cet échange Nord-Sud est-il entravé par des obstacles ? Lesquels, et comment peut-on y remédier ?
R - on ne peut pas dire qu'il y ait des obstacles spécifiques aux échanges Nord-Sud parce qu'il y a énormément d'échanges Nord-Sud. Il y a énormément d'exportations des pays du Sud vers les pays du Nord ; alors, ce n'est pas forcément les produits qu'ils voudraient exporter ; il y a le problème de l'accès aux marchés sur le plan européen. Les vrais problèmes, ce sont les difficultés de développement économique des pays du Sud ; parce que ce n'est pas évident d'enclencher le développement économique. Les pays du Nord, maintenant, ne se rappellent même plus comment ils ont fait pour commencer ; c'est tellement ancien : il a fallu d'abord enclencher les investissements. Ce ne sont pas des réunions de ministres qui provoquent les mouvements d'investissements ; c'est la garantie des investissements, c'est une situation économique stable, c'est un système juridique convaincant, etc. donc on peut travailler sur le développement de ces processus, cela ne se fait pas d'un claquement de doigts ; mais ce n'est pas tellement qu'il y ait des entraves au marché puisque dans certains cas même, certains pays du Sud trouvent que leurs matières premières par exemple, ou leurs hommes, sont trop aspirés par les économies du Nord. Donc c'est bien qu'il y ait un échange, mais à ce moment-là, c'est un échange trop inégal. Je crois que la clé dans ce Forum comme à Barcelone, comme en général sur tous ces points, c'est qu'il y ait des vrais développements, à partir des ressources des pays, mais que ce soient des développements endogènes, en quelque sorte, et qu'ils arrivent à surmonter les obstacles.
Pour nous, dans le cadre du Forum, la clé, c'est le bon équilibre de la relation entre l'Union européenne, qui se développe constamment, et ses partenaires, notamment au Sud, et la bonne réponse, ce sont les accords d'association.
Q - On arrive aux relations maroco-françaises, qui sont excellentes. Le 3 mai dernier, à l'occasion de la visite du Premier ministre, M. Abderrahmane Youssoufi, vous avez décidé d'organiser un forum portant essentiellement sur le partenariat.
R - les relations entre le Maroc et la France sont en effet exceptionnelles, c'est-à-dire comparables à aucune autre pour des tas de raisons historiques, politiques, humaines, d'affinité, et ça se poursuit. Cela se poursuit à travers les décennies, en s'adaptant constamment. Donc c'est un fait remarquable. Depuis quelques années, il a été décidé qu'il y aurait une rencontre régulière entre les deux Premiers ministres, avec quasiment tous les membres du gouvernement. La France n'a cela qu'avec un tout petit nombre de pays dans le monde, trois ou quatre, précisément parce que le besoin est apparu d'adapter cette coopération, qui remonte dans ses bases au lendemain de l'indépendance ; de l'adapter aux besoins nouveaux, plus largement, à partir des nouvelles demandes et des nouveaux centres d'intérêt du Maroc. C'est cela qu'on appelle le partenariat, tout simplement. Mais il ne faut pas que ce soit statique, il faut que cela vive. Avant la réunion des deux Premiers ministres à Paris, on avait demandé à MM. Paye et Benhima de passer en revue toutes les mécaniques de la coopération, de les débroussailler, de les rajeunir ; et puis de savoir sur quels points nous allions nous orienter. Donc le partenariat entre la France et le Maroc, c'est cette mécanique constamment modernisée, plus l'échange politique à tous les niveaux, plus une confiance dont on trouve peu d'autres exemples.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2001)