Interview de M. François Hollande, Premier secrétaire du PS, à RMC le 10 janvier 2001 sur les relations entre le Premier ministre et le Président de la République, la question du pouvoir d'achat et de la baisse de la CSG, les modalités d'une éventuelle candidature de M. Jospin à l'élection présidentielle de 2002 et sur la question de l'utilisation par l'OTAN d'armes chimiques dans l'ex-Yougoslavie.

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Texte intégral

F. Hollande (PS)
RMC - 7h50
Le 10 janvier 2001
P. Lapousterle Est-ce que vous êtes satisfait encouragé, porté, soutenu, par les vux et conseils que le Président de la République a prodigués au Gouvernement, au Parti socialiste ces derniers jours ?
- "Nous sommes habitués, cela fait quatre ans que cela dure. C'est-à-dire que chaque année, à la même époque, nous avons la quinzaine de la critique, c'est-à-dire le moment où le Président de la République sort de son sabbat pour nous faire part de ses critiques. Nous les entendons, nous savons qu'il y a une part de jeu politique, nous n'ignorons pas que J. Chirac n'est pas simplement le Président de la République mais qu'il est aussi candidat à sa réélection."
L. Jospin ne le rate pas de temps en temps.
- "Je n'ai pas eu ce sentiment ; L. Jospin a d'autres choses à faire, il est très occupé. Il a à gouverner la France. J. Chirac a sa période de vux, laissons-le faire, laissons-le dire."
Le président a dit hier " Les querelleurs n'ont plus leur place dans une démocratie moderne, tout simplement parce qu'ils n'ont pas le sens de l'intérêt général et n'en ont que faire ". Je me suis demandé en écoutant cela si le premier secrétaire du Parti socialiste que vous êtes, M. Hollande, qui a l'habitude de répondre un peu avec vivacité au chef de l'Etat, n'était pas le querelleur en chef ?
- "Je ne l'ai pas imaginé. Peut-être était-ce une autocritique du Président de la République. J'ai eu le sentiment quand même, depuis une semaine, qu'il se livrait aussi à un exercice de critique - pas forcement de querelles - et donc il y a des critiqueurs aussi. Cela fait partie du débat politique. Il est normal qu'il y ait des affirmations qui soient faites, par le Premier ministre, par le Président de la République et que d'autres y répondent. Il est normal que lorsqu'il y a une action collective menée par un responsable, elle soit soumise à l'exercice de la contradiction. Mais ce qui me trouble quand même un peu plus dans le propos du Président de la République, c'est qu'il ne faudrait pas que de critiques en critiques - je ne dis pas de querelles en querelles -, il se comporte comme le supplétif de madame Alliot-Marie. Je crois qu'il y a mieux à faire. Et la question que je me suis posée, puisqu'il a utilisé le mot "utile", est la suivante : qu'est-ce qu'un Président de la République utile ,"
Il rappelle les objectifs.
- "Lesquels ?"
Les objectifs du pays.
- "Il aurait dû donc le mettre en uvre lorsqu'il était en situation de le faire, notamment lorsque A . Juppé était Premier ministre. Je crois qu'il faut - et c'est un point d'accord avec le Président de la République - qu'on ait tous conscience que c'est l'intérêt général qu'il faut poursuivre et pas l'intérêt particulier. Cela vaut pour les uns peut-être, mais cela vaut surtout pour celui qui a fait cette formule."
Avant d'en venir aux affaires intérieures, juste un mot pour évoquer le problème important des doutes qui portent sur un lien éventuel entre les maladies mortelles dont sont victimes certains soldats occidentaux qui ont servi dans l'ex Yougoslavie, et des produits chimiques qui auraient été utilisés par des forces de l'Otan. Pour que tout soit clair dans cette affaire M. Hollande, qu'est-ce qu'il faut faire ?
- "Il faut avoir toutes les informations. Peut-être que certaines nous démontreront qu'il n'y a pas eu de liens entre un certain nombre d'armes et les maladies que l'on constate. Donc, il faut - et c'est ce que le Gouvernement, la France a déjà fait - avoir vis- à-vis de l'Otan une démarche qui est celle de l'exigence de transparence, de vérité et d'information. Il faut que nous aussi nous essayions de vérifier sur le terrain - cela se fait - ce qui c'est produit. J'entendais Bernard Kouchner. Il faut que nous ayons par rapport à nos propres armes également un réflexion pour savoir... Mais dans ce cas, cela ne concerne pas les armements français ; en l'occurrence cela concerne les armements de l'Otan. Donc, toute commission - j'entends par là une commission qui pourrait être faite avec nos partenaires européens dans le cadre de l'Alliance - devrait à mon avis avoir l'objectif de rechercher cette information avec transparence."
Si le gouvernement américain avait caché les choses ?
- "Je ne veux pas tout de suite préjuger, mais en tous cas, il faut savoir si les armes qui sont fabriquées, qui peuvent donc être utilisées - cela a été le cas au Kosovo et en Serbie - provoquent des dangers, pas simplement par rapport à la cible, mais par rapport à la population et par rapport surtout à ceux qui les servent."
Neuf millions de salariés - ce n'est pas rien - avaient compris qu'en ce début d'année et tout au long de l'année 2001, leur pouvoir d'achat augmenterait. Le Conseil constitutionnel s'est opposé à la manière dont le Gouvernement s'y était pris, et on a l'impression qu'une dispute maintenant s'empare du Gouvernement, du Parti socialiste. On n'a pas seulement l'impression, on entend les uns les autres.
- "Cela me paraît plutôt de l'ordre du bon débat. Nous avons une formule, une technique, qui consistait à baisser la contribution sociale généralisée, la CSG, sur les salaires au Smic et autour du Smic, jusqu'à 1,4 fois le Smic : un allégement d'impôt à travers la baisse de la CSG qui complétait la baisse de l'impôt sur le revenu. C'était notre dispositif, il nous paraissait bon, il nous paraissait équilibré, il nous paraissait"
"Inégal" a dit le Conseil.
- "Le Conseil constitutionnel, saisi par la droite, dit qu'il ne faut pas s'y prendre comme cela. Donc, il faut avoir un débat, mais par sur l'objectif. L'objectif, c'est de donner aux neuf millions de salariés qui devaient avoir un supplément de pouvoir d'achat un équivalent. Sous quelle forme ? Est-ce que c'est une augmentation de salaire minimum ? Certains le proposent. Cela paraît curieux d'utiliser la politique salariale à cette fin, parce que si c'est pour que l'Etat rembourse les entreprises des augmentations de salaires, je crois que cela créerait plus de confusions qu'autre chose. Est-ce qu'il ne faut pas - et c'est plutôt notre démarche - dire que ce qui devait être donné par baisse de CSG doit être donné par primes, par ristournes, par remboursements, de façon à ce que ces salariés, ces familles qui attendaient ce supplément de pouvoir d'achat - 180 francs par mois, c'est quand même pas si mal pour un smicard, et c'était normal compte tenu des baisses d'impôts qui étaient données aux autres - aient leur compte. Donc, nous devons trouver une formule. Cette formule est plutôt à nos yeux de socialistes, le remboursement de ce qui devait être donné par la voie de l'allégement de la CSG. Si c'est trop compliqué ou si c'est trop long, il faudra trouver une mesure transitoire."
Un mot sur la future bataille présidentielle qui est prévue en 2002. On entend dire que le Premier ministre pourrait mettre fin à ses fonctions, quitter ses fonctions à Matignon pendant quelques semaines, pour être à égalité avec le chef de l'Etat. Cela a été démenti par Matignon, mais est-ce que vous êtes certain, M. Hollande, que le Premier ministre ne quittera pas ses fonctions quelques semaines avant son terme pour livrer la bataille, s'il était candidat ?
- "Je vous donne mon sentiment, et pas d'informations puisque les informations ont été données par les services de Matignon et que cette rumeur a été totalement démenti. Le Premier ministre est Premier ministre, nous verrons bien s'il est candidat. Comme Premier ministre, il doit exercer la plénitude de sa charge jusqu'au bout, et je ne vois pas très bien comment il pourrait s'effacer au bout d'un certain moment et aller voir le Président de la République pour trouver un remplaçant. D'ailleurs, il faudrait poser également cette question au Président de la République. Si d'aventure il était candidat, faudrait-il qu'il quitte son mandat ? La question peut être posée, je ne crois pas qu'il ait non plus cette envie. On verra bien qui sera candidat. Il y a aujourd'hui des personnalités qui sont en charge de responsabilités, il faut qu'ils les exercent."
M. le Premier ministre doit aller avec sa femme soutenir M. Delanoë à Paris samedi prochain. Qu'est-ce que vous diriez si M. Chirac allait dans les rues de Paris soutenir
- "Il n'a pas besoin d'aller dans les rues de Paris puisqu'il accueille à l'Elysée les prétendants."
C'est normal que le Premier ministre aille
- "Il y a quelques semaines, le président recevait P. Séguin, là je crois que J. Tiberi a reçu des hommages. C'est normal que L. Jospin qui est un ami de B. Delanoë, qui a ma connaissance est socialiste, soutienne ses amis socialistes sans en faire l'objet d'une querelle à l'égard de quiconque."
M. Balladur annonce ce matin l'Union pour la Réforme, l'UPR. Cela change, cela vous inquiète M. Hollande d'avoir un adversaire qui tente de se regrouper ?
- "Si je vous disais que cela m'inquiète, vous ne me croiriez pas. Si je vous disais que j'en suis heureux, vous ne me croiriez pas davantage. Je crois que pour l'instant la droite est dans la confusion, peut-être sera-t-elle demain dans la fusion."

(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 janvier 2001)