Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, M. Hirsch.
Bonjour.
RTL sollicite des offres d'embauche aujourd'hui spécifiquement destinées aux moins de 25 ans. Déjà plus de 3.500 offres sont consultables sur RTL ; et hasard, l'OCDE mentionnait, la semaine dernière, l'instabilité chronique des politiques de l'emploi, avec plus de quatre-vingts mesures pour les Jeunes en trente ans. Quatre-vingts mesures inefficaces ! C'est un peu désespérant, M. Hirsch ?
C'est désespérant si on se contenterait de ce constat-là et qu'on attendait le prochain rapport...
Ça fait trente ans que ça ne marche pas !
Oui, ça fait trente ans que ça ne marche pas et moi, je fais partie de ceux qui pensent qu'on peut renverser des tendances et renverser la vapeur. On n'est pas sûrs d'y arriver.
Vous êtes optimiste !
Je me rappelle toujours les accidents de la route, les morts sur la route. Pendant trente ans, ils augmentaient inexorablement. On disait que ce n'était pas possible. On a fait les radars, on a fait un certain nombre de mesures et on a changé les comportements. Donc, je ne vois pas pourquoi pour l'emploi des jeunes, ça serait impossible.
Vous avez émis des idées ?
Oui j'en ai pas mal, oui. J'étais à la remise du rapport de l'OCDE et je leur ai dit - parce que c'est encore pire que ce que vous dites, si vous voulez. Quand on regarde, en général, l'OCDE - donc c'est tous les pays industrialisés -, la France est souvent malgré son magnifique modèle social : moyen-plus. Et là sur l'emploi des jeunes, c'est je crois le seul indicateur sur lequel elle est très médiocre, parmi les derniers. Le secrétaire général de l'OCDE a dit : au prochain rapport, il faut qu'on soit maintenant au-dessus de la moyenne. Oui, on peut avoir des idées. Première chose : vous avez dit, quatre-vingts plans en trente ans...
Quatre-vingts mesures.
Quatre-vingts mesures en trente ans. On a essayé, le mois dernier, de résister à la tentation du produit nouveau qui à peine mis en rayon, devient en solde le lendemain matin. Donc, on a résisté à cette tentation-là. On se l'est même fait reprocher en disant : sur quoi les acteurs sont tous d'accord ? Alors, les acteurs, que ce soient les syndicats, les organisations patronales, les jeunes, les responsables de l'enseignement, sont d'accord pour dire que l'alternance - contrat de professionnalisation quand on est déjà dans le système, contrat d'apprentissage en formation initiale - c'est le système a priori le meilleur. Pourquoi c'est le meilleur ? Parce que quand on passe par là, on a huit chances sur dix de trouver un emploi pérenne après.
Mais c'est tout simple, pourquoi on ne l'applique pas ?
Mais c'est ce qu'on vient d'appliquer.
Hum... On vient de l'appliquer, eh bien dis donc !
Non, non, c'est-à-dire que depuis des années, on essaie de le remettre au goût du jour. On l'a simplifié au cours des dernières années.
Mais qui résiste ? Les chefs d'entreprise ? Le système scolaire ?
L'inertie. L'inertie était le principal ennemi auquel on doit faire face. L'inertie, l'indifférence, les mauvaises habitudes, les y'à qu'à, la facilité, etc., etc. Ce n'est pas facile de trouver les leviers. Et les leviers sont très pratiques. Par exemple, vous parliez de la journée de l'emploi que vous faites à RTL. Il y a aussi Pôle Emploi qui fait 365 jours de journées de l'emploi. Eh bien les contrats d'alternance, ils ne pouvaient pas les prescrire, c'est-à-dire que Pôle Emploi, les Missions locales, quand ils avaient un jeune en face d'eux, ils ne pouvaient pas leur dire : écoutez, j'ai dix offres en alternance parce que celles-là passaient par un autre circuit. Donc, le circuit des jeunes et le circuit de l'alternance étaient deux circuits étanches. Je suis d'accord, c'est bête mais ça relève du mode de financement qu'on a mis depuis des années, voilà. Donc ça, c'est une première chose.
Il y a à peu près 20% des moins de 25 ans qui sont au chômage aujourd'hui en France. Oui. C'est presque 10% de plus que la moyenne européenne. Donc, c'est catastrophique. Il faudrait combien d'années pour qu'on inverse la tendance, qu'on se rapproche de ce qui se fait ailleurs en Europe, d'après vous M. Hirsch ?
Je pense que c'est des choses qu'on doit pouvoir faire entre trois et cinq ans, je pense. Je pense entre trois et cinq ans. Pourquoi ? Parce qu'en plus, on est dans une phase démographique particulière. Je l'avais dit au "Grand Jury" et on a essayé de fonder toute la stratégie là-dessus. C'est-à-dire qu'on a moins d'excuses qu'auparavant. Il y a moins de jeunes qui rentrent sur le marché du travail, il y a plus de seniors qui vont en sortir au cours des prochaines années. Donc, il va y avoir un déficit. La société va avoir besoin de jeunes. Donc, c'est quand même plus commode de les faire rentrer. Donc, c'est pour ça qu'il faut effectivement les aider à aller dans les filières où on recrute. Il faut dédramatiser ce choix-là. J'entendais ce matin, en entendant les différentes émissions, celles et ceux qui disaient : il y a différentes professions, différents secteurs, différentes branches qui ont des besoins de jeunes et quelquefois les jeunes n'ont pas envie d'y passer quarante ans.
Restauration, par exemple...
Voilà.
...ou d'autres choses, oui.
Restauration, je vais y revenir. Donc, il faut qu'ils puissent y aller cinq ans et puis, éventuellement changer d'orientation. Restauration quand même, vous vous rappelez là aussi, c'était à votre antenne. Au moment où on négociait sur la TVA, j'avais dit : il faut qu'il y ait à peu près 40.000 engagements d'embauches. Ils ont été pris, il y a trois semaines.
Les promesses engagent toujours ceux qui les croient, dit-on.
Pas seulement. Pas seulement, justement. Quand elles sont contractualisées, c'est là aussi avec ça qu'on peut rompre.
Au "Grand Jury", vous y faisiez référence tout à l'heure et vous disiez : justement, je vais demander aux chefs d'entreprise d'anticiper les départs à la retraite et d'embaucher des jeunes, même si elles n'en ont pas besoin tout de suite. Vous avez été entendu là-dessus par les chefs d'entreprise, M. Hirsch ?
On commence à être entendus. Alors quand je dis "on commence", je prends le premier de celui qui a été impliqué qui est le président de Véolia. Le président de Véolia, il prend 1.000 jeunes en alternance normalement chaque année. Cette année, au lieu d'en prendre 1.000, ça sera 2.000, deux fois plus. Et puis du coup, il a été nommé par le Président de la République pour convaincre ses camarades, ses collègues, c'est les dirigeants des entreprises. Il a invité les patrons du CAC 40 ou leurs DRH, la semaine dernière ; ils sont venus à 37 sur 40, c'est pas mal. Voilà. Donc je pense qu'au mois de juin, les grandes entreprises donneront l'exemple. Et puis derrière, les petites entreprises elles n'ont pas de difficultés pour y aller.
C'est important, les petites entreprises sont quand même un tissu d'emplois très important. Un potentiel d'emplois.
Oui absolument. Oui, oui...
Vous parliez de Pôle Emploi, justement. Ca ne marche pas pour l'emploi. Entre l'afflux des nouveaux chômeurs, ça ne marche pas très bien, quoi. Les chômeurs attendent longtemps. Il y a beaucoup de problèmes, vous en convenez ?
Il y a beaucoup de problèmes... Oui, oui, mais je faisais le point avant de venir avec vous - je ne voulais pas dire de bêtises - donc, j'ai appelé le directeur général, C. Charpy, pour faire le point avec lui. Ils ont résolu un problème. Il me dit dans l'ordre : nous, nos priorités - je trouve que c'est assez sain - c'est d'abord indemniser avant de commencer l'accompagnement parce que les gens, leurs difficultés c'est de savoir s'il va y avoir un mois avec un trou de revenus. Donc, le retard d'indemnisation a été résorbé. Et puis ensuite l'accompagnement quoi. Mettez-vous à leur place, quoi ! On a une augmentation du chômage sans précédent. C'est assez logique qu'il y ait des tas de difficultés et qu'elles soient un défi très difficile. Voilà.
Vous êtes confiant ? Vous êtes optimiste par nature !
Je ne suis pas optimiste par nature mais je considère que le fait qu'il y a un service - moi, je crois au service public et - qu'il y ait un service public qui soit là pour l'emploi quand il y a des difficultés, on peut l'encourager.
D'accord. Donc, on continuera à parler de l'emploi avec M. Hirsch à partir de 8h30. Deux questions d'actualité très rapides. Les fouilles des cartables à l'époque, le Haut commissaire à la Jeunesse, il est pour ou il est contre ?
Il est contre que ce soit systématique. Je suis contre transformer les écoles en des aéroports. En revanche, quand on estime qu'il y a eu la semaine auparavant, dans un établissement un tournevis de 20 centimètres, on peut, la semaine d'après, fouiller.
A. Duhamel parlait de l'Europe. Vous allez voter pour quelle liste aux Européennes, Martin Hirsch ?
Je vais voter pour l'Europe. Je...
Oui, mais ça, tout le monde vote pour l'Europe, oui.
Non, non, non... Mais écoutez, vous avez du mal à vous y faire mais je revendique une différence, voilà. Je revendique de ne pas dire. Et je revendique de dire qu'il n'est pas né celui qui me donnera des consignes de vote. Voilà.
Ah, non mais ça ce n'est pas la question.
Mais l'autre question, c'était pour qui je vote ? Je ne réponds pas. Je suis sorti une seule fois... Au cours de mes dernières années, il y a une seule fois où je suis sorti de ça, c'était pour dire que je votais "oui" à la réforme de la Constitution européenne parce que je déteste la politique du pire. Donc, je ne voterai jamais pour ceux qui sont pour la politique du pire.
Voilà, des membres du Gouvernement qui ne disent pas pour qui ils votent, c'est nouveau.
Le Haut commissaire ! Mais vous savez que c'est nouveau. Je suis obligé depuis deux ans... Depuis deux ans, vous me demandez ce que c'est qu'un Haut commissaire ? C'est ça, par exemple.
On vous retrouve à 8h30.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 mai 2009