Texte intégral
J'étais très honoré de m'exprimer devant les ambassadeurs polonais à la demande du ministre des Affaires étrangères. C'était très gentil de la part de Radek de m'inviter. C'est avec beaucoup d'amitié que je suis venu en Pologne, nous avons longuement parlé hier et ce matin avec les ambassadeurs. Vous savez, vous n'avez pas besoin de conseils, vous êtes un grand pays, un des plus grands d'Europe. Mais nous avons des préoccupations communes, notamment dans le cadre européen, dans des domaines précis que nous avons évoqués ce matin avec les ambassadeurs, en particulier la réponse à la crise économique et la lutte contre le changement climatique. Radek a eu raison de l'évoquer, il y a également la question de la politique européenne de sécurité et de défense.
Une seule petite considération : l'Europe n'est pas une marche à petits pas pour mettre tout le monde d'accord, ce n'est pas vrai. L'Europe, il a fallu de l'audace et de la détermination pour la construire et il faut continuer dans ce sens. Il faut proposer des buts exaltants pour notre jeunesse, et non pas une organisation bureaucratique. Il faut proposer des solutions en matière de réponse à la crise économique et en matière de lutte contre le changement climatique. Et puis évidemment, il faut aussi affirmer nos valeurs qui sont celles de nos convictions et des droits de l'Homme.
L'Europe avance quand on lui propose des grands projets. Je suis sûr que nos amis polonais en proposeront de suffisamment grands. Ce sont des romantiques les Polonais ! Et des réalistes ! Entre le romantisme et le réalisme il faut trouver une voie. C'est difficile, mais nous serons là à leurs côtés, en 2011. En attendant il faut participer à un certain nombre de règlements, notamment au Moyen-Orient, et notamment s'agissant de la création d'un Etat palestinien.
Q - Est-ce que les autorités françaises sont toujours en contact avec les ravisseurs de deux Français en Somalie, est-ce que les autorités françaises sont prêtes à quelque concession que ce soit ? Quels sont les espoirs actuellement étant entendu que les autorités somaliennes sont assez pessimistes ?
Deuxième question, le partenariat oriental - comme l'on appelle la politique de l'Union européenne envers ses voisins de l'Est, les anciens pays de l'ex-URSS - dans quelle mesure est-ce concurrentiel par rapport à l'initiative du partenariat méditerranéen si chère à la France ?
R - Le partenariat oriental est une belle idée que la France soutient et que d'ailleurs les Vingt-sept pays de l'Union soutiennent. Est-ce concurrentiel avec l'Union pour la Méditerranée ? Non, c'est complémentaire. Est-ce concurrentiel en termes de budget ? Non.
Avec la présidence égyptienne, nous redémarrons l'Union pour la Méditerranée ; il y a eu une conférence à Paris sur le développement durable qui a été réussie, même s'il est évident que le conflit de Gaza a eu un impact sur la dynamique politique du processus. Ce qui avance très bien sur le plan technique, c'est par exemple le plan solaire : il y a beaucoup de projets qui sont même financés, dans lesquels les industriels s'investissent, mais c'est vrai que politiquement c'est très lent.
On ne peut pas parler de l'Europe à vingt-sept et des limites de l'Europe sans concevoir en même temps des partenariats baltique, méditerranéen et oriental bien sûr. Notre Europe est un exemple, l'Union européenne est un modèle, nous parlons avec les autres et nous essayons, surtout lorsqu'il s'agit de nos voisins, d'avancer.
Quant à la première question, permettez-moi de rester discret, ces deux envoyés qui ont été kidnappés à Mogadiscio représentaient, vous le savez, un engagement de la France à la formation d'un certain nombre de militaires somaliens. Cette formation a déjà commencé. J'aimerais que les autres pays s'engagent à nos côtés pour que la formation soit complète. Les bruits les plus divers circulent, auxquels il ne faut pas attacher beaucoup d'importance. Il y a des bruits terriblement contradictoires et dans cette situation nous faisons tout ce que nous pouvons pour essayer de sortir d'affaire ces deux hommes.
Q - La première question s'adresse aux deux ministres. Il y a un an, la France a proposé à la Pologne un partenariat stratégique. A votre avis, a-t-on atteint l'objectif ou alors prévoyez-vous quelque chose pour lui donner encore du contenu ?
Monsieur le Ministre français des Affaires étrangères, quelle est votre opinion sur la lettre ouverte d'anciens dirigeants des pays d'Europe centrale et orientale à l'Administration Obama ? A votre avis a-t-on besoin de réflexion de ce type, l'Europe Centrale a-t-elle besoin d'une plus forte demande d'attention américaine ?
R - C'est l'affaire de l'Europe centrale. Je crois que lorsque le président Obama est venu à Prague, il s'adressait à l'Europe centrale, son discours était superbe. Je pense qu'il faut toujours attirer l'attention sur cette partie de l'Europe - mais aussi sur bien d'autres parties - je sais que certains ont employé des langages beaucoup plus vifs et c'est une erreur.
Les nouveaux pays, les nouveaux adhérents de l'Europe, sont maintenant des participants à part entière. Chaque pays a une voix, chaque pays la vaut. Alors, évidemment, ici, en Pologne, nous sommes dans un grand pays, un des grands de l'Europe, mais même les petits sont considérés comme des partenaires légitimes, uniques et en même temps membres de l'Union. C'est toute l'aventure européenne, c'est cela l'exaltation européenne. Alors maintenant, est-ce qu'il y a autant d'exaltation ? Un peu moins, mais il faut redonner du contenu à ce mouvement, ce qui n'est pas facile. Vous comprenez quand ils sont à l'extérieur, tous les pays veulent adhérer à l'Union européenne, pour eux c'est l'avenir, le futur, la gloire et la solution de tous les problèmes, ce n'est pas vrai. Néanmoins, pour eux, c'est une formidable attraction, une formidable aventure. Et nous, une fois que nous sommes à l'intérieur, on devient un peu blasé.
Quant à la première question, nous sommes dans un partenariat stratégique, nos amis polonais sont des amis stratégiques et des amis tout simplement. L'ennui du concept de partenariat stratégique, c'est que l'on retient stratégie mais pas partenariat, moi je retiens "amis stratégiques". Je sais aussi que les Polonais ont participé à beaucoup d'interventions et continuent de le faire, en particulier en Afghanistan. Nous partageons les mêmes difficultés nous partageons les mêmes espérances.
Je ne pourrais pas terminer sans dire un mot de la mort de M. Kolakowski, parce que c'était un homme qui me touchait beaucoup, c'était un grand philosophe. Je me souviens de ce qu'il a représenté pour les intellectuels polonais, pour les intellectuels français aussi, et pour la pensée simplement honnête, pour la pensée de la liberté, je ne voulais pas vous quitter sans lui consacrer une pensée.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juillet 2009