Texte intégral
R. Elkrief Hier soir, avez-vous regardé F. Mitterrand ou Loft Story ?
- "On a le droit de ne pas passer ses soirées devant la télévision. J'ai lu une belle histoire à ma fille avant de la coucher et j'ai bouquiné aussi."
On se demande quand même, si on enfermait tous les leaders de la gauche plurielle dans un loft, ce qui se passerait ?
- "Cela ne se passerait pas si mal mais ce serait peut-être moins passionnant pour le téléspectateur. On passerait moins de temps à manger des yaourts et à échanger des blagues."
Vous regardez alors ?
- "Je suppose que c'est ça parce que la vie quotidienne ressemble beaucoup à ça. On aurait quelques débats passionnants sur la fiscalité écologique et sur les leçons qu'il y a à tirer de quatre ans de présence au Gouvernement."
Justement, on va en parler. Sur l'environnement, J. Chirac vient de faire un grand discours, un discours qu'il estime un peu fondateur. Cela veut-il dire qu'il vous a pillée ou bien que ce thème de l'environnement -votre thème - était finalement à prendre malgré les apparences ?
- "Il y a ceux qui s'en plaignent et qui considèrent effectivement que J. Chirac est un récupérateur, un rabatteur, un pilleur."
Ce n'est pas votre cas ?
- "Je considère qu'il a bien raison. Ce thème est un thème qui préoccupe et intéresse les Français. C'est à nous chez les Verts, c'est à nous à gauche de garder une longueur d'avance. Il est décidément très important de ne pas laisser à une droite dont les actes sont en complète contradiction sur le terrain avec le discours du chef de l'Etat le thème de l'environnement et de l'écologie. J. Chirac est un homme qui a du métier et qui a des heures de vol. Il est comparable pour ce sujet, me semble-t-il, à ces rabatteurs de tendances, à ces renifleurs de tendances qu'embauchent les grands couturiers pour identifier les tendances, les textures, les couleurs, les odeurs qui nous plairont la saison prochaine. Il a raison : l'environnement c'est important."
C'est bien de vous en féliciter mais en même temps, on a l'impression que s'il s'engouffre dans cet espace, c'est qu'il est peut-être un peu disponible. Je voudrais vous citer une phrase de N. Mamère. Il a dit récemment : " Nous avons été absent sur les inondations, nous avons une faiblesse subite sur des sujets au moment-même où la société est convaincue de leur importance." Cela veut dire que vous avez laissez le créneau, non ?
- "N. Mamère faisait peut-être un peu de mea culpa personnel pour ce qui concerne les inondations. Pour ce qui me concerne, je me sens tout à fait à l'aise. Je suis allée à la rencontre des inondés en Bretagne, j'ai fait mon travail sur les inondations de la Somme notamment pour identifier les facteurs qui permettaient d'éviter la reproduction de ce genre de phénomènes. Il n'y a pas d'inondations qui se ressemblent : les crues torrentielles qui se sont produites dans l'Aude il y a deux ans, les inondations qu'on a constaté ne Bretagne, les inondations en Normandie et celles de Picardie...."
C'est donc une critique.
- "On n'est pas forcé de critiquer ses camarades quant on contribue au débat. Ce n'est pas forcément une critique, on n'est pas forcément en train de s'affronter en chiens de faïence mais on est en train d'apporter des éléments à la discussion. Pour ce qui concerne J. Chirac, le discours qu'il a prononcé hier constitue une sorte de catalogue de ce que fait le Gouvernement depuis quatre ans. Appeler à la création d'une organisation mondiale de l'environnement - alors que cela constituait une des priorités de la présidence française en matière d'environnement et qu'il doit le savoir puisqu'en tant que chef de l'Etat, il a été amené à défendre cette idée au nom de la France lors du Sommet de Nice - n'est pas très nouveau. Appeler à la mise en place d'une fiscalité écologique qui ne se traduirait pas par des augmentations d'impôts, cela tombe bien ! C'est la philosophie du Gouvernement qui, en proposant la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes, avait proposé aussi des baisses ciblées d'impôts sur des comportements intéressants, vertueux en matière d'environnement. Je pense par exemple à la baisse de la TVA sur la collecte sélective des déchets pour encourager les collectivités à développer le tri mais aussi aux baisses d'impôts très importantes. La suppression de la surtaxe Juppé sur l'impôt sur les sociétés relève de cette logique-là."
Tout de même, ce n'est pas le grand bonheur entre vous et L. Jospin ou entre vous et L. Fabius en l'occurrence sur cette écotaxe. Est-ce que vous allez arriver à un compromis ? Lorsque J. Chirac dit : "il faut justement une fiscalité écologique mais sans nouvel impôt", on n'a pas l'impression malgré tout que c'est ce que vous voulez plaider ?
- "C'est ce que nous faisons depuis quatre ans. La mise en place de la TGAP ne s'est pas traduite par des augmentations d'impôts mais par des baisses d'impôts. Ainsi par exemple, le coût de traitement à la tonne des déchets ménagers a baissé, depuis quatre ans, de près de 200 francs par tonne - c'est une étude qui a été faite par l'association des maires de France qui le démontre - tout simplement parce que nous avons mis en place une taxation qui dissuadait les comportements polluants et des baisses de prélèvements et de taxes qui permettaient d'encourager les plus vertueux. Je crois que L. Fabius n'a peut-être pas suffisamment regardé le travail qui avait été accompli et débroussaillé à l'époque par les équipes de D. Strauss-Kahn et les miennes. Nous n'avons pas du tout l'intention d'alourdir la charge qui pèse sur les entreprise mais de donner les bons signaux, de taper sur les doigts de ceux qui ne se comportent pas bien et de baisser les prélèvements qui concernent des entreprises vertueuses du point de vue de l'environnement. Cela me parait tout à fait normal."
Concrètement, comment cela va-t-il se terminer ? Il dit, lui, que c'est un clapotis dans un verre d'eau.
- "Si les engagements volontaires des entreprises suffisaient, cela se saurait. Cela fait des années qu'on essaye de se comporter en pariant sur la bonne volonté des entreprises qui auraient suffisamment d'amour pour la planète et pour les ressources naturelles pour baisser leurs émissions polluantes. La réalité est un peu plus complexe : dans la quasi totalité des pays européens, on a mis en place des engagements volontaires pour faire une partie du chemin et une taxation qui pénalise ceux des entrepreneurs qui n'adoptent pas les bons gestes pour l'environnement."
Qu'allez-vous demander à L. Jospin lorsque vous allez le voir tout à l'heure ?
- "Je vais demander à L. Jospin de trancher rapidement car c'est un débat qui n'a que trop duré, qui empoisonne les relations au sein de la majorité plurielle. Moi, je n'ai pas vocation à travailler, à débroussailler pour que mon travail soit systématiquement rejeté d'un revers de main au moment de satisfaire les appétits de telle ou telle composante de la majorité plurielle. J'entends être respectée pour ma contribution à cette majorité."
J'ai l'impression que comme vous partez bientôt - vous l'avez annoncé clairement - c'est un peu un baroud d'honneur. Avant de partir, on crie très fort pour bien se faire entendre ?
- "Cela fait quatre ans que je travaille dans un climat de grande loyauté à l'égard de la majorité. Mais je ne pense pas que la majorité plurielle soit simplement une juxtaposition de forces qui espéreraient tirer des bénéfices égoïstes de la participation à ce Gouvernement. Je crois qu'on est dans un combat qui suscite, qui suppose et qui exige même la contribution de chacune des forces. Moi, je veux convaincre L. Jospin que les Verts ne constituent pas un problème pour lui mais un des éléments de la solution. Il doit convaincre les Français qu'il est capable d'entendre les nouvelles aspirations qui se font jour dans la société. Il y en a sur le terrain social, il y a sur le terrain de la démocratie et il y en a aussi sur le terrain de la prise en compte de l'environnement."
La primaire va commencer pour la candidature à la présidentielle des Verts. N. Mamère a l'air d'être un peu favori, ce n'est pas vraiment votre candidat. Comment allez-vous vous comporter ? Vous allez le soutenir s'il est choisi ? Il a reçu, ce matin, le soutien de D. Cohn-Bendit.
- "J'ai déployé beaucoup d'efforts pour montrer que je soutiendrai, quoi qu'il arrive, le candidat qui serait choisi par mon parti. Je trouve très bien que ce parti ait su organiser des primaires entre les impétrants à la candidature pour les présidentielles. Je crois qu'il y a plusieurs bons candidats. Des candidats de témoignage, des candidats qui ont la volonté de porter la parole des Verts dans cette élection qui n'est pas forcément très facile pour nous. N. Mamère et A. Lipietz sont tous deux des écologistes convaincus. Noël est plus doué peut-être pour la petite phrase qui fait mouche et qui interpelle ; Alain est plus pédagogue et il fait peut-être plus réfléchir en profondeur. Les militants verts choisiront. Je n'ai soutenu aucun de ces deux candidats et je serai totalement loyale avec celui qui sera choisi par les militants."
Quelle est la date de votre départ ?
- "Elle sera décidée en commun accord avec L. Jospin et elle devrait me permettre de conduire les discussions budgétaires. Pour la cinquième année consécutive le budget de l'environnement est prioritaire. C'est un point dont je ne suis pas mécontente."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 mai 2001)
- "On a le droit de ne pas passer ses soirées devant la télévision. J'ai lu une belle histoire à ma fille avant de la coucher et j'ai bouquiné aussi."
On se demande quand même, si on enfermait tous les leaders de la gauche plurielle dans un loft, ce qui se passerait ?
- "Cela ne se passerait pas si mal mais ce serait peut-être moins passionnant pour le téléspectateur. On passerait moins de temps à manger des yaourts et à échanger des blagues."
Vous regardez alors ?
- "Je suppose que c'est ça parce que la vie quotidienne ressemble beaucoup à ça. On aurait quelques débats passionnants sur la fiscalité écologique et sur les leçons qu'il y a à tirer de quatre ans de présence au Gouvernement."
Justement, on va en parler. Sur l'environnement, J. Chirac vient de faire un grand discours, un discours qu'il estime un peu fondateur. Cela veut-il dire qu'il vous a pillée ou bien que ce thème de l'environnement -votre thème - était finalement à prendre malgré les apparences ?
- "Il y a ceux qui s'en plaignent et qui considèrent effectivement que J. Chirac est un récupérateur, un rabatteur, un pilleur."
Ce n'est pas votre cas ?
- "Je considère qu'il a bien raison. Ce thème est un thème qui préoccupe et intéresse les Français. C'est à nous chez les Verts, c'est à nous à gauche de garder une longueur d'avance. Il est décidément très important de ne pas laisser à une droite dont les actes sont en complète contradiction sur le terrain avec le discours du chef de l'Etat le thème de l'environnement et de l'écologie. J. Chirac est un homme qui a du métier et qui a des heures de vol. Il est comparable pour ce sujet, me semble-t-il, à ces rabatteurs de tendances, à ces renifleurs de tendances qu'embauchent les grands couturiers pour identifier les tendances, les textures, les couleurs, les odeurs qui nous plairont la saison prochaine. Il a raison : l'environnement c'est important."
C'est bien de vous en féliciter mais en même temps, on a l'impression que s'il s'engouffre dans cet espace, c'est qu'il est peut-être un peu disponible. Je voudrais vous citer une phrase de N. Mamère. Il a dit récemment : " Nous avons été absent sur les inondations, nous avons une faiblesse subite sur des sujets au moment-même où la société est convaincue de leur importance." Cela veut dire que vous avez laissez le créneau, non ?
- "N. Mamère faisait peut-être un peu de mea culpa personnel pour ce qui concerne les inondations. Pour ce qui me concerne, je me sens tout à fait à l'aise. Je suis allée à la rencontre des inondés en Bretagne, j'ai fait mon travail sur les inondations de la Somme notamment pour identifier les facteurs qui permettaient d'éviter la reproduction de ce genre de phénomènes. Il n'y a pas d'inondations qui se ressemblent : les crues torrentielles qui se sont produites dans l'Aude il y a deux ans, les inondations qu'on a constaté ne Bretagne, les inondations en Normandie et celles de Picardie...."
C'est donc une critique.
- "On n'est pas forcé de critiquer ses camarades quant on contribue au débat. Ce n'est pas forcément une critique, on n'est pas forcément en train de s'affronter en chiens de faïence mais on est en train d'apporter des éléments à la discussion. Pour ce qui concerne J. Chirac, le discours qu'il a prononcé hier constitue une sorte de catalogue de ce que fait le Gouvernement depuis quatre ans. Appeler à la création d'une organisation mondiale de l'environnement - alors que cela constituait une des priorités de la présidence française en matière d'environnement et qu'il doit le savoir puisqu'en tant que chef de l'Etat, il a été amené à défendre cette idée au nom de la France lors du Sommet de Nice - n'est pas très nouveau. Appeler à la mise en place d'une fiscalité écologique qui ne se traduirait pas par des augmentations d'impôts, cela tombe bien ! C'est la philosophie du Gouvernement qui, en proposant la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes, avait proposé aussi des baisses ciblées d'impôts sur des comportements intéressants, vertueux en matière d'environnement. Je pense par exemple à la baisse de la TVA sur la collecte sélective des déchets pour encourager les collectivités à développer le tri mais aussi aux baisses d'impôts très importantes. La suppression de la surtaxe Juppé sur l'impôt sur les sociétés relève de cette logique-là."
Tout de même, ce n'est pas le grand bonheur entre vous et L. Jospin ou entre vous et L. Fabius en l'occurrence sur cette écotaxe. Est-ce que vous allez arriver à un compromis ? Lorsque J. Chirac dit : "il faut justement une fiscalité écologique mais sans nouvel impôt", on n'a pas l'impression malgré tout que c'est ce que vous voulez plaider ?
- "C'est ce que nous faisons depuis quatre ans. La mise en place de la TGAP ne s'est pas traduite par des augmentations d'impôts mais par des baisses d'impôts. Ainsi par exemple, le coût de traitement à la tonne des déchets ménagers a baissé, depuis quatre ans, de près de 200 francs par tonne - c'est une étude qui a été faite par l'association des maires de France qui le démontre - tout simplement parce que nous avons mis en place une taxation qui dissuadait les comportements polluants et des baisses de prélèvements et de taxes qui permettaient d'encourager les plus vertueux. Je crois que L. Fabius n'a peut-être pas suffisamment regardé le travail qui avait été accompli et débroussaillé à l'époque par les équipes de D. Strauss-Kahn et les miennes. Nous n'avons pas du tout l'intention d'alourdir la charge qui pèse sur les entreprise mais de donner les bons signaux, de taper sur les doigts de ceux qui ne se comportent pas bien et de baisser les prélèvements qui concernent des entreprises vertueuses du point de vue de l'environnement. Cela me parait tout à fait normal."
Concrètement, comment cela va-t-il se terminer ? Il dit, lui, que c'est un clapotis dans un verre d'eau.
- "Si les engagements volontaires des entreprises suffisaient, cela se saurait. Cela fait des années qu'on essaye de se comporter en pariant sur la bonne volonté des entreprises qui auraient suffisamment d'amour pour la planète et pour les ressources naturelles pour baisser leurs émissions polluantes. La réalité est un peu plus complexe : dans la quasi totalité des pays européens, on a mis en place des engagements volontaires pour faire une partie du chemin et une taxation qui pénalise ceux des entrepreneurs qui n'adoptent pas les bons gestes pour l'environnement."
Qu'allez-vous demander à L. Jospin lorsque vous allez le voir tout à l'heure ?
- "Je vais demander à L. Jospin de trancher rapidement car c'est un débat qui n'a que trop duré, qui empoisonne les relations au sein de la majorité plurielle. Moi, je n'ai pas vocation à travailler, à débroussailler pour que mon travail soit systématiquement rejeté d'un revers de main au moment de satisfaire les appétits de telle ou telle composante de la majorité plurielle. J'entends être respectée pour ma contribution à cette majorité."
J'ai l'impression que comme vous partez bientôt - vous l'avez annoncé clairement - c'est un peu un baroud d'honneur. Avant de partir, on crie très fort pour bien se faire entendre ?
- "Cela fait quatre ans que je travaille dans un climat de grande loyauté à l'égard de la majorité. Mais je ne pense pas que la majorité plurielle soit simplement une juxtaposition de forces qui espéreraient tirer des bénéfices égoïstes de la participation à ce Gouvernement. Je crois qu'on est dans un combat qui suscite, qui suppose et qui exige même la contribution de chacune des forces. Moi, je veux convaincre L. Jospin que les Verts ne constituent pas un problème pour lui mais un des éléments de la solution. Il doit convaincre les Français qu'il est capable d'entendre les nouvelles aspirations qui se font jour dans la société. Il y en a sur le terrain social, il y a sur le terrain de la démocratie et il y en a aussi sur le terrain de la prise en compte de l'environnement."
La primaire va commencer pour la candidature à la présidentielle des Verts. N. Mamère a l'air d'être un peu favori, ce n'est pas vraiment votre candidat. Comment allez-vous vous comporter ? Vous allez le soutenir s'il est choisi ? Il a reçu, ce matin, le soutien de D. Cohn-Bendit.
- "J'ai déployé beaucoup d'efforts pour montrer que je soutiendrai, quoi qu'il arrive, le candidat qui serait choisi par mon parti. Je trouve très bien que ce parti ait su organiser des primaires entre les impétrants à la candidature pour les présidentielles. Je crois qu'il y a plusieurs bons candidats. Des candidats de témoignage, des candidats qui ont la volonté de porter la parole des Verts dans cette élection qui n'est pas forcément très facile pour nous. N. Mamère et A. Lipietz sont tous deux des écologistes convaincus. Noël est plus doué peut-être pour la petite phrase qui fait mouche et qui interpelle ; Alain est plus pédagogue et il fait peut-être plus réfléchir en profondeur. Les militants verts choisiront. Je n'ai soutenu aucun de ces deux candidats et je serai totalement loyale avec celui qui sera choisi par les militants."
Quelle est la date de votre départ ?
- "Elle sera décidée en commun accord avec L. Jospin et elle devrait me permettre de conduire les discussions budgétaires. Pour la cinquième année consécutive le budget de l'environnement est prioritaire. C'est un point dont je ne suis pas mécontente."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 mai 2001)