Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la politique étrangère, notamment l'engagement européen du gouvernement, la démocratie et les droits de l'homme, et les "défis globaux" de la communauté internationale, Paris le 29 août 1997.

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Circonstance : 5ème Conférence des ambassadeurs à Paris du 27 au 30 août 1997

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame et Messieurs les Sénateurs représentant les Français de l'étranger,
C'est avec un réel plaisir que j'interviens aujourd'hui devant vous, à l'occasion de la 5ème Conférence des Ambassadeurs.
Vous le savez, j'ai commencé ma carrière professionnelle dans cette Maison, au "Département" comme l'on dit. J'en ai gardé un souvenir chaleureux et je m'y suis fait de nombreux amis.
La vie publique m'a permis d'établir des contacts avec plusieurs d'entre vous et je suis heureux de les apercevoir ici. Mais en tant que responsables à l'administration centrale ou représentants de la France à l'étranger, vous êtes à mes yeux tous importants.
D'autres membres du gouvernement que moi-même participent à vos travaux. Je m'en réjouis : cela atteste de l'importance qu'a su prendre ce rendez-vous annuel, moment fort de la vie diplomatique de notre pays.
C'est l'occasion pour moi, m'adressant à vous après le président de la République, de vous faire part, au-delà des premières orientations tracées lors du discours de politique générale que j'ai prononcé devant le Parlement, de quelques réflexions et observations sur la place et le rôle de notre pays dans le monde d'aujourd'hui.
Le ministre des Affaires étrangères et, sous son autorité, le ministre des Affaires européennes et le secrétaire d'Etat à la Coopération ont commencé à définir des priorités pour l'action, et à les mettre en oeuvre. Je salue le travail amorcé avec vous par Hubert Védrine, Pierre Moscovici et Charles Josselin.
Je souhaiterais d'abord vous présenter les grandes lignes du programme de travail que j'ai assigné au gouvernement et l'esprit qui préside à notre action.
Les Français ont besoin de retrouver confiance en eux-mêmes. La confiance est le socle d'une Nation : sans elle la cohésion nationale se délite ; elle est le moteur d'une économie : sans elle la croissance est paralysée ; vous-mêmes savez à quel point elle peut contribuer à la bonne image de notre pays dans le monde. Précieuse, indispensable, la confiance est aussi fragile. Elle nous a fait cruellement défaut au cours des années passées. Il s'agit bien, désormais, de rompre la spirale délétère qui nourrit chez nos concitoyens la crainte de l'avenir. Tel est le sens du pacte républicain que j'ai exposé devant la Représentation nationale le 19 juin dernier.
La confiance que nos concitoyens portent aux institutions de la France est naturellement à la mesure de l'efficacité et de l'impartialité de ces dernières. Lorsque je parle des institutions de la République, je pense bien entendu à celles de l'Etat, mais aussi à d'autres, essentielles dans notre pays, comme l'Ecole, creuset de la citoyenneté.
C'est pourquoi le gouvernement, dans un contexte budgétaire difficile, a réalisé un effort important en sa faveur : réouvertures de classes dans les zones rurales fragiles ou dans les quartiers urbains en difficulté, embauches de jeunes bientôt pour seconder les enseignants et lutter contre les inégalités dans l'accès au savoir.
Les Français doivent également retrouver confiance en leur vie politique et en leurs représentants. Le respect de la parole donnée, l'intégrité des dirigeants et la disponibilité à l'égard des citoyens doivent être les guides de l'action politique. Les membres de mon gouvernement ont donné l'exemple en renonçant à leurs mandats de maire ou de président de Conseil général. Nous continuerons dans ce sens en limitant le cumul des mandats, en oeuvrant pour la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique, engageant ainsi la rénovation de notre démocratie.
Le rétablissement d'une pleine confiance en la justice est également indispensable. La réforme que prépare le Garde des Sceaux permettra de garantir l'indépendance effective de tous les magistrats. Les moyens de la justice bénéficieront d'une priorité budgétaire.
Sur le plan économique, il nous faut à la fois restaurer les conditions de la croissance et veiller aux grands équilibres, nécessaires à l'indépendance nationale et à la prospérité des générations futures. Il faut pour cela redresser le budget de l'Etat et rééquilibrer les comptes de la protection sociale. Nous avons déjà réalisé un effort important à la suite de l'évaluation des finances publiques effectuée le mois dernier et qui a révélé une situation sur ce point dégradée. Le déficit budgétaire de 1997 sera ainsi contenu dans des limites qui nous permettent d'envisager avec confiance le passage à l'euro. Le budget 1998 permettra de limiter le déficit public à 3 % du produit intérieur brut.
Dans le même temps, il nous faut encourager le mouvement de croissance qui se profile de plus en plus nettement à l'horizon.
Cette croissance, mécaniquement, nous aidera dans notre lutte contre le chômage. Mais il revient au gouvernement de la rendre plus riche en emplois. La conférence nationale sur l'emploi, les salaires et la réduction du temps de travail qui s'ouvrira à l'automne conduira à rééquilibrer progressivement le partage de la richesse nationale au bénéfice des salariés et à engager le mouvement de réduction du temps de travail. D'ores et déjà, la hausse du SMIC et le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire ont donné aux Français une part de pouvoir d'achat supplémentaire.
Naturellement, la consommation n'est pas le seul moteur de la croissance. La compétitivité de notre appareil productif est un élément central. Je pense en particulier aux PME, qui représentent un gisement d'emplois important. Nous veillerons à ce que leurs capacités d'investissement soient accrues, notamment dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Mais le retour à la croissance ne résoudra pas, à lui seul, le problème du chômage. Dans une économie de marché, l'Etat doit indiquer le chemin à suivre et se préoccuper des besoins que le marché ne peut aujourd'hui satisfaire. C'est pourquoi nous avons lancé un ambitieux plan pour l'emploi des jeunes, prévoyant l'embauche progressive - dans des activités nouvelles - de 350 000 jeunes, qui se verront proposer de vrais métiers avec de vrais contrats de travail.
Tels sont quelques éléments de l'action du gouvernement, laquelle est inspirée par trois principes.
Le premier est l'efficacité, en tout cas la recherche de l'efficacité. Efficacité de l'Etat dans ses missions, efficacité de notre système de protection sociale, efficacité de nos services publics. Efficacité, également, de nos entreprises, servies par des infrastructures publiques de qualité, portées par des salariés bien formés.
Pour ce qui le concerne, mon gouvernement est l'un des plus ramassés de toute la Vème République et son architecture répond aux grands blocs de compétence d'un Etat moderne, immergé dans l'économie mondiale mais voulant garder sa cohérence.
Le deuxième de ces principes est la justice sociale. La croissance et la prospérité n'ont de sens que si elles bénéficient à tous. Il y va de la cohésion de notre Nation. Sans justice, aucune des réformes dont notre pays a besoin ne sera possible.
Le dernier principe, celui qui doit à chaque instant guider notre action, est le respect du citoyen, dont j'entends qu'il prenne une part croissante dans la vie publique.
A la charnière de la politique intérieure et de la politique extérieure se situe notre défense, dont je voudrais dire quelques mots.
La réforme de notre outil de défense sera poursuivie et la professionnalisation des armées, décidée par le président de la République en 1996, sera menée à son terme dans les délais prévus et avec les moyens nécessaires.
Dans l'indispensable réduction du déficit budgétaire, le ministère de la Défense participera à l'effort collectif, sans pour autant que soient remis en cause les choix stratégiques de la loi de programmation militaire ni compromises les capacités d'action de la France dans le monde.
Concernant le service national, le projet du gouvernement s'ordonne autour de la nécessité de maintenir le lien armées-Nation. Il prévoit que les jeunes Françaises et Français se verront exposer, dans le cadre de leur scolarité, les enjeux de la défense. Les jeunes seront recensés à l'âge de seize ans et participeront à une "journée d'appel de préparation à la défense".
Ceux qui le souhaitent pourront suivre une préparation militaire ou effectuer un volontariat de défense ou encore souscrire un engagement dans la réserve, sous certaines conditions.
Par ailleurs, le gouvernement entend préserver la capacité d'action des associations et des entreprises dans le domaine de la coopération internationale et de l'action humanitaire. Une loi sera déposée en ce sens au parlement.
S'agissant des industries de défense, le gouvernement, désireux de faire face à la très forte concurrence américaine, entend faire un choix résolument européen et souhaite la mise en place progressive d'un marché intérieur à l'échelle de l'Union dans ce domaine. Pour faciliter le développement d'une coopération européenne, la France doit, comme l'ont fait ses partenaires britanniques et allemands, rationaliser son industrie en vue de doter l'Europe d'une base industrielle et technologique puissante et performante. Le gouvernement s'apprête à prendre à cet égard des décisions importantes, notamment dans les domaines de l'aéronautique et de l'électronique.
Je dirai un mot enfin de nos exportations d'armements, qui, au-delà de leur dimension économique évidente et de leur contribution importante à l'emploi, possèdent une forte dimension politique.
La France, comme vous le savez, a en la matière un régime unique de contrôle et privilégie la transparence. Je ne vois donc que des avantages à m'associer aux propositions de mon ami le premier Ministre britannique visant à moraliser le commerce des armes. Le gouvernement examinera avec intérêt la possibilité d'adopter, à l'échelle européenne comme au niveau des Nations unies, un "code de bonne conduite" interdisant la vente d'armement à des fins de répression interne ou d'agression externe.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
La politique du gouvernement se caractérise par un engagement européen résolu, qui exprime un attachement profond à l'idéal des fondateurs de l'Europe, mais qui correspond aussi aujourd'hui à la nécessité politique. Le ministre délégué aux Affaires européennes a eu l'occasion de vous en parler.
Un des enjeux principaux est bien sûr la réalisation de l'Union économique et monétaire et la promotion d'une Europe plus créatrice d'emplois.
Le gouvernement français sera au rendez-vous de la monnaie unique, le 1er janvier 1999, dans le respect du Traité. Comme le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, je suis convaincu que faire l'euro permettra à l'Europe de retrouver sa souveraineté monétaire, d'améliorer l'efficacité des politiques économiques, y compris dans le domaine de l'emploi, et de rééquilibrer les rapports de forces entre les grands blocs de puissance. Telle est en tout cas ma conception de l'UEM.
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire que la monnaie unique réunisse le plus grand nombre d'Etats européens possible. Il est également essentiel de renforcer significativement le pôle de coordination économique de l'Union économique et monétaire, sans pour autant mettre en cause l'indépendance de la Banque centrale européenne. A cette fin, j'ai demandé au Conseil d'analyse économique, créé récemment auprès de moi, d'approfondir la réflexion sur cette question de la coordination des politiques économiques au niveau européen.
Le gouvernement français a contribué, vous le savez, à amorcer une évolution au Conseil européen d'Amsterdam, quelques jours seulement après sa formation, à travers la résolution sur la croissance et l'emploi.
La lutte contre le chômage est une question posée à l'Europe tout entière et l'une des conditions pour réconcilier les citoyens avec l'idée européenne. Cet accent mis sur la croissance et l'emploi a conduit les Quinze à décider, sur notre proposition, la tenue d'un Conseil européen extraordinaire consacré à l'emploi. C'est une décision sans précédent. Nous préparons très activement cette échéance importante en relation étroite avec la présidence luxembourgeoise.
Le deuxième défi réside dans la perspective d'élargissement de l'Union européenne à de nouveaux Etats européens.
Pour que cet élargissement produise des effets bénéfiques, il faut en définir soigneusement les conditions. L'élargissement ne doit pas détruire les équilibres internes de l'Union, en un mot il ne doit pas l'affaiblir. Il ne serait pas d'ailleurs de l'intérêt des pays candidats de rejoindre une Europe qui ne serait plus capable de leur apporter le soutien et la protection attendus, et qui serait devenue impuissante et ingouvernable.
Cela implique qu'une réforme institutionnelle satisfaisante intervienne avant l'adhésion des nouveaux Etats. Cela signifie aussi que les politiques communes, en particulier la politique agricole, soient préservées, tout en maîtrisant l'évolution du budget communautaire. Lors du Conseil européen prévu en décembre à Luxembourg, les Quinze prendront des décisions sur le processus même de négociation de l'élargissement. Le gouvernement sera particulièrement attentif à ce que cet élargissement n'ait pas pour conséquence de compromettre ce qui reste l'essentiel : l'affirmation d'une Union véritablement politique.
Je me suis personnellement entretenu de tout cela avec le Premier ministre britannique, la semaine dernière, et avec le chancelier allemand, pas plus tard qu'hier. Je suis raisonnablement optimiste sur les chances d'obtenir une inflexion du processus européen conforme à l'intérêt de l'Union.
L'Europe que nous voulons est aussi une Europe de paix et de sécurité qui possède une identité propre.
Dotée d'une Politique étrangère et de sécurité commune, personnalisée par un "Monsieur PESC", et d'un pilier de défense, qui pourrait être obtenu grâce au resserrement des relations entre l'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale, l'Europe pourra commencer à peser sur la scène internationale. Identifiée et active au sein d'une Alliance atlantique rénovée, qui fasse droit à un partage équilibré des responsabilités entre Européens et Américains, et ouverte sur l'ensemble du continent par sa contribution à la consolidation de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, elle sera en mesure de prendre toute sa part à la reconstruction en cours de la sécurité du continent pour le XXIème siècle.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Passés les enthousiasmes ayant suivi la chute du mur de Berlin et l'effondrement du communisme, il faut malheureusement constater que le monde demeure instable et injuste. Des tensions graves subsistent ou renaissent, en Afrique, en Asie centrale, au Proche-Orient, où le processus de paix est gravement remis en cause.
Dans le même temps, l'extrême pauvreté se répand, au Nord comme au Sud, bien qu'il faille saluer l'émergence, ici ou là, d'économies plus solides dans le tiers-monde.
Enfin, la planète, pillée et défigurée, risque de devenir invivable pour les générations futures.
Dans ce monde difficile, la France et l'Union européenne doivent porter un message clair. Je ne reprendrai pas l'analyse lucide développée devant vous par le ministre des Affaires étrangères, je la partage. J'ajouterai quelques accents particuliers. Le premier concerne les Droits de l'Homme et la démocratie.
Des centaines de millions d'hommes et de femmes restent encore privés des libertés élémentaires. La France se doit de parler pour ceux qui ne le peuvent pas et d'aider les démocraties à naître ou à se consolider. Certes chaque peuple a le droit de choisir librement son modèle d'organisation politique et sociale et le rythme de sa marche vers plus de libertés. Mais la valeur universelle des droits fondamentaux de la personne humaine ne saurait être mise en cause.
Je le rappelle avec force, alors que nous célébrerons l'année prochaine le 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, adoptée par les Nations unies à l'initiative notamment de René Cassin.
Dans cette perspective, le gouvernement a entamé, comme je m'y étais engagé, le réexamen des instruments internationaux en matière de Droits de l'Homme auxquels la France n'est pas encore partie.
Un autre message est celui de la paix.
Notre diplomatie bilatérale sera d'autant plus efficace qu'elle sera relayée par des mécanismes multilatéraux renforcés. Fidèle à son histoire et à ses engagements, la France doit défendre résolument, avec ses partenaires européens, la légitimité et les moyens de l'Organisation des Nations unies, garante de la légalité internationale et responsable, au travers du Conseil de sécurité, de la paix et de la sécurité internationales. En quelques années, l'ONU a développé une doctrine et des procédures qui marquent l'émergence d'une véritable diplomatie préventive. La France y a contribué de manière très significative. Le gouvernement entend poursuivre dans cette voie.
Au-delà des crises, il faut saisir la chance de la fin de l'affrontement des blocs pour avancer encore sur la voie du désarmement et de la non-prolifération.
La France a signé en septembre 1996 un Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, qui devrait être ratifié d'ici un an. C'est un acte majeur, dont j'espère qu'il sera suivi rapidement par la négociation d'un Traité d'interdiction de la production des matières fissiles pour la fabrication des armes nucléaires.
Nous n'avons pas non plus ménagé nos efforts pour bannir l'un des fléaux les plus dévastateurs qui soient pour les populations civiles dans de nombreux pays : les mines anti-personnel.
Nous souhaitons conclure avant la fin de cette année un traité d'interdiction totale des mines anti-personnel à Ottawa et le gouvernement a d'ores et déjà décidé d'interdire la fabrication et tout usage de ces mines au plus tard en 1999.
Un autre grand objectif de notre action internationale demeure la coopération pour le développement.
Depuis la dernière décennie, l'ouverture sans précédent des échanges mondiaux a accentué la différenciation entre les pays en voie de développement, appelant de la part des pays du Nord une redéfinition de leurs politiques d'aide. Nous devons rester attentifs aux difficultés persistantes des pays les plus pauvres à surmonter les conséquences sociales des politiques d'ajustement structurel.
Notre politique de coopération doit poursuivre des objectifs clairs et favoriser une solidarité active, se traduisant par un véritable partenariat pour le développement. Nous devons ouvrir un dialogue approfondi avec l'ensemble du monde en développement, tout en privilégiant les pays liés à l'Union européenne par la Convention de Lomé, dont le renouvellement qui approche devrait d'ailleurs être l'occasion d'une refonte en profondeur.
J'aimerais mentionner à cet égard l'importance de nos relations avec les Etats voisins des Départements et Territoires d'Outre-mer, dont la prospérité dépend largement de leur insertion dans leur environnement régional.
Le gouvernement à engagé une réflexion en profondeur pour définir les modalités de la réforme de son dispositif de coopération. Je sais que Charles Josselin et Hubert Védrine y travaillent activement. L'objectif est de rénover nos instruments techniques et financiers et d'organiser leur mise en cohérence, afin d'en accroître l'efficacité et de les adapter aux nouveaux défis du monde en développement.
Parallèlement à la rénovation de notre coopération, nous devons entamer, dans la sérénité qui s'attache aux relations entre amis et partenaires, un dialogue avec les pays africains afin de définir avec eux les conditions d'un nouveau partenariat.
A tous, la France doit offrir un soutien efficace pour leur développement. De tous, la France est en droit d'attendre un respect attentif des Droits de l'Homme et des progrès réels dans l'instauration de sociétés ouvertes et démocratiques.
La France a ouvert une concertation avec les chefs d'Etat concernés sur sa présence militaire sur le continent. Il s'agit de tenir compte des nouvelles réalités de la défense française mais aussi des évolutions en Afrique, en réduisant notre présence permanente, sans pour autant abandonner nos partenaires ni renoncer aux accords qui nous lient.
En cohérence avec une armée française moins nombreuse mais plus mobile, et pour tenir compte de la volonté des peuples africains de maîtriser plus complètement leur propre destin, le volume de nos forces stationnées en Afrique sera réduit. Cette réduction ne remettra pas en cause notre capacité d'action, trouvant sa contrepartie dans les possibilités accrues qu'auront nos armées d'acheminer des renforts à partir des autres bases africaines ou de France.
Dans le même esprit, et pour permettre aux pays africains de participer davantage aux règlements des crises qui traversent le continent, la France oeuvre au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix. Des discussions sont en cours sous l'égide de l'Organisation des Nations unies et de l'Organisation de l'unité africaine. Le gouvernement y participe activement.
Enfin, la France se doit de prendre toute sa part au dialogue mondial qui s'est engagé depuis le début des années 1990 sur ce que l'on appelle les "défis globaux".
Qu'il s'agisse de la préservation de l'environnement, de l'éradication des épidémies, de la maîtrise du développement urbain, ou encore de la lutte contre la drogue et le crime organisé, nous savons qu'il n'y aura de réponse que collective.
Chaque pays, riche ou pauvre, industriel ou en développement, porte une part de responsabilité dans la détérioration de la situation au niveau mondial. Et chacun détient une partie des solutions concrètes. C'est en ce sens que la France agira résolument notamment au sein des Conférences organisées par les Nations unies.
Ces défis globaux nous rappellent que la gestion des affaires du monde est de la responsabilité de tous et qu'aucun pays, fut-il le plus puissant, n'est en droit de prétendre en assurer à lui seul la direction.
Certains ont parfois du mal à résister à la tentation d'user de leur position dominante, sur le plan économique comme sur le plan politique. Cela est vrai en particulier dans le domaine commercial et l'Europe ne doit pas hésiter à défendre avec ténacité et sans complexe des règles du jeu équitables pour tous et qui ménagent ses intérêts propres. Les réussites industrielles et technologiques européennes, plus nombreuses qu'on ne veut bien le dire, attestent de notre capacité, lorsque nous sommes unis, à occuper dans la compétition internationale une place digne des 360 millions d'Européens.
Mais cela est vrai également sur un plan politique ou culturel. Nous devons ainsi nous attacher à promouvoir la pluralité culturelle du monde, par exemple en développant une francophonie moderne, entreprenante et attractive. L'Union européenne, dont la diversité des langues et des cultures fait en partie la richesse, peut jouer un rôle essentiel pour éviter une uniformisation des modes de vie et des pratiques culturelles.
Après des décennies d'un monde bipolaire, il nous faut trouver par un dialogue équilibré entre partenaires égaux les voies et moyens de faire vivre une nouvelle réalité multipolaire.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Auprès des communautés françaises expatriées, votre travail d'explication de la politique de la France est fondamental.
D'abord bien sûr parce que ces Français qui bougent, qui entreprennent ailleurs, parfois en prenant de grands risques personnels, ont droit à la même considération que tous nos compatriotes. Je suis conscient de la difficulté de les sensibiliser à certaines des préoccupations que j'ai évoquées. Il est de votre responsabilité de s'assurer qu'ils sont bien associés au nouveau "Pacte républicain" proposé par le gouvernement à tous les Français.
Forts de leur expérience, de leur capacité d'initiative, de leurs projets, les Français expatriés peuvent faire beaucoup, directement et indirectement, pour conforter notre croissance économique et partant l'emploi. Il vous appartient donc de rester à leur écoute, de les soutenir dans leurs initiatives et de valoriser au mieux leur apport au développement de notre pays et à ses relations avec ses partenaires.
C'est, avec l'expression de ma vive et chaleureuse attention, ce message que portera le ministre des Affaires étrangères aux élus au Conseil supérieur des Français de l'étranger, lors de leur prochaine réunion annuelle.
Je ne sais s'il y eût jamais un âge d'or de la diplomatie.
Je mesure combien votre tâche est aujourd'hui difficile mais passionnante, puisque l'on vous demande, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, d'être tout à la fois de hauts serviteurs de l'Etat, des politiques avisés, des hommes de culture et de communication, des entrepreneurs.
La sophistication des sociétés modernes, les aspirations de nos concitoyens et la multiplication des contacts avec les autres dans le monde nous imposent une grande ambition dans l'action et une modestie exemplaire dans notre comportement. Je sais pouvoir compter sur vous pour que nous y parvenions.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2001)