Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les mesures du plan gouvernemental contre le risque de pandémie de grippe A (H1N1), Mantes-la-Jolie le 24 juillet 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement à la sous-préfecture de Mantes-la-Jolie le 24 juillet 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, je voudrais d'abord vous dire pourquoi avec Roselyne Bachelot, j'ai choisi de venir aujourd'hui ici, à Mantes-la-Jolie, pour participer à cette réunion. C'est d'abord pour bien montrer à nos concitoyens que le gouvernement prend très au sérieux cette affaire de pandémie grippale ; et deuxièmement, c'est pour vérifier avec vous sur le terrain que les dispositions que nous avons prises sont bien mises en oeuvre et qu'elles correspondent bien à la situation telle que vous le ressentez. J'entends bien ici ou là quelques commentaires sur le registre "n'en font-ils pas trop", je vous dis tout de suite que ces commentaires, c'est comme si je ne les entendais pas parce que je sais que si nous ne faisions pas ça, les mêmes au même instant à la même heure diraient "naturellement, ils n'ont pas pris la mesure de la gravité de la situation" et se retourneraient contre nous. D'abord, je voudrais dire que la pandémie ne nous prend pas par surprise, la France se prépare depuis plusieurs années à ce risque. Notre incertitude n'était pas de savoir si un jour, nous serions confrontés à une nouvelle pandémie, c'était simplement de savoir à quel moment elle arriverait.
Nous disposons donc, grâce à ce travail, d'un plan de réaction que nous mettons en oeuvre depuis maintenant 3 mois. C'est une sorte de boîte à outils qu'on a fait évoluer au fil des années, qui nous permet maintenant de prendre les décisions adaptées à la réalité de l'épidémie. Nous avons développé simultanément 3 dispositifs de lutte contre le virus. D'abord, il faut pouvoir soigner tous les malades, donc avec les 33 millions de traitements antiviraux dont nous disposons, nous avons dépassé la préconisation de l'OMS qui est une couverture de la population à hauteur de 25 %. Il s'agit ensuite de la réserve de masques qui a été réalisée, plus de 700 millions de masques de protection individuelle pour les professionnels en contact avec les malades et 1 milliard de masques antiprojection, qui seront portés par les malades pour protéger leur entourage. Et puis enfin il s'agit des vaccins, nous avons pris la décision, il y a quelques semaines, après mûre réflexion d'acheter 94 millions de doses et de réserver 34 millions de doses supplémentaires si le besoin s'en faisait sentir, de façon à ce que nous soyons en mesure - lorsque le vaccin sera prêt naturellement - de proposer à nos concitoyens une vaccination pour l'ensemble de la population.
Cette triple stratégie est fondamentale, parce que c'est avec une utilisation complémentaire de ces trois moyens de lutte que nous pourrons protéger efficacement chacun de nos concitoyens en fonction de la situation dans laquelle il se trouve. Depuis l'alerte qui a été lancée il y a 3 mois par l'OMS, la mobilisation du gouvernement, notamment sous l'autorité de Madame Bachelot, est totale. Le mouvement mondial de circulation du virus ne peut malheureusement pas être arrêté, mais nous pensons avec l'OMS que dans un premier temps, il est possible de retarder la survenue de l'épidémie, c'est à peu près ce qui se passe aujourd'hui compte tenu des mesures qui ont été prises. Et puis dans un deuxième temps, si comme c'est maintenant extrêmement probable, l'épidémie atteignait massivement notre pays, il s'agit d'en limiter son impact tant sur la santé de nos concitoyens que sur le fonctionnement de notre économie.
Nous avons, depuis le début, informé les Français dans la plus grande transparence sur l'évolution de la situation et sur les actions que nous avons engagées. C'est un devoir dans lequel les médias, dont je voudrais saluer le rôle déterminant dans cette affaire, ont assumé toute leur responsabilité. Nous avons ensuite consolidé la coordination de l'action de l'Etat en confiant au ministre de l'Intérieur la présidence de la cellule interministérielle de crise, c'est normal compte tenu du caractère massif de l'épidémie qui nous menace. Le ministère de la Santé a toute l'expertise, toute la connaissance des actions à conduire, mais les infrastructures sur le terrain permettant la mise en oeuvre de mesures massives de vaccination, de mesures massives de lutte contre la pandémie sont naturellement d'abord les moyens du ministère de l'Intérieur. Nous avons enfin mobilisé l'ensemble du système de santé, notamment pour rendre opérationnels nos dispositifs de distribution des masques et des vaccins, pour préparer les hôpitaux à l'éventualité d'un nombre important de malades.
Aujourd'hui, la situation internationale nous appelle à une vigilance redoublée, même si pour le moment la situation en France est plutôt rassurante. L'augmentation du nombre de cas confirmés au niveau mondial se poursuit, la situation - comme vous le savez - est très préoccupante dans l'Hémisphère Sud où les basses températures de l'hiver favorisent la circulation du virus. Et en Europe, la situation du Royaume-Uni, qui est le pays le plus touché, nous laisse penser que la pandémie est naturellement inévitable. En France, nous comptons aujourd'hui près de 800 cas, à ce stade seules 6 personnes, dont l'état de santé s'est amélioré depuis, ont présenté une forme grave, 3 ont été pris en charge en réanimation, aucun décès n'a été recensé.
Nous sommes donc aujourd'hui face à un virus qui est assez contagieux, qui circule rapidement mais qui reste pour le moment d'une virulence modérée. C'est la raison pour laquelle, nous avons décidé de rester en phase 5A du plan gouvernemental qui correspond à une diffusion limitée du virus sur notre territoire. Si cette diffusion venait à s'accélérer, alors on passerait en phase 5B, voire en phase 6, ce qui signifierait en réalité que l'épidémie s'installe dans le pays. Aux dires des experts, mais chacun est prudent sur ce sujet, cela ne devrait pas être le cas avant la rentrée. Ce début de circulation active du virus au sein de la population que nous observons nous a conduit hier à élargir à la médecine de ville la prise en charge des malades. Au début de l'alerte, l'objectif c'était de ralentir au maximum la diffusion du virus sur le territoire et d'améliorer notre connaissance de ce virus. C'est la raison pour laquelle, on avait retenu le principe de l'hospitalisation systématique après appel au Centre 15. Au vu de l'augmentation du nombre des cas sur le territoire et du caractère majoritairement bénin, il est apparu nécessaire d'adapter notre stratégie et donc, de basculer le système vers la médecine ambulatoire. Ce sont naturellement les professionnels de santé libéraux et, en particulier, les médecins généralistes qui sont dans l'état actuel de la situation les mieux à même de faire face à cette situation.
Les stocks de produits de santé seront distribués sur l'ensemble du territoire pour qu'ils puissent être accessibles aux professionnels de santé et aux patients concernés. Et donc je veux redire, après que Roselyne Bachelot l'ait fait hier, que désormais les patients qui présentent des symptômes de la grippe devront de façon privilégiée appeler leur médecin traitant. Le recours au Centre 15 doit être réservé aux urgences médicales, de même la prescription de médicaments antiviraux ne doit pas être systématique, elle doit être laissée à l'appréciation clinique du médecin. Ce sont les pharmacies d'officine qui délivreront, sur prescription médicale, les masques antiprojection gratuitement et, si nécessaire, les antiviraux qui seront pris en charge par l'Assurance maladie dans les conditions habituelles. Nous ne mobiliserons les stocks d'antiviraux d'Etat que si la circulation active du virus sur notre territoire se trouve avérée.
A ce stade, il est naturellement primordial de s'assurer que l'ensemble des professionnels de santé dispose bien des informations nécessaires à la bonne prise en charge de leurs patients. Depuis 2006, les professionnels de santé exerçant en libéral ont été informés et formés au risque pandémique. 300 000 kits d'information leur avaient été adressés, une formation leur a été proposée dans toutes les régions françaises. Aujourd'hui, un document qui précise les nouvelles modalités de prise en charge vient d'être envoyé à plus de 80 000 praticiens. Des réunions d'échanges ont eu lieu avec leurs représentants et un site internet dédié aux professionnels de santé leur est désormais accessible.
Enfin, dans chaque département, comme nous le faisons aujourd'hui, les préfets vont réunir les professionnels de santé dans le cadre des comités de l'aide médicale d'urgence. C'est donc pour dialoguer directement avec vous que j'ai souhaité participer à celui des Yvelines. Puis, je me rendrai tout à l'heure avec Roselyne Bachelot à la rencontre de médecins généralistes et de pharmaciens sur le lieu même de leur exercice, pour voir comment les choses fonctionnent et quelles sont pour eux-mêmes leurs réactions.
Voilà, je pense qu'il faut que tous les services de l'Etat soient extrêmement concentrés et mobilisés, notamment pendant la phase des vacances qui s'ouvrent. Après tout, on ne sait pas à quel rythme ce virus va se diffuser. Il ne faut pas lever du tout la garde pendant la période du mois d'août et puis surtout, il faut être prêt pour une pandémie dont tout le monde pense qu'elle sera quand même assez massive à la rentrée. Je redis une dernière fois, pour tous ceux qui s'étonnent de la mobilisation gouvernementale et de la mobilisation de l'Etat, que même si ce virus pour le moment - et espérons qu'il restera comme ça - n'est pas très virulent ; le seul fait qu'il puisse y avoir des centaines de milliers, voire des millions de personnes qui soient malades en même temps pose naturellement des problèmes de continuité de l'action publique, de continuité du fonctionnement des entreprises qui peuvent avoir des conséquences dramatiques. Franchement, on a une crise économique déjà assez sévère pour ne pas y rajouter une paralysie du pays pour cause de pandémie grippale.
(...)
S'agissant d'un milieu évidemment extrêmement sensible qui est celui de l'école, on est en train de préparer au sein du ministère de l'Education les procédures qui naturellement sont communiquées rapidement aux préfets ou maires etc., pour que les décisions soient prises de façon cohérente et d'une manière globale dans les territoires qui vont être les plus touchés. Alors, il y a toute la question ensuite de la vaccination et naturellement chacun comprend bien, surtout ceux qui sont ici, qui sont des professionnels et des experts qu'avant de vacciner il faut avoir des vaccins. Pour avoir des vaccins, il faut qu'ils soient mis au point. Et donc je pense que tout le monde travaille très vite et très bien, mais enfin ces vaccins seront disponibles dans le meilleur des cas pour une partie en septembre, dans le meilleur des cas, et plus probablement entre octobre et décembre.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 août 2009