Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "RMC" le 1er septembre 2009, sur la taxe carbone et sur la lutte contre l'évasion fiscale.

Prononcé le 1er septembre 2009

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Texte intégral

J.-J. Bourdin.- J'ai une question toute simple sur la taxe carbone, on va commencer avec cette taxe. Pourquoi 80 à 90 % des auditeurs de RMC pensent-ils que la taxe carbone est un impôt nouveau, injuste ?

Il faut continuer à expliquer. D'abord à expliquer que, au fond, on ne peut pas dire que la planète va mal et en même temps ne pas le traduire dans les actes. Donc, il faut changer nos modes de consommation, et on voit bien que changer nos modes de consommation se fait toujours d'une certaine façon par l'orientation sur le prix des choses. Donc il faut que l'énergie fossile, l'énergie qui en fait, fait des rejets de CO² dans l'atmosphère soit plus taxée que le reste des autres énergies. Une fois qu'on a dit ça, tout le monde est d'accord là-dessus, tout le monde a signé d'ailleurs, les socialistes en premier ; S. Royal s'est précipitée pour signer ce que N. Hulot présentait avant l'élection présidentielle. Donc après il faut passer à l'acte, c'est toujours beaucoup plus compliqué. Passer à l'acte c'est créer en fait une nouvelle forme de fiscalité.

Est-ce que vous créez un nouvel impôt ?

C'est créer une nouvelle forme de fiscalité.

Non mais est-ce que vous créez un nouvel impôt ?

Laissez-moi répondre ! C'est créer une nouvelle forme de fiscalité. Ca veut dire qu'on passe d'une base taxable, qui peut être la production - lorsque c'est les entreprises, les investissements, c'est une mauvaise base taxable parce que ça empêche l'investissement et ça tue l'emploi - à une nouvelle base taxable qui est la pollution, la pollution qu'on rejette. Et cela modifie les modes de consommation, et ça modifie les comportements des consommateurs vers un pays et un monde moins pollués. Avec tout ce qu'on dit sur le climat et sur le réchauffement climatique, il faut bien le combattre. Et puis en même temps, ça permet au fond de diminuer une fiscalité qui n'est pas considérée comme... Donc, on augmente, d'un côté, une fiscalité, une contribution, la taxe carbone, et de l'autre, on diminue une fiscalité. Au fond, le débat se passe tout simplement parce que tous les éléments ne sont pas encore sur la table. Du côté des entreprises, on rend aux entreprises au travers de la diminution de la taxe professionnelle. Du côté des ménages, nous n'avons pas encore dit comment nous rendions, nous avons dit que nous rendrons...

Pour l'entreprise c'est simple : on supprime la taxe professionnelle, et on remplace la taxe professionnelle par la taxe carbone.

Il y avait un très mauvais impôt qui était la taxe professionnelle, antiéconomique, ce mauvais impôt on le supprime, le président de la République l'a indiqué. Et puis il y a un autre impôt qui vient se substituer, au fond qui est la taxe carbone. Et puis, en ce qui concerne les ménages, il y aura évidemment... on rendra aux ménages, si on peut dire ainsi, on rendra aux contribuables l'argent qui a été collecté au travers de la taxe carbone.

Comment ?

La décision sera prise dans les jours qui viennent et à ce moment-là évidemment, on dira : "comment, il y a beaucoup d'hypothèses !" Il faut que les gens le voient simplement. D'abord, il faut rendre tout ce qui est pris. Dans le domaine de la taxe carbone, il faut diminuer soit un impôt, soit augmenter un revenu, tout ça peut être discuté et est en train d'être discuté...

Diminuer un autre impôt ?

...Il faut rendre. Il y a plusieurs manières de rendre, et nous le ferons.

Soit, on remplace un impôt, on supprime un autre impôt ou on diminue ?

...Oui, on supprime un autre impôt, on peut diminuer des charges qui viennent peser sur les ménages, ce qui revient à peu près à la même chose. Donc, je comprends que le débat soit encore un peu obscur parce que tout n'est pas sur la table, nous avons nous-mêmes encore des décisions à prendre.

Et ce sera sur la table quand ?

Bientôt, dans les semaines qui viennent.

Non mais bientôt, c'est-à-dire ?

Dans les semaines qui viennent.

En Conseil des ministres, quand ?

Les réunions de discussions et de choix, les décisions, seront prises dans les jours qui viennent.

Avant la fin du mois de septembre ?

C'est-à-dire que, il faut évidemment que toute cette fiscalité nouvelle, cette nouvelle approche fiscale, qui est une approche fiscale à mon avis avec laquelle les Français seront d'accord, au fond, quand on aura présenté l'ensemble, nous le présenterons au moment du projet de loi de finances, voilà. Le projet de loi de Finances, c'est à partir d'octobre à l'Assemblée nationale.

Et fin septembre, en Conseil des ministres ?

Fin septembre, en Conseil des ministres pour être exact.

Et octobre à l'Education nationale...

Exact !

... pour la taxe carbone. Alors, je voudrais revenir...

C'est important la taxe carbone, je veux juste dire que c'est vraiment un changement, un concept nouveau, en termes de fiscalité puisqu'il y a une diminution de fiscalité, d'un côté, et puis de l'autre, une augmentation de fiscalité sur des bases qui sont doublement gagnantes.

Vous comprenez qu'il y a des inquiétudes légitimes...

Bien sûr...

Et je me fais l'écho de ces inquiétudes.

Quand tout change c'est de l'inquiétude, c'est normal.

Alors, je vous pose une question directe : est-ce que la taxe ne va pas réduire un peu plus le pouvoir d'achat des plus modestes ?

Non, parce qu'il y aura des compensations. Quand je dis que nous rendrons aux ménages au fond le fruit de cette contribution en diminuant un impôt, en diminuant une charge, nous le ferons évidemment sur les ménages les plus modestes, donc il n'y aura pas de diminution de pouvoir d'achat des plus modestes.

J'habite, je ne sais pas, moi, loin de mon lieu de travail, je vais donc rouler plus, je vais donc consommer plus d'essence, je consomme plus d'essence, je vais payer plus de taxe carbone.

Eh bien ces ménages auront une compensation qui prendra une forme qu'ils comprendront et qui prendra une forme qui les aidera.

Ca peut être quoi, ça peut être quoi dans cet exemple ?

Mais notre discussion va vite tourner en rond, vu que les choix ne sont pas définitivement arrêtés. Si je dis à votre antenne, on a le choix entre ça et ça, le débat va se faire comme ça. Je pense que le Gouvernement doit d'abord arrêter ses choix ensemble. J.-L. Borloo, C. Lagarde, le Gouvernement doit arrêter ses choix d'une façon interne, et puis nous allons après en discuter.

Pas de chèque "Vert", nous a dit C. Lagarde, la semaine dernière.

Non, parce que le chèque "Vert" c'est une vision individualiste des choses. Et puis d'abord, c'est tout à fait impossible au fond à faire de compenser à J.-J. Bourdin ou à Untel tel élément de sa vie...voilà. Donc, ça doit être en fait une vision juste et pour tous. Cette taxe, c'est normal qu'il y ait de l'inquiétude. Quand on fait des réformes aussi importantes, en réalité ça crée évidemment un peu d'inquiétude, mais nous rendrons bien évidemment aux ménages les sommes qu'ils auront versées en termes de taxe carbone, nous le rendrons d'une façon visible et claire.

Une nouvelle niche fiscale en quelque sorte, non ?

Ca peut prendre la forme de...

De niche fiscale ?

Cela peut prendre beaucoup de formes différentes, je vous l'ai déjà indiqué.

En juillet, vous êtes parti à la chasse aux niches fiscales.

J'ai dit, et je continue évidemment à dire que, les niches fiscales doivent être évaluées les unes après les autres, il y en a 4 ou 500. Et c'est quoi ? Ce sont des incitations par la fiscalité à faire telle ou telle chose : avoir des emplois à domicile, obtenir la prime pour l'emploi, donc reprendre un travail, faire des travaux dans sa maison, c'est tout ça les niches fiscales au fond, ça s'adresse aux catégories moyennes. Et là, c'est bien ça. La taxe carbone c'est inciter des consommateurs au fond à abandonner des modes de consommation qui ne sont pas bons pour la planète, faire des modes de consommation qui sont meilleurs pour l'avenir de la planète. Donc, là-dessus, en France, comme dans tous les autres pays, la discussion a lieu et la discussion doit avoir lieu. On ne peut pas écologiste sur le papier et ne pas être écologiste dans la réalité.

Mais pourquoi ne va envisager, encore une fois, les crédits d'impôt sur les énergies renouvelables...

Nous le faisons déjà, J.-J. Bourdin, vous le savez.

Je sais, mais ces crédits d'impôt baissent ?

Non, ce n'est pas vrai, je ne sais pas où vous avez lu ça ! Mais ces crédits d'impôt ne baissent pas, bien au contraire.

Au bout d'un certain temps, ils ne baissent pas ?!

Non, pas du tout. Par exemple, un crédit d'impôt très emblématique, c'est celui sur les travaux de rénovation de votre chauffage ou de l'isolation de votre maison, ou de votre appartement. En réalité, ces crédits d'impôt augmentent considérablement d'une année sur l'autre, donc les Français le font. Et d'ailleurs, il n'y a plus un Français aujourd'hui qui ne se pose pas des questions d'énergie.

Pourquoi ne pas aller encore plus loin sur ce terrain-là au lieu de créer une taxe ?

Parce que c'est un mode de fiscalité. Pourquoi avoir une fiscalité fondée souvent sur des bases qui sont presque anti-économiques, qui vont contre l'emploi ou contre les investissements ? Pourquoi ne pas transférer cette fiscalité en même temps sur des modes de consommation, et réorienter ces modes de consommation ? On est doublement gagnants : ce sont des recettes fiscales mais qui sont rendues par ailleurs en diminuant une fiscalité qui n'est pas bonne. Et puis de l'autre, c'est un changement de mode de consommation de la part des consommateurs.

Quel sera le niveau de la taxe ?

Dans la commission de M. Rocard, il a été indiqué 32 euros. Ca veut dire quoi ? Ca veut dire un prix par tonne de CO², de gaz carbonique, rejeté dans l'atmosphère, c'est ça la base.

C'est traduit sur le fuel, c'est traduit sur l'essence à la pompe ?

Sur le fuel, sur le gaz, etc. Donc, c'est trop... Evidemment 32 euros c'est trop, parce que la marge et l'impact notamment sur le prix par exemple de l'essence est trop élevé. Donc, ce sera moins. C. Lagarde a indiqué 15 euros, on sera sûrement aux alentours de 15.

Aux alentours de 15, ça fait quoi sur le litre de gasoil ?

Quelques centimes.

Ca fait quelques centimes de plus quand on ira faire le plein.

Ca fait quelques centimes, ces quelques centimes vous seront rendus par ailleurs, je le redis pour être bien clair.

A tous ?

A tous.

D'une manière juste ?

D'une manière juste. C'est une fiscalité juste, c'est la fiscalité d'aujourd'hui qui est souvent injuste et contre-productive pour notre pays. Et on ne peut pas, c'est ce que je disais, on ne peut pas être écologiste sur le papier, c'est-à-dire oui, c'est formidable, attention à la planète, mettre des pancartes etc., dessiner des dessins, faire faire ça aux enfants, et puis en même temps ne pas prendre en compte dans sa vie quotidienne cela. Simplement, ça ne doit pas toucher les plus démunis et les plus modestes, ça ne doit pas nuire au pouvoir d'achat de façon brutale. Donc, bien évidemment, le Gouvernement tout cela le prendra en compte.

Rendu tout de suite, rapidement ?

Rendu la même année.

La même année, sur sa feuille d'impôt peut-être ?

Rendu sur la même année, ça peut être sur la feuille d'impôts, ça peut être sur la feuille de salaire.

Feuille d'impôts et feuille de salaire ?

Non "ça peut être".

"Ca peut être" ! Oui mais enfin, ce sont deux pistes intéressantes ? Feuille d'impôt et feuille de salaire, j'insiste bien.

J'ai dit "ça peut être".

Oui, "ça peut être".

Aussi autrement. On peut en rajouter une troisième, ça peut être aussi autrement. Quand les choix seront faits, évidemment, nous le dirons d'une façon très forte et nous en discuterons. [2ème Partie]

Allez-vous prolonger la prime à la casse dans l'automobile ?

On est en train d'en discuter mais on voit qu'on ne peut pas sortir d'un système comme ça en mettant "blanc" un jour avec la prime à la casse, le lendemain "plus de prime à la casse". Donc ce sera probablement prolongé et on verra dans quelles conditions.

Jusqu'à quand, fin de l'année, début 2010 ?

Le ministère de l'Industrie dira tout cela, on est en train de regarder mais c'est une formidable réussite. C'est une formidable réussite en France puisque la consommation s'est bien tenue et les constructeurs automobiles le disent eux-mêmes. Et puis c'est une formidable réussite sur le plan européen. Ca nous avait été reproché à un moment donné par un certain nombre de pays en disant "c'est du dumping" etc., "c'est une atteinte à la concurrence". Au fond, ces pays l'ont fait également, et ça a été très bon pour eux. Ca a soutenu aussi d'ailleurs nos exportations. Les Allemands qui ont mis en place une prime à la casse comme la nôtre, en réalité ont permis aussi de soutenir nos exportations parce qu'on a pas mal exporté vers l'Allemagne.

Question qui revient, puisqu'on parle d'automobile, souvent dans la bouche de nos auditeurs : on taxe pour moins polluer, pour nous encourager à moins polluer. Et pourquoi est-on puni lorsqu'on met de l'huile végétale dans son moteur diesel ?

On n'est pas puni quand on met de l'huile végétale !

On n'a pas droit.

Mais parce que je crois que, d'abord, techniquement ça doit poser un certain nombre de questions. On dit non et puis d'autres disent oui. Moi je ne vais pas faire ce débat, je ne suis pas technicien, vous non plus, donc on aura du mal à s'en sortir. C'est un débat qu'on a régulièrement à l'Assemblée nationale. En tout cas, tout ce qui relève de l'essence "Verte" est quelque chose de très clair puisque c'est même subventionné par l'Etat, vos le savez bien, avec des discussions d'ailleurs qui se posent, de savoir si on doit prendre des ressources alimentaires pour les transformer en énergie. Mais cela ce n'est pas le débat du ministre du Budget, c'est le débat du ministre de l'Ecologie.

Alors sur les évasions fiscales, est-ce que ce sont les banques suisses qui vous ont donné les noms de leurs clients ?

Ce sont des banques, ce sont...

Deux, trois banques suisses.

...Trois banques, je ne dis pas qu'elles sont suisses ou pas suisses, je dis ce sont trois banques.

Donc, installées en France ?
Ce sont trois banques, donc trois sources...

Installées en France, oui...

...trois sources différentes. Et c'est...

Vous n'avez pas racheté ces renseignements ?

C'est très spectaculaire au fond d'avoir réussi à prendre des listes comme cela...

Est-ce que vous avez racheté ces renseignements ?

...C'est un monde qui change, complètement.

On va parler de ces listes.

Nous n'avons évidemment pas acheté, je l'ai dit d'ailleurs dès le début.

L'Allemagne l'a fait.

Oui mais c'est dans d'autres circonstances.

... Donc je repose la question.

Eh bien je vous re-réponds. C'est curieux que vous me posiez plusieurs fois les mêmes questions. Cela voudrait dire qu'on ment ! Quand je dis dans le JDD qu'on n'a pas acheté ces informations, je le dis directement et évidemment c'est la vérité. Maintenant, le fisc français a ses propres méthodes d'investigation, il a ses méthodes d'enquête qui sont tenus confidentielles parce qu'on n'a pas à dévoiler la façon dont on enquête devant tout le monde, comme le font d'ailleurs tous les services d'enquête.

Vous disposez des noms de ces fraudeurs ?

Nous disposons évidemment du nom de ces personnes. Alors, "fraudeurs", entre guillemets. Il faudra le vérifier, chose que j'ai dite d'ailleurs tout de suite : nous devons vérifier que ces comptes n'ont pas été déclarés. On peut penser évidemment qu'ils ne l'ont pas été mais on doit le faire. Donc, c'est un travail long, qui va se dérouler à partir de maintenant dans deux sens : le premier, c'est de parfaire la connaissance que nous avons de ces 3.000 personnes, et puis deuxième point, c'est aussi d'élargir cette liste, de faire en sorte que, au fond, il y a beaucoup plus que 3.000 personnes... (au titre ?) de l'évasion fiscale.

Combien ?

C'est quelques centaines de milliers sûrement.

Plusieurs centaines de milliers de Français pratiquent l'évasion fiscale.

Oui, bien sûr, certainement, évasion fiscale vers la Suisse ou évasion fiscale aussi vers d'autres pays, je ne vais pas pointer du doigt particulièrement la Suisse, il se trouve que c'est un des pays principal d'accueil des Français qui souhaitent...

Vous dites à tous ces Français : revenez vous faire régulariser en France, vous ne serez pas punis, mais il y a une date limite qui est le 31 décembre ?

Je dis, un, aux Suisses qui s'expriment, les représentants de banques, etc., ou un certain nombre de journalistes, je dis : l'Etat français fait ce qu'il doit faire ; l'Etat français a sa souveraineté, il a la responsabilité de ses propres contribuables, et il a ses lois, et il fait respecter ses lois. C'est probablement la même chose pour l'Etat suisse, donc l'Etat suisse lui aussi lutte contre les fraudeurs suisses. Le fisc suisse lutte contre les fraudeurs suisses, donc le fisc français lutte contre la fraude française, comme le font les Américains, comme le font les Anglais et comme le font tous les grands pays au monde. Il y a juste quelque chose de tout à fait nouveau c'est que, au fond certains pays accueillaient de l'évasion fiscale par le secret bancaire et que ce secret bancaire, il est en train de se lever un peu partout. Nous avons signé avec C. Lagarde il y a quelques jours, j'avais préparé cette signature au mois de juin, avec l'Etat suisse, une convention qui met la Suisse dans les normes internationales d'échange de renseignements. Donc tout cela est en train de changer, et donc ces contribuables français doivent venir se déclarer dans notre cellule de régularisation.

Avant le 31 décembre.

Avant le 31 décembre, parce qu'il est naturel que dans un monde qui change, encore une fois, on doit aussi avoir des interlocuteurs pour permettre aux gens d'aller expliquer ce qui s'est passé avec la cellule de régularisation.

Ce que je ne comprends pas très bien, c'est que si je paye mes impôts avec retard, j'ai 10 % de pénalités, si j'ai fraudé le fisc en m'évadant en Suisse, jusqu'au 31 décembre je ne suis pas puni.

Non, ce n'est pas du tout comme ça que ça marche. Cette cellule de régularisation c'est un interlocuteur, il y a beaucoup de gens concernés donc on met en place une organisation spécifique et puis les gens paieront l'impôt qu'ils ont éludé...

Ca paraît normal.

...et puis ils paieront des pénalités, là aussi, comme tous les Français qui à un moment donné fraudent. Donc ils paieront des pénalités et puis simplement à la fin au 31 décembre - 1er janvier, quand j'aurai fermé cette cellule de régularisation, ils paieront des pénalités beaucoup plus importantes et puis en même temps, nous transmettrons à la justice les dossiers qu'on considérera devoir être transmis. Cela dit, si avant il y a des dossiers extrêmement inquiétants, nous les transmettrons à la justice.

Certains se sont fait connaître depuis cette annonce ?

Nous serons encore plus rigoureux à partir du 1er janvier parce que les pénalités sont au taux maximum.

Certains se sont fait connaître depuis dimanche ?

Il y a des appels, je pense qu'il doit y avoir des appels de journalistes d'ailleurs, pour essayer de tester notre cellule fiscale. Et puis, en même temps, il y a évidemment beaucoup de gens qui se posent des questions. On voit qu'il y a beaucoup de gens qui se posent beaucoup de questions. Ils ont raison, il faut s'en poser, il ne faut pas écouter les avocats qui vous disent "dormez braves gens, il ne se passera rien, c'est comme d'habitude, ils font de l'esbroufe", ce n'est pas vrai. Qu'ils regardent autour d'eux, qu'ils regardent ce qui se passe dans les pays, qu'ils regardent la liste grise des paradis fiscaux de l'OCDE qui est en train de disparaître avec la signature de conventions d'échanges d'informations. Les échanges d'informations, c'est entre administrations fiscales. À un moment donné, l'ensemble de ces contribuables, nous allons, nous, nous tourner vers les administrations fiscales de ces pays. La Suisse, d'ailleurs, prendra encore plus d'informations. Gagnons du temps. Que eux gagnent du temps. Ils gagnent de l'inquiétude. L'Etat français y gagne aussi du temps. L'idée, ce n'est pas de pourchasser, c'est de remettre les gens dans la légalité.

Est-ce que les banques françaises doivent fermer leurs filiales dans les paradis fiscaux.

Les banques françaises doivent communiquer sur les activités qu'elles ont dans les paradis fiscaux. D'ailleurs c'est la loi, puisque l'Assemblée nationale l'a votée juste avant les vacances pour dire ce qu'elles font exactement dans ces paradis fiscaux. Les choses évolueront probablement. Je pense que ce sont des décisions internationales qui doivent être prises ; donc, au G20 à Pittsburgh dans quelques jours, ce sera la question du président de la République.

Vous êtes favorable à la fermeture des filiales des banques françaises dans les paradis fiscaux ?

Je suis favorable à l'éclaircissement total de ce qu'on fait dans un pays qui doit sortir de la liste grise. Quand les pays seront sortis de cette liste grise, ce ne seront plus des paradis fiscaux. Ceux qui resteront, c'est-à-dire ceux qui resteront dans la liste noire au fond, ce seront effectivement des paradis fiscaux définitifs. Ceux-là, bien évidemment, on doit totalement limiter les échanges économiques qu'on doit avoir. D'ailleurs nous renforcerons, dès ce budget, encore l'arsenal juridique et financier, les mesures de rétorsion, de punition. Nous avons commencé à le faire. Nous poursuivrons cela. Je veux juste qu'on nous croit là-dessus. Le président de la République française N. Sarkozy a beaucoup fait là-dessus. Depuis un an, c'est absolument spectaculaire ce qui est fait. C'est une moralisation du capitalisme financier. Ce ne sont pas des leçons de morale. C'est une moralisation du capitalisme. L'opacité du capitalisme, d'une certaine forme de capitalisme a amené la crise. Nous devons combattre cela.

Sur les paradis fiscaux, on croit difficilement parce que beaucoup de paradis fiscaux anglo-saxons ont été évacués de la liste.

Non, ce n'est pas vrai. Cette liste ne concerne pas tous les pays parce que l'OCDE n'a pu regarder tous les pays ; donc, elle le fera dans un deuxième temps. Elle concerne la plupart des pays. Les listes sont sur la table, elles sont dans l'opinion publique. C'est un des grands acquis de la réunion du G20 de Londres. En fait, c'est le président de la République française qui a dit "je veux absolument qu'il y ait une liste".

Donc, nous aurons une liste noire après Pittsburgh si j'ai bien compris.

Il y aura une liste noire, je ne sais pas si c'est après Pittsburgh. Pittsburgh, je pense, doit parler des mesures de rétorsion. Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que la communauté internationale fait pour dire à un paradis fiscal : "si tu restes paradis fiscal, voilà la punition qui va être infligée par le monde économique international". Il faut que les choses soient très claires. Et puis, à un moment donné, on fera le bilan des conventions qui ont été signées, des pays qui se sont mis en règles dans les échanges d'informations. Ceux qui ne se seront pas mis en règle deviendront définitivement des pays au ban des nations, c'est-à-dire sur cette liste noire.

Question d'un auditeur : Monsieur Woerth, vous dites que les évadés fiscaux paieront des impôts, des pénalités, qu'ils iront en justice. Si on est évadé fiscal, à quoi ça sert de se rendre à votre cellule ? Pourquoi ne pas attendre d'être pris ?

D'abord parce qu'on est très inquiet, en général, dans ces conditions-là, parce qu'on sera pris. Le rideau s'ouvre, on voit ce qu'il y a derrière la scène.

Trois milles seront pris sur plusieurs centaines de milliers.

Non, c'est faux. Tout le monde va être pris.

Tout le monde va être pris ?

Pour une bonne raison, je vais demander aux banques de nous donner les échanges financiers qui sont réalisés par les particuliers dans les pays étrangers qui sont sur la liste grise. C'est la réunion avec les banques que nous aurons dans peu de temps. Et puis les échanges d'informations entre les administrations fiscales vont nous permettre de faire cela. Le secret bancaire est en train d'être levé.

Vous avez demandé aux banques françaises de vous donner la liste de tous ceux qui ont des mouvements financiers avec...

Avec des pays qui sont sur la liste grise, absolument. La liste de 3.000 n'est qu'un début, au fond. Cette liste va évidemment augmenter.

C'est très intéressant.

Jusqu'au 31 décembre, on peut discuter. On discute à partir de pénalités et on discute à partir de l'impôt versé. J'entends les socialistes parler d'amnistie. Je vais amnistier, au fond, leur non action dans les années précédentes. Mais c'est de l'amnésie au fond de la part des socialistes. Donc il n'y a pas d'amnistie évidemment. De l'autre côté, à partir du 1er janvier, nous irons au maximum des pénalités, donc, ça fait très très lourd pour quelqu'un qui est pris à ce moment-là ; et puis, évidemment, il y a traduction devant la Justice.

Question politiquement concrète : votre épouse est responsable de la gestion de la fortune de L. Bettencourt, l'une des plus grandes fortunes du monde. Est-ce que L. Bettencourt a de l'argent placé en Suisse ?

Ma femme est gestionnaire de l'argent d'une des plus riches Françaises, qui est fiscalisée en France, et c'est cela qui est aussi remarquable. C'est qu'il n'y a pas à s'évader, elle est fiscalisée en France.

Le salaire moyen net d'un enseignant à mi-carrière ? D'après vous ?

C'est assez faible, il faut bien l'admettre. Cela doit être un peu moins de 2.000 euros, j'imagine. Mais les fonctionnaires, d'une manière générale... On doit revaloriser, au fur et à mesure du temps, je pense, pour les fonctionnaires qui sont en responsabilité, un certain nombre de salaires. On en peut le faire que si on diminue aussi le nombre de fonctionnaires. Et je suis d'accord, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, il y a des salaires qui pourraient être évidemment plus importants, mais on doit le faire au fur et mesure du temps, et on doit le faire aussi dans le cadre d'une réforme de la fonction publique. Et on doit avoir un autre regard sur nos services publics, toujours plus de qualité, mais aussi avoir une productivité plus importante, plus d'efficacité. Les fonctionnaires y sont prêts, je le sais.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 septembre 2009