Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à RMC le 15 septembre 2009, notamment sur la question des tests ADN pour le regroupement familial et sur la présence militaire française en Afghanistan.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Merci, d'être avec nous. Alors avant de parler de la Défense, de l'Afghanistan - vous avez entendu les dernières informations, sur l'Afghanistan -, regardons le reste de l'actualité : ces fameux tests ADN, une loi a été votée, elle ne sera pas appliquée, vous le regrettez ?
 
Lors du vote de cette loi, j'avais été interrogé. J'avais expliqué que la période d'expérimentation me semblait nécessaire pour faire en sorte que la loi soit appliquée. Et pour que la loi soit appliquée, en effet, on prévoit, des tests ADN, pour permettre l'affiliation qui permet de regroupement familial, parce qu'il faut peut-être expliquer les choses. Et en même temps, la loi posait un certain nombre de conditions et de garanties. Notamment des garanties de confidentialité, des garanties de sécurité. Appliquer la loi, c'est l'appliquer complètement. Aujourd'hui, E. Besson dit : "je ne suis pas en mesure de pouvoir faire en sorte que la loi soit appliquée, dans ses deux aspects. A la fois le test et aussi les garanties de confidentialité et de sécurité qui avaient été demandées par le législateur. Ce que ça pose comme question, c'est le fait de légiférer à chaud, de légiférer en n'ayant pas forcément le recul nécessaire et ça c'est une maladie française classique. C'est-à-dire qu'on légifère, et après, éventuellement, on se retrouve face...
 
Et les députés et le patron des députés UMP, les députés disent : "on a voté, alors à quoi sert le Parlement ? On a voté une loi, elle n'est pas appliquée !"...
 
Oui, mais la loi, elle dit deux choses. Elle ne dit pas seulement "on fait des tests ADN", elle dit qu'on fait des tests ADN pour permettre éventuellement à quelqu'un de pouvoir prouver sa filiation qui va lui permettre de pouvoir bénéficier de regroupement familial. Mais la loi dit aussi qu'il faut des garanties de sécurité et de confidentialité. Or aujourd'hui, dans les ambassades et les consulats, on n'est pas capable de pouvoir les avoir. Et donc, appliquer la loi c'est l'appliquer complètement. Et donc...
 
Donc il a eu raison ?
 
Qu'éventuellement, E. Besson ensuite, engage une discussion avec le Parlement pour faire en sorte que la volonté du législateur soit respectée, voilà le sens des choses.
 
Donc vous soutenez E. Besson, il a eu raison ?
 
Je soutiens l'idée que l'application de la loi, elle est totale. Et qu'on ne peut pas considérer que la loi, on lit le premier alinéa mais on ne lit pas le deuxième.
 
Donc vous ne comprenez pas la réaction des députés UMP ?
 
Je dis que cela impose que le Gouvernement ou tout du moins E. Besson, engage avec le Parlement, les conditions de rendre le dispositif applicable.
 
B. Hortefeux a exprimé des regrets cinq jours après. C'est trop tard, c'était utile d'exprimer ses regrets-là, il l'a fait hier soir ?
 
Je crois qu'il a eu raison de le faire.
 
Il a eu raison de le faire ?
 
Oui.
 
Vous avez été choqué ou pas ?
 
Je connais très bien B. Hortefeux, et je n'aime pas cette campagne de sorcières sur le thème, "B. Hortefeux est un raciste" parce que je sais à quel point, cet homme est pétri d'humanisme. Cet homme est tellement loin de tout ça. Donc il l'a fait et je pense qu'il a eu raison de le faire.
 
Il n'est pas raciste, il a été maladroit quoi... Enfin bon. Dites-moi, pas terrible la politique d'ailleurs en ce moment : au Parti socialiste, ça triche, il y a des maladresses ici ou là...
 
Vous aurez remarqué qu'au Nouveau centre, ça ne triche pas et que tout va bien. Et que notre parti progresse, qu'aujourd'hui, nous représentons 70 % du nombre d'adhérents de l'UDF, que nous avons 2.000 élus locaux, que nous avons gagné trois élections dimanche.
 
Oui, dont celle de Saint-Cyprien...
 
Saint-Cyprien face notamment à un candidat de l'UMP. J'ai encore le souvenir de nos conversations avec X. Bertrand disant : "tu verras notre candidat est meilleur" ; nous avons gagné ! Nous avons gagné la mairie de Bernay, et nous avons gagné un cantonale à Nice.
 
La semaine prochaine, nous avons au tribunal un ancien Premier ministre, dans l'affaire Clearstream - lundi prochain -, un ancien Premier ministre face au président de la République...
 
Non, pas face au président de la République...
 
Il est partie civile le président de la République, c'est pratiquement cela ! Et tout cela arbitré par un homme, I. Lahoud, dont on doute des déclarations, et arbitré par un autre homme, monsieur Gergorin, qui suscite aussi beaucoup d'interrogations. Ce n'est pas très valorisant pour la politique, non ?
 
Il y a un procès ; ce procès démontre au moins, une chose, c'est que la justice suit son cours. Je pense que c'est plutôt comme ça qu'il faut le voir. C'est-à-dire le bon fonctionnement, d'une autorité judiciaire, qui est capable de mener des enquêtes et d'aller jusqu'à un renvoi devant le tribunal. Voyons ça comme ça plutôt.
 
Eh bien nous verrons ça à partir de la semaine prochaine. Sommes-nous coincés en Afghanistan ?
 
En Afghanistan se joue... Je ne voudrais pas être grandiloquent, mais je voudrais essayer de faire comprendre ça, à vos auditeurs. Je sais à quel point...
 
...Se joue notre avenir, l'avenir du monde ? Cela fait huit ans que vous nous dites ça !
 
Non, non, l'intérêt du monde et de la sécurité du monde se joue notamment en Afghanistan. Et je voudrais simplement que nos compatriotes touchent du doigt une réalité qui serait celle de notre départ précipité. Un, c'est le renoncement à tous nos efforts. L'effort financier, militaire, l'effort de sang. Le fait qu'aujourd'hui, il y a 6 millions d'enfants scolarisés, que les jeunes filles n'étaient pas scolarisées, le fait qu'on ait construit 13.000 kilomètres de route. Le fait qu'aujourd'hui, on a accès à un minimum de santé...
 
Enfin, des routes qu'on ne peut pas emprunter...
 
Des routes qui ne sont pas forcément...
 
...Qui ne sont pas sécurisées. Alors on a construit des routes, mais on ne peut pas les emprunter !
 
Vous ne me laissez pas finir. Premier élément. Au-delà, pourquoi se joue une partie de l'intérêt du monde en Afghanistan ? Un, parce que si nous partons, nous faisons de l'Afghanistan la base des terroristes. Il faut que nos compatriotes aient en tête que dans le monde entier, en permanence grâce à la coopération de tous les services de renseignements, nous déjouons des projets d'attentats et nous déjouons des réseaux terroristes. Et que c'est ça, la principale menace. Nous n'avons aucun risque de guerre pour le moment, aucun risque d'invasion...
 
Nous sommes en guerre en Afghanistan !
 
...Mais nous avons une menace majeure pour tous les pays du monde, et notamment pour les démocraties, c'est le terrorisme. Et la deuxième chose, que nos compatriotes doivent avoir en tête, c'est que l'Afghanistan a pour voisin l'Iran et le Pakistan de l'autre côté. Le Pakistan lui-même qui souffre de grands germes d'instabilité. Si nous partons, le risque de contagion dans cet arc de crise est majeur. Et quand on a en tête que le Pakistan, pays de 170 millions d'habitants, doté de l'arme nucléaire, eh bien avant de décider de partir, on se pose ces questions-là majeures. Et cela impose pour nous, de réviser notre stratégie. C'est ce que demande la France. Cette stratégie, je vais vous donner une chose, dans la stratégie notamment : il faut moins se préoccuper des talibans et plus se préoccuper des populations. Il faut arriver à créer notamment les conditions de confiance...
 
Vous déplorez tous les excès de l'OTAN sur le terrain ?
 
Il faut que nos militaires, comme savent si bien le faire les militaires français... Si vous voulez, venez avec moi, je pars en Afghanistan demain, venez avec moi...
 
Non, non !
 
Vous avez autre chose à faire...
 
Pas de journalisme embarqué !
 
Mais ce n'est pas du journalisme embarqué que de venir constater vous-même comment les choses se passent avec l'armée française, qui fait un boulot absolument remarquable. Où on crée les conditions de confiance avec la population et cette condition de confiance et le sentiment de sécurité qu'on est capables d'apporter à la population, fait qu'elle joue la coopération avec les forces de l'alliance, et non pas une espèce de coopération passive avec les talibans parce que pris entre le marteau et l'enclume. Et qu'aussitôt après, et là aussi il faut qu'on évolue, il faut que les conditions du développement se mettent en place, que les puits, les écoles, les maisons de santé, tout ça arrive. Voilà. Et il faut bien entendu qu'on continue à faire des efforts sur la formation de la police et de l'armée pour les faire monter en puissance, parce que c'est ça qui nous permettra de partir.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 septembre 2009