Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur l'évolution des dépenses de santé, Paris le 9 septembre 2009.

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Circonstance : Remise du rapport de la Commission des comptes de la santé à Paris le 9 septembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher Bruno Durieux,
Messieurs les Présidents,
Madame la Directrice de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), chère Anne-Marie Brocas,
Mesdames, messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Ministre, cher Bruno Durieux, pour votre introduction, qui constitue pour nous un éclairage particulièrement précieux.
En soulignant la place essentielle et le rôle fondamental de la santé dans notre économie, vous mettez en évidence l'importance de notre rendez-vous annuel, auquel j'ai le plaisir de participer aujourd'hui, et ce pour la troisième année consécutive.
La Commission des comptes de la santé est l'occasion de poser un diagnostic détaillé sur les comptes de la santé, dans une enceinte dont la diversité garantit l'objectivité.
Les documents qui nous seront présentés par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) sont cette année particulièrement riches, avec notamment une étude très intéressante sur les disparités territoriales de santé.
Je vais, si vous le voulez bien, vous faire part, en trois parties, des commentaires et réflexions que m'inspire le rapport qui vous a été remis.
Je précise au préalable que je serai malheureusement obligée de vous quitter avant la fin de la Commission, le Premier ministre m'ayant convoquée à un rendez-vous à 15h30. Nous n'aurons donc, hélas, que trois petits quarts d'heure pour discuter de cet excellent rapport, dont je tiens aussi à souligner la nouvelle présentation, plus claire et plus didactique encore que par le passé.
Tout d'abord, ce rapport confirme les trois tendances de fond qui se dégagent depuis quelques années.
a) Première tendance de fond : le ralentissement de la croissance des dépenses de santé.
Après une croissance de plus de 6% par an de 2001 à 2003, la croissance des dépenses de santé est passée de + 4,4% en 2007 à 3,8% en 2008.
En 2008, la consommation des soins et de biens médicaux s'établit ainsi à 170,5 milliards d'euros, soit 11% du PIB.
Parallèlement, alors que la part des dépenses de santé dans le PIB s'était accrue de 0,9 point entre 2000 et 2004, elle s'est stabilisée depuis (avec néanmoins une légère augmentation en 2008 en raison de la récession).
Ce ralentissement porte sur tous les postes, à l'exception notable des hôpitaux, qui étaient déjà sur une tendance inférieure.
Ce ralentissement s'explique par la modération de la croissance à la fois des volumes (notamment sur les médicaments et sur les soins d'auxiliaires médicaux) et des prix.
Ce ralentissement de la croissance des prix est lié, notamment, aux diminutions de prix de médicaments et au développement des génériques. De 2002 à 2008, la part des génériques dans les médicaments remboursables est passée de 4 à 11%. Ce niveau reste néanmoins, il faut le souligner, inférieur aux 20 à 24% atteints par l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas.
Comme l'a montré la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2009, on observe parallèlement un ralentissement de la croissance des dépenses d'assurance maladie (+3,4% en 2008, après +4% en 2007).
Ces évolutions nous confortent dans l'intérêt de continuer à mobiliser tous les leviers de notre politique de maîtrise des dépenses : maîtrise médicalisée, renforcement des incitations au respect du parcours de soins et à de meilleurs comportements de santé, mise en place de référentiels sur les postes qui progressent le plus vite (comme par exemple les indemnités journalières), diminution des tarifs et des prix dans les secteurs où apparaissent des marges d'efficience.
b) Deuxième tendance de fond : ce ralentissement de la croissance des dépenses de santé ne remet pas en cause les fondements solidaires de notre système de soins.
S'il est vrai que la part de l'assurance maladie dans le financement des dépenses de santé a un peu diminué depuis 1995 (passant de 77,1% à 75,5%), cette diminution est compensée par la hausse de la part des organismes complémentaires (de 12,2% à 13,7%).
Dans ce contexte, le reste à charge des ménages reste en 2008 à un niveau inférieur à celui de 1995 : 9,4% (soit 16 milliards d'euros) contre 9,6%.
Je souhaite faire trois remarques sur ces chiffres.
Première remarque : nous avons non seulement l'un des taux de prise en charge solidaire les plus élevés du monde (76,8% en tenant compte du financement de la couverture maladie universelle, de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, et de l'aide médicale d'Etat), mais aussi le reste à charge le plus faible des pays de l'OCDE.
Deuxième remarque : ce reste à charge est une moyenne qui cache des disparités. Il est extrêmement faible à l'hôpital (2,8%), ainsi que pour les pathologies les plus lourdes et les plus coûteuses.
N'oublions pas que les affections de longue durée sont remboursées à 100%, de même que certains médicaments coûteux et irremplaçables, tels que les anticancéreux et les antirétroviraux.
Le Gouvernement a en effet pour préoccupation permanente de maintenir des hauts niveaux de remboursement pour les soins essentiels et pour les malades les plus fragiles. C'est là ma priorité et je n'en changerai pas.
Troisième remarque : près d'un tiers de ce reste à charge (5 milliards d'euros sur 16 milliards d'euros) est dû aux dépassements tarifaires, notion qui comprend à la fois les dépassements d'honoraires des médecins libéraux, et, pour une part importante, les prix payés par les patients pour les soins dentaires et optiques... C'est un point qui mérite d'être souligné et qui ne peut que renforcer ma volonté de trouver rapidement une solution pour encadrer les dépassements.
Nous avons déjà bien avancé en matière d'informations et de transparence sur les tarifs. La plateforme Infosoins de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) est là aussi pour orienter les patients vers les professionnels de santé les moins onéreux.
Mais nous devons aller plus loin. J'espère que les partenaires conventionnels ont bien à coeur de répondre rapidement à cette demande stratégique du président de la République. Sinon, comme il me l'a demandé, je saurai prendre mes responsabilités.
Mais revenons à nos chiffres.
c) La troisième tendance de fond, c'est la participation des organismes complémentaires au développement de notre système solidaire de santé.
La part des organismes complémentaires (OC) dans le financement des dépenses de santé a augmenté (de 12,2% en 1995 à 13,7% en 2007).
Les organismes complémentaires, qui couvrent aujourd'hui 93% de la population, jouent donc un rôle essentiel dans la diminution du reste à charge des ménages.
C'est pourquoi je suis très attentive au sort des 7% de nos concitoyens qui en sont dépourvus : c'est en ce sens que j'ai simplifié le fonctionnement de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), dont le montant a aussi été revalorisé, pour les plus âgés, dans la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST).
C'est aussi pour cela que j'attends beaucoup des complémentaires santé.
Ces dernières, en effet, ne sont pas des complémentaires comme les autres. Elles s'inscrivent dans une politique de santé dont elles sont partie prenante. De fait, les contrats responsables les incitent à respecter certains aspects fondamentaux de notre politique.
Les complémentaires santé ont consenti l'an dernier à augmenter leur contribution au Fonds CMU pour supporter l'intégralité du coût de la CMU-C et de l'ACS. Il s'agit là d'un financement solidaire de la complémentaire des plus démunis par une cotisation de tous ceux qui souscrivent à une complémentaire santé. J'appelle l'attention des complémentaires santé sur leur responsabilité : elles devront veiller à maîtriser leur politique tarifaire pour assurer l'accès de tous à une complémentaire santé.
J'attends aussi des complémentaires santé plus de lisibilité et de transparence dans les contrats, ainsi qu'une participation active à la construction du secteur optionnel, dans l'objectif d'encadrer les dépassements.
Les organismes complémentaires ont un rôle important à jouer pour améliorer le niveau de qualité et de pertinence des soins pris en charge et parvenir à limiter les dépenses sans porter atteinte à la mutualisation nécessaire entre les biens portants et les malades.
Néanmoins, et c'est mon deuxième point, au-delà de trois ces tendances de fond, les documents qui nous occupent mettent en relief les particularités de l'année 2008, qui a souffert des effets de la crise économique.
Ainsi, nous assumons la part conjoncturelle du déficit de l'assurance maladie, passé de 4,4 milliards d'euros en 2008 à 9,4 milliards d'euros en 2009, et qui a ainsi joué le rôle de stabilisateur automatique.
Pour autant, nous devons poursuivre nos efforts de réduction du déficit structurel.
Depuis 2007, le Gouvernement cherche à contenir l'augmentation des dépenses d'assurance maladie par une politique progressive, un « marathon », plutôt que par une politique de rupture.
L'objectif n'est pas de réduire brutalement l'intégralité du déficit, mais de parvenir à un rythme d'évolution des dépenses de santé compatible avec la croissance à long terme de l'économie.
Il est impératif de poursuivre les efforts continus de maîtrise des dépenses, si nous souhaitons limiter le déficit structurel et sauvegarder notre système solidaire d'assurance maladie.
Ces documents sont enfin - et c'est mon troisième point -l'occasion de nous pencher sur trois sujets particulièrement intéressants, qui confirment l'importance et la pertinence de notre politique de santé et d'assurance maladie.
Je pense d'abord à l'étude sur la place de la santé dans l'économie. Si l'on prend en compte l'ensemble des activités qui dépendent indirectement de la santé, la part de la valeur ajoutée nationale imputable à la consommation de soins passe de 9 à 13%, et celle de l'emploi de 10 à 13%.
Je ne m'étends pas sur l'étude consacrée aux revenus des titulaires d'officine, qui reprend une étude déjà publiée par la DREES. Je voudrais néanmoins attirer l'attention sur l'une des conclusions que nous devons en tirer : c'est dans les zones où la densité d'officine est la plus faible que les revenus sont les plus élevés.
Je veux plutôt revenir sur l'étude, qui a été réalisée à ma demande, sur les inégalités territoriales de santé.
Cette étude est riche d'enseignements.
Elle montre tout d'abord, qu'une fois corrigées de la structure par âge et de l'état de santé de la population, les inégalités territoriales sont faibles dans le secteur hospitalier, mais fortes dans le secteur ambulatoire, où l'offre semble induire en partie la demande.
Ainsi, par exemple, on n'observe pas d'écart notable de consommation de soins hospitaliers de court séjour entre la région Pays de la Loire et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, alors que l'écart entre ces deux régions est massif en ce qui concerne la consommation de soins de ville.
Elle montre aussi qu'il n'existe pas sur notre territoire de modèle unique d'organisation de notre système de soins : dans certaines régions, les soins ambulatoires et les soins hospitaliers de court séjour sont plutôt substituables, alors que dans d'autres ils sont plutôt complémentaires.
Ainsi, par exemple, en Midi-Pyrénées, la consommation est faible en soins hospitaliers de court séjour et élevée en soins de ville, alors que c'est l'inverse en Bourgogne.
Autre exemple, qui montre qu'il n'y a pas de modèle type : dans les Pays de la Loire ou en Auvergne, la consommation est faible tant sur les soins de ville que sur l'hôpital, alors qu'en Corse elle est élevée sur les deux secteurs.
Ce constat donne tout son sens à une réflexion régionale, qui appelle des analyses plus fines. Il serait bien maladroit de vouloir définir des normes nationales venant s'appliquer uniformément sur l'ensemble du territoire.
De même, l'analyse des flux inter-régionaux de patients pour les soins hospitaliers montre à quel point il est essentiel d'analyser au plus près du terrain l'organisation de notre système de soins.
Le rôle des directeurs d'agences régionales de santé sera donc central dans le pilotage global du système de santé.
Ils devront définir, sur chaque territoire, l'articulation la plus cohérente entre les secteurs des soins de ville, de l'hôpital et du médico-social, pour assurer à la fois la qualité de notre système de soins et la soutenabilité financière de notre système d'assurance maladie.
Je voudrais terminer mon intervention en rappelant qu'au regard de ce chantier considérable, la DREES aura un rôle éminent à jouer :
- d'une part, je souhaite que la Commission des comptes de la santé qui analysera l'année 2010, donc dans deux ans, mesure l'impact de cette nouvelle organisation territoriale sur les comptes de la santé ;
- d'autre part, il est évident que les futures agences régionales de santé auront besoin des études de la DREES pour assurer le pilotage régional des dépenses de santé.
Mais la DREES doit aussi poursuivre les analyses qu'elle a développées au niveau international.
En effet, les questions d'économie de la santé occupent une importance grandissante dans le monde entier.
Nous le voyons bien par exemple aux Etats-Unis avec le débat sur la réforme initiée par le président Barack Obama.
Plus que jamais, les pouvoirs publics ont besoin d'être éclairés par le savoir, les recherches érudites, les expertises scientifiques, les analyses et les études riches, approfondies et détaillées que nous apportent Anne-Marie BROCAS et toute son équipe de la DREES, ainsi que la Commission des comptes de la santé, pour mieux comprendre et mieux cerner les enjeux et les évolutions à l'oeuvre dans le monde de la santé.
Aujourd'hui comme demain, je n'ai pas de doute quant à votre capacité à vous montrer à la hauteur de cette mission.
Je vous remercie.Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 15 septembre 2009