Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, sur le rôle du Conseil national de la consommation, la tenue prochaine d'assises de la consommation, Paris le 21 septembre 2009.

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Circonstance : Conseil national de la consommation à Paris (Bercy) le 21 septembre 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C'est un réel plaisir pour moi que de pouvoir m'adresser ici aujourd'hui à vous tous, pour la première fois depuis que m'a été confiée la responsabilité ministérielle de la consommation, vous qui représentez les associations de consommateurs, les entreprises et les organismes, tels que l'INC, qui réfléchissent et agissent pour la consommation ; pour une consommation plus sûre, plus attentive aux attentes des consommateurs, plus soucieuse des générations futures, plus respectueuse des différents droits.
Je suis personnellement très attaché au Conseil National de la Consommation, ce « Parlement » des entreprises et des consommateurs accomplit un travail remarquable, et c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité rapidement vous réunir en séance plénière. Je souhaite au premier chef rendre hommage au travail accompli ces dernières années.
Dans beaucoup de domaines, le dialogue institutionnel entre consommateurs et professionnels au CNC a permis de trouver positions communes pour rendre le marché plus sûr, plus efficace et plus intelligent. Les engagements volontaires des professionnels dans le cadre d'avis du CNC répondent à cette préoccupation. Il est peu de questions de consommation, qui n'aient été, à un moment ou à un autre, examinées par le Conseil national de la consommation et ses avis sont souvent suivis des textes législatifs et réglementaires qui les rendent obligatoires :
Sur les sujets agroalimentaires, il a proposé une définition pour encadrer l'emploi du terme « frais », qui est toujours d'actualité et il a inventé, pendant la crise de l'ESB les modalités d'information du consommateur sur la traçabilité de la viande bovine. Il a rendu le 19 mai dernier un avis sur la valorisation des filières alimentaires n'utilisant pas intentionnellement des OGM.
Sur les autres sujets, le CNC a élaboré les critères et l'obligation d'un diagnostic pour définir la mise en sécurité des installations électriques anciennes. Le CNC a également veillé aux engagements pris par les professionnels du secteur des communications électroniques. Le CNC travaille aussi dans les secteurs où les mutations technologiques sont les plus rapides, comme le montre depuis 2008, le groupe de travail sur les nanotechnologies. Vous examinerez également, dans les prochains jours, un projet de rapport sur la protection des données personnelles des consommateurs.
Ce sont là de beaux chantiers - il y en a d'autres, qui sont également importants, je ne les cite évidemment pas tous. Ces avis du CNC sont très importants car ils permettent une action en amont. Ils permettent, quand des difficultés apparaissent dans un secteur, pour un produit ou pour un type de service, que l'on n'attende pas pour réagir que les plaintes des consommateurs se multiplient, que la presse en parle, que la rumeur enfle, ou que les tribunaux soient saisis. C'est cela, concrètement, qui permet de construire la confiance du consommateur dont l'économie a besoin.
Le travail approfondi du CNC sur les secteurs de la consommation, ayant besoin d'une attention particulière, ne permet cependant pas à soi seul de définir une politique globale de la consommation, et de réfléchir aux évolutions utiles. C'est pourquoi, j'ai souhaité réunir le 26 octobre prochain les Assises de la consommation.
Dès ma prise de fonctions, il y a trois mois, j'ai rencontré nombre d'entre vous - je poursuis naturellement ces contacts pour ceux que je n'ai pas encore eu le temps de rencontrer - et vous m'avez interrogé sur les suites que j'entendais donner aux réflexions sur le mouvement consumériste. J'ai rapidement souhaité recourir, pour cette nouvelle mission sur la consommation qui m'était confiée par le Président de la République et le Premier ministre, à la formule des Assises. J'y avais déjà eu recours lorsque j'avais lancé les Assises de la Restauration et les Assises du Tourisme. Les Assises sont en effet une forme de débat qui permet d'approfondir une politique, de prendre le temps d'écouter les acteurs et de tracer les contours des réformes qui peuvent s'avérer nécessaires.
Aujourd'hui, mon souhait est de réfléchir, avec vous, à un nouveau schéma d'ensemble de la politique de consommation où pourraient se confronter intérêts économiques et attentes des consommateurs, besoin de protection et aspiration à des modes de consommation nouveaux.
Ces Assises auront lieu le 26 octobre à Bercy. Ces Assises devront faire l'objet d'une intense préparation dans les prochains jours et pendant un peu plus d'un mois. Elles seront précédées par la réunion de groupes de travail et par l'envoi de contributions écrites qui seront toutes accessibles sur Internet. Il me paraissait légitime de vous donner à vous la primeur du contenu et du mode de préparation de ce qui sera un grand événement. Vous en serez les acteurs centraux.
Quatre thèmes me semblent devoir être abordés pendant nos Assises de la consommation. Il va de soi qu'ils seront adaptés et complétés en fonction de nos débats.
Comme thème introductif des Assises, je demanderai à des économistes et des sociologues de nous décrire la consommation de demain. Cette vision prospective nous aidera à mieux comprendre ce que les consommateurs attendent de nous : Etat, entreprises et associations de consommateurs.
Les trois autres thèmes des Assises concernent plus directement les domaines sur lesquels nous nous interrogerons sur les besoins éventuels de réforme. C'est pourquoi, ils feront l'objet d'abord de groupes de travail pour ces quatre prochaines semaines puis d'ateliers lors de la journée du 26 octobre.
Le premier de ces trois thèmes nous amènera à nous pencher sur les moyens de renforcer les associations et les institutions chargées de la consommation.
Ce sujet est sans doute celui qui soulève le plus d'inquiétude de votre part. Une partie d'entre vous ont ainsi exprimé leurs réserves à l'égard des propositions du rapport que mon prédécesseur avait commandé à Mme Laurent. C'est pourquoi, je tiens à vous faire part de ma conviction que votre diversité associative, signe de vitalité du mouvement consumériste, est avant tout une richesse pour notre pays.
Cela étant dit, je sais que vous êtes conscients, comme moi, que cette diversité du mouvement consumériste, qui s'explique par des identités et des histoires différentes issues des nombreux horizons de la société civile, en particulier du mouvement familial, du mouvement syndical, du féminisme, de l'éducation populaire, présente également des handicaps dans les relations avec les pouvoirs publics et les entreprises. Je rejoins en cela le constat fait par M. CHATEL, dans son rapport parlementaire de 2003 et par Mme Laurent :
1/ Les associations de consommateurs françaises rencontrent des difficultés à faire entendre leurs voix dans les très nombreuses structures consultatives françaises auxquelles elles sont conviées et auprès des autorités communautaires. Or, les pouvoirs publics ont besoin, sur chaque sujet, d'identifier un point de vue du consommateur, ou à défaut un nombre limité de positions de consommateurs, positions aussi convergentes que possible. Mais lorsque l'expression des consommateurs est multiple, que s'expriment de trop nombreuses contradictions, il est difficile de garantir une cohérence dans le traitement des différents problèmes. Dans ce cas, le dialogue entre professionnels et consommateurs peut s'égarer, s'allonger, s'obscurcir ou parfois même s'aigrir. Personne n'y gagne, en termes de gestion du temps, de compréhension, d'efficacité, de résultats.
2/ Les associations de consommateurs ont également une faible capacité à structurer leur force de frappe, c''est-à-dire recruter des professionnels, à s'implanter sur tout le territoire et à communiquer efficacement. Or, les consommateurs attendent, avant tout, des associations qu'elles soient compétentes, c''est-à-dire qu'elles organisent l'accueil physique des particuliers à la recherche d'information dans des permanences accessibles, qu'elles apportent des réponses fiables, bien documentées, ce qui suppose qu'il existe en arrière-plan des organisations bien structurées pour diffuser l'information, mettre en place des formations, orienter les dossiers et mutualiser les expériences, qu'elles développent des activités d'information générale, se concrétisant par des bulletins, brochures, revues et sites Internet régulièrement mis à jour et enfin qu'elles traitent leurs litiges. Bien sûr, le litige n'est pas une fin en soi. Le traitement d'un litige n'a qu'un seul but, celui de mettre fin au litige et de prévenir son renouvellement. Sans traitement des litiges par les associations, ceux-ci ne pourraient que se multiplier.
3/ Au sein même de ce CNC, vous savez que nous rencontrons des problèmes de gouvernance, qui ont eu tendance, dans la dernière période, à s'aggraver.
Nous ne pouvons donc pas camper sur le statu quo. Nous devons trouver ensemble les voies et moyens qui permettront à chacune des associations de taille modeste de continuer à s'exprimer et d'aider, au jour le jour, les consommateurs et aux associations d'une taille plus importante de jouer le rôle de premier plan, au niveau national et international, permettant de faire entendre la voix des consommateurs français.
Mon ambition, comme je l'ai déjà dit, c'est rendre plus fort et responsable le contre-pouvoir consommateur en France, et ma conviction, c'est qu'aujourd'hui ce contre-pouvoir consommateur n'est pas suffisant, même si le mouvement consumériste comprend, répartis entre des structures multiples, beaucoup de juristes compétents et de bénévoles motivés dont le dévouement doit d'ailleurs être fortement salué.
Il nous sera très utile d'observer ce que font les autres pays, d'où ils sont partis, là où ils sont arrivés, pour renouveler la réflexion et nous donner des chances de réussir. J'ai commandé aux missions économiques de la France à l'étranger une étude sur ce sujet que je dévoilerai pendant les Assises.
Cette étude nous donnera également des informations sur les autres modèles en matière d'institutions publiques chargées de la consommation.
Vous savez que notre édifice institutionnel actuel a plus de 25 ans (création de l'INC en 1966, de la commission des clauses abusives en 1978, du CNC et de la CSC en 1983).
Je souhaite donc que le premier groupe de travail examine l'opportunité de le réformer.
Le deuxième thème des Assises concerne les améliorations à apporter au droit national et communautaire de la consommation, et les secteurs prioritaires à cet égard. Quelles positions communes doit-on adopter sur les dernières directives d'harmonisation maximale ? Quels secteurs demandent prioritairement un ajustement des règles ?
Beaucoup a été fait ces dernières années pour renforcer le droit français de la consommation, qui est actuellement l'un des plus protecteurs d'Europe. Le baromètre des réclamations, au 1er semestre 2009, que j'ai publié la semaine dernière, fait apparaître de bons résultats, celui-ci ayant enregistré une nette diminution des réclamations (-17,9 %) par rapport au semestre précédent, pour atteindre le plus faible nombre de réclamations recensées depuis son lancement en juillet 2007 (55 613 réclamations, soit plus de 10 000 réclamations de moins que le précédent record).
Par ailleurs, il faut veiller, pour les opérateurs et consommateurs, à une certaine stabilité de ce droit. Il n'est donc pas question de légiférer pour le plaisir de légiférer. Toutefois, dans plusieurs secteurs de la consommation, qui ont évolué ces dernières années, les Assises de la consommation pourraient confirmer la nécessité d'intervenir. Je pense par exemples à :
La vente à distance (achats Internet) : Vous avez bien sûr en tête les mises en liquidation judiciaire récentes des sites de commerce électronique SHOWROOM2001, CAMIF, et LEMAGICIENDESPRIX. C'est pourquoi, je soutiens l'initiative pris par un groupe de travail parlementaire de déposer une proposition de loi visant à un ajustement de la législation sur la vente à distance pour éviter que les consommateurs ne soient lésés par de tels cas de faillite du vendeur à distance ;
L'immobilier : les consommateurs sont demandeurs de régulations nouvelles pour rendre transparentes l''affichage des prix des agences immobilières et les prestations des syndics de copropriétaires, ces dernières demandant probablement un effort particulier afin de préciser rapidement l''avis précédent du CNC et en finir avec les marges d''interprétation susceptibles d''empoisonner les relations entre copropriétaires et gestionnaires ;
Les accidents de la vie courante : la France, avec 20 000 morts par an, reste en tête des pays développés en ce qui concerne cette cause de mortalité. Je saisirai le Premier Ministre dans les prochains jours.
Les nouvelles aspirations des consommateurs au regard du développement durable : A la suite du Grenelle de l'environnement, il est important que l'Etat assure la meilleure protection possible aux consommateurs qui veulent adapter leurs comportements dans un sens favorable à la réduction des émissions carbone : labels bio pour les produits alimentaires, labels verts pour les produits non alimentaires et réduction des dépenses de transports et d'énergie. Dans le domaine de l'environnement et des allégations concernant le développement durable, nos concitoyens ont des attentes et même des exigences que je trouve parfaitement légitimes, ils ne veulent pas être trompés sur la réalité des avantages environnementaux allégués par les professionnels pour valoriser leurs produits. Je travaille sur ce dossier avec la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, Madame Jouanno, que j'ai invitée aux Assises.

Le troisième thème de ces Assises traitera du renforcement de la relation de confiance entre consommateurs et entreprises, c''est-à-dire les modes de résolution des conflits.
Le mode de résolution des conflits auquel vous pensez spontanément est la mise en place des actions de groupe.
Je me suis exprimé sur ce point : je suis favorable aux actions de groupe. En tant que libéral, je l'ai toujours été. Plusieurs préalables doivent cependant être levés avant de présenter un projet au Parlement :
1/ Nous devons être sortis de la crise économique. Il n'est pas souhaitable d'ajouter à une inquiétude économique une inquiétude juridique qui serait mal comprise ou mal définie, et donc de fragiliser nos entreprises en période de crise.
2/ Le mouvement consumériste (associations et institutions de soutien aux associations) doit mieux se structurer pour ne pas déclencher, de manière désordonnée, des actions de groupe, ce qui finirait par se retourner contre les consommateurs.
3/ Nous ne devons pas élaborer un projet qui serait incompatible avec les projets européens. Les institutions communautaires se sont en effet emparées du sujet. La Suède, le Danemark, le Portugal, l'Italie et l'Espagne sont déjà dotés de dispositif juridique d'actions de groupe. La commission européenne prépare un texte sur la réparation des dommages nés des pratiques anticoncurrentielles, qui, au titre des voies de recours, comporterait une procédure d'actions de groupe. Elle a également publié un livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs.
4/ Nous devons renforcer nos dispositifs de médiation. L'action de groupe trouvera d'autant plus vite sa place qu'elle concernera des litiges prioritaires. Les modes de résolution extrajudiciaires des conflits consuméristes méritent donc d'être développés et coordonnés. Je crois que vous le souhaitez tous. Il y a en effet là aussi une certaine diversité : il existe des médiations pour les assurances, les banques, les marchés financiers, les services publics, les organismes de logement, la sécurité sociale, les sociétés de transport, les prestataires télécoms... Là encore, la diversité reste une richesse jusqu'à ce qu'elle devienne un handicap.
Les instances de médiation économique doivent être réformées d'une part parce qu'elles figurent dans les décisions de réformés arrêtées en juin 2008 par le Conseil de modernisation des politiques publiques et d'autre part parce que la médiation en matière civile et commerciale a fait l'objet d'une directive européenne de mai 2008, actuellement en cours de transposition.
Vous voyez que le chantier est vaste et les 24 jours ouvrables qui nous séparent des Assises ne seront pas de trop pour exprimer et synthétiser nos pensées sur ces sujets. Je compte sur votre implication et sur vos propositions constructives. Les Assises seront un grand événement, non seulement pour vous, mais aussi pour l'opinion publique. Ce carrefour de débat sera suivi par nos concitoyens et nous ne devons pas les décevoir.
Au premier chef, je souhaite naturellement vous associer à ce travail, tant dans la phase de préparation que pour le déroulé des Assises. Nous vous proposerons donc de participer aux groupes de travail. Comme vous l'aurez relevé, j'ai souhaité mettre en préalable une réunion du CNC. J'attends donc de votre première expression aujourd'hui, les éléments qui vont nous permettre de préciser nos orientations.
Au-delà des travaux techniques sur le mouvement consumériste, je souhaite que ces Assises soient un vrai moment de débat sur la politique de la consommation, y compris sur des sujets intéressant nos concitoyens, et pas seulement les spécialiste du sujet.
Je vous remercie donc de votre attention et vous passe la parole pour que chacun puisse contribuer à ce premier échange.

source http://www.minefe.gouv.fr, le 23 septembre 2009