Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, à RTL le 6 octobre 2009, sur les résultats de la votation citoyenne sur la réforme du statut de la Poste et la récompense versée aux élèves pour leur assiduité en cours dans quelques établissements scolaires.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, L. Chatel.
 
Bonjour, J.-M. Aphatie.
 
Deux millions de personnes ont voté "pour" ou "contre" la réforme du statut de La Poste ? Deux millions de personnes, c'est beaucoup ou pas, d'après vous L. Chatel ?
 
Vous savez, ce vote, c'est un peu une tartufferie...
 
Non, ce n'est pas ma question. Est-ce que c'est beaucoup ou pas deux millions ?
 
Non, mais deux millions, ça dépend ! Si vous faites voter vingt fois la même personne, ça ne veut pas dire grand chose, J.- M. Aphatie. Or, manifestement, le vote n'a pas été complètement transparent.
 
A part du mépris, au fond, on n'a pas senti grand chose dans les réponses du Gouvernement ou des membres de la majorité par rapport à cette opération.
 
Non mais il n'y a pas de mépris. Il n'y a aucun mépris, J.-M. Aphatie. Il y a simplement l'idée que faire croire aux Français que nous voulons privatiser La Poste, c'est faux, c'est absolument faux. Pourquoi ? Vous le savez, le Gouvernement prend ses responsabilités. L'Etat est actionnaire de La Poste. La Poste est confrontée à deux situations nouvelles. La première : en 2011, le marché va s'ouvrir à la concurrence, ça veut dire que de grandes Postes européennes vont venir en France faire de la concurrence à La Poste. Et la deuxième mutation, c'est que le marché du courrier diminue. Internet augmente, les nouvelles technologies. Donc, on a un chiffre d'affaires qui diminue. Il faut trouver des relais de croissance pour La Poste.
 
Le Gouvernement ne veut pas privatiser La Poste, c'est ce que vous dites ?
 
Absolument. Le Gouvernement ne veut pas privatiser La Poste.
 
Ca a une durée de vie réduite le Gouvernement.
 
Non, le Gouvernement a beaucoup travaillé sur ce sujet...
 
Il y a plein de gouvernements qui se sont engagé et puis, les suivants ne tiennent pas les promesses.
 
J'en sais quelque chose puisque j'ai occupé les fonctions de l'Industrie pendant quelques mois, j'ai travaillé sur ce dossier de La Poste ; et nous avons construit un projet d'avenir pour La Poste. C'est quoi un projet d'avenir ? C'est l'idée de recapitaliser La Poste pour lui permettre de faire face aux nouveaux défis liés à l'ouverture à la concurrence, c'est-à- dire que La Poste devienne un grand groupe de logistiques, que La Poste investisse dans de nouveaux centres de tri postaux, que La Poste modernise, par exemple, l'ensemble de son réseau de bureaux de poste ; et nous souhaitons que La Poste reste l'acteur public que nous connaissons parce que c'est le meilleur moyen de garantir ce à quoi nous sommes tous attachés : le fait d'être livré six jours sur sept pour le courrier, le fait d'avoir ses bureaux de proximité. Donc tout cela sera garanti par cette loi.
 
Et ces deux millions de personnes, vous leur dites : voilà, on va faire ce qu'on a prévu de faire ?
 
Ces deux millions de personnes, je leur dis : le Gouvernement est tellement attaché à La Poste qu'il ne veut pas la privatiser et qu'il travaille à son avenir et qu'il a un vrai projet dans lequel il souhaite recapitaliser La Poste pour qu'elle investisse et qu'elle puisse jouer les poids-lourds dans le marché européen de La Poste de demain. Moi je n'ai pas très envie, J.-M. Aphatie, que demain...
 
Donc, vous ferez la réforme. Vous ferez la réforme ?
 
Oui bien sûr, nous ferons la réforme parce que je n'ai pas très envie, demain, J.-M. Aphatie, que la poste allemande, que la poste néerlandaise viennent tailler des croupières à nos bureaux de poste, à nos opérateurs postiers sur l'ensemble du territoire. Donc, nous croyons en l'avenir de notre Poste ; c'est pour ça que nous modifions son statut.
 
Vous êtes ministre de l'Education, L. Chatel. Trois lycées constituent une cagnotte pour récompenser les élèves qui viendront à l'école ; et à Marseille, le lycée Mistral va même leur offrir des places pour aller au stade Vélodrome. "Faut-il payer un adolescent pour ce qu'il doit faire ?" : savez-vous qui pose la question, L. Chatel ?
 
Non, mais je vais vous répondre...
 
C'est votre collègue V. Pécresse ; et quand on pose la question, c'est qu'on sent qu'elle a envie de répondre "non". Faut-il payer un adolescent pour ce qu'il doit faire ?
 
Mais V. Pécresse est comme moi : elle est engagée dans un combat national, majeur qui est la guerre contre l'absentéisme scolaire et la guerre contre le décrochage scolaire. C'est quoi le décrochage scolaire ? C'est ces élèves dans les lycées professionnels qui commencent à ne pas venir une heure de cours, puis une demi-journée, puis la semaine et qui ne viennent plus du tout au Lycée. Et à la fin, c'est ces 120.000 jeunes qui sortent du système éducatif, chaque année, sans diplôme, sans qualification. Donc le Gouvernement a décidé de déclarer la guerre, comment ? D'abord en mettant en oeuvre des réformes en profondeur, la réforme de l'orientation. Le président de la République l'a évoquée ; nous allons y revenir dans le cadre de la réforme du lycée. Nous avons également mobilisé des moyens pour lutter dans chaque établissement contre le décrochage avec des médiateurs de réussite scolaire ; et puis, nous expérimentons -parce qu'il n'y a pas de sciences exactes- il faut regarder lycée par lycée...
 
Oui, mais il y a des principes !
 
... Quelles peuvent être les solutions face à ce décrochage.
 
Récompenser des lycéens parce qu'ils viennent en cours, c'est stupéfiant !
 
Oui mais J.-M. Aphatie, je vais vous dire : je pense que cette initiative a sans doute été mal présentée, voilà.
 
Ah !
 
Elle concerne, d'abord je rappelle, trois lycées. C'est une expérimentation.
 
Peu importe !
 
Non, pas peu importe.
 
Si l'expérimentation réussit, elle sera généralisée ?
 
Nous verrons... Le propre d'une expérimentation, c'est de la laisser se dérouler, d'abord ; c'est ensuite de l'évaluer ; puis ensuite, c'est de décider si on l'arrête ou si on la généralise.
 
Voilà.
 
Donc, laissons-la se dérouler !
 
Elle peut être généralisée, le cas échéant ?
 
Laissons-la se dérouler, et puis nous verrons ensuite ce que nous faisons. Trois lycées. Je rappelle qu'il y a quand même 4.000 lycées et lycées professionnels en France.
 
Ce n'est pas un argument, ça ?
 
Si, c'est un argument ! Deuxième élément, J.-M. Aphatie, ce que je voudrais expliquer c'est qu'il ne s'agit pas - et le mot de "cagnotte" me semble inapproprié -, il ne s'agit pas de donner de l'argent aux élèves parce qu'ils viennent en cours. Absolument pas. Si c'était ça, je me serais mis évidemment en travers de cette mesure, il s'agit simplement... Vous savez, c'est un peu une bourse au mérite. C'est-à-dire l'idée que nous allons financer un projet collectif par établissement pour raccrocher les élèves, c'est-à-dire pour qu'ils reviennent étudier pour qu'à la fin ils aient un diplôme et qu'on prépare leur insertion dans la vie active. C'est ça l'idée. Et c'est la même manière qu'il existe des projets collectifs dans des lycées, aujourd'hui. On peut imaginer que ça serve à un séjour linguistique, par exemple. Il ne s'agit pas de payer les élèves. Ca, c'est hors de question.
 
Entendu ! L. Chatel.
 
Et j'ai demandé au recteur des garanties en la matière.
 
Le recteur de Créteil.
 
Je lui ai demandé de recevoir les syndicats pour leur expliquer cela. J'ai demandé de recevoir les parents d'élèves ; et puis, enfin, je lui ai demandé de créer un comité de suivi de cette expérimentation pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté.
 
C'est la question du jour sur RTL : faut-il interdire les portables à l'école ? Un élève sur deux les utilise pendant les cours.
 
D'abord, je pense que c'est une décision qui relève des conseils d'administration des établissements, du règlement intérieur.
 
Mais votre idée ?
 
Moi je pense qu'il ne faut pas interdire les portables ; il faut en interdire l'usage pendant les heures de cours et c'est ce qui se passe d'ailleurs dans la plupart des établissements...
 
Confisquer les portables, d'abord ?
 
On peut aller jusqu'à la confiscation pendant l'heure de cours, mais c'est au chef de... Faisons confiance un petit peu à la communauté éducative, aux chefs d'établissements qui ont la responsabilité de rédiger des règlements intérieurs, avec les professeurs, avec les parents d'élèves et c'est à eux de définir les modalités d'une telle mesure. Mais évidemment portable n'est pas compatible avec heure de cours.
 
Comédie électorale, dimanche soir, à Corbeil-Essonnes. S. Dassault, sénateur UMP, ne pouvait pas se présenter à la mairie ; alors, il a mis à la tête de sa liste, un homme de paille, J.-P. Bechter, qui dit ceci, dimanche soir, au micro de J. Florin. Ecoutez : "Monsieur Dassault est réélu maire de Corbeil-Essonnes...
 
(Applaudissements)...
 
après avoir battu le Parti communiste, quatre fois de suite. J. Florin (de RTL) : Qui occupera le bureau du maire ?
 
J.-P. Bechter : Lui.
 
Alors, l'élu que vous êtes, réagit comment quand il entend ça ?
 
Ecoutez, l'élu que je suis regarde le résultat du scrutin. La liste conduite par monsieur Bechter l'a emportée à Corbeil-Essonnes. Les électeurs ont parlé.
 
Et il dit : "Monsieur Dassault a gagné". Cela ne vous choque pas ?
 
Non, il dit : Monsieur Dassault a gagné parce qu'il est l'héritier de monsieur Dassault ; il incarne la continuité de l'engagement politique au sein de la mairie de Corbeil-Essonnes.
 
C'est dur, parfois, de dire le contraire de ce que l'on pense, L. Chatel ?
 
Non, mais attendez ! J.-M. Aphatie, vous avez un candidat qui se présente dans la continuité d'un maire qui a marqué la ville de Corbeil- Essonnes, qui a beaucoup investi pour cette ville. Il est élu ; eh bien il n'est pas anormal qu'il rende hommage à son prédécesseur, J.- M. Aphatie. La politique c'est aussi cela : c'est savoir rendre hommage à ses prédécesseurs.
 
S. Dassault, maire de Corbeil-Essonnes, est sûrement content de vous entendre. L. Chatel était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
 Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 octobre 2009