Texte intégral
N. Demorand.- Votre analyse de la faible mobilisation d'hier, "Journée autour du travail décent", à laquelle les syndicats français appelaient à s'associer ?
Je crois qu'ils avaient eux-mêmes prévu que ça ne serait pas une mobilisation collective et tout à fait visible, et qu'ils avaient plutôt envisagé des opérations de toute nature. Et il est vrai qu'il n'y avait pas un motif particulier, unique, qui pouvait solidifier une manifestation de grande ampleur. C'était aussi la journée, hier, du "Travail décent", c'était la "Journée internationale du travail décent", et finalement c'est autour de cette thématique que les syndicats se sont exprimés, ils ont d'ailleurs raison, c'est un sujet majeur de la société moderne.
Est-ce qu'il y a, d'après vous, un affaiblissement de la contestation, on l'a vue beaucoup plus forte, ces derniers mois, en France ?
Il y a tout simplement deux faits nouveaux. D'abord, c'est la crise elle-même évidemment, et aujourd'hui les salariés sont surtout préoccupés de conserver leur emploi, ils sont dans une période difficile pour tout le monde. Et évidemment c'est lorsque les choses vont mieux, lorsqu'il y a de la valeur à distribuer, à partager, lorsque les entreprises recommenceront à faire des bénéfices que l'on verra peut-être les salariés se faire entendre un peu plus.
Et pour les syndicats, le front syndical est affaibli ?
Je ne sais pas si on peut dire "affaibli", parce que en fait, ce que ne voit pas peut-être l'opinion publique lorsqu'elle regarde de loin le monde syndical, elle croit que la vie syndicale c'est protester. Le monde syndical reste très vif, et nous nous voyons très régulièrement, nous travaillons au fond, sans cesse, quotidiennement, avec les grandes confédérations. Et donc, on n'a pas en face de soi des interlocuteurs qui paraissent affaiblis. On a simplement une autre manière de travailler, peut-être moins spectaculaire, mais qui se fait aussi dans l'intérêt des travailleurs et des salariés.
F. Chérèque, qui était notre invité hier, refusait le terme de "cogestion" pour caractériser ce travail avec l'exécutif, avec le Gouvernement, avec le chef de l'Etat. Est-ce que vous, ce terme vous semble bien décrire vos relations avec les syndicats ?
Non, nous ne co-gérons pas. Le Gouvernement a une politique, un projet politique ; il est au travail dans un contexte extrêmement difficile, comme chacun sait, sur le plan économique en particulier, et les syndicats défendent les intérêts de leurs mandants. Donc, nous nous parlons, il y a une dialectique, il y a un rapport de dialogue extrêmement soutenu, mais il n'y a pas de cogestion. Les politiques prennent leurs responsabilités, seuls, lorsqu'ils doivent les prendre.
En tout cas, la voie est libre maintenant pour la réforme des retraites ?
Oui.
C'est le prochain gros chantier, ça ?
La voie est libre et en même temps c'est un travail difficile. D'abord, parce qu'il faut que les Français prennent conscience de la situation. Aujourd'hui, un homme de 30-40 ans, un homme ou une femme de 30- 40 ans, ne pense pas vraiment quand est-ce qu'il prendra sa retraite, combien il touchera, ce sont des questions qu'on ne se pose pas. Or, déjà aujourd'hui, il faut le savoir, il y a une retraite sur dix qui n'est pas financée. Et avec la démographie, qui fait que nous allons vieillir beaucoup, aujourd'hui un enfant qui est né au début de ce siècle a une chance sur deux d'être centenaire, nous allons être dans des déséquilibres considérables. Aujourd'hui, vous avez 1,8 salarié pour un retraité ; dans une dizaine d'années vous serez à 1,5, et à l'horizon 2040-2050, 1,2, donc nous serons dans des déséquilibres épouvantables, donc nous ne pouvons pas ne rien faire. Et la première des choses à faire, c'est faire comprendre cette situation aux Français. C'est ce que nous allons faire d'ici à la fin de l'année ; nous allons nous rencontrer avec l'ensemble des partenaires sociaux pour essayer de nous mettre d'accord au moins. Est-ce qu'on est d'accord sur les chiffres, sur les objectifs, sur les prospectives qui se dessinent, sur ces questions d'équilibre des comptes liés aux pensions et aux retraites ? Et puis ensuite, nous aurons le rapport du Conseil d'orientation des retraites qui viendra au mois de février...
Le COR.
Le COR, absolument, ce qui nous permettra à partir du mois de mars jusqu'à l'automne de faire des propositions.
Un mot de méthode. F. Chérèque propose un Grenelle des retraites, il le dit, on en fait sur tout des Grenelle en ce moment. Là, pour le coup, ce Grenelle là aurait vraiment une utilité. Il nous disait d'ailleurs que la chose pouvait éventuellement voir le jour. Quand ? Vous confirmez, vous infirmez ?
Ca dépend ce qu'on appelle "un Grenelle". S'il s'agit de dire qu'on se réunit Rue de Grenelle, dans mon ministère, puisque c'est de là que vient l'appellation "Grenelle des retraites", je suis d'accord. S'il s'agit de dire "Grenelle des retraites" pour donner l'impression qu'il faut faire quelque chose d'immense, d'interminable, de reprendre tout à zéro, de n'en plus finir, et donc, finalement de perdre beaucoup de temps, non. Je crois qu'il faudra au cours de l'année 2010 avancer assez vite tout simplement parce que l'équilibre aujourd'hui de nos retraites est en péril.
L'allongement de la durée de cotisations, le fait de travailler plus longtemps, ça c'est acquis, d'après vous ? Rien n'est acquis, je le répète... Oui, enfin, vous allez discuter de tout, mais vous avez bien une idée ?
J'ai des idées, d'autres en ont aussi. Ce qui est clair...
La vôtre, alors ?
...c'est que personne n'échappera à cette évidence-là. Que, soit on allonge les durées de cotisations, soit on diminue les prestations, soit on augmente les cotisations. Il est clair que c'est vraisemblablement la première solution qui est la plus généralement mieux acceptée. D'autant que, lorsque vous regardez l'équilibre d'une vie aujourd'hui, entre le temps où vous ne travaillez pas et le temps où vous êtes salarié, vous voyez bien que les choses ont changé. Dans les années 50, lorsque quelqu'un prenait sa retraite, il avait devant lui, quatre, cinq, dix ans, s'il était vraiment en très bonne santé, de chance de retraite ; aujourd'hui, nous sommes à 30 ans. Et donc, ce qu'il faut voir, c'est l'équilibre global dans une vie : ce tiers de temps où l'on se prépare à être actif, ce tiers de temps où on est actif, et ce tiers de temps où on est retraité, et donc il faut, en quelque sorte avoir une vue complète de l'équilibre entre le temps travaillé et le temps retraité.
Donc, puisque nous serons centenaires dans quelques années, les deux tiers ça fait 66 ans, c'est ça ce que vous nous dites ce matin, on va travailler jusqu'à cet âge-là ?
Non, ça c'est vous qui le dites, ne me faites pas dire des choses pareilles...
Mais alors combien à peu près, c'est quoi l'optimum pour vous ?
Je ne répondrai pas à votre question, parce que je viens de vous dire qu'il faut d'abord que nous regardions tous ensemble la situation et qu'ensuite les pistes soient explorées. Le Gouvernement n'a pas...
Vous avez dit aussi que vous aviez des idées. Alors sur ce sujet, donc, sur ce sujet hypersensible, vous devez en avoir une précise ? Dites-la nous ?
Oui, mais je n'ai pas de solution clés en main, ce n'est pas vrai. Il faut explorer toutes les solutions et ensuite les mettre sur la table, je ne vous dirai pas aujourd'hui ce que le Gouvernement sait à l'avance ce qu'il fera l'année prochaine, et quelle est la solution unique qu'il aurait trouvée parce que ce n'est pas le cas.
Mais le Gouvernement le sait mais ne veut pas le dire, ou ne le sait pas ?
Non, je le répète, nous n'avons pas d'idées préconçues sur cette question, nous verrons aussi politiquement jusqu'où on peut aller dans cette période-là, comment se trouvent les partenaires sociaux, s'ils sont prêts à avancer très vite, ou si au contraire ils sont extrêmement résistants. C'est une négociation comme une autre.
Une fourchette au moins ?
Je vous ai déjà dit que je ne vous répondrai pas parce que je n'ai pas d'idées préconçues sur cette question.
France Télécom, dites-nous en termes simples, ce que vous pensez vraiment de la situation humaine dans cette entreprise ?
Je pense que c'est une entreprise qui a connu une mutation extrêmement brutale sur le plan technologique, sur le plan technique, sur le plan structurel, et qu'elle est une sorte d'exemple caricatural de ce qui se produit dans l'ensemble du monde moderne, c'est-à-dire, on est passé d'une société industrielle où les accidents étaient des accidents physiques, dans les mines, dans les hauts-fourneaux, dans les chantiers, à une des accidents psychosociaux, parce que nous sommes une société de services, qui sont en plus sous la pression de la financiarisation. France Télécom, c'est une sorte d'exemple canonique de ces évolutions-là. Et que, peut-être, en effet, sur le plan de la gestion des évolutions de carrière, France Télécom a peut-être un peu négligé cet aspect-là par rapport à ses objectifs de croissance.
Ce qui vous est revenu, via l'inspection du travail, les gens que vous avez missionnés pour regarder ce qui se passe à France Télécom, est-ce que ça vous a accablé ou est-ce qu'il y a vraiment un désarroi humain très fort ? Encore une fois, comment qualifier les choses ?
Aussi bien sur le plan humain, comme homme, que sur le plan professionnel, comme ministre, ce que j'ai entendu m'a...oui, m'a accablé, oui. On a vu des gens en très grande souffrance, on a vu des salariés qui étaient en plein désarroi, on a vu des gens qu'on obligeait à des mutations extrêmement précipitées, voire tous les trois ans pour les cadres, il y a des gens qui venaient de s'installer avec leur famille, qui au bout de trois ans étaient obligés de partir. Et donc on a vu une gestion humaine qui était quand même relativement sévère. Et peut-être avec une sous-estimation des risques psychologiques pour des gens qui étaient obligés de changer de métier quasiment pour beaucoup d'entre eux. Et dans un contexte de concurrence très dure. Enfin, aujourd'hui, les choses ont été reprises en main, nous avons fait une feuille de route, D. Lombard et moi, il y a maintenant une quinzaine de jours ; la Direction générale du travail accompagne les travaux du Conseil d'orientation d'hygiène et de sécurité et de conditions de travail. Ils ont ouvert cinq négociations : sur la manière de travailler, d'équilibrer la vie professionnelle et privée, ils ont interrompu les mutations jusqu'à la fin de l'année, tout cela est en train de se stabiliser, les gens se reparlent, une autre manière de gérer les choses se dessine, et puis, comme vous le savez aussi, le numéro 2 a changé. Donc je pense que toutes les conditions sont réunies pour qu'on sorte de cette crise.
Un mot sur F. Mitterrand, votre collègue, ministre de la Culture, il est rattrapé par ses écrits. Quelle est votre analyse de toute cette situation ?
D'abord, je constate comme tout le monde que c'est depuis que F. Mitterrand a rejoint le Gouvernement que, et le Front national, et ensuite, le PS se souviennent de ce qu'il a écrit naguère. Je crois qu'il faut que F. Mitterrand dise les choses. Mais que je sache, il n'y a pas de juge qui lui court après, personne ne fait de reproches à F. Mitterrand sur le plan légal. On lui fait reproche sur des comportements personnels, des comportements moraux. C'est à lui de répondre à cela.
Il faut qu'il s'explique maintenant ?
Je pense qu'il faut qu'il réponde, autrement que simplement par l'indignation, il le fera d'ailleurs parfaitement. Et j'ai observé d'ailleurs - je vais vous dire des choses quand même, moi je ne suis pas un spécialiste de la chasse à l'homme - et j'ai trouvé qu'il y a un peu de dérive. Déjà, quand je vois par exemple M. Le Pen qui dit, qui ne parle pas de "jeunes hommes" mais de "petits garçons", il y a une volonté évidemment de dénigrer, d'exagérer la situation, de porter atteinte à quelqu'un, qui n'est pas du tout dans mon genre, je dirai.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 octobre 2009
Je crois qu'ils avaient eux-mêmes prévu que ça ne serait pas une mobilisation collective et tout à fait visible, et qu'ils avaient plutôt envisagé des opérations de toute nature. Et il est vrai qu'il n'y avait pas un motif particulier, unique, qui pouvait solidifier une manifestation de grande ampleur. C'était aussi la journée, hier, du "Travail décent", c'était la "Journée internationale du travail décent", et finalement c'est autour de cette thématique que les syndicats se sont exprimés, ils ont d'ailleurs raison, c'est un sujet majeur de la société moderne.
Est-ce qu'il y a, d'après vous, un affaiblissement de la contestation, on l'a vue beaucoup plus forte, ces derniers mois, en France ?
Il y a tout simplement deux faits nouveaux. D'abord, c'est la crise elle-même évidemment, et aujourd'hui les salariés sont surtout préoccupés de conserver leur emploi, ils sont dans une période difficile pour tout le monde. Et évidemment c'est lorsque les choses vont mieux, lorsqu'il y a de la valeur à distribuer, à partager, lorsque les entreprises recommenceront à faire des bénéfices que l'on verra peut-être les salariés se faire entendre un peu plus.
Et pour les syndicats, le front syndical est affaibli ?
Je ne sais pas si on peut dire "affaibli", parce que en fait, ce que ne voit pas peut-être l'opinion publique lorsqu'elle regarde de loin le monde syndical, elle croit que la vie syndicale c'est protester. Le monde syndical reste très vif, et nous nous voyons très régulièrement, nous travaillons au fond, sans cesse, quotidiennement, avec les grandes confédérations. Et donc, on n'a pas en face de soi des interlocuteurs qui paraissent affaiblis. On a simplement une autre manière de travailler, peut-être moins spectaculaire, mais qui se fait aussi dans l'intérêt des travailleurs et des salariés.
F. Chérèque, qui était notre invité hier, refusait le terme de "cogestion" pour caractériser ce travail avec l'exécutif, avec le Gouvernement, avec le chef de l'Etat. Est-ce que vous, ce terme vous semble bien décrire vos relations avec les syndicats ?
Non, nous ne co-gérons pas. Le Gouvernement a une politique, un projet politique ; il est au travail dans un contexte extrêmement difficile, comme chacun sait, sur le plan économique en particulier, et les syndicats défendent les intérêts de leurs mandants. Donc, nous nous parlons, il y a une dialectique, il y a un rapport de dialogue extrêmement soutenu, mais il n'y a pas de cogestion. Les politiques prennent leurs responsabilités, seuls, lorsqu'ils doivent les prendre.
En tout cas, la voie est libre maintenant pour la réforme des retraites ?
Oui.
C'est le prochain gros chantier, ça ?
La voie est libre et en même temps c'est un travail difficile. D'abord, parce qu'il faut que les Français prennent conscience de la situation. Aujourd'hui, un homme de 30-40 ans, un homme ou une femme de 30- 40 ans, ne pense pas vraiment quand est-ce qu'il prendra sa retraite, combien il touchera, ce sont des questions qu'on ne se pose pas. Or, déjà aujourd'hui, il faut le savoir, il y a une retraite sur dix qui n'est pas financée. Et avec la démographie, qui fait que nous allons vieillir beaucoup, aujourd'hui un enfant qui est né au début de ce siècle a une chance sur deux d'être centenaire, nous allons être dans des déséquilibres considérables. Aujourd'hui, vous avez 1,8 salarié pour un retraité ; dans une dizaine d'années vous serez à 1,5, et à l'horizon 2040-2050, 1,2, donc nous serons dans des déséquilibres épouvantables, donc nous ne pouvons pas ne rien faire. Et la première des choses à faire, c'est faire comprendre cette situation aux Français. C'est ce que nous allons faire d'ici à la fin de l'année ; nous allons nous rencontrer avec l'ensemble des partenaires sociaux pour essayer de nous mettre d'accord au moins. Est-ce qu'on est d'accord sur les chiffres, sur les objectifs, sur les prospectives qui se dessinent, sur ces questions d'équilibre des comptes liés aux pensions et aux retraites ? Et puis ensuite, nous aurons le rapport du Conseil d'orientation des retraites qui viendra au mois de février...
Le COR.
Le COR, absolument, ce qui nous permettra à partir du mois de mars jusqu'à l'automne de faire des propositions.
Un mot de méthode. F. Chérèque propose un Grenelle des retraites, il le dit, on en fait sur tout des Grenelle en ce moment. Là, pour le coup, ce Grenelle là aurait vraiment une utilité. Il nous disait d'ailleurs que la chose pouvait éventuellement voir le jour. Quand ? Vous confirmez, vous infirmez ?
Ca dépend ce qu'on appelle "un Grenelle". S'il s'agit de dire qu'on se réunit Rue de Grenelle, dans mon ministère, puisque c'est de là que vient l'appellation "Grenelle des retraites", je suis d'accord. S'il s'agit de dire "Grenelle des retraites" pour donner l'impression qu'il faut faire quelque chose d'immense, d'interminable, de reprendre tout à zéro, de n'en plus finir, et donc, finalement de perdre beaucoup de temps, non. Je crois qu'il faudra au cours de l'année 2010 avancer assez vite tout simplement parce que l'équilibre aujourd'hui de nos retraites est en péril.
L'allongement de la durée de cotisations, le fait de travailler plus longtemps, ça c'est acquis, d'après vous ? Rien n'est acquis, je le répète... Oui, enfin, vous allez discuter de tout, mais vous avez bien une idée ?
J'ai des idées, d'autres en ont aussi. Ce qui est clair...
La vôtre, alors ?
...c'est que personne n'échappera à cette évidence-là. Que, soit on allonge les durées de cotisations, soit on diminue les prestations, soit on augmente les cotisations. Il est clair que c'est vraisemblablement la première solution qui est la plus généralement mieux acceptée. D'autant que, lorsque vous regardez l'équilibre d'une vie aujourd'hui, entre le temps où vous ne travaillez pas et le temps où vous êtes salarié, vous voyez bien que les choses ont changé. Dans les années 50, lorsque quelqu'un prenait sa retraite, il avait devant lui, quatre, cinq, dix ans, s'il était vraiment en très bonne santé, de chance de retraite ; aujourd'hui, nous sommes à 30 ans. Et donc, ce qu'il faut voir, c'est l'équilibre global dans une vie : ce tiers de temps où l'on se prépare à être actif, ce tiers de temps où on est actif, et ce tiers de temps où on est retraité, et donc il faut, en quelque sorte avoir une vue complète de l'équilibre entre le temps travaillé et le temps retraité.
Donc, puisque nous serons centenaires dans quelques années, les deux tiers ça fait 66 ans, c'est ça ce que vous nous dites ce matin, on va travailler jusqu'à cet âge-là ?
Non, ça c'est vous qui le dites, ne me faites pas dire des choses pareilles...
Mais alors combien à peu près, c'est quoi l'optimum pour vous ?
Je ne répondrai pas à votre question, parce que je viens de vous dire qu'il faut d'abord que nous regardions tous ensemble la situation et qu'ensuite les pistes soient explorées. Le Gouvernement n'a pas...
Vous avez dit aussi que vous aviez des idées. Alors sur ce sujet, donc, sur ce sujet hypersensible, vous devez en avoir une précise ? Dites-la nous ?
Oui, mais je n'ai pas de solution clés en main, ce n'est pas vrai. Il faut explorer toutes les solutions et ensuite les mettre sur la table, je ne vous dirai pas aujourd'hui ce que le Gouvernement sait à l'avance ce qu'il fera l'année prochaine, et quelle est la solution unique qu'il aurait trouvée parce que ce n'est pas le cas.
Mais le Gouvernement le sait mais ne veut pas le dire, ou ne le sait pas ?
Non, je le répète, nous n'avons pas d'idées préconçues sur cette question, nous verrons aussi politiquement jusqu'où on peut aller dans cette période-là, comment se trouvent les partenaires sociaux, s'ils sont prêts à avancer très vite, ou si au contraire ils sont extrêmement résistants. C'est une négociation comme une autre.
Une fourchette au moins ?
Je vous ai déjà dit que je ne vous répondrai pas parce que je n'ai pas d'idées préconçues sur cette question.
France Télécom, dites-nous en termes simples, ce que vous pensez vraiment de la situation humaine dans cette entreprise ?
Je pense que c'est une entreprise qui a connu une mutation extrêmement brutale sur le plan technologique, sur le plan technique, sur le plan structurel, et qu'elle est une sorte d'exemple caricatural de ce qui se produit dans l'ensemble du monde moderne, c'est-à-dire, on est passé d'une société industrielle où les accidents étaient des accidents physiques, dans les mines, dans les hauts-fourneaux, dans les chantiers, à une des accidents psychosociaux, parce que nous sommes une société de services, qui sont en plus sous la pression de la financiarisation. France Télécom, c'est une sorte d'exemple canonique de ces évolutions-là. Et que, peut-être, en effet, sur le plan de la gestion des évolutions de carrière, France Télécom a peut-être un peu négligé cet aspect-là par rapport à ses objectifs de croissance.
Ce qui vous est revenu, via l'inspection du travail, les gens que vous avez missionnés pour regarder ce qui se passe à France Télécom, est-ce que ça vous a accablé ou est-ce qu'il y a vraiment un désarroi humain très fort ? Encore une fois, comment qualifier les choses ?
Aussi bien sur le plan humain, comme homme, que sur le plan professionnel, comme ministre, ce que j'ai entendu m'a...oui, m'a accablé, oui. On a vu des gens en très grande souffrance, on a vu des salariés qui étaient en plein désarroi, on a vu des gens qu'on obligeait à des mutations extrêmement précipitées, voire tous les trois ans pour les cadres, il y a des gens qui venaient de s'installer avec leur famille, qui au bout de trois ans étaient obligés de partir. Et donc on a vu une gestion humaine qui était quand même relativement sévère. Et peut-être avec une sous-estimation des risques psychologiques pour des gens qui étaient obligés de changer de métier quasiment pour beaucoup d'entre eux. Et dans un contexte de concurrence très dure. Enfin, aujourd'hui, les choses ont été reprises en main, nous avons fait une feuille de route, D. Lombard et moi, il y a maintenant une quinzaine de jours ; la Direction générale du travail accompagne les travaux du Conseil d'orientation d'hygiène et de sécurité et de conditions de travail. Ils ont ouvert cinq négociations : sur la manière de travailler, d'équilibrer la vie professionnelle et privée, ils ont interrompu les mutations jusqu'à la fin de l'année, tout cela est en train de se stabiliser, les gens se reparlent, une autre manière de gérer les choses se dessine, et puis, comme vous le savez aussi, le numéro 2 a changé. Donc je pense que toutes les conditions sont réunies pour qu'on sorte de cette crise.
Un mot sur F. Mitterrand, votre collègue, ministre de la Culture, il est rattrapé par ses écrits. Quelle est votre analyse de toute cette situation ?
D'abord, je constate comme tout le monde que c'est depuis que F. Mitterrand a rejoint le Gouvernement que, et le Front national, et ensuite, le PS se souviennent de ce qu'il a écrit naguère. Je crois qu'il faut que F. Mitterrand dise les choses. Mais que je sache, il n'y a pas de juge qui lui court après, personne ne fait de reproches à F. Mitterrand sur le plan légal. On lui fait reproche sur des comportements personnels, des comportements moraux. C'est à lui de répondre à cela.
Il faut qu'il s'explique maintenant ?
Je pense qu'il faut qu'il réponde, autrement que simplement par l'indignation, il le fera d'ailleurs parfaitement. Et j'ai observé d'ailleurs - je vais vous dire des choses quand même, moi je ne suis pas un spécialiste de la chasse à l'homme - et j'ai trouvé qu'il y a un peu de dérive. Déjà, quand je vois par exemple M. Le Pen qui dit, qui ne parle pas de "jeunes hommes" mais de "petits garçons", il y a une volonté évidemment de dénigrer, d'exagérer la situation, de porter atteinte à quelqu'un, qui n'est pas du tout dans mon genre, je dirai.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 octobre 2009