Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier non seulement mes collègues ministres d'être venus aujourd'hui de tous les pays mais également les délégations de tous ces pays, y compris la délégation française, pour le travail effectué ces derniers mois, depuis la réunion de Paris.
Je salue également les représentants de la Commission européenne et de la Banque mondiale qui ont accompagné nos travaux.
Tout a commencé il y a 25 ans, quand cette contribution au financement du développement a été proposée.
Cette idée s'est renforcée en mai dernier lors de la Conférence de Paris où la France a proposé que le Groupe de travail sur les Financements innovants réfléchissent aussi à une contribution au développement qui porterait sur toutes les transactions financières mondiales.
On l'a appelé la taxe Tobin, le retour de la taxe Tobin, or c'est une erreur.
La taxe Tobin portait sur les taux de changes, sur les transactions financières et elle avait pour but de stabiliser la finance internationale.
Dans le cas présent, ce n'est pas du tout cela. Parmi un certain nombre de propositions, il s'agirait d'une taxation, d'une contribution très minime. On a un chiffre qui se situe autour de 0,005%, c'est-à-dire 5 centimes d'euros sur une transaction de 1000 euros mais c'est évidemment aux experts qui sont réunis ici de le définir.
Ce n'est pas une contribution insupportable. Si celle-ci était acceptée, et si d'autres propositions ne voient pas le jour, cela représenterait environ 30 milliards d'euros par an. Les chiffres sont spectaculaires et je vous les fournirais si vous le souhaitez. Le chiffre des transactions internationales est considérable. Il y a un côté spectaculaire à comparer ces chiffres aux chiffres nécessaires pour le développement. L'aide publique au développement doit demeurer et se renforcer de ces contributions qui seront étudiées par le groupe que vous avez devant vous et par neuf experts.
Ce matin, nous nous sommes mis d'accord sur une méthode et sur un calendrier. Et plus encore, nous nous sommes mis d'accord sur une aspiration commune.
Vous avez en face de vous, les pays pionniers qui ont décidé de travailler dans les prochains mois, sur la manière dont il sera possible de financer le développement à partir d'une transaction que l'on appelle mobilière.
A compter d'aujourd'hui, nous allons nous retrouver à plusieurs occasions et produire, pour le printemps 2010, un rapport d'experts internationalement reconnus et proposer des solutions opérationnelles. Ma proposition, je vous l'ai dit, sera ces transactions financières. Nous appellerons contribution solidaire internationale ce qui, je l'espère, sortira de notre Groupe de travail.
A compter d'aujourd'hui, Monsieur le Président, après le temps des annonces, il est venu le temps de progresser ensemble vers des solutions par un choix serein et expert. Ce sont les ministres mais aussi les experts mondialement reconnus, qui pourront nous indiquer, au plus vite, à un niveau mondial, quelle serait la participation de tous les pays.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de trouver une taxe qui affecterait ou dont bénéficieraient les ressortissants d'un ou deux pays. Certes, ce serait déjà un progrès mais notre souhait est plus ambitieux et en passant la parole à Monsieur le Président, je dis que c'est au niveau mondial que nous devons décider.
Il faut que ce soit simple, transparent, contrôlé. Il faut que ce soit une expertise à la fois morale, technique et financière, comme l'a été par exemple le Fonds mondial pour le traitement du VIH sida, de la tuberculose et de la malaria - et encore, ce n'est pas suffisant. Il faudrait que ce soit plus large.
Monsieur le Président, en vous remerciant, en remerciant le Chili, votre pays d'avoir contribué par sa force, par sa détermination et également par son expertise à la réussite de ce premier Groupe d'experts je vous donne la parole.
Q - Monsieur le Ministre Bernard Kouchner, comment évaluez-vous aujourd'hui la présence du Japon, qui n'était pas forcément favorable à ce débat au début ? Pouvez-vous nous parler de l'absence des Etats-Unis à ce jour ?
R - Tout d'abord, je me réjouis de la présence du Japon à nos côtés. Cette présence est spectaculaire à tous les sens du terme. Vous aurez noté que le Japon a changé de gouvernement et j'ai compris, avec tout le respect que je dois à nos amis japonais, que le Japon a changé de direction politique.
Ce gouvernement n'est pas le même que celui avec lequel nous avions l'habitude de travailler. Les propos tenus par le ministre japonais, à qui je vais donner la parole, sont des propos pleins de dynamisme et très encourageants.
Quant aux Etats-Unis, ils sont bien sûr tenus au courant de nos travaux. Aujourd'hui, ils ne sont pas là mais je crois qu'ils participeront, j'en suis même certain et, là encore, le nouveau gouvernement, la nouvelle Administration américaine observe ces contributions financières, qui seront définies, avec beaucoup de sympathie.
Q - Je voudrais que l'on revienne sur le chiffre de 0,005%. Qu'est-ce qui a déterminé ce montant ? Pourquoi pas plus ? Car on sait que certains pays ont du mal à arriver aux 0,07% du PIB pour l'aide au développement. Pourquoi ne pas avoir fixé, mettons 0,5% ? Sur le montant total des transactions financières que vous n'avez pas pu nous donner tout à l'heure, avez-vous retrouvé ce chiffre ?
R - Je vous ai donné cet exemple car il se trouvait dans le rapport Landau, issu du ministère français des Finances. L'exemple, parmi d'autres propositions, était celui de cette transaction que nous avions lancée, il y a bien longtemps avec Médecins sans frontières et Médecins du monde et, au moment du débat parlementaire de 2001, sous le gouvernement Jospin, à l'occasion duquel il y avait eu un vote.
0,005% c'est indolore, personne ne s'en aperçoit, cela passe par les banques et, à la fin, les banques reversent l'argent. A qui ? Selon quel projet, quelle transparence ? Tout cela doit être discuté dans le groupe d'Alberto. On peut donner d'autres exemples : on peut augmenter le taux, on peut décider que ce n'est pas assez.
Je vous donne simplement quelques chiffres, en vous précisant qu'avec un taux de 0,005 %, on peut lever plus de 30 milliards d'euros par an. Je peux vous dire que les chiffres de l'aide publique au développement ne représente, en réalité, que 0,3% du PIB des pays de l'OCDE. Le montant annuel des transactions sur les principales places financières, en 2009, s'élevait à 113 milliers de milliards de dollars pour le marché des produits dérivés. Ce chiffre a atteint 2 200 milliers de milliards, soit une multiplication par 7 depuis l'an 2000. Je vous signale aussi que par rapport à ce que j'ai proposé - c'est dérisoire - les 23 premières banques et fonds d'investissement de Wall Street devraient engranger 427 milliards de dollars cette année et distribuer 140 milliards de dollars de rémunération, c'est-à-dire plus que le montant de l'aide publique au développement mondial ; voilà la comparaison que l'on a pu faire.
Ce que je propose est indolore et c'est au groupe de travailler sur d'autres propositions et également sur les taux et la manière dont l'argent recueilli serait redistribué. Comment ? Sur quels projets ? Avec quel contrôle ? Par quel organisme ? etc.
Q - En matière de moyens innovants de financement de l'aide publique, M. Joyandet a émis en août dernier l'idée d'organiser une loterie solidaire pour financer l'aide au développement. Cette idée mériterait-elle d'être développée également ?
R - Le comité prendra en compte toutes les idées, celles qui ont déjà été proposées et celles qui le seront, mais ce n'est pas le même ordre de grandeur. Il nous faut une idée simple et mondiale. La loterie est une ressource déjà utilisée par nos amis britanniques pour certaines causes. C'est bien sûr envisageable.
Q - Sans préjuger du rapport des experts, je voudrais savoir quel pourrait être le mode d'allocation de l'argent recueilli ? Cela donnerait-il lieu à la création d'un nouveau fonds et quelle serait la part de décision que les pays en voie développement auraient dans l'allocation de l'argent, dans le choix du projet, et quelle sera également la part du public et du privé ?
R - Nous vous tiendrons très vite au courant. Nous n'avons pas de certitude mais nous donnons notre sentiment. Il doit y avoir un assentiment total de tous les pays et, à mon avis, cela ne peut passer que par les Nations unies.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 octobre 2009