Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, sur la réforme de l'éco-organisme Eco-Emballages et sur l'intégration des objectifs du Grenelle de l'Environnement au cahier des charges d'Eco-Emballages et d'Adelphe, Paris le 3 novembre 2009.

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Circonstance : Réunion de la commission consultative d'agrément d'Eco-Emballages en présence de la secrétaire d'Etat à l'écologie, à Paris le 3 novembre 2009

Texte intégral

I- Introduction
Monsieur le président de la commission (M Rappeneau),
Monsieur le président d'Eco-Emballage (M Philippe Loic Jacob)
Mesdames, Messieurs,
Je sais que ma présence ce matin à la commission d'agrément a créé une certaine surprise. Mais y-a-t-il vraiment lieu de s'en étonner ? Vous connaissez l'importance que nous accordons, Jean-Louis Borloo et moi-même, aux filières de responsabilité élargie des producteurs et à la filière emballage en particulier.
Je ne pouvais donc ne pas être là.
Parallèlement, il y a pratiquement un an, maintenant, la révélation de ce qui a été appelé le « scandale financier de la trésorerie d'Eco-Emballage » a provoqué un Tsunami... Nous sommes passés, en quelques jours, d'un éco-organisme exemplaire à une structure montrée du doigt pour sa gestion et sa gouvernance.
Vous vous souvenez aussi que c'est Jean-Louis Borloo qui a révélé ce scandale à la presse le 9 décembre dernier, avec ensuite le souci permanent de dénoncer les irrégularités, engager les réformes nécessaires et rappeler sans cesse le soutien du MEEDDM à la filière emballage.
J'ai donc souhaité profiter de cette commission d'agrément pour partager avec vous un premier bilan des actions engagées et annoncer comment nous proposons de poursuivre aujourd'hui.
II- Bilan des actions engagées
- A la demande du gouvernement, Eco-Emballages a mandaté un audit interne puis un audit externe sur la gestion hasardeuse de sa trésorerie.
Cet audit externe a été rendu public le 11 février dernier. Ces informations ont d'ailleurs permis à Eco-Emballage de saisir les juridictions civiles et pénales.
A la suite de cet audit,
- des mesures fortes de gouvernance interne ont été prises : c'est la mise en place d'un comité d'audit ; c'est le recrutement d'un nouveau directeur général ; c'est un renforcement des procédures internes afin d'éviter à l'avenir tout placement financier risqué ; c'est aujourd'hui un nouveau président. Toutes ces actions méritent d'être saluées ; elles témoignent du souci de l'éco-organisme de « purger » le passé et de pouvoir repartir du bon pied.
- Enfin, Eco-Emballage a déjà réussi à récupérer près de 20 millions d'euros et a provisionné 50 millions d'euros afin de faire face aux prévisions les plus pessimistes de pertes suites aux placements à risques effectués. Et cela, c'est à relever, sans remettre en cause les versements dus aux collectivités à court ou long terme.
Il nous est aussi apparu important de compléter ces seuls éléments propres à l'Eco-organisme -aussi importants soient-ils.
Nous avons donc engagé plusieurs chantiers :
- Le renforcement du contrôle de l'Etat. Il est indispensable de garantir, à l'avenir, le bon fonctionnement de l'ensemble des filières de responsabilité élargie du producteur. En d'autres termes, nous ne devons pas affronter, à nouveau, une situation similaire à celle d'Eco-Emballage, l'hiver dernier.
Ce renforcement s'est traduit par l'instauration, dans chaque éco-organisme, un censeur d'Etat, avec un rôle renforcé. Cela veut dire que :
* Ce censeur aura un accès direct au commissaire au compte et au comité d'audit
* Il sera en mesure de s'exprimer sur les choix stratégiques financiers afin d'assurer au mieux le bon usage des contributions perçues pour la collecte, le recyclage et le traitement des déchets.
Vous savez que le parlement a approuvé à l'unanimité l'amendement correspondant lors de l'examen du projet de loi de programmation du Grenelle de l'environnement puis à la quasi unanimité le texte de loi dans son ensemble.
* Nous créons une instance de médiation et d'harmonisation. L'objectif est d'améliorer à la fois (i) la prise en compte des enjeux complexes de bonne gestion des déchets et (ii) les équilibres entre les différents partenaires et acteurs.
Cette instance a été créée par le décret du 27 août 2009, renouvelant et renforçant le conseil national des déchets. Elle est adossée au CND, présidé par Fabienne Labrette Menager. Elle pourra s'autosaisir de toutes les questions relatives aux filières de responsabilité élargie, et permettra ainsi à l'ensemble des acteurs d'exprimer leurs points de vue, d'articuler les filières, demander un éclairage sur des points précis ou une médiation sur des aspects litigieux.
Je tiens à préciser que l'Etat gardera son pouvoir de sanction.
Vous le voyez, le cadre général a fortement changé en un an. Certains pourraient être tentés de penser que cela suffit, que les indicateurs repassent au vert et qu'il suffit de rester vigilants.
Et pourtant, nous sommes à une période charnière, pour ne pas dire essentielle dans la vie d'Eco-Emballage.
Je veux bien sur parler du renouvellement d'agrément.
II- Les suites : renouvellement anticipé du cahier des charges des société agréées Eco-Emballage et Adelphe
L'agrément est une pièce maîtresse du dispositif de la filière REP (responsabilité élargie du producteur). C'est lui qui :
- arrête les barèmes en amont et en aval,
- détermine les implications et le rôle de chaque acteur,
- décide des objectifs à atteindre en termes de tri, recyclage et de valorisation
- décide des actions de communication, d'information et de formation.
Bref, il est tout sauf un document neutre.
La commission d'agrément s'est déjà pleinement investie, en témoigne le premier bilan d'organisation des groupes de travail sur lequel vous reviendrez tout à l'heure. Je tiens dès à présent à vous féliciter pour l'investissement qui a d'ores-et-déjà été le vôtre ; il va falloir soutenir le même effort pour toute l'année à venir, puisque l'agrément ne sera renouvelé qu'en fin d'année prochaine.
Cependant, en examinant plus précisément le travail à mener, il m'est apparu indispensable d'organiser et de structurer nos efforts en prenant en compte tous les acquis nouveaux, avec en particulier l'apport essentiel de la loi Grenelle 1.
Il faut se concentrer sur les actions nécessaires pour parvenir aux objectifs fixés dans la loi.
C'est pourquoi, je souhaite vous présenter aujourd'hui en avant première une modification anticipée du cahier des charges d'Eco-Emballages et d'Adelphe afin de permettre, dès à présent, la mise en oeuvre des engagements du Grenelle de l'environnement et la sécurisation financière du dispositif.
Je suis en effet convaincue que cette modification est nécessaire sans attendre la fin de l'agrément actuel afin de faciliter la poursuite des objectifs ambitieux fixés à la filière des déchets d'emballages ménagers.
Les grands axes de cette modification sont les suivants :
1.Mise en oeuvre des engagements du Grenelle de l'environnement
La loi dite Grenelle 1 prévoit des orientations très ambitieuses pour la filière des déchets d'emballages ménagers :
* 75 % des déchets d'emballages ménagers devront être recyclés en 2012 (contre 63 % en 2008) ;
*·la couverture des coûts de gestion des déchets d'emballages ménagers devra atteindre 80% des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisés dès 2012,
* la collecte sélective devra progresser rapidement dans les DOM et COM en lien avec les autres filières agréées,
* le dispositif devra être élargi aux emballages ménagers consommés hors foyer...
Modifier, dès à présent, le cahier des charges permet de mobiliser l'ensemble des acteurs de la filière des déchets d'emballages ménagers dans la mise en oeuvre de ces engagements. Et ce, sans figer les actions en attente du ré-agrément prévu fin 2010. Ne perdons pas un an avant de lancer, en concertation, les premières actions qui permettront de faire évoluer nos performances. Ainsi, les sociétés agréées Eco-Emballages et Adelphe pourront engager au plus vite des actions et travaux nécessaires à l'atteinte des objectifs du Grenelle de l'environnement.
Cette anticipation contribuera à l'avènement d'une filière des déchets d'emballages ménagers encore plus performante.
Dans ce cadre, je souhaite qu'Eco-Emballages et Adelphe présentent d'ici le 1er janvier 2010 un plan d'actions « 75 % de recyclage en 2012 » qui aura été concerté.
2. Garantir l'équilibre économique et financier du dispositif
La modification anticipée du cahier des charges s'appuie sur les enseignements du placement non sécurisé que j'évoquais au début de mon intervention. En effet, il devra être introduit des mesures fortes qui visent directement au renforcement de l'implication de l'Etat, validée elle aussi dans la loi Grenelle 1. Ces mesures fortes portent notamment sur le censeur et son rôle.
Par ailleurs, il restera à prendre en compte un dernier point en particulier : le rapport de la mission d'audit du dispositif de contribution à l'élimination des déchets d'emballages ménagers.
3. Rapport de la mission d'audit du dispositif de contribution à l'élimination des déchets d'emballages ménagers
En effet, nous avions missionné l'inspection générale l'année dernière pour auditer le dispositif de contribution à l'élimination des déchets d'emballages ménagers.
Le rapport remis et que nous sommes en train de mettre en ligne sur internet met en évidence des leviers d'amélioration afin de rendre la filière encore plus performante. Ces leviers seront, eux discutés lors du réagrément des sociétés agréées qui est engagé et prévu pour fin 2010 et je veux qu'ils soient vus dans votre commission.
Toutefois, certains éléments appellent une action immédiate de l'Etat :
- Des pratiques de plafonnement des contributions pour certains adhérents ont été mises en évidence. J'ai donc demandé qu'Eco-Emballage y mettre fin dès les contributions perçues au titre de l'année 2010, ce qu'a validé et réalisé l'éco-organisme.
- La nécessité de revoir dans les meilleurs délais les modalités d'établissement du barème des contributions amont est apparue. Cela conditionne bien sur le nouvel agrément. Le président d'Eco-emballage pourra nous confirmer que la aussi, la modification est d'ores et déjà mise en place pour début 2010.
Ces modifications du cahier des charges me paraissent essentielles. Je souhaite que vous en preniez connaissance en détail et qu'elles vous guident dans les travaux essentiels que vous allez devoir mener dans les mois à venir.
Conclusion :
La filière emballage est globalement une belle histoire. N'oublions pas que nous sommes passés de 25% de recyclage en 1992 à 63% aujourd'hui. Grâce au Grenelle, nous voulons maintenant passer à 75%. Dans cette perspective le ré-agrément des éco-organismes de la filière emballage devra être exemplaire. Il ne faut pas agir dans la précipitation, mais il faut continuer à avancer ensemble et par les uns contre les autres.
Je compte sur votre engagement à tous.
Je vous remercie.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 4 novembre 2009