Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, à La Chaîne Info LCI le 30 octobre 2009, sur le débat au sujet de l'identité nationale, la préparation du sommet de Copenhague et la parité hommes femmes.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- J. Chirac a été votre parrain en politique. Souhaitez-vous que la juge X. Siméoni prononce à son endroit aujourd'hui un non-lieu dans l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris ?
 
Je ne souhaite pas que J. Chirac soit envoyé en correctionnelle comme beaucoup de Français. Je trouve qu'indépendamment même de la question de sa personne, ce ne serait pas bon pour la France, c'est tout, voilà. Après, on n'a pas, comme vous le savez, à commenter une décision qui par ailleurs n'est pas prise, donc...
 
Il ne serait pas bon d'apprendre la vérité sur ces emplois fictifs ?
 
...Oui, mais bon il est question de la France, c'est un ancien président de la République, c'est un sentiment vraiment très personnel que je donne là.
 
Justice encore avec l'Angolagate". Souhaitez-vous la levée du secret défense dans toutes ces affaires de trafics d'armes ?
 
Je ne connais pas bien le sujet particulier de l'Angolagate", mais je souhaite la transparence maximum. Sur toutes ces affaires, notamment d'ailleurs sur celles qui touchent nos concitoyens, je trouve que le secret défense est quand même quelque chose qui est difficile à manier, et je pense à une affaire sur laquelle je m'étais beaucoup mobilisée quand j'étais députée, qui était l'affaire des essais nucléaires et des victimes des essais nucléaires, et j'ai été très heureuse qu'on bouge enfin sur cette affaire, et qu'on arrête à un moment de se cacher derrière le secret. Maintenant, les personnes sont indemnisées, et je trouve que ça c'est des avancées.
 
Justice toujours, et armée, encore. Soutenez-vous les parents des soldats français tués en Afghanistan ? Ils portent plainte aujourd'hui pour mise en danger d'autrui ?
 
Je pense que s'ils ont cette incertitude-là, je comprends qu'ils aient envie d'aller au bout. En même temps, on a toujours une... c'est toujours tentant de chercher un responsable là où il n'y en pas forcément, en tout cas, c'est maintenant à la justice de le faire.
 
Dans votre livre "Tu viens" aux éditions Gallimard, vous évoquez, même si ce n'est pas le coeur de votre sujet, l'identité française. Elle est pour vous fondée sur la culture, la langue, l'Etat, elle est fondée aussi sur l'enracinement dans la collectivité ; vous citez beaucoup la philosophe S. Weill. Est-ce que le débat lancé par E. Besson vous réjouit ?
 
Ce que dit la philosophe S. Weill, qui a écrit pendant la Guerre, à une époque où ces choses-là étaient un peu compliquées, c'est qu'on a besoin d'être de quelque part. L'homme n'est pas fait pour être un nomade. Ca ne veut pas dire être d'une terre forcément ou d'un pays, ou d'une race, ce qui était très à la mode à l'époque, non. Ça veut dire être de quelque part, avoir des racines au sens d'une famille, d'une culture, peut-être d'un métier - ça nous ramène d'ailleurs au problème du mal-être au travail en ce moment -, une pratique professionnelle. Et je crois que ça c'est très intéressant pour ce débat sur l'identité. Le débat sur l'identité, pour moi, il est intéressant s'il est très ouvert. Au passage, j'ai proposé à E. Besson qu'il n'ait pas lieu seulement dans les préfectures et les sous-préfectures, mais qu'il ait lieu sur Internet, parce que je remarque qu'il y a des internautes pour lesquels Internet, c'est leur patrie en quelque sorte, ou en tout cas ils sont inscrits dans les communautés numériques avant d'être inscrits dans un espace géographique, par exemple.
 
Le Gouvernement fera un grand forum où on pourra venir déposer des réflexions ?
 
C'est plus qu'un forum, je souhaite que le débat soit présent sur Internet. Sur Internet maintenant, la question ce n'est ce qu'on crée, la question c'est qu'est-ce les internautes saisissent ? Je voudrais qu'ils se saisissent de ce débat-là et qu'ils s'expriment. Qu'est-ce qui pour eux aujourd'hui forge leur identité, et fait que leur identité est française.
 
Ne s'agit-il pas surtout pour l'UMP de contrer un éventuel retour du Front national avant les régionales ?
 
Il n'y a pas de sujets mauvais, et je suis très frappée comment certains réagissent en disant : ah non, l'identité française surtout pas, il ne faut pas en parler, c'est manipulé, etc. Pourquoi, qui a peur du sujet ?
 
M. Hirsch par exemple dit : "c'est un débat 100 % politique, il vaudrait mieux réfléchir sur l'identité européenne".
 
C'est un point de vue personnel qu'il exprime, la majorité n'a pas peur du sujet, et je trouve que c'est bien que la majorité n'ait pas peur du sujet.
 
Vous avez été Secrétaire d'Etat à l'Ecologie, le Conseil européen patine un peu quant à la préparation du sommet de Copenhague, et notamment l'aide que l'on doit apporter aux pays en voie de développement pour qu'ils respectent les règles et qu'ils participent à la lutte contre le réchauffement climatique. 100 milliards d'euros par an d'ici à 2020, c'est l'objectif mondial qui est fixé par les 27 réunis. On ne dit pas quelle est la part européenne, on n'est pas très exemplaires. Est-ce que Copenhague n'est pas en train de prendre l'eau ?
 
Par rapport à ce qui s'est passé à Kyoto en 1997, quand on a négocié en se préoccupant trop peu des pays du Sud, je trouve que Copenhague se présente moins mal. C'est-à-dire que, à Kyoto, on a négocié en prenant en compte l'objectif "effet de serre", voilà. Il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais sans se préoccuper suffisamment des situations différentes, des pays du Nord, des pays du Sud. On n'a mis que des pays du Nord avec des objectifs, les pays du Sud étaient à la traîne, on n'a pas réussi à embrayer tout ça pendant des années. Là, pour Copenhague, au moins on aborde Copenhague, en disant : la clé, c'est que les pays du Sud, tous les pays du monde sont engagés dans la lutte contre le changement climatique. C'est un changement de posture qui laisse une espérance,même si c'est extrêmement difficile.
 
La France est exemplaire avec la taxe carbone, et puis en même temps 35 % de remboursement pour les transporteurs routiers. Est-ce que c'est un trop gros cadeau ?
 
On a besoin de faire le maximum pour la lutte contre le changement climatique et en même temps, on a besoin de préserver la cohésion sociale...
 
C'est contradictoire.
 
.... et tous les secteurs ne peuvent pas avancer au même rythme, on le sait bien. Une vision, si vous voulez, une politique théorique de l'écologie, c'est beau sur le papier et c'est en général une catastrophe dans la mise en oeuvre. On est obligé de faire des allers et retours entre la réalité et la théorie environnementale. C'est ce que j'essaye de faire dans ma ville de Longjumeau, j'essaye de mettre en oeuvre une politique d'écologie populaire pour que tout le monde soit dans le bateau, et forcément tout le monde ne peut pas y être au même rythme.
 
Vous défendez dans votre livre : "les prophètes de l'écologie promettent l'apocalypse". Est-ce que ce n'est pas leur contre-performance finalement, on lasse les opinions ?
 
Ce que dis c'est qu'on critique beaucoup les prophètes de l'écologie en disant : oh là, là, ça ne me motive pas, de toute façon ils donnent une image tellement catastrophique de la chose qu'on n'a même pas envie de faire un effort. Mais en fait les prophètes hurlent d'autant plus fort que le peuple est sourd.
 
Mais le peuple n'est plus sourd, maintenant, tout le monde se mobilise !
 
Oui, enfin, il y a encore du boulot.
 
T. Blair ou J.-C. Juncker, lequel souhaitez-vous voir désigné à la présidence de l'Union européenne ? Ou un troisième homme ou une femme ?
 
Ah, une femme ! Mais enfin, là, c'est un point de vue très personnel.
 
Il y a des pétitions qui se développent au Parlement européen ?
 
J'ai été très choquée, je le dis, de quelque chose que j'ai entendu hier soir sur le Soir 3, dans lequel un présentateur disait : "ah, ça pourrait être une femme, et dans ce cas-là, le poste serait plus administratif et gestionnaire que politique". Je voudrais un jour que ce présentateur s'exprime sur cette déclaration. Pourquoi est-ce que si c'est une femme, le poste est plus gestionnaire et administratif que politique ?
 
Parce qu'on parle d'une Irlandaise, d'une lettone, on n'est pas dans les grands pays.
 
Et alors ? Elles peuvent être politiques aussi ! Et ce n'est pas parce que ce sont des femmes qu'elles sont moins politiques !
 
Vous êtes sceptique quand même dans votre livre quant à un certain féminisme excessif. Vous parlez des "Antigone d'emprunt". Est-ce que vous soutiendrez la proposition de loi que J.-F. Copé veut déposer : 40 % puis 50 % des femmes dans les conseils d'administration ?
 
Je réclame qu'on aille beaucoup loin sur tous ces sujets-là, et qu'on ne s'interdise pas des expérimentations ou des nouvelles mesures comme celle-ci. Ce que je dis c'est que, le vrai scandale, c'est quand même la place des femmes dans la société contemporaine. Et il ne faut pas se cacher derrière des arguments de principe, à dire : oui, mais alors toutes ces mesures finalement posent des problèmes de principe, donc on ne fait rien. Le vrai scandale, c'est la place des femmes dans la société contemporaine, et il y a lieu de trouver des moyens d'aller plus loin.
 
La place des femmes pour vous, la tête de liste UMP dans l'Essonne. Pourtant, dans votre livre vous dites : "un seul mandat local avec une fonction nationale". Vous êtes maire de Longjumeau, vous allez être en plus conseillère régionale" ?
 
Je suis très claire là-dessus, je ne suis pas candidate à un exécutif, je ne veux pas être présidente de région, j'espère que ce sera V. Pécresse, je ne veux pas être vice-présidente non plus. En revanche, il y un combat politique important qui est de reprendre la région, pour lequel ma famille politique considère aujourd'hui que dans l'Essonne je suis la mieux placée...
 
C'est N. Sarkozy qui vous l'a demandé...
 
...oui, et puis il y avait tout un groupe de quadras parmi lesquels je pensais qu'on pourrait trouver une figure, qui l'on dit aussi, qu'ils trouvaient ça aussi. Donc, je les mènerai au combat. Je souhaite qu'on Page reprenne la région, mais je ne suis pas en quête de nouvelles responsabilités à la région.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 novembre 2009