Texte intégral
Mesdames et Messieurs, mes chers amis, mes collaborateurs m'avaient dit : ce n'est vraiment pas le rôle du Premier ministre que de venir inaugurer une agence régionale, une Caisse régionale d'une banque française. Et pourtant j'ai voulu venir, j'ai voulu venir pour trois raisons, d'abord par amitié, par amitié pour Jean-Louis Roveyaz que je connais et que je côtoie depuis si longtemps, par amitié pour Bruno de Laage avec lequel nous avons fait un long chemin lorsqu'il dirigeait le Crédit Agricole de la Sarthe. Je suis venu ensuite par fidélité, fidélité à ma région, fidélité aux Pays de la Loire, c'est vrai que mes responsabilités m'ont éloignées de cette région mais ne croyez pas que je ne garde pas un oeil attentif et attendri sur ce qui s'y passe. Et puis je suis venu pour une troisième raison, parce que j'ai voulu venir dire au nom de la France toute entière, à tous les salariés des banques, le respect qui est celui de la nation pour le travail qu'ils font. Les salariés des banques ont été vilipendés pendant des semaines et des semaines. Vous savez, avec ce grand système médiatique qui met tout le monde dans l'essoreuse, les banques étaient devenues tout d'un coup des établissements infréquentables et naturellement, leurs salariés avec. Je suis venu dire aux salariés des banques, à ceux du Crédit Agricole, à ceux de tous les établissements financiers français que ce ne sont pas tous des traders fous, que ce sont des hommes et des femmes qui font un travail absolument indispensable à l'économie de notre pays, qu'ils font souvent dans des conditions difficiles et qu'ils font avec beaucoup de conscience professionnelle. Je trouve que ça faisait trois bonnes raisons de venir inaugurer la Caisse de Crédit Agricole de l'Anjou.
Et puis évidemment, c'est pour moi l'occasion d'évoquer devant vous deux sujets qui requièrent en ce moment toute l'énergie du président de la République et de mon gouvernement, je veux d'abord parler des difficultés que traverse l'agriculture et puis, de la situation de notre système bancaire, un peu plus d'un an après le début d'une crise financière et économique qui a déstabilisé le monde entier. Dans toutes ces circonstances, nous avons essayé avec le président de la République et avec le gouvernement de placer la responsabilité au coeur de notre politique. Etre responsable, c'est d'abord réagir aux situations d'urgence, c'est ce que nous avons fait, mais c'est aussi engager les réformes nécessaires pour éviter la répétition des crises comme celle que nous venons de connaître. C'est dans cet esprit que nous faisons face à la grave crise agricole que nous connaissons aujourd'hui. Cette crise, elle appelle une réponse de grande envergure, une réponse immédiate et une réponse structurelle qui exigent le même pragmatisme que nous avons mis en oeuvre depuis plusieurs mois.
Le 27 octobre, le président de la République a annoncé un plan massif : 1 milliard de prêts, 650 millions d'euros d'aides. Avec ce plan, notre agriculture doit pouvoir passer le cap de la crise, mais elle doit aussi pour l'avenir avoir les moyens de se renouveler et de se moderniser. Pour réussir ce pari, nous avons besoin que l'effort des banques s'associe à celui de l'Etat. C'est pour une très large part sur leurs prêts que reposera nécessairement le financement du secteur agricole. Nous comptons donc sur leur responsabilité et il est essentiel que notre action commune - celle des banques et celle de l'Etat - soit dictée par l'efficacité et par la rapidité. Votre banque, le Crédit Agricole, jouera évidemment un rôle de premier plan dans le soutien à ce secteur qui est, pour notre pays, à la fois historique et stratégique. C'est maintenant qu'il faut agir, c'est maintenant que les agriculteurs ont besoin de notre soutien, c'est maintenant que les financements doivent être disponibles. Dès la semaine prochaine, le système d'aide sera en place, dès la semaine prochaine toutes les conditions d'octroi des prêts, des prises en charge d'intérêts et des cotisations sociales seront définies et seront connues. Et dès la semaine prochaine, tous les préfets auront reçu les instructions et disposeront des enveloppes nécessaires.
Qu'est-ce que nous mettons en place avec ce dispositif ? Ce n'est pas une simple addition de mesures, ce ne sont pas des solutions uniformes. C'est un ensemble d'outils qui pourra s'adapter aux difficultés particulières de chacun. C'est d'abord des prêts de reconstitution du fonds de roulement pour les agriculteurs qui ont des difficultés de trésorerie. C'est en deuxième lieu des prêts bonifiés de consolidation de l'annuité, pour les agriculteurs, dont la charge d'endettement sera trop lourde en 2010. C'est troisièmement une prise en charge des intérêts pour les agriculteurs qui n'ont pas la capacité de s'endetter. Les cibles prioritaires, ce seront les jeunes agriculteurs, les investisseurs récents et les exploitations qui ont enregistré une baisse de leurs résultats. C'est quatrièmement un examen spécifique pour les agriculteurs qui sont en situation difficile, alors même que leur exploitation est viable. Il s'inscrira dans le cadre de la procédure « agriculture en difficulté » que vous connaissez déjà. Enfin cinquième point, des allègements de charges sociales et des allègements de taxe sur le foncier non bâti sont également prévus au cas par cas.
Nous avons voulu que les critères d'attribution de l'ensemble de ces dispositifs soient les plus simples possibles. Les relations avec les banques sont désormais clarifiées, je sais que les négociations avec le Crédit Agricole ont été serrées, on peut même dire (pour ne rien cacher) qu'elles ont duré jusqu'à tard hier soir. Et d'une certaine façon, cette inauguration avait une quatrième utilité, celle de fixer une limite à la durée de ces négociations. Je veux saluer les efforts que le Crédit Agricole a consentis et je veux dire que les conventions pourront être signées lundi. Ces mesures, il est évident qu'elles ne seront pleinement efficaces que s'il est facile pour les agriculteurs de les connaître et d'y accéder. Dès le début de la semaine prochaine, une page Internet spécifique sur le site du ministère donnera accès à toutes les informations pratiques. Et les intéressés pourront tout de suite aller voir leur banque pour examiner avec elle la mesure qui convient le mieux à leur situation.
J'ai décidé aussi de nommer un médiateur, j'ai choisi l'ancien ministre Nicolas Forissier, qui sera chargé de traiter et de lever le plus vite possible toutes les difficultés que les exploitants pourraient rencontrer dans leurs discussions avec les banques, sur le modèle du médiateur du crédit que nous avions mis en place au début de la crise financière et dont les résultats ont été parfaitement remarquables. J'ajoute que Nicolas Forissier pourra s'appuyer sur le réseau mis en place par la médiation du crédit pour accomplir sa mission. C'est un large effort national que nous engageons, c'est un effort qui exige une mobilisation collective. Notre impératif est immédiat, c'est soulager la détresse des agriculteurs, mais naturellement nous avons aussi le devoir de regarder un peu plus loin. Cet effort, nous le faisons parce que nous croyons que l'agriculture a un avenir en France ; parce que nous croyons en ses forces, en sa capacité à surmonter la crise et à rendre à notre pays les bénéfices de ce qui est investi. L'enjeu de cet investissement, c'est d'aborde le premier secteur économique de notre pays avec 163 milliards d'euros. Mais c'est plus que cela, c'est aussi la qualité et la sécurité de notre alimentation. C'est encore la vie de nos territoires, l'installation des jeunes dans une dynamique qui doit s'exprimer en tous les points de notre pays et enfin, dans une modernité qui doit entraîner la création de nouveaux emplois.
Au-delà des aides d'urgence, nous avons donc la volonté de moderniser notre agriculture et d'accroître sa compétitivité. Cette volonté, elle a un cadre, ça sera la loi de modernisation de l'agriculture que Bruno le Maire a pour mission de préparer et elle a un horizon, c'est 2013, c'est-à-dire l'année où commencera une nouvelle Politique Agricole Commune. Et chacun voit bien que 2013, c'est demain. Les chantiers sont lancés, l'encadrement de la relation contractuelle entre les producteurs et les transformateurs, le renforcement de l'organisation économique des filières, le développement des outils d'assurance, la diminution du coût du travail, la lutte contre le gaspillage des terres agricoles. C'est là que se jouera l'avenir et nous devrons être à pied d'oeuvre pour réaliser sans attendre toutes ces réformes qui sont absolument nécessaires au développement de l'agriculture française. Dans toutes les directions, nous avons à inventer des dispositifs d'avenir parce que nous voulons que notre agriculture soit un secteur fort, un secteur stable et un secteur d'innovation. Et puisque j'évoque, Mesdames et Messieurs, l'avenir de notre agriculture, je veux saluer ce que vous réalisez ici Monsieur le président, dans le Maine-et-Loire. Nous sommes ici dans un département où les installations de jeunes agriculteurs sont nombreuses, je sais que ce n'est pas le fruit du hasard mais que c'est le résultat d'une politique locale volontariste qui associe l'ensemble des acteurs. Je me félicite de l'engagement de tous les professionnels du Maine-et-Loire en faveur d'une agriculture respectueuse de l'environnement, qui s'affiche dans le Projet agricole départemental signé en juillet 2006. Et je veux rendre un hommage particulier au succès du pôle de compétitivité Vegepolys, dont le président Bruno de Laage est aussi le directeur du Crédit Agricole de l'Anjou et du Maine.
Vegepolys, c'est l'exemple d'une agriculture innovante et stratégique. La chimie verte est au coeur des priorités nationales de la recherche. On y travaille aussi sur la sélection variétale des végétaux spécialisés, dans le domaine de la viticulture, de l'arboriculture, du maraîchage, de l'horticulture et plantes médicinales. C'est un domaine où nous avons du savoir-faire, c'est un domaine où la France est compétitive, les grandes multinationales américaines dominent la sélection des céréales mais pas la sélection des végétaux spécialisés. Et c'est en grande partie grâce à Vegepolys, qui fédère autour d'Angers une concentration unique sans égale en Europe d'universités, de grandes écoles, d'entreprises et de producteurs concernés par le secteur du végétal spécialisé. Je veux féliciter Bruno de Laage pour ce travail, comme je félicite Bruno Dupont et Michel Vele qui l'ont précédé à la tête de ce pôle de compétitivité. Je crois aussi, cher Bruno, que deux fonctions au Crédit Agricole et à Vegepolys illustrent bien les partenariats qui peuvent se nouer sur le terrain entre des acteurs responsables, entre une banque et des entreprises, entre le financement et l'innovation. Dans le développement de ces partenariats, le Crédit Agricole est évidemment bien placé. Et je veux dire que nous avons besoin du Crédit Agricole pour nous aider à construire l'agriculture de demain, comme nous avons besoin du Crédit Agricole aujourd'hui pour répondre tout de suite aux difficultés des exploitants.
Je connais particulièrement bien le travail de soutien, de développement et de proximité que les Caisses locales réalisent dans nos régions et nos départements. La Caisse du Crédit Agricole, ça a longtemps été une sorte d'institution en France et ça l'est toujours, même si le métier de votre banque a évolué, comme celui des autres établissements. Tout le monde se souvient de votre vieux slogan : « le bon sens près de chez vous », je ne suis pas ici pour faire votre publicité. Cette formule me rappelle plutôt les attentes et les responsabilités qui, dans l'esprit de beaucoup de nos concitoyens, découlent de votre histoire. Est-ce que tout ça appartient à un autre temps ? Depuis quelques mois, on a beaucoup parlé des banques et, il faut le dire, on en a beaucoup parlé en mal. Il était même devenu difficile d'avouer qu'on était banquier. Il semblait qu'on était passé à du « bon sens près de chez vous » à « la spéculation loin de chez vous ».
Mais la banque, ça n'est pas seulement l'univers des marchés qui a l'air assez irréel quand on l'observe de loin, et tous ceux qui travaillent dans une banque, je le redis à nouveau, tous ceux qui m'accueillent ici ne sont pas des traders. Ce sont des gens à qui nous faisons confiance, ce sont des gens dont l'activité est nécessaire. Et Mesdames et Messieurs, si l'on veut résoudre la crise financière que nous venons de connaître et dont les origines sont un petit peu plus compliqué que ce qu'on a l'habitude de dire, elles viennent d'abord (je voudrais le rappeler) d'une pratique du crédit déraisonnable aux Etats-Unis, notamment s'agissant du crédit sur le logement, si nous avons besoin de tout le monde pour la résoudre, nous avons besoin d'aller à Washington ou à Londres pour rencontrer les dirigeants du monde entier et mettre en place une régulation qui soit une régulation plus sérieuse. Mais nous avons aussi besoin de venir ici, à Angers, comme partout en France, parce que c'est au niveau local que beaucoup de choses se décident. C'est là que le chef d'entreprise va trouver sa banque pour savoir s'il va pouvoir laisser passer l'orage ou s'il va devoir mettre la clef sous la porte. C'est là que l'on oscille entre la persévérance et la résignation qui font qu'un pays tout entier s'enfonce dans la crise ou alors au contraire, qu'il se redresse. Et si je suis venu ici, c'est bien pour vous délivrer un message de courage, d'espoir, de responsabilité qui concerne notre agriculture, mais aussi notre économie tout entière et, en particulier, le secteur bancaire. Vous vous souvenez tous de la situation dans laquelle nous nous trouvions il y a un an. La banque Lehman Brothers venait de faire faillite et tout le système financier menaçait de s'effondrer. Nous avons, dans cette crise, agi avec beaucoup de rapidité et beaucoup de détermination. Nous avons mis en place un plan massif de soutien aux banques, ce plan était assorti de contreparties strictes, notamment en termes de financement de l'économie. Il faut reconnaître les choses, un an après le bilan est plutôt satisfaisant. Et je voudrais faire remarquer à tous ceux qui nous ont expliqué, pendant un an, que les mesures que nous avions prises n'étaient pas les bonnes et qu'ils s'étaient trompés et qu'il faut qu'ils le reconnaissent. Il n'était pas utile de nationaliser les banques, il n'était pas utile de baisser la TVA pour s'embarquer dans des politiques comme celles que connaissent beaucoup de nos voisins européens qui, aujourd'hui, se mordent les doigts des décisions qu'ils ont prises. Nos banques sont sur la voie du redressement, les résultats publiés ces derniers jours le montrent bien. Elles dégagent à nouveau des bénéfices qui sont solides et qui vont leur permettre de sortir des dispositifs publics de soutien. L'Etat peut donc se voir rétrocéder l'argent qu'il a investi dans le secteur bancaire. La Société de Financement de l'Economie Française que nous avions créée est désormais en sommeil. Quant aux investissements en fonds propres, sur les 19 milliards d'euros que l'Etat a investis dans les banques françaises, 13 seront remboursés d'ici la fin de l'année. Au passage, je veux dire que l'Etat a engrangé des recettes substantielles : 1,4 milliards d'euros au seul titre de l'année 2009, auxquels s'ajouteront ensuite 713 millions issus de la remontée des dividendes versés à la Société de Prise de Participation de l'Etat par les banques qui ont sollicité cet instrument.
Là aussi, franchement tous ces titres pendant des mois et des mois : « des cadeaux faits aux banques », est-ce que quelqu'un aura le courage et l'honnêteté d'écrire que ces titres ne correspondaient pas à la réalité. Et que ce que nous avons fait était nécessaire mais n'était en rien un cadeau. Et tous ceux qui réclamaient que l'on fasse, pour tous les autres secteurs de l'économie, la même chose que ce qu'on a fait aux banques, eh bien ! Chiche, prêtons 19 milliards à 8 % d'intérêt, je ne suis pas sûr que ce soit aujourd'hui ce que réclament les secteurs de l'économie qui sont en difficulté. Je pense que si nous avons réussi, c'est grâce à la rapidité de la décision que nous avons prise, mais c'est grâce aussi au fait que notre système bancaire était moins atteint que beaucoup d'autres systèmes dans le monde, qu'il avait de quoi résister à la crise et que les décisions efficaces ont rencontré une organisation bancaire qui a su répondre. Mais je pense aussi que là encore, on ne peut pas se contenter de dire « on a sauvé les banques, on recommence comme si rien ne s'était passé », il faut regarder vers l'avenir et tirer les conséquences de ce qui s'est passé. Pour moi, ça signifie trois choses, d'abord il faut se prémunir contre le retour des excès que l'on a connus, et je pense bien entendu à cette question des rémunérations excessives. Pourquoi ? Parce que la question des rémunérations excessives est liée au système lui-même, un système qui accorde des rémunérations extravagantes à des personnes qui font des opérations de spéculation sans qu'on puisse vraiment juger sur la durée si ces opérations de spéculation sont des opérations qui sont bénéfiques pour l'établissement financier et bénéfiques pour la société, c'est une faute. Ce n'est pas seulement une faute morale, c'est une faute technique, parce que c'est un système qui pousse les gens à mettre en oeuvre des stratégies qui sont des stratégies dangereuses. Nous avons donc demandé aux banques qu'il n'y ait pas de bonus garantis au-delà d'un an ; qu'une part significative des bonus soit versée en actions ; et qu'un système de malus empêche que l'on ne récompense des gains éphémères et illusoires. Les bonus doivent rétribuer des performances réelles, des performances solides et des performances durables. Avant-hier, un arrêté a été publié au Journal officiel : ces dispositions sont maintenant inscrites dans notre droit. Je veux saluer également l'initiative de la Fédération Bancaire Française, qui a édicté des normes professionnelles qui complètent cet arrêté.
La France a été pionnière sur le principe, là aussi il faut le reconnaître, c'est le Président de la République qui a pris la tête de ce combat au plan mondial et qui a fait adopter les principes que nous respectons désormais au Sommet de Pittsburgh. La France est pionnière non seulement lorsqu'il s'agit de proposer le principe, mais elle est pionnière aussi lorsqu'il s'agit de le mettre en oeuvre. Et en ce moment même, alors que je suis à Angers pour m'exprimer devant vous, Christine Lagarde est en Grande Bretagne, au G20 de Saint-Andrews et elle est en train de rappeler à nos partenaires - pour ceux qui auraient besoin qu'on le leur rappelle - qu'ils vont aussi devoir faire, comme nous venons de le faire, des actes d'autorité pour préciser dans leur législation les modalités de l'encadrement des bonus. Tirer les conséquences du passé, ça signifie aussi renforcer davantage notre système de supervision. C'est tout le sens du rapprochement qui est en cours entre la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles : nous voulons disposer d'un grand opérateur unifié, capable de surveiller l'ensemble des risques associés aux professions financières. Et enfin en troisième lieu, nous devons faire en sorte que les banques renforcent leurs fonds propres. C'est un point sur lequel je veux particulièrement insister devant vous, les fonds propres, c'est l'auto-assurance que les banques souscrivent pour faire face aux difficultés.
J'ai entendu dire récemment qu'il fallait faire payer aux banques l'assurance que l'Etat leur procure en cas de crise, en les préservant de la faillite. Eh bien ! Moi, je préfère d'abord que l'on impose aux banques de se doter des fonds propres qui leur permettront de faire face seules aux risques futurs que pourraient faire peser de nouvelles difficultés financières. Ça ne veut pas dire évidemment que l'Etat s'abstiendra d'intervenir en cas de crise grave, mais à mon sens, l'intervention de l'Etat ne doit avoir lieu que lorsque les actionnaires ont assumé toutes les conséquences des erreurs de la banque qu'ils contrôlent. Bref ! Je crois que l'argent des banques, surtout en ce moment, il doit aller prioritairement à la consolidation de leurs fonds propres. Et on retrouve là le thème des rémunérations extravagantes. Dans certaines conditions, les bonus posent un problème éthique mais ils posent aussi un problème technique : c'est de l'argent que l'on dépense dans des rémunérations qui sont parfois inconsidérées, alors que les banques feraient beaucoup mieux de l'engranger dans leurs fonds propres. Devant cet état de fait, notre réglementation sur les bonus, elle n'est pas seulement là pour jouer les « père fouettard » ou pour rappeler que la vie économique moderne n'exclut pas que l'on fasse référence à la morale, elle a aussi pour but d'encourager les banques à accroître leur solidité et leur autonomie. Cela vaut de la même façon pour les dividendes des actionnaires, pas plus que les opérateurs de marché, les actionnaires des banques ne doivent profiter indûment des bons résultats actuels, dont je rappelle qu'une partie n'est que conjoncturelle parce qu'elle est liée au niveau très faible des taux d'intérêt.
Le gouverneur de la Banque de France, avec lequel je m'en suis entretenu cette semaine, a déclaré qu'il serait très attentif à la politique de versement de dividendes par les banques cette année. Je partage pleinement ce souci parce que la sécurisation de notre système financier doit être prioritaire ; et parce qu'à mes yeux le renforcement des capitaux propres y joue un rôle fondamental. Mesdames et Messieurs, si nous sommes intervenus massivement en faveur des banques l'an dernier et si nous voulons des banques solides, c'est tout simplement parce que nous voulons que ces banques exercent pleinement leur mission centrale : c'est-à-dire le financement de l'économie. Ça concerne l'agriculture, ça concerne tous les secteurs. Nous voyons que la reprise s'amorce, cette reprise elle est encore fragile, sans crédit aux entreprises, la croissance risque d'être freinée. Or nos entreprises ont en ce moment besoin de crédit, il faut qu'en face de cette demande, il y ait une offre. Je connais les efforts que font les banques - et en particulier le Crédit Agricole - mais il faut vraiment que nous allions plus loin. Un certain nombre de choses ont été faites pour le crédit aux particuliers, il faut que nous en fassions au moins autant pour le crédit aux entreprises. J'ai demandé au mois d'août à la ministre de l'Economie d'écrire à chacune des grandes banques françaises, pour qu'elles soumettent aux pouvoirs publics leur plan d'action pour dynamiser leur offre de crédit d'ici à la fin de l'année. Et je veux dire que ces plans engagent les établissements financiers. Je sais que les conditions de crédit ont été assouplies au cours des derniers mois, notamment à la faveur de la baisse des taux d'intérêt. Mais la baisse des taux proposée aux clients, particuliers et entreprises, n'a pas été aussi forte que la baisse des taux de refinancement des banques. Et je souhaite que celles-ci répercutent pleinement les baisses de taux de la Banque centrale. Le dernier axe de notre politique en direction des banques, c'est le soutien à la concurrence au profit de leurs clients. Dans certains pays la crise, en faisant disparaître des acteurs, a beaucoup affaibli la concurrence. Ça n'est pas le cas en France, notre secteur bancaire est certes relativement concentré, mais il comporte des grands acteurs de taille comparable qui sont capables de lutter à armes égales sur le marché.
Mais vous savez bien comme moi que nos concitoyens ont le sentiment que la concurrence entre les banques pourrait jouer un peu plus en leur faveur. Il faut en particulier que les services bancaires soient tarifiés à leur juste prix. Nous avons du chemin à faire, un rapport de la Commission européenne nous a récemment interpellés sur le niveau de nos coûts qui sont plus élevés que la moyenne de l'Union. Je sais que la réalité est plus complexe, mais il est pourtant nécessaire que nous fassions des progrès dans ce champ-là. Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de mesures, afin d'améliorer la transparence des tarifs, les banques ont désormais l'obligation de communiquer une fois par an à leurs clients un récapitulatif de leurs frais bancaires facturés. Pour renforcer la concurrence, nous avons en outre obtenu des engagements en faveur de la simplification des démarches de changement de banque. Enfin, les frais bancaires pour incidents de paiement ont été plafonnés par décret. Il faut que nous fassions un bilan de ces mesures et que nous voyons ensemble, lorsqu'elles se seront appliquées suffisamment longtemps, s'il est nécessaire de les compléter parce qu'il est, de mon point de vue, très important que les clients n'aient pas le sentiment d'être confrontés à des procédures opaques ou à des frais dont on ne leur explique pas assez la justification. Il est essentiel que les Français aient confiance dans leurs banques et je crois qu'on peut dire que c'est l'intérêt des banques elles-mêmes.
Voilà Mesdames et Messieurs, mes chers amis ce que je voulais vous dire à l'occasion de l'inauguration de cette magnifique Caisse régionale. Notre politique bancaire est ambitieuse, notre politique agricole l'est aussi. Elles ne se feront pas sans des banques responsables et sans des banques qui soient constamment à l'écoute des projets et des difficultés des Français. Elles ne se feront pas sans les acteurs de nos régions. La nouvelle gouvernance économique et le retour de la croissance se construisent à Washington, se construisent à Londres, se construisent aussi à Angers, avec vous, grâce vous, grâce à tous ceux qui sont au plus près des réalités et des énergies humaines. Alors oui, il est peut-être rare qu'un Premier ministre prononce un discours dans une Caisse régionale du Crédit Agricole, mais je veux vous dire une nouvelle fois que j'ai cru nécessaire d'aller à votre rencontre, parce que je pense que le combat contre la crise et pour la confiance, c'est un combat qui doit être mené partout et tout le temps sur l'ensemble du territoire national.
Source http://www.gouvernement.fr, le 17 novembre 2009
Et puis évidemment, c'est pour moi l'occasion d'évoquer devant vous deux sujets qui requièrent en ce moment toute l'énergie du président de la République et de mon gouvernement, je veux d'abord parler des difficultés que traverse l'agriculture et puis, de la situation de notre système bancaire, un peu plus d'un an après le début d'une crise financière et économique qui a déstabilisé le monde entier. Dans toutes ces circonstances, nous avons essayé avec le président de la République et avec le gouvernement de placer la responsabilité au coeur de notre politique. Etre responsable, c'est d'abord réagir aux situations d'urgence, c'est ce que nous avons fait, mais c'est aussi engager les réformes nécessaires pour éviter la répétition des crises comme celle que nous venons de connaître. C'est dans cet esprit que nous faisons face à la grave crise agricole que nous connaissons aujourd'hui. Cette crise, elle appelle une réponse de grande envergure, une réponse immédiate et une réponse structurelle qui exigent le même pragmatisme que nous avons mis en oeuvre depuis plusieurs mois.
Le 27 octobre, le président de la République a annoncé un plan massif : 1 milliard de prêts, 650 millions d'euros d'aides. Avec ce plan, notre agriculture doit pouvoir passer le cap de la crise, mais elle doit aussi pour l'avenir avoir les moyens de se renouveler et de se moderniser. Pour réussir ce pari, nous avons besoin que l'effort des banques s'associe à celui de l'Etat. C'est pour une très large part sur leurs prêts que reposera nécessairement le financement du secteur agricole. Nous comptons donc sur leur responsabilité et il est essentiel que notre action commune - celle des banques et celle de l'Etat - soit dictée par l'efficacité et par la rapidité. Votre banque, le Crédit Agricole, jouera évidemment un rôle de premier plan dans le soutien à ce secteur qui est, pour notre pays, à la fois historique et stratégique. C'est maintenant qu'il faut agir, c'est maintenant que les agriculteurs ont besoin de notre soutien, c'est maintenant que les financements doivent être disponibles. Dès la semaine prochaine, le système d'aide sera en place, dès la semaine prochaine toutes les conditions d'octroi des prêts, des prises en charge d'intérêts et des cotisations sociales seront définies et seront connues. Et dès la semaine prochaine, tous les préfets auront reçu les instructions et disposeront des enveloppes nécessaires.
Qu'est-ce que nous mettons en place avec ce dispositif ? Ce n'est pas une simple addition de mesures, ce ne sont pas des solutions uniformes. C'est un ensemble d'outils qui pourra s'adapter aux difficultés particulières de chacun. C'est d'abord des prêts de reconstitution du fonds de roulement pour les agriculteurs qui ont des difficultés de trésorerie. C'est en deuxième lieu des prêts bonifiés de consolidation de l'annuité, pour les agriculteurs, dont la charge d'endettement sera trop lourde en 2010. C'est troisièmement une prise en charge des intérêts pour les agriculteurs qui n'ont pas la capacité de s'endetter. Les cibles prioritaires, ce seront les jeunes agriculteurs, les investisseurs récents et les exploitations qui ont enregistré une baisse de leurs résultats. C'est quatrièmement un examen spécifique pour les agriculteurs qui sont en situation difficile, alors même que leur exploitation est viable. Il s'inscrira dans le cadre de la procédure « agriculture en difficulté » que vous connaissez déjà. Enfin cinquième point, des allègements de charges sociales et des allègements de taxe sur le foncier non bâti sont également prévus au cas par cas.
Nous avons voulu que les critères d'attribution de l'ensemble de ces dispositifs soient les plus simples possibles. Les relations avec les banques sont désormais clarifiées, je sais que les négociations avec le Crédit Agricole ont été serrées, on peut même dire (pour ne rien cacher) qu'elles ont duré jusqu'à tard hier soir. Et d'une certaine façon, cette inauguration avait une quatrième utilité, celle de fixer une limite à la durée de ces négociations. Je veux saluer les efforts que le Crédit Agricole a consentis et je veux dire que les conventions pourront être signées lundi. Ces mesures, il est évident qu'elles ne seront pleinement efficaces que s'il est facile pour les agriculteurs de les connaître et d'y accéder. Dès le début de la semaine prochaine, une page Internet spécifique sur le site du ministère donnera accès à toutes les informations pratiques. Et les intéressés pourront tout de suite aller voir leur banque pour examiner avec elle la mesure qui convient le mieux à leur situation.
J'ai décidé aussi de nommer un médiateur, j'ai choisi l'ancien ministre Nicolas Forissier, qui sera chargé de traiter et de lever le plus vite possible toutes les difficultés que les exploitants pourraient rencontrer dans leurs discussions avec les banques, sur le modèle du médiateur du crédit que nous avions mis en place au début de la crise financière et dont les résultats ont été parfaitement remarquables. J'ajoute que Nicolas Forissier pourra s'appuyer sur le réseau mis en place par la médiation du crédit pour accomplir sa mission. C'est un large effort national que nous engageons, c'est un effort qui exige une mobilisation collective. Notre impératif est immédiat, c'est soulager la détresse des agriculteurs, mais naturellement nous avons aussi le devoir de regarder un peu plus loin. Cet effort, nous le faisons parce que nous croyons que l'agriculture a un avenir en France ; parce que nous croyons en ses forces, en sa capacité à surmonter la crise et à rendre à notre pays les bénéfices de ce qui est investi. L'enjeu de cet investissement, c'est d'aborde le premier secteur économique de notre pays avec 163 milliards d'euros. Mais c'est plus que cela, c'est aussi la qualité et la sécurité de notre alimentation. C'est encore la vie de nos territoires, l'installation des jeunes dans une dynamique qui doit s'exprimer en tous les points de notre pays et enfin, dans une modernité qui doit entraîner la création de nouveaux emplois.
Au-delà des aides d'urgence, nous avons donc la volonté de moderniser notre agriculture et d'accroître sa compétitivité. Cette volonté, elle a un cadre, ça sera la loi de modernisation de l'agriculture que Bruno le Maire a pour mission de préparer et elle a un horizon, c'est 2013, c'est-à-dire l'année où commencera une nouvelle Politique Agricole Commune. Et chacun voit bien que 2013, c'est demain. Les chantiers sont lancés, l'encadrement de la relation contractuelle entre les producteurs et les transformateurs, le renforcement de l'organisation économique des filières, le développement des outils d'assurance, la diminution du coût du travail, la lutte contre le gaspillage des terres agricoles. C'est là que se jouera l'avenir et nous devrons être à pied d'oeuvre pour réaliser sans attendre toutes ces réformes qui sont absolument nécessaires au développement de l'agriculture française. Dans toutes les directions, nous avons à inventer des dispositifs d'avenir parce que nous voulons que notre agriculture soit un secteur fort, un secteur stable et un secteur d'innovation. Et puisque j'évoque, Mesdames et Messieurs, l'avenir de notre agriculture, je veux saluer ce que vous réalisez ici Monsieur le président, dans le Maine-et-Loire. Nous sommes ici dans un département où les installations de jeunes agriculteurs sont nombreuses, je sais que ce n'est pas le fruit du hasard mais que c'est le résultat d'une politique locale volontariste qui associe l'ensemble des acteurs. Je me félicite de l'engagement de tous les professionnels du Maine-et-Loire en faveur d'une agriculture respectueuse de l'environnement, qui s'affiche dans le Projet agricole départemental signé en juillet 2006. Et je veux rendre un hommage particulier au succès du pôle de compétitivité Vegepolys, dont le président Bruno de Laage est aussi le directeur du Crédit Agricole de l'Anjou et du Maine.
Vegepolys, c'est l'exemple d'une agriculture innovante et stratégique. La chimie verte est au coeur des priorités nationales de la recherche. On y travaille aussi sur la sélection variétale des végétaux spécialisés, dans le domaine de la viticulture, de l'arboriculture, du maraîchage, de l'horticulture et plantes médicinales. C'est un domaine où nous avons du savoir-faire, c'est un domaine où la France est compétitive, les grandes multinationales américaines dominent la sélection des céréales mais pas la sélection des végétaux spécialisés. Et c'est en grande partie grâce à Vegepolys, qui fédère autour d'Angers une concentration unique sans égale en Europe d'universités, de grandes écoles, d'entreprises et de producteurs concernés par le secteur du végétal spécialisé. Je veux féliciter Bruno de Laage pour ce travail, comme je félicite Bruno Dupont et Michel Vele qui l'ont précédé à la tête de ce pôle de compétitivité. Je crois aussi, cher Bruno, que deux fonctions au Crédit Agricole et à Vegepolys illustrent bien les partenariats qui peuvent se nouer sur le terrain entre des acteurs responsables, entre une banque et des entreprises, entre le financement et l'innovation. Dans le développement de ces partenariats, le Crédit Agricole est évidemment bien placé. Et je veux dire que nous avons besoin du Crédit Agricole pour nous aider à construire l'agriculture de demain, comme nous avons besoin du Crédit Agricole aujourd'hui pour répondre tout de suite aux difficultés des exploitants.
Je connais particulièrement bien le travail de soutien, de développement et de proximité que les Caisses locales réalisent dans nos régions et nos départements. La Caisse du Crédit Agricole, ça a longtemps été une sorte d'institution en France et ça l'est toujours, même si le métier de votre banque a évolué, comme celui des autres établissements. Tout le monde se souvient de votre vieux slogan : « le bon sens près de chez vous », je ne suis pas ici pour faire votre publicité. Cette formule me rappelle plutôt les attentes et les responsabilités qui, dans l'esprit de beaucoup de nos concitoyens, découlent de votre histoire. Est-ce que tout ça appartient à un autre temps ? Depuis quelques mois, on a beaucoup parlé des banques et, il faut le dire, on en a beaucoup parlé en mal. Il était même devenu difficile d'avouer qu'on était banquier. Il semblait qu'on était passé à du « bon sens près de chez vous » à « la spéculation loin de chez vous ».
Mais la banque, ça n'est pas seulement l'univers des marchés qui a l'air assez irréel quand on l'observe de loin, et tous ceux qui travaillent dans une banque, je le redis à nouveau, tous ceux qui m'accueillent ici ne sont pas des traders. Ce sont des gens à qui nous faisons confiance, ce sont des gens dont l'activité est nécessaire. Et Mesdames et Messieurs, si l'on veut résoudre la crise financière que nous venons de connaître et dont les origines sont un petit peu plus compliqué que ce qu'on a l'habitude de dire, elles viennent d'abord (je voudrais le rappeler) d'une pratique du crédit déraisonnable aux Etats-Unis, notamment s'agissant du crédit sur le logement, si nous avons besoin de tout le monde pour la résoudre, nous avons besoin d'aller à Washington ou à Londres pour rencontrer les dirigeants du monde entier et mettre en place une régulation qui soit une régulation plus sérieuse. Mais nous avons aussi besoin de venir ici, à Angers, comme partout en France, parce que c'est au niveau local que beaucoup de choses se décident. C'est là que le chef d'entreprise va trouver sa banque pour savoir s'il va pouvoir laisser passer l'orage ou s'il va devoir mettre la clef sous la porte. C'est là que l'on oscille entre la persévérance et la résignation qui font qu'un pays tout entier s'enfonce dans la crise ou alors au contraire, qu'il se redresse. Et si je suis venu ici, c'est bien pour vous délivrer un message de courage, d'espoir, de responsabilité qui concerne notre agriculture, mais aussi notre économie tout entière et, en particulier, le secteur bancaire. Vous vous souvenez tous de la situation dans laquelle nous nous trouvions il y a un an. La banque Lehman Brothers venait de faire faillite et tout le système financier menaçait de s'effondrer. Nous avons, dans cette crise, agi avec beaucoup de rapidité et beaucoup de détermination. Nous avons mis en place un plan massif de soutien aux banques, ce plan était assorti de contreparties strictes, notamment en termes de financement de l'économie. Il faut reconnaître les choses, un an après le bilan est plutôt satisfaisant. Et je voudrais faire remarquer à tous ceux qui nous ont expliqué, pendant un an, que les mesures que nous avions prises n'étaient pas les bonnes et qu'ils s'étaient trompés et qu'il faut qu'ils le reconnaissent. Il n'était pas utile de nationaliser les banques, il n'était pas utile de baisser la TVA pour s'embarquer dans des politiques comme celles que connaissent beaucoup de nos voisins européens qui, aujourd'hui, se mordent les doigts des décisions qu'ils ont prises. Nos banques sont sur la voie du redressement, les résultats publiés ces derniers jours le montrent bien. Elles dégagent à nouveau des bénéfices qui sont solides et qui vont leur permettre de sortir des dispositifs publics de soutien. L'Etat peut donc se voir rétrocéder l'argent qu'il a investi dans le secteur bancaire. La Société de Financement de l'Economie Française que nous avions créée est désormais en sommeil. Quant aux investissements en fonds propres, sur les 19 milliards d'euros que l'Etat a investis dans les banques françaises, 13 seront remboursés d'ici la fin de l'année. Au passage, je veux dire que l'Etat a engrangé des recettes substantielles : 1,4 milliards d'euros au seul titre de l'année 2009, auxquels s'ajouteront ensuite 713 millions issus de la remontée des dividendes versés à la Société de Prise de Participation de l'Etat par les banques qui ont sollicité cet instrument.
Là aussi, franchement tous ces titres pendant des mois et des mois : « des cadeaux faits aux banques », est-ce que quelqu'un aura le courage et l'honnêteté d'écrire que ces titres ne correspondaient pas à la réalité. Et que ce que nous avons fait était nécessaire mais n'était en rien un cadeau. Et tous ceux qui réclamaient que l'on fasse, pour tous les autres secteurs de l'économie, la même chose que ce qu'on a fait aux banques, eh bien ! Chiche, prêtons 19 milliards à 8 % d'intérêt, je ne suis pas sûr que ce soit aujourd'hui ce que réclament les secteurs de l'économie qui sont en difficulté. Je pense que si nous avons réussi, c'est grâce à la rapidité de la décision que nous avons prise, mais c'est grâce aussi au fait que notre système bancaire était moins atteint que beaucoup d'autres systèmes dans le monde, qu'il avait de quoi résister à la crise et que les décisions efficaces ont rencontré une organisation bancaire qui a su répondre. Mais je pense aussi que là encore, on ne peut pas se contenter de dire « on a sauvé les banques, on recommence comme si rien ne s'était passé », il faut regarder vers l'avenir et tirer les conséquences de ce qui s'est passé. Pour moi, ça signifie trois choses, d'abord il faut se prémunir contre le retour des excès que l'on a connus, et je pense bien entendu à cette question des rémunérations excessives. Pourquoi ? Parce que la question des rémunérations excessives est liée au système lui-même, un système qui accorde des rémunérations extravagantes à des personnes qui font des opérations de spéculation sans qu'on puisse vraiment juger sur la durée si ces opérations de spéculation sont des opérations qui sont bénéfiques pour l'établissement financier et bénéfiques pour la société, c'est une faute. Ce n'est pas seulement une faute morale, c'est une faute technique, parce que c'est un système qui pousse les gens à mettre en oeuvre des stratégies qui sont des stratégies dangereuses. Nous avons donc demandé aux banques qu'il n'y ait pas de bonus garantis au-delà d'un an ; qu'une part significative des bonus soit versée en actions ; et qu'un système de malus empêche que l'on ne récompense des gains éphémères et illusoires. Les bonus doivent rétribuer des performances réelles, des performances solides et des performances durables. Avant-hier, un arrêté a été publié au Journal officiel : ces dispositions sont maintenant inscrites dans notre droit. Je veux saluer également l'initiative de la Fédération Bancaire Française, qui a édicté des normes professionnelles qui complètent cet arrêté.
La France a été pionnière sur le principe, là aussi il faut le reconnaître, c'est le Président de la République qui a pris la tête de ce combat au plan mondial et qui a fait adopter les principes que nous respectons désormais au Sommet de Pittsburgh. La France est pionnière non seulement lorsqu'il s'agit de proposer le principe, mais elle est pionnière aussi lorsqu'il s'agit de le mettre en oeuvre. Et en ce moment même, alors que je suis à Angers pour m'exprimer devant vous, Christine Lagarde est en Grande Bretagne, au G20 de Saint-Andrews et elle est en train de rappeler à nos partenaires - pour ceux qui auraient besoin qu'on le leur rappelle - qu'ils vont aussi devoir faire, comme nous venons de le faire, des actes d'autorité pour préciser dans leur législation les modalités de l'encadrement des bonus. Tirer les conséquences du passé, ça signifie aussi renforcer davantage notre système de supervision. C'est tout le sens du rapprochement qui est en cours entre la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles : nous voulons disposer d'un grand opérateur unifié, capable de surveiller l'ensemble des risques associés aux professions financières. Et enfin en troisième lieu, nous devons faire en sorte que les banques renforcent leurs fonds propres. C'est un point sur lequel je veux particulièrement insister devant vous, les fonds propres, c'est l'auto-assurance que les banques souscrivent pour faire face aux difficultés.
J'ai entendu dire récemment qu'il fallait faire payer aux banques l'assurance que l'Etat leur procure en cas de crise, en les préservant de la faillite. Eh bien ! Moi, je préfère d'abord que l'on impose aux banques de se doter des fonds propres qui leur permettront de faire face seules aux risques futurs que pourraient faire peser de nouvelles difficultés financières. Ça ne veut pas dire évidemment que l'Etat s'abstiendra d'intervenir en cas de crise grave, mais à mon sens, l'intervention de l'Etat ne doit avoir lieu que lorsque les actionnaires ont assumé toutes les conséquences des erreurs de la banque qu'ils contrôlent. Bref ! Je crois que l'argent des banques, surtout en ce moment, il doit aller prioritairement à la consolidation de leurs fonds propres. Et on retrouve là le thème des rémunérations extravagantes. Dans certaines conditions, les bonus posent un problème éthique mais ils posent aussi un problème technique : c'est de l'argent que l'on dépense dans des rémunérations qui sont parfois inconsidérées, alors que les banques feraient beaucoup mieux de l'engranger dans leurs fonds propres. Devant cet état de fait, notre réglementation sur les bonus, elle n'est pas seulement là pour jouer les « père fouettard » ou pour rappeler que la vie économique moderne n'exclut pas que l'on fasse référence à la morale, elle a aussi pour but d'encourager les banques à accroître leur solidité et leur autonomie. Cela vaut de la même façon pour les dividendes des actionnaires, pas plus que les opérateurs de marché, les actionnaires des banques ne doivent profiter indûment des bons résultats actuels, dont je rappelle qu'une partie n'est que conjoncturelle parce qu'elle est liée au niveau très faible des taux d'intérêt.
Le gouverneur de la Banque de France, avec lequel je m'en suis entretenu cette semaine, a déclaré qu'il serait très attentif à la politique de versement de dividendes par les banques cette année. Je partage pleinement ce souci parce que la sécurisation de notre système financier doit être prioritaire ; et parce qu'à mes yeux le renforcement des capitaux propres y joue un rôle fondamental. Mesdames et Messieurs, si nous sommes intervenus massivement en faveur des banques l'an dernier et si nous voulons des banques solides, c'est tout simplement parce que nous voulons que ces banques exercent pleinement leur mission centrale : c'est-à-dire le financement de l'économie. Ça concerne l'agriculture, ça concerne tous les secteurs. Nous voyons que la reprise s'amorce, cette reprise elle est encore fragile, sans crédit aux entreprises, la croissance risque d'être freinée. Or nos entreprises ont en ce moment besoin de crédit, il faut qu'en face de cette demande, il y ait une offre. Je connais les efforts que font les banques - et en particulier le Crédit Agricole - mais il faut vraiment que nous allions plus loin. Un certain nombre de choses ont été faites pour le crédit aux particuliers, il faut que nous en fassions au moins autant pour le crédit aux entreprises. J'ai demandé au mois d'août à la ministre de l'Economie d'écrire à chacune des grandes banques françaises, pour qu'elles soumettent aux pouvoirs publics leur plan d'action pour dynamiser leur offre de crédit d'ici à la fin de l'année. Et je veux dire que ces plans engagent les établissements financiers. Je sais que les conditions de crédit ont été assouplies au cours des derniers mois, notamment à la faveur de la baisse des taux d'intérêt. Mais la baisse des taux proposée aux clients, particuliers et entreprises, n'a pas été aussi forte que la baisse des taux de refinancement des banques. Et je souhaite que celles-ci répercutent pleinement les baisses de taux de la Banque centrale. Le dernier axe de notre politique en direction des banques, c'est le soutien à la concurrence au profit de leurs clients. Dans certains pays la crise, en faisant disparaître des acteurs, a beaucoup affaibli la concurrence. Ça n'est pas le cas en France, notre secteur bancaire est certes relativement concentré, mais il comporte des grands acteurs de taille comparable qui sont capables de lutter à armes égales sur le marché.
Mais vous savez bien comme moi que nos concitoyens ont le sentiment que la concurrence entre les banques pourrait jouer un peu plus en leur faveur. Il faut en particulier que les services bancaires soient tarifiés à leur juste prix. Nous avons du chemin à faire, un rapport de la Commission européenne nous a récemment interpellés sur le niveau de nos coûts qui sont plus élevés que la moyenne de l'Union. Je sais que la réalité est plus complexe, mais il est pourtant nécessaire que nous fassions des progrès dans ce champ-là. Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de mesures, afin d'améliorer la transparence des tarifs, les banques ont désormais l'obligation de communiquer une fois par an à leurs clients un récapitulatif de leurs frais bancaires facturés. Pour renforcer la concurrence, nous avons en outre obtenu des engagements en faveur de la simplification des démarches de changement de banque. Enfin, les frais bancaires pour incidents de paiement ont été plafonnés par décret. Il faut que nous fassions un bilan de ces mesures et que nous voyons ensemble, lorsqu'elles se seront appliquées suffisamment longtemps, s'il est nécessaire de les compléter parce qu'il est, de mon point de vue, très important que les clients n'aient pas le sentiment d'être confrontés à des procédures opaques ou à des frais dont on ne leur explique pas assez la justification. Il est essentiel que les Français aient confiance dans leurs banques et je crois qu'on peut dire que c'est l'intérêt des banques elles-mêmes.
Voilà Mesdames et Messieurs, mes chers amis ce que je voulais vous dire à l'occasion de l'inauguration de cette magnifique Caisse régionale. Notre politique bancaire est ambitieuse, notre politique agricole l'est aussi. Elles ne se feront pas sans des banques responsables et sans des banques qui soient constamment à l'écoute des projets et des difficultés des Français. Elles ne se feront pas sans les acteurs de nos régions. La nouvelle gouvernance économique et le retour de la croissance se construisent à Washington, se construisent à Londres, se construisent aussi à Angers, avec vous, grâce vous, grâce à tous ceux qui sont au plus près des réalités et des énergies humaines. Alors oui, il est peut-être rare qu'un Premier ministre prononce un discours dans une Caisse régionale du Crédit Agricole, mais je veux vous dire une nouvelle fois que j'ai cru nécessaire d'aller à votre rencontre, parce que je pense que le combat contre la crise et pour la confiance, c'est un combat qui doit être mené partout et tout le temps sur l'ensemble du territoire national.
Source http://www.gouvernement.fr, le 17 novembre 2009