Texte intégral
M. Darmon.- Bonjour, ministre de la Défense, il passe à l'offensive sur le champ de bataille politique pour exister à côté de l'empire UMP. H. Morin, bonjour. Bonjour. Tout d'abord, une question plus sensible qu'il n'y paraît : vous étiez en novembre 89 au pied du mur de Berlin ?
Non, non je n'étais pas au pied du mur de Berlin, mais j'ai un souvenir très net de cette journée, je crois d'ailleurs comme à peu près tous les Français, moi j'étais devant ma télé avec un couple de copains et nous étions émus aux larmes. On avait appris dans nos livres à l'école et à la Fac que l'Europe était divisée, que cette fracture entre le Pacte de Varsovie et le monde occidental était une fracture qui serait quasiment impossible d'effacer. Tout d'un coup, on voyait un monde qui se reconstruisait et l'Europe qui se réunifiait. J'ai vraiment un souvenir très précis. Comme d'ailleurs ce souvenir d'une visite dans l'ex-RDA en 91 où bon nombre d'Allemands de l'Est regrettaient l'ancien régime pour l'apaisement qu'il apportait sur un certain nombre d'aspects, sur les services publics, etc., la protection, et c'était très curieux.
Alors demain, 11 novembre, autre moment très symbolique, A. Merkel vient pour la première fois à l'Arc de Triomphe aux côtés du président N. Sarkozy, est-ce qu'il faut faire de cette journée une journée officielle de l'amitié franco-allemande, comme on l'a entendu ?
L'un n'empêche pas l'autre. C'est à la fois une commémoration, qui doit le rester en temps que tel, et en même temps qu'il y ait un moment dans l'année qui soit consacré au couple franco-allemand, qui est un bel exemple pour le monde entier parce que l'amitié franco-allemande et la construction européenne c'est un modèle pour le monde.
C'est une évidence aussi pour la nouvelle génération.
Oui mais c'est un modèle qui mérite d'être rappelé. C'est-à-dire que nous avons été les premiers dans le monde à construire sur des ruines un système de coopération solidaire entre les Etats. Nous sommes sortis de la confrontation entre les Etats, de la compétition entre les Etats pour faire un système coopératif et solidaire entre les Etats, reposant sur un ordonnancement juridique. Eh bien ça, c'est exceptionnel et ce système là, c'est ce système là qui doit inspirer le monde parce que le système de compétition et de concurrence entre les Etats, il est mortel pour le monde tel qu'il est aujourd'hui, à court ou moyen terme, compte tenu de la raréfaction des ressources énergétiques, du réchauffement climatique et donc il faut inventer un autre monde. Eh bien les Européens l'ont fait.
Alors un autre anniversaire, encore, mais alors d'un autre genre complètement : hier, à l'UMP on a marqué, on a célébré les deux ans et demi du quinquennat de N. Sarkozy. C'était à la demande d'ailleurs de N. Sarkozy que s'est tenue cette conférence de presse à l'UMP. Qu'est-ce que vous dites, vous, sur le bilan à mi mandat présidentiel ?
La France de 2007 c'est une France qui déclinait depuis 25 ans avec un taux de croissance inférieur à la moyenne européenne, un taux d'activité des jeunes ou des plus de 50 ans inférieur à la moyenne européenne. Quand les Allemands font 170 milliards d'euros d'excédent commercial avec la même monnaie que la nôtre, nous on fait 70 milliards d'euros de déficits. Bref, donc un pays qui déclinait tranquillement et sûrement. Et donc N. Sarkozy et le Gouvernement ont engagé des réformes structurelles absolument majeures et on s'est beaucoup occupé de la France.
Ca c'est pour la partie où vous êtes d'accord.
Oui mais je voudrais quand même que vous mesureriez toutes les réformes structurelles dont on parlait durant toutes les campagnes électorales et qui ne se faisaient jamais : alors la réforme du RMI, les 35 heures, l'autonomie des universités, le Grenelle, la réforme des armées. Toute une série de sujets sur lesquels on nous attendait et on a fait enfin ce que nous avions dit que nous ferions. La France a retrouvé sa place aussi sur la scène internationale. Souvenez-vous de la crise de la Géorgie, souvenez-vous de la crise financière...
Et pourtant malaise aujourd'hui, on sent dans la majorité, dans l'opinion, on voit bien le désamour actuellement vis-à-vis du chef de l'exécutif...
Il est relatif parce que c'est à peu près le même pour tous les chefs d'Etat à mi mandat.
Voilà, pour vous donc il vit actuellement, tout simplement le cycle mi mandat ?
Je rencontre beaucoup les militants du Nouveau Centre à travers toute la France. Je pense que nous avons besoin collectivement d'adresser un message à une société plus apaisée. On a beaucoup construit depuis des années et des années ou mis en opposition les Français les uns aux autres : les catégories populaires aux élites, les fonctionnaires aux salariés du secteur privé, les ouvriers aux patrons et on peut multiplier ça à l'infini. Eh bien, moi je pense qu'on doit porter l'idée d'une société apaisée, d'une société où l'on dit : la réussite des uns dépend de la réussite des autres et que c'est collectivement que nous serons capables de porter un avenir plus serein et plus confiant. Et donc je pense qu'on a besoin d'adresser un message de confiance, d'apaisement dans une société qui est profondément angoissée. Elle est angoissée parce qu'il y a la crise économique, parce qu'on parle du réchauffement climatique, parce qu'il y a la dette, parce qu'il y a le problème des retraites et je crois qu'on a besoin...
Et parce qu'il y a un style présidentiel qui parfois déconcerte également.
...On a besoin d'adresser aux Français un message d'apaisement, de confiance, en dressant en quelque sorte ou en levant aussi les coins de ciel bleu. En leur disant, toutes ces réformes structurelles faites pour la France, elles sont aussi au bénéfice des Français.
Qu'est-ce que le Nouveau Centre apporte aujourd'hui ? On voit les difficultés que vous avez à exister à côté de l'UMP, qui à chaque fois essaye quand même comme ça de vous englober, qu'est-ce qu'aujourd'hui vous pouvez apporter ? On vient bien qu'il y a un bras de fer en ce moment d'ailleurs.
Quand j'évoque l'idée d'une société apaisée, c'est un message que le Nouveau Centre veut porter, l'idée d'une société de la reconnaissance, moi je suis très frappé de la société dans laquelle on vit. C'est-à-dire qu'on reconnaît les fonctions de l'argent, les bonus, les traders, et on ne reconnaît pas les grandes fonctions sociales qui structurent une société et sans lesquelles une société ne peut pas vivre. Je pense aux fonctions de l'éducation, aux fonctions de la santé, aux fonctions de la recherche. Toutes ces fonctions sociales elles sont majeures pour qu'une société puisse progresser et avoir confiance en son avenir. Eh bien faisons en sorte qu'à travers une société apaisée, on reconnaisse aussi les fonctions sociales majeures d'une société.
H. Morin deux questions sur la Défense : demain 11 novembre, il y a des familles qui ont porté plainte, les familles des soldats décédés, tués en Afghanistan en août 2008 qui ont porté plainte en visant la hiérarchie militaire. Est-ce que ça justement ce n'est pas inédit, symbolique de l'évolution du lien entre la Nation et l'armée ? En quelques mots.
Oui le dire en quelques mots c'est difficile. Je pense qu'il faut avoir conscience que les armées... la fonction militaire est une fonction particulière puisque c'est une fonction qui par nature est une fonction où on met en place, où l'usage des armes est en tant que tel...
Sur cette plainte, vous comprenez les familles ?
Je veux dire aux familles que bien entendu elles ont le droit de porter plainte, personne ne peut leur nier, mais le risque zéro lorsque l'on est militaire, ça n'existe pas.
C. Pasqua dit, accuse aujourd'hui dans la presse - il l'a fait encore il y a quelques jours - : le secret défense protège les escrocs, les aigrefins. Est-ce qu'il n'est pas temps au fond également de mettre de la transparence dans toutes les histoires de contrats d'armement ?
Moi j'ai levé, à chaque fois que la Commission de secret de la défense nationale a été saisie, j'ai levé systématiquement le secret de la défense. Pourquoi ? Parce que bien souvent, on est dans le fantasme. J'ai le souvenir par exemple du soi-disant compte de J. Chirac au Japon et j'ai vu les notes des services de renseignements qui évoquaient ce sujet, c'était la rumeur de quelqu'un qui disait que, etc. Et le pauvre J. Chirac sur cette histoire, il s'est retrouvé avec des livres entiers qui portaient à travers ces documents, sur rien. Et donc plus on est dans la transparence, mieux c'est.
Merci beaucoup H. Morin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 novembre 2009
Non, non je n'étais pas au pied du mur de Berlin, mais j'ai un souvenir très net de cette journée, je crois d'ailleurs comme à peu près tous les Français, moi j'étais devant ma télé avec un couple de copains et nous étions émus aux larmes. On avait appris dans nos livres à l'école et à la Fac que l'Europe était divisée, que cette fracture entre le Pacte de Varsovie et le monde occidental était une fracture qui serait quasiment impossible d'effacer. Tout d'un coup, on voyait un monde qui se reconstruisait et l'Europe qui se réunifiait. J'ai vraiment un souvenir très précis. Comme d'ailleurs ce souvenir d'une visite dans l'ex-RDA en 91 où bon nombre d'Allemands de l'Est regrettaient l'ancien régime pour l'apaisement qu'il apportait sur un certain nombre d'aspects, sur les services publics, etc., la protection, et c'était très curieux.
Alors demain, 11 novembre, autre moment très symbolique, A. Merkel vient pour la première fois à l'Arc de Triomphe aux côtés du président N. Sarkozy, est-ce qu'il faut faire de cette journée une journée officielle de l'amitié franco-allemande, comme on l'a entendu ?
L'un n'empêche pas l'autre. C'est à la fois une commémoration, qui doit le rester en temps que tel, et en même temps qu'il y ait un moment dans l'année qui soit consacré au couple franco-allemand, qui est un bel exemple pour le monde entier parce que l'amitié franco-allemande et la construction européenne c'est un modèle pour le monde.
C'est une évidence aussi pour la nouvelle génération.
Oui mais c'est un modèle qui mérite d'être rappelé. C'est-à-dire que nous avons été les premiers dans le monde à construire sur des ruines un système de coopération solidaire entre les Etats. Nous sommes sortis de la confrontation entre les Etats, de la compétition entre les Etats pour faire un système coopératif et solidaire entre les Etats, reposant sur un ordonnancement juridique. Eh bien ça, c'est exceptionnel et ce système là, c'est ce système là qui doit inspirer le monde parce que le système de compétition et de concurrence entre les Etats, il est mortel pour le monde tel qu'il est aujourd'hui, à court ou moyen terme, compte tenu de la raréfaction des ressources énergétiques, du réchauffement climatique et donc il faut inventer un autre monde. Eh bien les Européens l'ont fait.
Alors un autre anniversaire, encore, mais alors d'un autre genre complètement : hier, à l'UMP on a marqué, on a célébré les deux ans et demi du quinquennat de N. Sarkozy. C'était à la demande d'ailleurs de N. Sarkozy que s'est tenue cette conférence de presse à l'UMP. Qu'est-ce que vous dites, vous, sur le bilan à mi mandat présidentiel ?
La France de 2007 c'est une France qui déclinait depuis 25 ans avec un taux de croissance inférieur à la moyenne européenne, un taux d'activité des jeunes ou des plus de 50 ans inférieur à la moyenne européenne. Quand les Allemands font 170 milliards d'euros d'excédent commercial avec la même monnaie que la nôtre, nous on fait 70 milliards d'euros de déficits. Bref, donc un pays qui déclinait tranquillement et sûrement. Et donc N. Sarkozy et le Gouvernement ont engagé des réformes structurelles absolument majeures et on s'est beaucoup occupé de la France.
Ca c'est pour la partie où vous êtes d'accord.
Oui mais je voudrais quand même que vous mesureriez toutes les réformes structurelles dont on parlait durant toutes les campagnes électorales et qui ne se faisaient jamais : alors la réforme du RMI, les 35 heures, l'autonomie des universités, le Grenelle, la réforme des armées. Toute une série de sujets sur lesquels on nous attendait et on a fait enfin ce que nous avions dit que nous ferions. La France a retrouvé sa place aussi sur la scène internationale. Souvenez-vous de la crise de la Géorgie, souvenez-vous de la crise financière...
Et pourtant malaise aujourd'hui, on sent dans la majorité, dans l'opinion, on voit bien le désamour actuellement vis-à-vis du chef de l'exécutif...
Il est relatif parce que c'est à peu près le même pour tous les chefs d'Etat à mi mandat.
Voilà, pour vous donc il vit actuellement, tout simplement le cycle mi mandat ?
Je rencontre beaucoup les militants du Nouveau Centre à travers toute la France. Je pense que nous avons besoin collectivement d'adresser un message à une société plus apaisée. On a beaucoup construit depuis des années et des années ou mis en opposition les Français les uns aux autres : les catégories populaires aux élites, les fonctionnaires aux salariés du secteur privé, les ouvriers aux patrons et on peut multiplier ça à l'infini. Eh bien, moi je pense qu'on doit porter l'idée d'une société apaisée, d'une société où l'on dit : la réussite des uns dépend de la réussite des autres et que c'est collectivement que nous serons capables de porter un avenir plus serein et plus confiant. Et donc je pense qu'on a besoin d'adresser un message de confiance, d'apaisement dans une société qui est profondément angoissée. Elle est angoissée parce qu'il y a la crise économique, parce qu'on parle du réchauffement climatique, parce qu'il y a la dette, parce qu'il y a le problème des retraites et je crois qu'on a besoin...
Et parce qu'il y a un style présidentiel qui parfois déconcerte également.
...On a besoin d'adresser aux Français un message d'apaisement, de confiance, en dressant en quelque sorte ou en levant aussi les coins de ciel bleu. En leur disant, toutes ces réformes structurelles faites pour la France, elles sont aussi au bénéfice des Français.
Qu'est-ce que le Nouveau Centre apporte aujourd'hui ? On voit les difficultés que vous avez à exister à côté de l'UMP, qui à chaque fois essaye quand même comme ça de vous englober, qu'est-ce qu'aujourd'hui vous pouvez apporter ? On vient bien qu'il y a un bras de fer en ce moment d'ailleurs.
Quand j'évoque l'idée d'une société apaisée, c'est un message que le Nouveau Centre veut porter, l'idée d'une société de la reconnaissance, moi je suis très frappé de la société dans laquelle on vit. C'est-à-dire qu'on reconnaît les fonctions de l'argent, les bonus, les traders, et on ne reconnaît pas les grandes fonctions sociales qui structurent une société et sans lesquelles une société ne peut pas vivre. Je pense aux fonctions de l'éducation, aux fonctions de la santé, aux fonctions de la recherche. Toutes ces fonctions sociales elles sont majeures pour qu'une société puisse progresser et avoir confiance en son avenir. Eh bien faisons en sorte qu'à travers une société apaisée, on reconnaisse aussi les fonctions sociales majeures d'une société.
H. Morin deux questions sur la Défense : demain 11 novembre, il y a des familles qui ont porté plainte, les familles des soldats décédés, tués en Afghanistan en août 2008 qui ont porté plainte en visant la hiérarchie militaire. Est-ce que ça justement ce n'est pas inédit, symbolique de l'évolution du lien entre la Nation et l'armée ? En quelques mots.
Oui le dire en quelques mots c'est difficile. Je pense qu'il faut avoir conscience que les armées... la fonction militaire est une fonction particulière puisque c'est une fonction qui par nature est une fonction où on met en place, où l'usage des armes est en tant que tel...
Sur cette plainte, vous comprenez les familles ?
Je veux dire aux familles que bien entendu elles ont le droit de porter plainte, personne ne peut leur nier, mais le risque zéro lorsque l'on est militaire, ça n'existe pas.
C. Pasqua dit, accuse aujourd'hui dans la presse - il l'a fait encore il y a quelques jours - : le secret défense protège les escrocs, les aigrefins. Est-ce qu'il n'est pas temps au fond également de mettre de la transparence dans toutes les histoires de contrats d'armement ?
Moi j'ai levé, à chaque fois que la Commission de secret de la défense nationale a été saisie, j'ai levé systématiquement le secret de la défense. Pourquoi ? Parce que bien souvent, on est dans le fantasme. J'ai le souvenir par exemple du soi-disant compte de J. Chirac au Japon et j'ai vu les notes des services de renseignements qui évoquaient ce sujet, c'était la rumeur de quelqu'un qui disait que, etc. Et le pauvre J. Chirac sur cette histoire, il s'est retrouvé avec des livres entiers qui portaient à travers ces documents, sur rien. Et donc plus on est dans la transparence, mieux c'est.
Merci beaucoup H. Morin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 novembre 2009