Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, à France Inter le 8 décembre 2009, sur les problèmes dans l'organisation de la vaccination contre la grippe A et le recours aux internes et aux élèves infirmiers pour l'assurer.

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Média : France Inter

Texte intégral

E. Delvaux.- A Paris, le directeur de la DDASS, est-il la première victime collatérale de la grippe A ? P. Coste a jusqu'à samedi pour laisser son bureau. Le président de la République aurait jugé trop chaotique l'organisation de la vaccination dans la capitale.
 
D'abord, je veux dire que je suis allée passer la matinée de lundi dernier dans la DDASS de Paris, et que d'abord, je veux saluer les agents qui sont totalement impliqués sur cette affaire et qui font un boulot formidable, comme d'ailleurs dans toutes les DDASS de France. Il y a eu un certain nombre de dysfonctionnements, c'est vrai, à Paris, et en particulier, nous nous sommes rendus compte, avec B. Hortefeux, à 14 heures que les plages horaires de vaccination n'avaient pas été assurées, en particulier la vaccination après 17 heures et la vaccination le dimanche. Et tout cela a entraîné, effectivement, le fait que P. Coste serait appelé à d'autres fonctions dans le ministère. Il y a toute sorte de fonctions à assurer, il y a des fonctions opérationnelles, bon, visiblement, il y a eu des dysfonctionnements...
 
Mais c'est bien une mutation sanction ?
 
Il y a des fonctions stratégiques qui sont visiblement plus adaptées aux qualités d'un grand serviteur de l'Etat, d'un grand agent de l'Etat. Et P. Coste a toute mon estime. On est adapté à un poste ou pas adapté à un poste, voilà, c'est tout.
 
C'est une sanction ou pas ?
 
Non, ce n'est pas une sanction. C'est l'adaptation d'un profil professionnel à un poste. C'est de la gestion des ressources humaines.
 
Et vous, madame la ministre, on vous a reproché cet été de surestimer les risques. Aujourd'hui, on vous reproche un manque de moyens, même N. Sarkozy...
 
Je regarde cela avec un certain amusement parfois.
 
...N. Sarkozy a même dû recadrer les quatre ministres, dont vous. Que vous a dit, quelles critiques a formulées le Président ?
 
Non, le président de la République n'a pas recadré. Il a simplement montré son irritation et c'est bien normal, devant un certain nombre de dysfonctionnements auxquels nous avons remédié d'ailleurs extrêmement rapidement. B. Hortefeux est à la manoeuvre pour l'organisation de la campagne de vaccination, il a tout mon appui. Nous travaillons en équipe. Certains n'avaient pas pris la mesure de l'exigence de nos concitoyens qui souhaitent et c'est fort heureux, se faire vacciner. Je signale que ce matin, nous sommes pratiquement à 2 millions et demi maintenant de personnes vaccinées, un peu plus de 2 millions dans les centres, plus plus de 300.000 professionnels de santé qui se sont faits vacciner dans les hôpitaux. Et véritablement, la vaccination marche bien, c'est la plus grande entreprise de santé publique qui a été menée dans notre pays depuis que l'organisation sanitaire de ce pays existe. Qu'il puisse y avoir des difficultés, c'est normal, nous y avons remédié avec une très grande rapidité. Et je dois dire que ce qui nous remonte du terrain, c'est que les Français sont satisfaits de cette campagne dans ces centres collectifs et que la vaccination se fait dans des conditions de sécurité et de traçabilité tout à fait remarquables.
 
On va reparler tout à l'heure de l'approche qualitative de cette vaccination. Et ce matin, vous allez annoncer un nouveau bilan. Ce sera sur quel thème ?
 
Un nouveau bilan ?
 
De la vaccination.
 
Oui, nous allons d'abord faire le point. Nous ferons plus exactement le point épidémiologique, parce que vous savez que ce point se fait tous les mercredis, à partir de l'IVS, à partir de nos organisations Sentinelles. Donc, le point, c'est deux millions et demi de personnes vaccinées, un pic pandémique la semaine dernière, qui s'est établi à plus de un million de consultations supplémentaires dans la médecine générale. Ce qui nous conduit évidemment à préserver la capacité de la médecine générale à soigner les malades. Ça, c'est très important.
 
Et on en est où dans l'approche du pic de la grippe A en France ? On peut le dater chronologiquement ?
 
C'est difficile à dire mais quand on voit l'accélération de la pandémie, moi, je pense... Enfin, "je pense"... Les spécialistes de la pandémie grippale nous disent que l'on pourrait atteindre un premier pic pandémique au milieu du mois de décembre vers le 15-20 décembre mais que en général, la pandémie grippale évolue par vague. Donc le fait d'atteindre un pic pandémique au milieu du mois de décembre ne signifie pas qu'on sera épargné par d'autres vagues pandémiques tout au long de l'hiver et le début du printemps.
 
Vous le disiez, les conditions de vaccination contre la grippe se sont améliorées depuis le week-end dernier, notamment avec l'ouverture le dimanche et puis de nouvelles plages...
 
Peut-être un point pour dire, néanmoins, que les conditions de vaccination étaient excellentes dans 95 % des centres dans notre pays à tout moment. Je me suis rendue dans le département de la Loire, dix centres de vaccination, il n'y a jamais eu de files d'attente tout au long de la campagne. J'ai rendu visite dans le Nord, 51 centres de vaccination, jamais aucune attente, j'allais dire, anormale.
 
Ce n'est ce qui ressort du reportage où on a plutôt tendance à voir beaucoup de files d'attente.
 
Vous avez raison. Mais les reportages sont ciblés dans un certain nombre de points bien précis, où il y a eu des dysfonctionnements mais il ne faut pas dire que ces dysfonctionnements ont été généraux sur l'ensemble du pays.
 
Ce qui coince désormais, c'est aussi la menace qui pèse sur les hôpitaux, pour cause de réquisition de son personnel. Les syndicats de médecins urgentistes parlent même - pardon pour 'expression - de "bordel innommable".
 
Oui, il y a quelques urgentistes dont on connaît la mesure dans les propos et la parfaite objectivité.
 
Je cite C. Prudhomme, le porte-parole de l'Amuf, syndicat d'urgentistes.
 
Oui, bien sûr, je connais monsieur Prudhomme, responsable de la CGT, oui, je reconnais les déclarations toujours très mesurées de monsieur Prudhomme... Non, parlons sérieusement : je veux redire très nettement que les réquisitions qui sont faites par le ministre de l'Intérieur et par le ministère de l'Intérieur doivent respecter un certain nombre de conditions. J'ai envoyé, à ce sujet, une circulaire et il faut la respecter. Premier élément : ce sont les directeurs d'hôpitaux, les directeurs d'établissements qui fournissent les noms des personnes éventuellement réquisitionnables, premièrement. Deuxièmement, cela ne doit concerner que les spécialités dites "froides". Il ne s'agit pas, comme on l'a noté à Saint-Joseph, c'est un cas isolé, de tirer de quelqu'un de son bloc chirurgical ...
 
D'urgence !
 
Voilà. Ça, c'est absolument anormal et évidemment, il y sera remédié. Troisièmement, on ne peut pas faire plus de deux vacations par semaine. Il ne s'agit pas d'envoyer manu militari réquisitionner. En tout cas, je veux aussi rappeler que ces réquisitions sont payées et qu'elles sont très correctement payées, puisqu'un interne en médecine qui travaille le dimanche touche 330 euros pour une vacation de 5 heures et qu'un infirmier réquisitionné qui travaille le dimanche touche près de 150 euros pour 5 heures. Et je peux vous assurer que nous avons discuté avec les représentants des internes et des élèves infirmiers, et qu'ils sont très heureux de travailler pour ce tarif.
 
Mais justement, c'est aussi ça, peut-être, qui ne passe pas chez le personnel hospitalier, c'est le fait que de mesures exceptionnelles, on autorise les heures supplémentaires, alors que tout au long de l'année, ils entendent qu'il n'y a pas assez d'argent dans les caisses pour leur octroyer, dans les hôpitaux, des heures supplémentaires. Il y a deux poids deux mesures.
 
Non, il n'y a pas deux poids deux mesures. Nous sommes, nous menons, comme je vous le disais tout à l'heure, une très grande opération de santé publique. Il s'agit de vacciner le plus vite possible nos concitoyens parce que la montée de la pandémie grippale peut être un puissant facteur de désorganisation, et de la médecine libérale et de notre système hospitalier. Vous savez, nous allons être en plein pic pandémique vers le 20 décembre - c'est ce que nous disent les spécialistes épidémiologistes et virologues. Au moment où la médecine libérale va être sollicitée par un million de consultations supplémentaires l'épidémie de bronchiolite, l'épidémie de gastro, nous avons deux week-ends, avec Noël et le jour de l'an qui tombent un vendredi, nous allons avoir des problèmes de permanence des soins. Il est très important de mettre le paquet pour se faire vacciner. C'est ça que je veux faire. C'est une opération de santé publique qui préserve la capacité soignante des hôpitaux.
 
Question plus politicienne : que se passe-t-il en ce moment à l'UMP ? On apprend les départs de deux personnes. J.-L. Roméro figure désormais sur la liste socialiste aux régionales d'Ile-de- France, et puis, surprenant, H. de Charette qui juge l'UMP trop à droite et il préfèrerait se rapprocher du Nouveau centre. Comment regardez-vous ces départs de l'UMP, départs volontaires ?
 
Je ne commente pas la carrière politique ou le parcours politique de deux personnes que, par ailleurs, j'aime bien et qui sont des amis. Je fais la simple constatation que cette affaire survient alors que sont constituées les listes régionales. Peut-être que les deux choses ne sont pas étrangères les unes aux autres.
 
Bien sûr, il faut un déclic mais l'UMP se désintéresse du Sida, dit J.-L. Roméro.
 
Non...
 
Il sait de quoi il parle.
 
Il sait certes de quoi il parle et avec lequel j'ai l'habitude de travailler. Et moi je veux rappeler qu'en tant que ministre de la Santé, nous sommes en train de bâtir notre cinquième plan VIH, à partir d'un certain nombre de rapports très documentés dont le dernier d'ailleurs de madame Lert et monsieur Pialoux, et que nous allons évidemment, dans ce cinquième plan, jouer sur tous les secteurs, c'est-à-dire la prévention, le dépistage, le soin, la prise en compte médico-sociale, que les crédits dédiés au Sida sont absolument sanctuarisés dans le budget, alors que nous traversons une période financière très difficile. Et que par ailleurs, la France est le deuxième contributeur mondial sur le plan international et le premier contributeur européen. Donc, vraiment, la France n'a pas à rougir de son action contre le Sida.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2009