Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, sur le développement durable comme condition de l'essor de l'agriculture de demain, Paris le 13 octobre 2009.

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Circonstance : Rencontre Agri-Confiance - Coop de France, à Paris le 13 octobre 2009

Texte intégral

[Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs]
C'est avec grand plaisir que j'ai accepté de conclure ces rencontres et de les parrainer.
Le monde des coopératives incarne des valeurs qui sont en phase avec les aspirations de nos concitoyens. Ces derniers ont, dans leur grande majorité, des ancêtres agriculteurs et même si cela remonte souvent maintenant à plusieurs générations, ils n'oublient pas, en tant que consommateurs, qui ils sont ni d'où ils viennent. En France, chacun le sait, l'agriculture et l'alimentation de qualité occupent une place plus importante que dans beaucoup d'autres pays, y compris chez nos proches voisins européens. Facteurs de lien social, elles font partie de notre identité, de notre environnement et de notre art de vivre. C'est pourquoi on ne peut les réduire aux actes de production et de consommation. C'est aussi pourquoi le Président de la République a souhaité inscrire la gastronomie française au patrimoine mondial de l'Unesco. J'ai pour ma part signé le 22 juin dernier avec l'Université François Rabelais de Tours une convention de partenariat destinée à valoriser et diffuser les connaissances en matière de patrimoine et de culture alimentaires. Je vois dans cette démarche de reconnaissance par l'UNESCO, qui avait été annoncée par le Président de la République au salon de l'agriculture, une étape importante dans la perspective de l'inscription de notre gastronomie au patrimoine mondial. Ce patrimoine commun, que nous léguerons aux générations futures, c'est aussi un savoir-faire agricole unique et diversifié, et des ressources rares comme l'eau, la terre ou l'air à préserver.
Le thème de notre rencontre d'aujourd'hui a pour titre « Coopération agricole et développement durable ». On aurait pu l'intituler « développement agricole et coopération durable », tant il semble évident que le développement durable est une condition de l'essor de l'agriculture de demain et que sans solidarité, ni coopération durable, notre environnement et notre tissu social ne pourront être sauvegardés. Le mouvement coopératif nous montre ici la voie.
Le secteur agro-alimentaire est une des forces de l'économie française depuis longtemps et, nous le souhaitons tous, pour longtemps encore. Coop de France représente une part importante de ce secteur clé et en même temps une branche un peu à part. Le monde des coopératives est en effet un précurseur pour ne pas dire un visionnaire s'agissant des modes de production et de consommation qu'on voit bien se dessiner aujourd'hui, avec une consommation durable qui s'appuie sur des producteurs et des transformateurs innovants et compétitifs. Les PME sont d'ailleurs nombreuses et leur dynamisme est souvent renforcé lorsqu'il repose sur des structures coopératives. La démarche Agri Confiance témoigne de la capacité d'adaptation et d'engagement du monde agricole en faveur des nouveaux enjeux de notre société, portés notamment par le Grenelle de l'environnement auquel je sais que vous apportez une précieuse contribution.
Votre démarche s'inscrit en effet pleinement dans cette attente forte des consommateurs pour des produits alimentaires non seulement sains, sûrs et bons mais aussi conçus dans le respect de l'environnement et du tissu économique rural auxquels, je l'ai dit, les Français sont particulièrement attachés, comme le démontre le sondage IPSOS présenté aujourd'hui.
Cependant, parce qu'elle s'appuie sur une offre trop rare qui manque de transparence, la consommation durable est encore trop confidentielle et nécessite un effort de tous les acteurs, en particulier ceux du commerce et de la distribution, mais aussi des pouvoirs publics, afin de donner plus de visibilité et de lisibilité aux produits éco-responsables, notamment ceux qui offrent le plus haut niveau de garantie aux consommateurs.
L'attente que vous avez exprimée aujourd'hui est d'accroître la visibilité et la légitimité d'Agri Confiance auprès du consommateur et elle s'inscrit pleinement dans ma volonté de favoriser des modes de consommation durables. Je compte ainsi poursuivre les chantiers ambitieux lancés par les lois Grenelle I et II et les ancrer dans un processus de maturation. C'est pourquoi j'ai choisi de porter, parmi d'autres thèmes, celui de la consommation durable à l'ordre du jour des Assises de la consommation que je vais réunir le 26 octobre prochain.
* Accroître la visibilité de vos produits en magasin
En amont de cette manifestation, je participerai demain après-midi aux côtés de Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'Ecologie, à une table ronde sur le thème de la consommation durable en présence des membres de la Fédération du Commerce et de la Distribution. Acteurs privilégiés pour la promotion des produits éco-responsables, à travers les partenariats qu'ils mettent en place avec les fournisseurs et les contacts quotidiens qu'ils ont avec les consommateurs, les distributeurs constituent pour vous des partenaires qui peuvent mettre en avant vos produits et votre signature. Signataires en janvier 2008 d'une convention d'engagements avec le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable, afin notamment de favoriser la consommation verte, ils ont présenté des résultats probants, à travers le développement de gammes écologiques au sein de leurs marques propres et de campagnes d'information à destination des consommateurs. Mme Jouanno et moi proposons d'amplifier cette dynamique en systématisant par exemple les repères en magasin et en encourageant la consommation grâce à un système de « verdissement » des programmes de fidélité des enseignes. Votre démarche, caractérisée par un haut niveau de garantie en termes d'exigences et de crédibilité, doit pouvoir être valorisée par ce type d'initiatives car elle enrichit l'offre de produits éco-responsables devant être promus aux yeux des consommateurs.
* Inscrire votre démarche dans le processus Haute Valeur Environnementale
Mon ministère, notamment la DGCCRF, est pleinement impliqué, aux côtés des ministères de l'écologie et de l'agriculture dans les engagements des lois Grenelle, dont il aura pour rôle de contrôler l'application, notamment en matière de certification environnementale des exploitations agricoles et d'écolabel pour les produits de la pêche.
Le consommateur accorde naturellement sa confiance aux démarches encadrées par les pouvoirs publics et je ne doute pas que vous contribuerez pleinement au succès de ces nouveaux dispositifs. La certification environnementale des exploitations agricoles, construite sur le mode de la progressivité, avec ce niveau d'excellence qu'est la Haute Valeur Environnementale ou HVE, va permettre une intégration rapide du modèle que vous défendez. Ainsi, je suis favorable à la reconnaissance des démarches existantes, et au premier chef d'Agri Confiance, au niveau II de la future certification. Le dispositif HVE me semble en outre bien prendre en compte la dynamique du modèle coopératif en offrant la possibilité d'une certification dans un cadre collectif. L'enjeu est de taille : 50% des exploitations agricoles engagées dans la certification dès 2012. Coop de France est à cet égard un relais indispensable auprès de ses membres afin de les faire adhérer à cette démarche.
Je sais aussi que la réussite du système reposera sur une campagne de communication efficace et j'ai d'ailleurs l'intention de sensibiliser la FCD à cette problématique lors de la table ronde de demain. Une réflexion doit être engagée, en associant les professionnels et les consommateurs en amont de toute traduction réglementaire de la communication sur le dispositif HVE. En effet, de nombreuses questions se posent, en particulier quant à l'articulation de cet affichage avec l'agriculture biologique, avec d'autres démarches ou encore avec le futur affichage environnemental prévu par le projet de loi Grenelle II. Il est donc capital de fournir une information claire et sincère au consommateur afin de lui permettre de s'approprier facilement ces nouveaux signes.
* Délivrer une information claire
Ainsi, la multiplication des mentions sur le même produit aboutirait à rendre le message illisible et confus. Comment comprendre qu'un produit issu de l'agriculture biologique ne soit pas également Haute Valeur Environnementale ? Comment comprendre qu'un produit bio ou HVE ait une forte empreinte carbone ? Ces questions d'affichage sont donc éminemment complexes, et rien ne se fera en ce domaine sans la concertation de toutes les parties prenantes. S'agissant de cette concertation, j'ai tout lieu de me satisfaire de la qualité et du caractère constructif des contributions de Coop de France aux deux instances que sont le Conseil National de la Consommation et le Conseil National de l'Alimentation. J'ai l'honneur de présider le premier et d'exercer la tutelle conjointe du second avec mes collègues de l'agriculture et de la santé.
S'agissant du Conseil National de l'Alimentation, je proposerai lors de sa séance plénière d'installation le 2 novembre prochain, deux nouveaux mandats autour des thèmes du développement durable et de la mise en oeuvre des lois Grenelle. A cette occasion, les questions délicates que j'évoquais à l'instant, pourront, lors de ces consultations, donner lieu à des recommandations concrètes.
Garantir une information sincère
La belle expression d'Agri Confiance, qui sécurise ce chemin « du champ à l'assiette », met l'accent sur la confiance. C'est un mot clé pour le consommateur qui doit pouvoir se fier à des signes de qualité ou à des marques pareillement dignes de confiance. En tant que ministre chargé de la consommation, je suis le garant de la loyauté de l'information délivrée au consommateur. Depuis plusieurs années, dans le cadre de sa Directive Nationale d'Orientation, la DGCCRF diligente des enquêtes afin d'accompagner le phénomène croissant de la consommation durable. Elle vérifie que les allégations des entreprises en ce domaine ne sont pas mensongères.
Démarche système ou démarche produit ?
Il en va ainsi par exemple de la confusion qui pourrait émaner d'une communication qui se réfère, non pas au produit et à ses qualités réelles intrinsèques, mais au mode de production lui-même. La distinction est subtile et parfois porteuse d'ambiguïtés. Si l'on se réfère aux règles posées par les normes de type ISO, les allégations concernant le mode de production, pour ne pas tromper le consommateur, ne devrait pas figurer sur les produits ou se limiter à des mentions du type : « Les producteurs ....privilégient des méthodes de production respectueuses de l'environnement ». Pour autant, ce qui importe à la majorité des consommateurs confrontés à une communication sur de telles démarches, c'est, au-delà de la qualité du produit lui-même, la démarche du producteur, avec ses effets à long terme sur la préservation de l'environnement. C'est pourquoi, il ne me semble pas répréhensible de communiquer sur les démarches de production à condition d'éviter les mentions ambiguës sur la nature des produits.
* L'encadrement des allégations et la notion de développement durable
D'une manière générale, on constate que la communication des professionnels a souvent tendance à surévaluer les aspects environnementaux de leurs démarches et à induire ainsi en erreur le consommateur sur la portée des engagements présentés, en faisant notamment référence, sur les produits, à la notion de « développement durable ».
Il vaudrait mieux ne plus employer cette notion dans une communication d'entreprise et peut-être vaudrait-il mieux, tout bien considéré, qu'elle ne soit plus portée directement sur les produits.
C'est une notion trop globale pour constituer un outil de promotion. Adoptée au Sommet de la Terre de l'ONU (Organisation des Nations-Unies), à Rio, en 1992, elle définit : « la capacité des générations présentes à satisfaire leurs besoins sans compromettre l'aptitude des générations futures à couvrir leurs propres besoins ».
Le développement durable concerne donc l'ensemble des pratiques des entreprises et leurs conséquences, internes et externes, dans trois grands domaines ou « piliers » :
- environnemental, c'est-à-dire l'impact des activités sur l'environnement ;
- social/sociétal, à savoir tout ce qui fait référence aux conditions de travail des collaborateurs, aux politiques d'information, de formation, de rémunération, la soustraitance... ;
- économique, en particulier les relations avec les clients, les fournisseurs et les actionnaires.
Le développement durable est un concept qui éclaire la totalité de notre économie, comme l'a montré le rapport dit « rapport Stiglitz, Sen et Fitoussi » commandé par le Président de la République.
Je demanderai au Conseil National de la Consommation de travailler sur ces questions afin d'émettre des recommandations sur l'utilisation de ces termes difficilement appréhendables, de « durable » ou de « naturel ».
Conclusion
L'efficacité d'une communication à destination de consommateurs de plus et plus soucieux de la préservation de nos richesses naturelles et humaines repose sur la notion de confiance. Confiance envers les démarches encadrées par les pouvoirs publics, confiance en la portée et la réalité des avantages affichés sur tel ou tel produit, confiance enfin en ce monde agricole en pleine mutation, trop souvent stigmatisé comme responsable de la dégradation des ressources, de la biodiversité et du changement climatique. C'est à travers des démarches comme la vôtre que nous pourrons tous ensemble développer une consommation et une production résolument durables.
Source http://www.agriconfiance.coop, le 30 décembre 2009