Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, sur le rôle de la Plateforme intergouvernementale pour la biodiversité et les services rendus par les ecosystèmes (IPBES) pour la préservation de la biodiversité, Paris le 21 janvier 2010.

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Circonstance : Lancement de l'année internationale de la biodiversité à Paris le 21 janvier 2010

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
En 1656, l'Homme observe les anneaux de Saturne
En 1929, l'Homme découvre des Galaxies
En 1969, l'Homme marche sur la lune.
Et si en 2010, l'Homme revenait sur Terre ?!
Il est grand temps.
La Terre est encore un Nouveau Monde dont il reste beaucoup à découvrir.
Deux millions d'espèces y ont été dénombrées. Or, les scientifiques estiment qu'il y en aurait cinquante fois plus. Autant dire qu'il en reste 98 millions à connaitre. C'est le premier enjeu de l'année Internationale de la biodiversité.
La Terre est encore un Nouveau Monde, certes. Mais le temps presse pour le découvrir ! Les gènes et les espèces disparaissent à un rythme 1000 fois supérieur que leur disparition naturelle. C'est dire l'urgence qu'il y a à protéger la biodiversité. C'est ici le deuxième défi de l'année 2010.
Mais on ne pourra protéger la biodiversité que si chaque citoyen du monde a compris son importance : c'est le troisième et dernier enjeu.
1. Mieux connaitre
Mesdames, Messieurs,
Mieux connaître la biodiversité, c'est renouveler notre approche scientifique de celle-ci.
D'ores-et-déjà, une série d'études sont en cours. Je pense notamment aux travaux de Pavan SUKHDEV sur l'économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB). Les premiers résultats démontrent tout ce que l'on a à gagner à préserver la biodiversité, mais aussi tout ce que l'on à perdre en la laissant disparaître. Désormais, nous pouvons mieux évaluer la valeur monétaire des services rendus par les écosystèmes à l'échelle mondiale. Mieux, nous savons que si aucune décision n'est prise, la dégradation des écosystèmes pourrait coûter jusqu'à 7% du PIB mondial chaque année, et ce dès 2030.
Ces travaux sont remarquables. Ils en appellent d'autres, au niveau international, comme national.
L'enjeu est de définir les indicateurs qui seront essentiels pour imaginer des instruments de marché et concevoir des mécanismes de paiement pour les services écosystémiques.
Nous avons commencé ce type de recherches, en France. Un premier rapport, sous la direction de Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, au nom du Conseil d'Analyse Stratégique, nous a été remis en avril dernier. Il a permis d'évaluer les services rendus par les écosystèmes forestiers métropolitains et les prairies. Et il en reste tant d'autres à évaluer... !
Mais à quoi bon nous lancer, chacun de notre côté, dans des travaux, si nous ne bénéficions pas des avancées des uns et des autres. Il est indispensable d'interconnecter nos recherches sur la biodiversité tout comme il est indispensable de mettre en réseau une base de données mondiale.
C'est ce que nous avons réussi à faire avec le GIEC sur le climat. Son succès n'est plus à démontrer.
C'est l'outil dont la biodiversité a besoin.
C'est la Plateforme Intergouvernementale pour la Biodiversité et les Services rendus par les Ecosystèmes (IPBES).
Formidable catalyseur de connaissance et d'expertise, cet organisme sera une interface précieuse entre des données scientifiques brutes et les décideurs. Ce serait le moyen le plus efficace pour nous éclairer avant de décider.
Il est urgent que cet IPBES devienne une réalité. La France s'y emploie. L'IPBES a été élevée, par le Président SARKOZY, au rang des priorités du volet international de notre stratégie nationale en faveur de la biodiversité. Elle a été inscrite dans le Grenelle de l'environnement voté à la quasi-unanimité du Parlement français.
Les avancées au niveau international sont encourageantes. La conférence internationale de Nairobi a levé la plupart des obstacles politiques qui entravaient l'établissement d'un tel organisme. Certes, des interrogations subsistent, ici et là, mais les contraintes propres aux négociations internationales ne doivent pas nous faire perdre de vue les enjeux. Ne nous laissons pas enfermer dans des négociations sans fin, c'est maintenant qu'il faut agir, le temps de la biodiversité est compté.
Bref, nous n'avons pas d'autres alternatives : nous devons aboutir en 2010.
Mieux connaître pour mieux préserver, ensuite.
2. Mieux préserver
Mesdames, Messieurs,
La France possède un patrimoine vivant exceptionnel, qui en fait l'un des pays les plus riches en diversité biologique de la planète. C'est une richesse qui appelle une exigence toute particulière.
C'est vrai pour la biodiversité marine. Cette semaine, à Mayotte, le Président de la République a installé le deuxième parc naturel marin de France -vous y verrez le signe d'un engagement au plus haut niveau de l'Etat ! Notre objectif est ambitieux : d'ici 2020, 20% des territoires marins français devra être protégé.
Cette ambition ne doit pas rester franco-française. Elle doit être partagée par tous, ici. Profitons de la prochaine « Conférence mondiale sur les océans, les côtes et les îles », qui se déroulera, ici à l'UNESCO, en mai prochain, pour réfléchir à une meilleure préservation des écosystèmes marins, au niveau international.
C'est vrai aussi pour la biodiversité terrestre. Ici, préserver le vivant, c'est lui laisser de la place et du temps : la place d'évoluer et le temps de s'adapter. A l'instar d'autres pays, nous avons pris la décision de nous doter d'ici à 2012 d'une Trame verte et bleue. Celle-ci doit permettre de préserver ou de rétablir des continuités propices à la circulation et l'interaction des espèces.
Et si nous bâtissions des couloirs écologiques interconnectés les uns aux autres, au-delà des limites territoriales des Etats... Après-tout, « les abeilles ne connaissent ni les haies ni les frontières ». C'est bien pour cela que Napoléon les avait choisies comme emblème de l'Empire. Mais ici, soyez rassurés : ni voyez pas la tentation française d'établir le règne d'une biodiversité napoléonienne !
3. 2010, une année de pédagogie
Mesdames, Messieurs,
Le troisième enjeu de cette année internationale de la biodiversité est de faire connaître et comprendre la biodiversité à l'opinion publique. Des Grands Canyons de l'Arizona à la banquise ; de la forêt amazonienne aux balcons de Manhattan ou de Tokyo : chacun a son rôle à jouer au service de la biodiversité. C'est dire combien il faudra sensibiliser et mobiliser en faisant oeuvre de pédagogie.
En matière de pédagogie, toutes les idées sont bonnes à prendre... Et ce serait sans doute une bonne chose que nous puissions échanger, tout au long de l'année, sur nos initiatives et nos retours d'expériences.
Ne perdons pas de temps, commençons dès maintenant !
En France, nous mobiliserons nos concitoyens via leurs communes afin qu'ils participent à la réalisation d'un Atlas local de la biodiversité. Un moyen efficace et pédagogique afin de permettre à chacun de mieux connaître la richesse de la biodiversité qui l'entoure.
Car on ne fera pas comprendre aux jeunes comme aux moins jeunes -de 7 à 77 ans- la richesse de leur relation avec la Nature, par des mots savants.
Voilà aussi pourquoi, en France, nous fêterons la Nature... Après-tout, la musique a sa fête : et si nous fêtions le vivant avec ce même engouement et cette même passion ?! A l'occasion de la journée mondiale de la biodiversité le 22 mai, nous voulons faire de la fête de la Nature le rendez-vous incontournable de la France avec la Nature.
Rejoignez-nous ! Partageons cet enthousiasme ! Faites aussi de cette journée une grande fête de la nature partout à travers le monde !
Mesdames, Messieurs,
Notre engagement vis-à-vis de 2010 ne peut pas se limiter à une année, c'est le combat d'une génération. Cela veut dire qu'on ne peut plus accepter que l'environnement soit sacrifié sur l'autel du commerce international. Autant dire que rien ne contrebalance la toute puissante OMC. Car le constat est sans appel : la gouvernance mondiale est une réalité dans le seul domaine économique... beaucoup moins en matière environnementale. Ce qu'il nous faut, c'est une Organisation mondiale de l'environnement pour promouvoir la gestion durable des biens publics mondiaux au premier rang desquels la diversité biologique.
Voilà pourquoi la France milite pour la création d'une Organisation mondiale dédiée à l'environnement. Nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion internationale sur le sujet.
Bonne année 2010, Bonne année de la Biodiversité !
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 22 janvier 2010