Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "France Info" le 27 janvier 2010, sur les chiffres du chômage et l'amorce du débat sur l'âge de départ à la retraite.

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- Vous avez dit, je crois, hier matin, qu'on était sur une bonne tendance ; ça veut dire quoi "une bonne tendance" ?

Une bonne tendance, quand on est en période de crise, cela suppose d'être très prudents et très lucides sur les résultats. Mais sur l'ensemble de 2009, qu'est-ce qui s'est passé ? On a eu quatre mois extrêmement durs, au début de l'année, où parfois on avait sur des mois une augmentation de 100.000 demandeurs d'emploi. On s'est battus, pas que le Gouvernement bien sûr, les partenaires sociaux, les employeurs, on a essayé de concevoir des dispositifs sur le terrain. Et progressivement, ce qu'on voit, c'est qu'on a considérablement redressé la situation et les résultats qu'on aura sur le mois de décembre confirmeront le fait qu'on a redressé la situation, et que, progressivement, on commence à avoir des mois où l'on fait reculer le chômage.

Cela veut dire que c'est devenu à peu près stable et que cela devrait se poursuivre en janvier et en février ?

Cela veut dire qu'il faut qu'on reste très prudents parce qu'il y a les résultats chaque mois et il y a les tendances longues. On peut avoir des résultats, et on en a de plus en plus chaque mois, on a des résultats qui sont positifs. Le but, c'est d'abord de redresser la situation, stabiliser l'augmentation du chômage, et le plus vite, sur 2010, pouvoir le faire baisser. Un exemple, que je trouve quand même très frappant, le chômage des jeunes, qui était une de nos principales préoccupations, les quatre premiers mois de 2009, + 65.000 demandeurs d'emplois jeunes ; depuis mai, avec la mise en place du plan d'action du président de la République, on a fait baisser de 15.000 le nombre de demandeurs d'emplois jeunes. Donc, ce que je voudrais que les auditeurs comprennent et se disent, c'est qu'on peut y arriver. En matière d'emploi, il y a toujours cette crainte et une espèce de fatalité française qui s'est installée. On peut y arriver et on va en sortir !

Et décembre n'est pas un mois à part parce qu'il y a des gens qui viennent travailler en plus, des petits contrats, comme ça, parce que c'est le mois des fêtes ?

Non, ce n'est pas un mois à part. Mais un mois ne fait pas une tendance longue. Donc la bataille, pour nous, ce n'est pas seulement un mois, c'est d'avoir la tendance longue. On a redressé la situation, maintenant, il va falloir, sur 2010, inverser la courbe et faire reculer durablement le chômage.

Le chiffre ? Ce soir 18 heures ?

Non, c'est ce soir, désolé, ça fait partie des règles.

Pourtant si on en croit l'OIT, visiblement les mois à venir sont plutôt moroses. L'OIT dit que la reprise va se faire mais sans emploi. Est-ce que vous pouvez nous assurer ce matin que ce ne sera pas le cas en France ?

Je n'ai pas envie de lancer un peu, comme ça, des pronostics n'importe comment. Ce dont on parle, ce sont des sujets sérieux. Dans vos auditeurs qui vous écoutent, il y en a qui ont pu perdre leur emploi. La seule chose que je peux dire c'est que le concept de reprise sans emploi n'a pas de sens. Une reprise qui crée de l'emploi, c'est à partir de 1,3 % de croissance parce qu'il faut générer suffisamment d'emploi pour trouver de l'emploi à la croissance démographique en France. La France gagne de la population, c'est une chance, c'est un atout par rapport à l'Allemagne, mais en terme de politique de l'emploi, cela veut dire qu'il faut avoir un vrai niveau de croissance pour commencer à faire reculer le chômage. Parmi les gens qui nous écoutent, effectivement, il y a des chômeurs et il y a aussi des chômeurs en fin de droits. Alors vous allez peut-être me dire... Je vous ai entendu hier, à l'Assemblée nationale que cela n'existe pas. Je vous propose d'écouter un reportage dans les Ardennes, de F. Guyotat.

[Ndlr : Reportage sur la fermeture de la fabrique de boulons de Bognysur-Meuse, avec 140 licenciements]

Alors dites-moi L. Wauquiez, il existe ces chômeurs en fin de droit, comme ceux qu'on vient d'entendre dans le reportage ?

Les chômeurs qui sont en fin de droits à l'assurance chômage, oui, bien sûr. J'étais chez moi, en Haute-Loire, la semaine dernière et bien évidemment, j'ai été amené à rencontrer des gens qui sont dans cette situation très dure.

Et vous disiez qu'ils touchent quand même quelque chose ; 1,49 euros par jour, c'est pas grand-chose...

Essayons d'être très précis là-dessus, parce qu'il faut se méfier de lancer des chiffres comme ça, un peu en pâture. D'abord, chaque année, même quand on est en croissance, on a à peu près 850.000 personnes qui arrivent au bout de leurs droits à l'assurance chômage. C'est-à-dire qu'ils n'ont pas retrouver un emploi avant. La crise va supposer qu'on puisse en accompagner entre 100 à 150.000 en plus qui risquent d'être victimes de situation très douloureuses, personnelles, comme celles qu'on a entendues dans le reportage. Parmi ceux-là, 230.000 à peu près bénéficient du RSA. C'est-à-dire que dans notre pays, il y a toujours un droit minimal à la solidarité nationale.

Mais visiblement, il y a des gens qui passent au travers de ce dispositif, c'est ce qu'on vient d'entendre [dans le reportage]...

Bien sûr, mais si vous le permettez, je voudrais aller jusqu'au bout. 170.000 personnes bénéficient de l'ASS. On a 200.000 personnes qui sont en activité réduite, ce qu'on appelle en France "activité réduite", c'est quand même 110 heures sur un mois, c'est-à-dire qui travaillent à côté, sur les personnes qui sont des demandeurs d'emploi dits en fin de droits d'assurance chômage. Je rappelle que 35 heures par semaine, cela fait 150 heures, donc 110, c'est une très grosse activité réduite. Et puis, on a une partie des gens qui ne touche pas d'aide parce que les revenus au niveau de leur famille sont supérieurs. Je rappelle que les seuils pour le RSA et l'ASS, notamment pour des familles qui peuvent être en couple avec des enfants, sont quand même à 1.500-1.600 euros par mois.

Donc on ne peut rien faire pour eux ?

Non, pas du tout, cela veut dire qu'on va évoquer ce sujet avec les partenaires sociaux et travailler dessus le 15...

La balle est dans le camp des partenaires sociaux ?

Non, ce n'est pas ce que je dis. Cela veut dire qu'on va travailler avec les partenaires sociaux, notamment à la réunion avec le président de la République le 15 février. Mais il y a une chose que je ne veux qu'on oublie : la priorité c'est de les aider à retrouver un emploi. C'est ça la seule véritable réponse durable. Tout le reste, c'est de l'aide à court terme mais la seule vraie réponse durable et la seule qu'ils attendent, c'est se battre sur le front de l'emploi. Le reste, c'est des réponses à court terme.

Dans le reportage, il y en a un qui pose le problème de la retraite, et c'est lié, évidemment, à si demain on prend la direction de faire travailler les gens plus longtemps, dites-moi comment on va faire pour faire de la place aux jeunes qui vont entrer sur le marché du travail ?

Sur ce sujet, je vais vous le dire, j'ai trouvé la position de M. Aubry indigne. Elle vient de faire un rétropédalage qui est surréaliste ! Ce n'est pas de la clarification, c'est du reniement. La semaine dernière, elle nous disait "d'accord, il faut qu'on soit responsables sur ce dossier. Je peux envisager qu'on discute sur une retraite à 62 ans". Et aujourd'hui, piteusement, parce qu'elle a eu la pression de tout l'appareil socialiste, elle est en train de nous dire, "non, vous n'avez pas bien compris, ce n'était pas 62, c'est 60 ans.

C'est l'âge légal de la retraite aujourd'hui...

Oui, c'est-à-dire qu'elle est en train de dire exactement l'inverse de ce qu'elle nous disait la semaine dernière. La semaine dernière, elle a essayé de tenir un discours responsable sur les retraites, aujourd'hui, elle se contente de battre retraite en rase campagne. Je trouve cela assez indigne sur un sujet aussi important que les retraites.

Elle a quand même dit que la discussion restait ouverte et qu'elle pourrait éventuellement négocier avec les partenaires sociaux et le Gouvernement. C'est très ouvert.

Je ne sais si... Vous appelez ça "très ouvert" mais c'est un sujet sérieux. Il y a 14 millions de personnes dont l'avenir des retraites est en question. Et vous avez un responsable politique de premier plan, qui, la semaine dernière, dit "je suis ouvert pour 62 ans", et qui, cette semaine, se renie et dit exactement l'inverse. Elle bat retraite en rase campagne. Sur le sujet des retraites, on attend autre chose.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er février 2010