Déclaration de M. Bruno Durieux, ministre chargé de la santé, sur les problèmes de l'hôpital public et le projet de réforme hospitalière, Paris le 1er mars 1991.

Prononcé le 1er mars 1991

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque de l'INMH à la faculté Bichat le 1er mars 1991

Texte intégral


Durieux
- Bon. Voilà, je crois que cette journée sera conclue ultérieurement par une intervention du Président de l'Intersyndicale qui, bien sûr rappellera tout ce qui s'est dit. Mais il s'est dit énormément de choses et tout à l'heure, on s'en plaignait peut-être un peu, ça fuse de tous les côtés et effectivement ça part dans tous les sens, mais si je peux résumer tout de même, vis-à-vis de Monsieur le Ministre qui vient de rentrer. J'allais dire l'esprit dans lequel cette journée, ce premier colloque peut-être, s'est tenu. Je veux dire que ce qui est important c'est que pour la première fois, sur ce thème " soigner ensemble " se sont rencontrés des personnels soignants de toute nature si je puis dire, et que véritablement, il y a plus que des personnels soignants. Bien entendu i1 y a aussi des personnels administratifs ici : Mais ce qui est important et je crois que ce qu'on dégagera surtout de cette journée, au-delà des propositions ou du projet de loi qui est là pour essayer de mettre en avant ces propositions bien entendues de soigner ou de mieux soigner ensemble, ce qui est déjà important c'est que cette rencontre ait eu lieu aujourd'hui, et comme le disait quelqu'un d'entre vous tout-a-1'heure, je pense que ce n'est que le début.
Monsieur le Ministre je vous passe la parole.
Monsieur Bruno DURIEUX, ministre délégué à la Santé.
- Eh bien je vais prendre la parole, cher Docteur PEIGNE, je voudrais d'abord saluer le Doyen De PAILLERETS dont je sais qu'il est intervenu, il a animé une table ronde, et nous sommes chez lui. Je voulais le remercier de son accueil, je voulais également remercier et saluer le Directeur Général de l'A.P., remercier bien entendu le Président organisateur Stanislas JOHANET.
Mesdames et Messieurs les Professeurs, Monsieur le Directeur des Hôpitaux, Mesdames et Messieurs, c'est faute de temps que je n'aie pas participé à l'ensemble de votre table ronde et ce que le Docteur PEIGNE vient d'en dire me fait regretter de ne pas avoir pu participer à ces débats puisque vous avez dit, Docteur, qu'ils étaient partis un peu dans toutes les directions Ca veut dire que vous avez eu des échanges créatifs. et certainement innovants, que vous avez soulevé des problèmes en toute liberté et c'est, je crois, ce type de réflexion, ce type de débat qui est le plus enrichissant surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer le sujet de l'hôpital qui est un sujet complexe, difficile qu'on ne peut pas traiter évidemment en l'espace d'un quart d'heure vingt minutes, mais sur lequel je crois qu'il est toujours bon d'avoir des échanges directs et francs et je vais tâcher moi de mon côté de vous faire part de quelques réflexions aussi directes et franches que possible. J'organiserai mon intervention en 2 parties.
Une première partie Bilan : " Où en est l'hôpital ? " Je centrerai mon propos sur l'hôpital public mais étant donné que le Président SERFATY est dans cette salle, je dirai au passage deux mots de l'hospitalisation privée, s'il me le permet. Et puis dans une deuxième partie de mon intervention, j'essaierai de vous indiquer la politique que le Gouvernement mène pour tâcher de répondre aux éléments de constat que j'aurai présentés dans la première partie de mon exposé. Vous voyez que je ne suis pas sûr d'être absolument convaincant pour vous mais en tout cas j'espère avoir été logique.
Le bilan : " Où en est l'hôpital ? " Je crois que quand on évoque l'hôpital, il ne faut jamais sous-estimer ce qui a été réalisé. La tendance est de présenter l'Hôpital comme en proie à des difficultés, à un malaise profond, à une très grande inefficacité de gestion. à des troubles divers et profonds. Je crois qu'il ne faut pas se tromper de diagnostic : l'Hôpital Public français si on le compare aux hôpitaux publics étrangers est manifestement d'excellente qualité. Qualité des hommes qui y enseignent, qui y recherchent, qui y pratiquent la médecine, qualité du personnel soignant, qualité de l'ensemble des personnels administratifs. Je voudrais rendre un hommage, puisque le Directeur des Hôpitaux est ici, à la qualité du corps et il appartient à ce corps des Directeurs d'Hôpitaux. Qualité des personnels, qualité des équipements, je parle également des bâtiments. Nous avons beaucoup renouvelé les hôpitaux, de très nombreux hôpitaux ont été construits. Peut-être avons-nous trop construit dans les années 60 et dans les années 70. Bref, le système hospitalier public français supporte très honorablement les comparaisons internationales. Excellent service public hospitalier qui a également, on le sou1igne rarement, apporté son écot à un sujet qui est d'actualité, vous le savez, qui est la maîtrise des dépenses de santé. Je pense qu'il faut rappeler ce point, on l'évoque rarement, si nous nous reportons dix ans en arrière et si nous examinons ce qui a été fait dans le domaine de la maîtrise des dépenses de Santé, je crois que c'est l'Hôpital Public qui a apporté l'écot le plus réel. Et c'est sans doute dans l'Hôpital Public que les mesures à effet structurel, à effet long, de maîtrise des dépenses ont été prises. Je me rappelle m'être intéressé à l'Hôpital Public à la fin des années 70, les évolutions de dépenses hospitalières étaient entre 25 et 30 % l'an à cette période, dans les cinq sept années passées. En volume, l'Hôpital Public a augmenté ses dépenses, bon an, mal an, et hors certaines dépenses particulières, de l'ordre de 3 %, (l'hospitalisation publique 4 %, la médecine ambulatoire 5 %), j'ai ces quelques ratios simples. et un peu approximatifs, mais qui montrent bien le classement, l'évolution des dépenses en Francs constants dans ces différentes catégories du système de Santé. Donc, l'Hôpital Public a apporté son écot, d'ailleurs il doit continuer de le faire, il ne faut certainement pas penser que nous avons fini les efforts dans ce domaine. Donc, ne faisons pas de sinistrose quand nous évoquons la situation de l'Hôpital Public, mais, ne nous interdisons pas pour autant de regarder les problèmes qui se posent et il s'en pose de nombreux et il s'en pose aussi de nombreux dans des termes paradoxaux.
Premier problème : L'offre hospitalière publique française est excédentaire. C'est un constat qui a été fait par
de très nombreux experts, en particulier par ceux qui ont élaboré les rapports du Xème plan à 60.000 lits environ l'offre excédentaire de lits dans le système hospitalier. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie non pas qu'il faille enlever un lit ici ou là dans tel ou tel service. Mais cela signifie surtout qu'il y a une mauvaise répartition de l'offre hospitalière et que nous aurons à. mener et que nous devons mener et devons mener ensemble pour reprendre le mot de votre colloque d'aujourd'hui. Nous devons mener ensemble une politique de redéploiements hospitalier. Cela signifie également que nous devons réfléchir à l'efficacité de la planification hospitalière. Si nous nous sommes trouvés avec un excédent de lits dans notre système hospitalier, c'est que notre système de planification n'a sans doute pas été d'une parfaite efficacité. Le projet de 1oi hospitalière dont je dirai un mot tout à l'heure, s'attache à perfectionner la planification en matière hospitalière et s'attache à le faire globalement c'est-à-dire à prendre en compte dans la planification l'hôpital public et l'hôpital privé, privé lucratif et non lucratif. Mais je fais cette remarque : notre système de planification était sans doute trop sommaire à moins que les appétits des maires et des élus aient été si forts qu'on n'a pas pu résister à le demande des uns et des autres de construire des hôpitaux. Je le dis de manière crue, je vous ai promis de vous tenir les propos francs, nous avons construit trop d'hôpitaux "politiques" entre guillemets et je ne vise personne en particulier au cours des quinze - vingt dernières années et nous avons aujourd'hui une situation délicate à résoudre. Il faudra la résoudre.
Deuxième catégorie de problèmes qui concernent l'Hôpital public, c'est celui des contraintes. Je suis de ceux qui estiment qu'il pèse trop de contraintes sur l'Hôpital Public, trop de contraintes, des contraintes de nature externe et des contraintes de nature interne. Trop de contraintes a des conséquences. Ca décourage l'initiative. Ceux qui essayent de faire bouger les choses, de prendre des initiatives, soit d'organisation soit sur le plan des soins, se trouvent découragés quand le carcan des contraintes réglementaires, des contrôles est trop serré. Ca dilue les responsabilités. Plus on est encerclé, plus on est géré entre guillemets par des textes, des circulaires, des arrêtés, des contrôles, plus on a tendance en fait à considérer que c est l'échelon supérieur qui est responsable et plus on a tendance à se détacher de ses propres responsabilités. Troisième conséquence et j'insiste sur ce point car je sais que vous en avez débattu : trop de contraintes font perdre de vue la nécessite impérative de l'évaluation. A quoi bon évaluer, je caricature, j'accentue certes mon propos mais à quoi bon évaluer c'est-à-dire connaître, connaître l'intérêt de telle pratique médicale, de telle technique de soins, connaître la qualité de tel ou tel aspect de la gestion. A quoi bon donc entrer dans l'évaluation, si on sait que par ailleurs, il n'en résultera pas grand chose puisqu'on se trouve dans un champ de contraintes extrêmement complexe. Donc, je crois que non seulement la réflexion sur les contraintes est nécessaire pour stimuler les initiatives et accroître l'esprit de responsabilité dans l'hôpital, mais il faut également avoir cette réflexion du point de vue de l'évaluation. Alors ces contraintes, je voudrais en évoquer deux ou trois dans l'ordre de ce que j'appelle les contraintes externes. Il y a le taux directeur, il y a l'enveloppe globale et il y a les contraintes de gestion c'est-à-dire à priori et un contrôle très détaillé. Le taux directeur et l'enveloppe globale ne sont pas critiquables dans le principe. J'en suis partisan en ce qui me concerne et ce n'est pas parce que je suis le père putatif de l'une de ces deux mesures que je les défends mais je crois, que dans le principe, elles sont bonnes. Leur inconvénient ce n'est pas d'être soit un taux directeur soit d'être une enveloppe globale, leur inconvénient c'est d'être trop uniforme. Le vrai problème que nous avons c'est que tous les hôpitaux, peu ou prou, bénéficient du même taux directeur ou de la même enveloppe globale. Là aussi je simplifie un peu le propos. Nous avons institué des marges de manuvre, marges de manuvre qu'avec l'aide du Directeur des Hôpitaux, nous avons essayé d'élargir dans l'ensemble du taux directeur mais c'est relativement marginal à côté de ce qu'il faudrait faire en matière de différenciation et de prise en compte des caractéristiques et des besoins de chaque hôpital. Le taux directeur et l'enveloppe globale que l'on présente généralement comme des garrots, en réalité sont parfois des rentes. Je connais des hôpitaux qui vivent tranquillement avec des rentes dans le cadre du taux directeur et de l'enveloppe globale. Ce sont des hôpitaux dont l'activité a tendance à décliner parce que les populations se sont déplacées, le type de pathologie à traiter n'est pas ce qu'ils savent traiter. Bref, leur activité diminue et ils sont bien tranquillement installés à l'abri du taux directeur et de l'enveloppe globale. Je connais naturellement des hôpitaux qui étouffent dans l'enveloppe globale et le taux directeur. Donc, l'inconvénient de ces deux notions, ça n'est pas leur principe, c'est l'uniformité. C'est également le fait qu'ils résultent pour beaucoup de données historiques. On a un jour appliqué un taux directeur et puis un jour on a fait l'enveloppe globale et on a appliqué cela à une situation constatée, à la situation en gros constatée au moment où on a introduit ces deux mesures. Il en résulte donc des injustices profondes car au moment où on a introduit ces techniques, ces techniques d'encadrement budgétaire, il y avait déjà des hôpitaux dont sans doute les coûts étaient trop élevés, dont les budgets étaient très larges et d'autres qui, peut-être parce qu'ils avaient fait d'ailleurs des efforts de gestion, qu'ils avaient essayé de bien ajuster leurs crédits aux besoins de la gestion se sont trouvés pénalisés. I1 reste encore une lourde part de l'hérédité historique dans le taux directeur et par conséquent nous devons, non pas supprimer ces techniques, mais nous devons les faire évoluer de telle sorte qu'on se rapproche d'une manière aussi précise que possible des besoins réels de chacun des établissements hospitaliers Je reviendrai tout à l'heure sur ces sujets si nous en avons le temps. Un mot d'une autre contrainte externe qui est celle de 1a gestion. I1 est clair qu'aujourd'hui l'Hôpital Public est géré à peu près comme une administration publique ou comme une collectivité territoriale. C'est inadapté et ce sera de plus en plus inadapté. Quand on pense qu'il y a un contrôle à priori sur les dépenses sur des postes de nomenclature je le dis sous le contrôle du Directeur des Hôpitaux mais je crois à ces chiffres ! Evidemment on est loin d'avoir la possibilité d'insuffler l'esprit d'entreprise dans l'hôpital. Il nous faut donc alléger ou adapter ce type d'outil contraignant. J'y reviendrai tout à l'heure en évoquant la loi hospitalière.
Je voudrais évoquer parce qu'il ne faut pas mettre tout sur le compte de l'Etat ou du Directeur des Hôpitaux ou du Ministre de la Santé, il y a des contraintes internes. Je vous ai promis que je vous parlerai franchement, je vais non pas vous les décrire longuement mais les détailler très rapidement : les contraintes horizontales, je pense que la dimension hiérarchique est parfois trop accusée dans l'hôpital. Je ne dis pas qu'il faut installer l'anarchie. Mais sans doute y a-t-il beaucoup de rigidité hiérarchique dans l'Hôpital Public. C'est que j'appelle les contraintes internes horizontales. Il y a des contraintes verticales. C'est le cloisonnement. Je sais que j'évoque là une tarte a la crème mais il y a des tartes a la crème qu'il est de bon ton de temps en temps de ressasser, de répéter : il est tout à fait clair que l'hôpital Public est trop cloisonné. On me cite des exemples où entre des services on ne sait pas bien ce qui se passe. On voit des doublons fréquemment, des activités répétées parce qu'on n'est pas bien informé de ce qui se passe à côté. Il y a des cloisonnements qui tiennent également à quelques réflexes, à quelques attitudes corporatistes. Le corporatisme n'a jamais été bon pour ceux qui le pratiquent ni pour ceux qui vivent autour et alentour des attitudes corporatistes. Bref, il y a également des contraintes internes. Et il faut être objectif : considérons l'ensemble des contraintes qui pèsent sur l'Hôpital Public pour les alléger. Je voudrais toujours pour rester dans le diagnostic à porter sur l'Hôpital Public, évoquer les problèmes que rencontrent certains personnels hospitaliers.
Les infirmières : Il y a un problème infirmières dans les hôpitaux Publics. D'ailleurs, je crois aussi dans le secteur privé. Des efforts ont été faits notamment sur le plan des rémunérations. Evidemment, on ne peut pas considérer que ce soit suffisant mais des efforts ont été faits sur ce plan. C'est sur l'autre plan qu'il faut réfléchir. Nous manquons d'effectifs, le Directeur Général de l'A.P. me l'a dit souvent, le Directeur des Hôpitaux me l'a dit souvent, des directeurs d'hôpitaux, des doyens me l'ont fait remarquer : nous manquons d'effectifs de personnel infirmier dans les hôpitaux publics. Je voudrais également évoquer les relations parfois difficiles entre les personnels soignants et les personnels médicaux. Nous devons là aussi réfléchir ensemble pour reprendre le thème de notre colloque d'aujourd'hui pour voir comment faire en sorte d'améliorer les relations entre ces deux catégories de personnel qu'il faut voir évidemment dans un esprit de complémentarité.
Un sujet également sur lequel j'attire votre attention : c'est peut-être l'insuffisance de la formation à la gestion des ressources humaines ; je me place toujours dans le champ des problèmes qui se posent au personnel infirmier. Problèmes également du côté des praticiens, des problèmes de carrière, de débouchés, je les ai déjà évoqués avec les responsables syndicaux. Vous savez que nous sommes en train d'y travailler, d'y travailler activement pour regarder les difficultés qui se focalisent en début et en fin de carrière pour l'essentiel. Il m'apparaît qu'il y a un problème de débouché pour les praticiens hospitaliers, problème de débouché d'ailleurs qui est lié au numerus clausus des étudiants qui, lui-même provoque une réduction du nombre d'universitaires et par conséquent, un rétrécissement des débouchés qui peuvent s'offrir aux praticiens hospitaliers j'en suis tout à fait conscient. Des problèmes d'effectifs qui s'expliquent pour différentes causes qui ne sont pas les mêmes d'ailleurs selon qu'on est dans un CHU ou dans un CHG, mais il y a là aussi des efforts à entreprendre. Le Gouvernement en est conscient et nous sommes en train de réfléchir à l'amélioration des débuts et des fins de carrière notamment, mais aussi à l'amélioration des astreintes et sujétions qui pèsent sur les praticiens hospitaliers et sur certaines catégories particulières, je pense aux anesthésistes réanimateurs notamment.
Un mot des relations public-privé : il faut se garder en matière d'hôpital public comparé à l'hôpital privé et d'hôpital privé comparé à l'hôpital public de toute approche idéologique car je crois que tous ensemble et je reprends encore le terme " Ensemble " du colloque, nous y laisserions des plumes et nous rétrograderions. Je vais dire une chose de bon sens, mais autant la répéter, il y a dans mon esprit une évidente complémentarité entre l'hôpital public et l'hôpital privé. Il y a des soins (n'oublions pas que nous parlons de l'hôpital, et donc de malades donc de soins), il y a des soins, des types de soins que l'hospitalisation privée est mieux à même de rendre que l'hospitalisation publique. Il y a des missions que l'hôpital public peut rendre, et qu'il est plus difficile pour l'hospitalisation privée de rendre. I1 faut donc raisonner en complémentarité, il faut raisonner en terme de cohérence. Et s'il est un progrès notable, heureux qui sera enregistré par la loi hospitalière, c'est précisément d'essayer de considérer comme un tout l'hospitalisation lorsqu'on aura traité de la planification et de la répartition des équipements et des établissements hospitaliers. Donc, veillons à éviter la guerre de religion, ça ne nous fera pas progresser ; veillons également à ce que les conditions d'activité de ces deux types d'établissements soient harmonieuses. Ils n'ont pas la même mission, ils n'ont pas le même statut, par conséquent on ne peut pas leur appliquer strictement les mêmes règles, il est clair et je le dis devant le président SERFATY mais je sais qu'il est objectif et qu'il est, je crois, assez d'accord avec ce diagnostic, que les différences actuelles entre les modes de financement de l'activité de l'hôpital public et de l'hôpital privé ont certaines conséquences qui ne sont pas toujours heureuses ni pour l'hôpital public ni pour l'hôpital privé, quand sous l'effet de la constatation de certaines statistiques de dépenses, eh bien, des réactions apparaissent et des mesures sévères doivent être prises en catastrophe, dont je crois que nous avons intérêt à considérer la relation public-privé sous l'angle, non pas de l'hostilité et de la concurrence mais de la complémentarité et de l'harmonisation. C'est comme ça que nous devons prendre la question du public et du privé.
Quelle politique ? J'ai fait un bilan aussi direct que possible. Evidemment je n'ai pas évoqué toutes les questions innombrables qui se posent dans le système hospitalier, mais quelle politique ?
Je commencerai par ce qui est peut-être le plus difficile : qui est la politique de redéploiement hospitalier. Pourquoi ? Si vous, responsables d'hôpitaux publics, CHU, CHG, hôpitaux locaux, praticiens, Directeurs d'hôpitaux, personnel soignant ; vous vous posez la question de savoir comment au cours des années qui viennent, nous pourrons dégager les moyens qui manquent dans l'hospitalisation : quelles réponses peut-on apporter ?
Je vais vous donner mon sentiment, nous ne l'aurons pas par l'évolution d'un taux directeur qui tout d'un coup deviendrait généreux. Il est clair que les contraintes qui pèsent sur l'assurance-maladie que les déficits auxquels nous devons faire face ne sont pas conjoncturels et que nous aurons pour longtemps des contraintes sévères sur l'assurance-maladie et par conséquent sur le financement des hôpitaux. D'où peuvent venir les moyens à dégager, ils viendront pour l'essentiel du redéploiement, le redéploiement hospitalier. J'ai eu l'occasion de le dire récemment devant la conférence des présidents de CME, des CHU. Je leur ai exprimé cette idée que je répète devant vous que les moyens nouveaux dont nous avons besoin pour l'hospitalisation, nous les dégagerons par le redéploiement. Redéploiement ne veut pas dire fermeture systématique et aveugle d'hôpitaux, ça ne veut pas dire licenciements de personnel, c'est une présentation caricaturale de la question. Le redéploiement ça veut dire adapter le système hospitalier aux besoins avec le cas échéant, des reconversions ou des fermetures, le tout négocié et préparé soigneusement sur le plan social, des reconversions nécessitées par l'accroissement des besoins notamment du côté des personnes âgées, notamment du côté des personnes handicapées. Je suis dans un département, élu d'un département, dans lequel nous avons des insuffisances criantes pour l'accueil des personnes handicapées (d'ailleurs adultes ou jeunes) : c'est les Belges qui les reçoivent ! Or dans mon département, il y a également des structures hospitalières qui sont manifestement excédentaires. Reconvertir ces structures hospitalières pour accueillir soit des handicapés, soit des personnes âgées avec ou non des sections de cure médicale. Bref, des maisons, des centres d'accueil de caractère sanitaire et social, c'est notre devoir. Ca n'est donc pas seulement une approche purement d'économie qu'il faut avoir en tête lorsqu'on évoque la question de la reconversion du redéploiement hospitalier, c'est aussi 1a nécessité qui résulte des besoins sociaux qui apparaissent dans le pays.
Redéploiement qui doit avoir une justification médicale, je disais tout à l'heure, ça ne concerne pas seulement les DDASS et les DRASS, ça ne concerne pas seulement les directeurs d'hôpitaux et leurs collaborateurs administratifs, ça concerne également les médecins. Et je dis aux médecins ici présents dans la. salle : " Aidez-nous à faire ce redéploiement hospitalier, on nous oppose souvent l'argument que la fermeture de tel hôpital est inutile, que d'ailleurs on prive de soins etc. En réalité, lorsque nous avons à reconvertir un service ou un hôpital dans son ensemble, ce sont des considérations médicales qui, le plus souvent entrent en ligne de compte. Le cas le plus classique que l'on peut citer c'est celui de certaines maternités qui fonctionnent à la limite de la sécurité. Par conséquent, vous devez tous, directeurs d'hôpitaux et praticiens médecins, nous aider dans cette politique dont, je répète en insistant lourdement, que c'est par elle que nous parviendrons à dégager les moyens nouveaux dont certains de nos hôpitaux, beaucoup de nos hôpitaux ont besoin
Quelle politique ? Plus de liberté, plus d'autonomie, plus de perspectives, plus de raisonnements pluriannuels est évidemment une exigence à laquelle je sais que vous êtes sensibles, que vous soutenez, que vous avez raison de soutenir et dont je crois que l'on peut dire qu'elle est prise en compte (suffisamment ou insuffisamment) dans le projet de loi hospitalière Nous allons en tout cas incontestablement dans ce sens. Mais qui dit plus de liberté, plus d'autonomie dit également plus de responsabilité, et c'est là que je retrouve le thème que j'évoquais tout à l'heure de l'évaluation. Je parlais tout à l'heure dans la politique à mener, de la reconversion ; c'est un axe extrêmement important. Le deuxième axe très important, qui figure d'ailleurs dans la loi hospitalière, est celui de l'évaluation. Nous devons accélérer vigoureusement tout ce qui concerne l'évaluation dans 1'hôpital. Nous avons du retard, les textes existent, les décrets de 83 et de 85 nous donnent les moyens de faire progresser l'évaluation. Je compte, avec le concours du directeur des hôpitaux que j'ai déjà entretenu de ce sujet, accélérer vigoureusement la. mise en place des systèmes d'information dans l'hôpital. Il est anormal que tous les hôpitaux en France ne soient pas dotés d'une comptabilité analytique de gestion. Excusez-moi, je prends les termes des entreprises, mais comme nous avons tous un peu présent à l'esprit que l'hôpital devrait devenir une entreprise de production et de distribution de soins ; le terme de comptabilité analytique n'est pas aussi grossier qu'il pourrait apparaître. C'est. anormal que tous les hôpitaux publics n'aient pas une comptabilité analytique de gestion. Il est anormal que le PMSI ne soit pas encore généralisé dans les hôpitaux. Je sais que c'est difficile, je sais que ce sont des concepts nouveaux, mais ce n'est pas parce que c'est difficile, ce n'est pas parce que nous ne pourrons peut-être pas couvrir toutes les ambitions qu'il y a derrière le PMSI que nous devons rien faire. Sans évaluation, il n'y aura pas significativement plus d'autonomie qu'aujourd'hui dans les hôpitaux. La contrepartie de l'autonomie, la contrepartie d'un élargissement des marges de manuvre, de la responsabilité des personnels médicaux et non médicaux dans l'hôpital passe par l'évaluation, il faut s'en convaincre absolument. Comment voulez-vous laisser plus de liberté dans de grandes entreprises de soins comme les hôpitaux si par ailleurs vous ne savez pas ce qui s'y passe ?
Il est encore en France de nombreux hôpitaux où on ne sait pas exactement ce que l'on fait, où on est incapable d'évaluer ne serait-ce que l'activité médicale. Et quand je dis évaluer, je ne dis pas de l'évaluer sur le plan médical ou sur le plan économique, simplement de savoir exactement ce qu'on y fait. Alors je sais bien, tout à l'heure je l'expliquais, que les rigidités, les contraintes qui pèsent sur la gestion hospitalière expliquent que le besoin d'évaluation ne se soit pas fait sentir de manière intense, mais inversement, tant que nous resterons dans un système où l'évaluation sera naine, nous ne pourrons pas progresser vers ce que nous désirons tous, c'est-à-dire des hôpitaux plus libres et des hôpitaux plus autonomes, des hôpitaux plus responsables. Avec le Directeur des Hôpitaux, je suis décidé à mettre en uvre des procédures extrêmement incitatives pour parvenir à une généralisation des systèmes d'information médicaux et économiques dans les hôpitaux. Je compte aller vite et bien dans cette matière, nous ne devons plus tarder. Plus de participation aux décisions et c'est là où nous entrons dans un autre domaine où la loi hospitalière apporte, je crois, des progrès très substantiels ; c'est l'idée de décloisonner, d'améliorer la représentation, d'améliorer la participation, l'association de toutes les catégories de personnel dans l'hôpital. J'évoquais tout à l'heure comme facteur de handicap dans l'hôpital le cloisonnement ; je crois qu'avec ce projet de loi hospitalière, je ne rentre pas dans les détails, nous avons de nombreux outils pour introduire un décloisonnement. Et puisque nous parlons également d'hôpital privé, et que le Président SERFATY nous fait l'amitié d'être ici aujourd'hui, je voudrais dire, s'agissant de la représentation des médecins dans les cliniques privées, qu'il y a incontestablement des efforts à faire, je crois que derrière l'idée d'harmonisation, il y a également le fait que dans la clinique privée, il ne me paraît pas anormal que les médecins puissent avoir un lieu où ils participent au projet médical de la clinique, un lieu où ils s'expriment sur l'ensemble des problèmes de la clinique. Mais je sais que le Président SERFATY est un grand démocrate et que cette idée i1 l'a déjà faite sienne et que son problème est de la faire descendre. On y arrivera, j'en suis tout à fait sûr.
Un dernier point parce que cet exposé a sans doute été un peu long : Plus de planification, je le disais tout à l'heure, nous avons besoin de développer 1a planification dans le système hospitalier français en dépassant le strict cadre des indices rapportés à la population, des index pour les lits où les équipements lourds tels qu'ils fonctionnent aujourd'hui, c'est-à-dire en dépassant le cadre quantitatif pour aller vers le qualitatif. Je ne me cache pas la difficulté de l'exercice. C'est neuf, on n'a pas encore raisonné en France la planification hospitalière en termes non strictement quantifiés. C'est difficile, il faut avoir une expérience que nous n'avons pas, je pense que nous l'acquerrons. Il faut avoir aussi les personnes, je pense que nous les rassemblerons. Cette planification, dernière remarque, doit se faire à l'échelon ad hoc, l'échelon pertinent et je pense d'ailleurs que cela dépasse la simple politique hospitalière et que cela concerne l'ensemble de la politique de santé. De plus en plus, il m'apparaît que l'échelon ad hoc de cette politique c'est l'échelon régional. Nous aurons des schémas, nous mettrons en place, c'est prévu par 1a loi hospitalière, des schémas régionaux d'organisation sanitaire, l'échelon régional est le bon échelon.
Tout ce que je viens de vous dire est peu ou prou dans le projet de loi hospitalière, j'ai déjà eu l'occasion d'en discuter avec des représentants syndicaux des personnels ou des médecins. Cette loi hospitalière, je le sais, on la trouve insuffisante, on trouve qu'elle manque d'audace, on trouve qu'elle ne va pas assez loin, on trouve qu'elle n'est pas assez ambitieuse : tout cela est sans doute vrai. Moi je suis prêt à faire le discours qui démontre que la loi hospitalière manque d'ambition, je suis prêt à faire le discours qui démontrera que la loi hospitalière est pâle et là, je vous ferai deux observations : la première c'est que c'est une loi qui gagne à être connue, la deuxième c'est qu'il était sans doute difficile d'aller plus loin et je vous citerai simplement un exemple, on pourrait les multiplier, qui vous montrera que certes elle est insuffisante, elle est terne, elle manque d'ambition etc. mais que finalement elle va plus loin peut-être qu'il n'y paraît. C'est un débat qui va être extrêmement animé au Parlement, (je n'ai pas la moindre illusion là-dessus, d'ailleurs j'attends les débats de pied ferme, ça m'intéressera), qui est la question des services et des départements et des fédérations. En réalité nous allons proposer des simplifications et des clarifications dans le texte mais le fond de l'affaire, très intéressant c'est les conditions de nomination des chefs de service. Là, je sais que je marche sur un champ de mines (rires) mais moi je vais tenir un raisonnement simple : aujourd'hui, les chefs de service sont nommés par le Ministre de la Santé, c'est un grand honneur pour lui ! Mais enfin il n'a toujours pas compris comment il pouvait nommer avec pertinence un très grand nombre de chefs de service qu'il ne connaît pas tous ; c'est une procédure extrêmement centralisée et qui peut paraître étonnante pour un Huron qui débarquerait et qui se dirait "un Etat moderne, tous les chefs de service de France et de Navarre, mille hôpitaux, sont nommés par le Ministre". Je serai partisan de laisser le choix de la modalité de désignation du chef de service à l'établissement, au Conseil de l'établissement sur proposition par exemple de la CME. C'est logique ! On parle d'autonomie, On réclame l'autonomie, c'est très logique de faire cette proposition. Un des premiers aspects et pas des moindres de l'autonomie des établissements, c'est par exemple de choisir le type de désignation de l'encadrement médical. Bon, voilà une loi qui n'est pas très ambitieuse, dit-on, elle ne va pas assez loin dans l'autonomie, je vous donne rendez-vous lorsqu'on aura le débat sur le choix des modalités de désignation des chefs de service et là, vous verrez que la loi est allée peut-être plus loin dans le sens de l'autonomie que certains le disent.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je m'excuse d'avoir été un peu long, je voulais vous dire que le thème de votre colloque " soigner ensemble " je le fais mien, naturellement et que j'estime que tout ce qui va dans le sens du dialogue, du contrat, de la concertation, c'est-à-dire d'un travail fait ensemble ; c'est la voie d'avenir pour les établissements hospitaliers et sans doute pour notre système de santé.
Je vous remercie.